La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2016 | FRANCE | N°15-18651

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 septembre 2016, 15-18651


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu L. 218-2 du même code en vertu de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble les articles 2224 et 2233 du code civil ;

Attendu qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées s

e prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu L. 218-2 du même code en vertu de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble les articles 2224 et 2233 du code civil ;

Attendu qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que, par acte notarié du 5 novembre 2007, la société Crédit foncier de France (la banque) a consenti à M. X...et à Mme Y... trois crédits immobiliers ; qu'après leur avoir délivré un commandement de payer valant saisie immobilière, la banque a sollicité la vente forcée des immeubles donnés en garantie ;

Attendu que, pour déclarer prescrite l'action en recouvrement de la banque, l'arrêt énonce que le point de départ du délai biennal de prescription de l'article L. 137-2 du code de la consommation se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée, soit dans le cas d'une action en paiement au titre d'un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé ; qu'il retient qu'au regard de la date du premier incident de paiement non régularisé dans chacun des prêts litigieux, le commandement de payer délivré par la banque n'a pu interrompre le cours de la prescription avant son acquisition ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare le pourvoi immédiat recevable, l'arrêt rendu le 26 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne M. X...et à Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Crédit foncier de France.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que la demande de la SA CREDIT FONCIER DE France se heurte à l'acquisition de la prescription de sa demande et rejeté la demande de la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE tendant au maintien de l'ordonnance d'exécution forcée immobilière L136/ 2013 en date du 14 mai 2013 ;

AUX MOTIFS QUE « sur les impayés : qu'il est constant que l'obligation de M. Henri X...et Mme Suzanne Y... à l'égard de la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE résulte de trois prêts immobiliers qui leur ont été consentis par acte notarié du 5 novembre 2007, ces prêts consistant en :- un prêt PAS OBJECTIF I n° 401 1363 de 86. 900 € au taux de 3, 45 %
remboursable en 120 mensualités de 623, 79, en 60 mensualités de 673, 07 puis 24 mensualités de 284, 82 € ;- un prêt n° 401 1361 à 0 % du Ministère du Logement portant sur 21. 500 € remboursable en 180 mensualités de 69, 81 € puis 24 mensualités de 447, 93 € après un différé de remboursement de 12 mois ;- un prêt Foncier Tendance Avantage n° 401 1362 de 9. 600 € au taux de 1, 70 % remboursable en 120 mensualités de 93, 10 € après un différé de remboursement de 36 mois. Que les relevés de compte produits démontrent que contrairement aux allégations des débiteurs, plusieurs mensualités sont restées impayées principalement au cours des années 2008 et 2009 (2 échéances impayées en 2008, 4 échéances impayées en 2009, 2 échéances en 2010), que les débiteurs ont ensuite repris leurs paiements et ont honoré la quasi-intégralité des échéances de la période 2011 à juin 2014. Que dans l'intervalle, se prévalant d'impayés anciens (3. 758, 50 € pour le prêt principal n° 401 1363, 311, 01 € pour le prêt 401 1362 et 146, 01 € pour le prêt 401 1361) la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE a par lettre recommandée du 24 septembre 2012, mis en demeure les débiteurs de régulariser ces impayés dans le délai d'un mois sous peine de déchéance du terme. Que si les débiteurs n'ont pas apuré leur dette, la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE ne leur a pour autant pas notifié la déchéance du terme et a continué à prélever les mensualités du prêt à leur échéance exacte. Que l'on en arrive à cette situation surprenante et manquant de cohérence dans laquelle la banque a prélevé sur le compte courant des emprunteurs les mensualités des trois prêts de novembre 2012 à juin 2014 comme si elle avait renoncé à se prévaloir de la déchéance du terme, et parallèlement leur a signifié un commandement de payer le 20 mars 2013 et a sollicité l'exécution forcée immobilière. Que pour autant les impayés sont patents et n'ont pas été régularisés malgré une mise en demeure, de sorte que la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE était fondée à se prévaloir de la déchéance du terme. Sur la prescription : que M. Henri X...et Mme Suzanne Y... invoquent la prescription de la créance de la banque en application de l'article L. 137-2 du Code de la consommation en relevant que selon les propres indications de la banque les premiers impayés non régularisés remontent au mois de septembre 2008 pour le prêt 401 1363 et au mois de juillet 2009 pour les prêts 401 1361 et 401 1362. Que sans remettre en cause les dates de survenance de ces impayés et l'absence de régularisation de ceux-ci, la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE considère que le point de départ de la prescription biennale est la date de déchéance du terme. Qu'en premier lieu, il convient de rappeler que la prescription biennale prévue par l'article L. 1372 du Code de la consommation pour les « actions des professionnels pour les biens ou services qu'ils fournissent aux consommateurs » s'applique même lorsque le créancier est titulaire d'un titre exécutoire constitué par un acte notarié. Que selon la Cour de Cassation (1ère chambre civile 29 octobre 2014 n° 13-13. 583) « la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance et la circonstance que celle-ci soit constatée par un acte authentique revêtu de la formule exécutoire n'a pas pour effet de modifier cette durée. Que par ailleurs ces dispositions sont applicables au crédit immobilier qui constitue bien un service fourni par un professionnel à un consommateur, ce qu'a confirmé la jurisprudence (Cour de Cassation 1ère chambre civile 28 novembre 2012 Bulletin Civil 2012 n° 247). Que la jurisprudence est aujourd'hui clairement fixée sur la détermination du point de départ de la prescription biennale de l'article L. 137-2 du Code de la consommation. Que « le point de départ de la prescription biennale prévu par l'article L. 137-2 du Code de la consommation se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée, soit dans le cas d'une action en paiement au titre d'un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé » (Cour de Cassation 1ère chambre civile 10 juillet 2014, pourvoi n° 13-15. 511 publié au Bulletin Civil, Cour de Cassation 1ère chambre civile 4 février 2015, pourvoi n° 13-28. 823). Qu'il est admis par les parties que s'agissant du prêt n° 401 1363 le premier impayé non régularisé a eu lieu le 5 septembre 2008, et que s'agissant des prêts n° 401 1361 et 401 1362, le premier impayé non régularisé remonte au 5 juillet 2009. Qu'ainsi la prescription biennale était acquise lorsque la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE a signifié à M. Henri X...et à Mme Suzanne Y... le 20 mars 2013 un commandement de payer préalable à la procédure d'exécution forcée immobilière. Que la Cour ne peut que constater l'acquisition de la prescription, infirmer l'ordonnance déférée et rejeter la demande d'adjudication forcée immobilière » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le point de départ de la prescription applicable à l'action tendant au remboursement d'un crédit immobilier se situe au jour où les obligations issues de ce crédit deviennent exigibles ; que l'obligation de payer les mensualités est exigible à la date des échéances convenues selon le tableau d'amortissement tandis que l'obligation de rembourser le capital restant dû ne devient exigible qu'à compter du jour où l'établissement prêteur prononce la déchéance du terme ; qu'en conséquence, en posant en termes généraux que l'action du prêteur ayant consenti un crédit immobilier, qu'elle tende au paiement d'échéances impayées ou au remboursement du capital restant dû, se prescrit indifféremment à compter du premier incident de paiement non régularisé et en jugeant en conséquence que la date de la première échéance impayée non régularisée, fixée par l'arrêt au 5 septembre 2008 pour le prêt n° 401 1363 et au 5 juillet 2009 pour les prêts n° 401 1361 et 401 1362, constituait le point de départ de la prescription non seulement pour les échéances impayées à cette date, mais également pour le paiement de la totalité du capital pourtant devenu exigible à la suite seulement de la déchéance du terme intervenue, la cour a violé, outre l'article L. 137-2 du Code de la consommation, les articles 2224 et 2233 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge qui entend sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle ne peut porter atteinte à la substance des droits et obligations légalement convenus entre les parties ; qu'en conséquence, si, comme en l'espèce, les juges d'appel estiment que l'établissement prêteur a de manière " surprenante " prononcé la déchéance du terme en l'état de l'ancienneté des échéances impayées et des paiements intervenus depuis lors, ils ne sauraient pour autant priver l'établissement prêteur de sa créance en capital, prétexte pris d'une fixation du point de départ de la prescription au jour du premier incident de paiement non régularisé, sauf à violer, ensemble, les articles 1134 du Code civil, les articles 4 et 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, l'article 1er du Protocole additionnel de la CESDH ;

ALORS, ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE les paiements s'imputent sur les échéances impayées plus anciennes ; qu'en l'espèce, les seconds juges constataient qu'à la suite des impayés constatés sur les différents prêts en 2008, 2009 et 2010, la quasi-intégralité des échéances avaient été réglées pour la période 2011 à juin 2014 ; qu'en conséquence, ces impayés avaient été régularisés de sorte qu'au 20 mars 2013, date de délivrance du commandement de payer, la prescription n'était pas acquise ; qu'en déclarant néanmoins prescrite la créance du CREDIT FONCIER DE FRANCE, la cour a violé les articles L. 137-2 du Code de la consommation outre les articles 1254 et 1256 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-18651
Date de la décision : 28/09/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 26 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 28 sep. 2016, pourvoi n°15-18651


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.18651
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award