LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 10 avril 2014), que, suivant acte notarié du 28 mai 2008, la société Banque privée européenne (la banque) a consenti à M. et Mme X... (les emprunteurs) un prêt immobilier garanti par l'inscription d'une hypothèque conventionnelle et d'un privilège de prêteur de deniers ; que, le 16 octobre 2012, la banque a prononcé la déchéance du terme, en raison de la défaillance des emprunteurs, puis, se fondant sur un commandement de payer du 13 mai 2013 valant saisie immobilière, les a assignés, le 15 octobre 2013, devant un juge de l'exécution ; que les emprunteurs ont, notamment, opposé la prescription de l'action de la banque ;
Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt d'écarter la prescription et d'ordonner la vente de l'immeuble saisi, alors, selon le moyen :
1°/ que l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans ; que ce texte d'ordre public s'applique aux prêts immobiliers, fussent-ils constatés dans un acte notarié revêtu de la formule exécutoire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation ;
2°/ que l'article L. 111-4 du code des procédure civiles d'exécution, qui fixe à dix ans le délai pendant lequel peut être poursuivie l'exécution des titres exécutoires, ne concerne que les titres mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 du même code, ce qui exclut les actes notariés, mentionnés au 4° de ce texte ; que dès lors, en considérant que l'exécution du prêt constaté par acte notarié pouvait être poursuivie pendant dix ans, la cour d'appel a violé les articles L. 111-3 et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article L. 137-2 du code de la consommation ;
3°/ que le point de départ de la prescription se situe à la date du premier incident de paiement non régularisé ; que la régularisation suppose le règlement par le débiteur, à l'aide de deniers dont il a la disposition, et non pas la conclusion d'un simple moratoire ; que dès lors, la cour d'appel devait rechercher si, comme il était soutenu, le simple fait pour la banque d'accorder une « facilité de paiement », consistant à accepter que les échéances ne soient pas réglées, constituait une régularisation de l'incident de paiement ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 137-2 du code de la consommation ;
Mais attendu que, selon l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu L. 218-2 du même code en vertu de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, et qu'en vertu de l'article 2233 du code civil, à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ;
Que l'arrêt constate que la première échéance de remboursement du prêt impayée non régularisée était celle du 5 mai 2012, que la déchéance du terme avait été prononcée par lettre recommandée avec avis de réception du 16 octobre 2012, reçue le 18, et que le commandement de payer valant saisie immobilière avait été délivré le 13 mai 2013, soit avant l'expiration d'un délai de deux ans à dater du 5 mai 2102 ; qu'il en résulte que la prescription biennale n'était pas acquise ; que, par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code civil, à ceux critiqués par le moyen, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la créance de la société Banque privée européenne sur les époux X... n'était pas prescrite et d'avoir ordonné la vente aux enchères publique de l'immeuble leur appartenant ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 137-2 du code de la consommation qui dispose que « l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans » n'est pas applicable dans le cas où le créancier bénéficie déjà d'un titre exécutoire consacrant sa créance, ce qui est le cas en l'espèce ; QUE l'action de la banque, intimée, à savoir l'exécution d'un titre exécutoire mentionné à l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, peut être poursuivie pendant dix ans aux termes de l'article L. 111-4 du même code ; QUE pour ces motifs, le rejet de la prescription alléguée par les appelants doit être confirmé ;
ET AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES, QU'il ressort des pièces versées aux débats que si le premier impayé résulte de l'échéance du mois de juillet 2010, la BPE a accordé le 25 janvier 2011 une facilité de paiement d'un montant de 18 203,45 €, ce que ne contestent pas les époux X..., afin de régulariser le retard de paiement et suspendre sept échéances du prêt litigieux ; QU'au moyen de cette facilité de paiement, les époux X... ont régularisé les échéances impayées jusqu'alors comme le démontre l'historique des paiements produits par la banque et qui n'a fait l'objet d'aucune contestation de la part des époux X... (pièce BPE n° 9) ; QU'il ressort égaiement de ce document que la première échéance impayée qui a suivi est celle du mois de mai 2012, qui n'a été honorée que partiellement, ce qui est corroboré par le courrier-prononçant la déchéance du terme daté du 16 octobre 2012, aux termes duquel il est indiqué que l'arriéré au titre du prêt s'élève à la somme de 11 288,53 €, ainsi que par le tableau d'amortissement prévoyant une mensualité de 1416,66 € ; QUE cette somme ne peut correspondre à des échéances impayées remontant au mois de juillet 2010 ; QUE dès lors, c'est a tort que les époux X... allèguent ne plus avoir honoré le remboursement de leur prêt à compter du mois de juillet 2010, alors qu'il ressort des éléments précédents que la première échéance impayée non régularisée est celle du 5 mai 2012 ; QU'en conséquence, le délai biennal de prescription a commencé à courir à compter de cette date ;
1- ALORS QUE l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par 2 ans ; que ce texte d'ordre public, s'applique aux prêts immobiliers, fussent-ils constatés dans un acte notarié revêtu de la formule exécutoire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation ;
2- ALORS QUE l'article L. 111-4 du code des procédure civiles d'exécution, qui fixe à dix ans le délai pendant lequel peut être poursuivie l'exécution des titres exécutoires, ne concerne que les titres mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 du même code, ce qui exclut les actes notariés, mentionnés au 4e de ce texte ; que dès lors, en considérant que l'exécution du prêt constaté par acte notarié pouvait être poursuivie pendant dix ans, la cour d'appel a violé les articles L. 111-3 et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article L. 137-2 du code de la consommation ;
3- ALORS QUE le point de départ de la prescription se situe à la date du premier incident de paiement non régularisé ; que la régularisation suppose le règlement par le débiteur, à l'aide de deniers dont il a la disposition, et non pas la conclusion d'un simple moratoire ; que dès lors, la cour d'appel devait rechercher si, comme il était soutenu (conclusions p. 7 et 8), le simple fait pour la banque d'accorder une « facilité de paiement », consistant à accepter que les échéances ne soient pas réglées, constituait une régularisation de l'incident de paiement ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 137-2 du code de la consommation.