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28/09/2016 | FRANCE | N°14-29051

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2016, 14-29051


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 octobre 2014), que M. X..., engagé le 2 juillet 1984 par la société Etude vérification coordination de travaux de bâtiment (ci-après dénommée la société EVTB) en qualité de vérificateur, a été licencié le 19 octobre 2006 pour faute grave et a saisi la juridiction prud'homale en paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement nul en raison d'un harcèlement moral ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grie

f à l'arrêt de le débouter de ses demandes en nullité du licenciement et de dommag...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 octobre 2014), que M. X..., engagé le 2 juillet 1984 par la société Etude vérification coordination de travaux de bâtiment (ci-après dénommée la société EVTB) en qualité de vérificateur, a été licencié le 19 octobre 2006 pour faute grave et a saisi la juridiction prud'homale en paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement nul en raison d'un harcèlement moral ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en nullité du licenciement et de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, il appartient à l'employeur de démontrer que ces agissements sont justifiés par des éléments objectifs, exclusifs de tout harcèlement moral ; qu'après avoir considéré que les quatre avertissements notifiés à M. X... les 15 mars 2004, 25 mai 2004, 13 octobre 2004 et 20 mai 2005, les lettres recommandées de l'employeur, une attestation d'une ancienne salariée et des documents médicaux laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que les avertissements dont le caractère infondé n'est pas établi, s'inscrivaient dans le cadre du pouvoir disciplinaire de l'employeur ; qu'en se prononçant ainsi sans préciser si la société EVTB justifiait en quoi ces sanctions étaient justifiées et proportionnées à la faute reprochée au salarié, partant justifiées par des éléments objectifs exclusifs de tout harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir que l'employeur multipliait les courriers à son encontre (36 LRAR en l'espace de 16 mois), que lui-même ne faisait que répondre à ces courriers et que ce n'est qu'à la suite d'une intervention de l'inspection du travail en juillet 2005 que la société EVTB a cessé ses envois répétés ; qu'en retenant que chacun des courriers de plus en plus critiques et polémiques du salarié engendrait une réponse de l'employeur, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'à l'appui de sa demande, M. X... produisait, outre l'attestation de Mme Y... qui relatait le harcèlement moral dont il était victime, les attestations de M. Z..., conducteur d'opérations à l'AP-HP, de M. A..., chef du bureau des travaux de l'hôpital Raymond Poincaré et de M. B..., tiers responsable de l'accident de trajet, démontrant que les avertissements pour faute n'étaient pas fondés ; qu'en s'abstenant d'analyser ces documents, fût-ce de manière succincte, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en retenant encore que le document médical du Service Médical de Santé au Travail établi le 9 février 2005 n'attribue pas expressément la cause de la grande souffrance morale de M. X... aux conditions de travail quand il appartenait à l'employeur de démontrer que l'état de santé du salarié était justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;
Mais attendu que le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit que, si le salarié établissait des faits qui permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement, l'employeur démontrait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination salariale, alors, selon le moyen, que l'employeur est tenu d'assurer pour un même travail ou un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les salariés ; que pour débouter M. X... de sa demande en dommages et intérêts pour discrimination salariale la cour d'appel a retenu que ses bulletins de salaire faisaient état d'augmentations régulières de sa rémunération ; qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions du salarié faisant valoir que ces augmentations ne résultaient que de l'application des dispositions de la convention collective relative à l'ancienneté, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que les augmentations des autres salariés avec lesquels le salarié se comparait reposaient sur des promotions ou des modifications de leur charge de travail, ce dont il résultait qu'ils n'étaient pas pour certains placés dans une situation identique et pour les autres n'exécutaient pas un travail de valeur égale, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, président et par Mme Becker, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de ses demandes en nullité du licenciement et de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur la nullité du licenciement qu'à l'appui de sa demande en nullité du licenciement fondée sur les dispositions des articles L. 1152-1, L. 1152-3 et L. 1152-4 du code du travail relatives aux agissements de harcèlement moral, monsieur X... invoque une détérioration de la relation de travail dès le début de l'année 2004 se traduisant par une remise en cause constante de son professionnalisme, un dénigrement permanent de son travail et une discrimination salariale ainsi qu'une dégradation de son état de santé ; qu'il produit les lettres recommandées de son employeur, des avertissements du 15 mars 2004, 25 mai 2004, 13 octobre 2004, 20 mai 2005, une attestation d'une ancienne salariée et des documents médicaux établissant ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; que l'employeur soutient que les avertissements sont motivés par le non-respect par monsieur X... de ses horaires de travail, des dossiers non traités dans les délais impartis ou erronés et des absences injustifiées, que ses courriers constituaient la nécessaire réponse à la multiplication des lettres agressives et mensongères du salarié et qu'aucun des documents médicaux produits par ce dernier ne fait état d'une quelconque relation entre l'état de santé de ce dernier et son activité professionnelle ; qu'il verse notamment aux débats les courriers de monsieur X... et des attestations de son personnel ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les avertissements, dont le caractère infondé n'est pas établi, s'inscrivaient dans le cadre du pouvoir disciplinaire de l'employeur, que chacun des nombreux courriers, de plus en plus critiques et polémiques du salarié, engendrait systématiquement une réponse de la société et vice versa ; que, par ailleurs, l'unique « attestation sur l'honneur » de madame Y..., employée de la société du 25 avril 2005 au 28 février 2007, établie le 10 juillet 2010 soit près de 4 ans après le départ du salarié faisant état d'un réel harcèlement moral subi par ce dernier en reprenant pour partie son argumentation se heurte aux témoignages de l'ensemble du personnel dont il y a lieu de noter, tout comme pour monsieur X..., la grande ancienneté dans l'entreprise, et qui atteste de l'absence de tout comportement constitutif de harcèlement moral de la part de l'employeur à l'encontre de ce dernier ou de tout autre collaborateur ; qu'enfin, le document médical établi par le Service Médical de Santé au Travail, s'il porte mention, lors d'un examen du 9 février 2005, de ce que le salarié déclare subir un harcèlement moral et le constat, lors de nombreuses consultations spontanées, de la grande souffrance morale de monsieur X..., n'en attribue pas expressément la cause aux conditions du travail et ne comporte aucun avis d'inaptitude définitive à son poste ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré qui n'a pas retenu de faits constitutifs de harcèlement et a écarté la demande en nullité du licenciement formée par monsieur X... sur ce fondement ; que, par ailleurs, il n'est pas établi que l'avis d'inaptitude temporaire à son poste de monsieur X..., émis par le médecin du travail le 5 octobre 2006, a été porté à la connaissance de l'employeur avant l'engagement par ce dernier, par courrier du même jour, de la procédure de licenciement ; Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat qu'aucun fait constitutif de harcèlement n'ayant été retenu à l'encontre de l'employeur, la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat ne peut prospérer ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article L. 1235-1 du code du travail (article L. 122-14-3 de l'ancien code du travail) qui stipule : « En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié » ; que la qualité du travail fourni par monsieur X... sur la période de juin à octobre 2004 n'était pas satisfaisante ; que du 29 juin au 26 octobre 2004, 37 dossiers traités par monsieur X... ont été rejetés par la Trésorerie Générale de l'Assistance Publique ; que ce dernier ne respecte pas ses obligations professionnelles et contractuelles ; que monsieur X... n'établit pas de faits constitutifs de harcèlement ; que les avertissements adressés à monsieur X... étaient justifiés ; que la faute grave n'est pas établie, requalifie le licenciement pour faute grave en un licenciement pour cause réelle et sérieuse ; que le licenciement n'est pas intervenu pour faute grave, le salarié doit bénéficier d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité de préavis et des congés payés afférents ;
1°) ALORS QUE , lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, il appartient à l'employeur de démontrer que ces agissements sont justifiés par des éléments objectifs, exclusifs de tout harcèlement moral ; qu'après avoir considéré que les quatre avertissements notifiés à monsieur X... les 15 mars 2004, 25 mai 2004, 13 octobre 2004 et 20 mai 2005, les lettres recommandées de l'employeur, une attestation d'une ancienne salariée et des documents médicaux laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que les avertissements dont le caractère infondé n'est pas établi, s'inscrivaient dans le cadre du pouvoir disciplinaire de l'employeur ; qu'en se prononçant ainsi sans préciser si la société E.V.T.B. justifiait en quoi ces sanctions étaient justifiées et proportionnées à la faute reprochée au salarié, partant justifiées par des éléments objectifs exclusifs de tout harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE , dans ses conclusions d'appel, monsieur X... faisait valoir que l'employeur multipliait les courriers à son encontre (36 LRAR en l'espace de 16 mois), que lui-même ne faisait que répondre à ces courriers et que ce n'est qu'à la suite d'une intervention de l'inspection du travail en juillet 2005 que la société E.V.T.B. a cessé ses envois répétés (conclusions p. 6 § 1 à 6) ; qu'en retenant que chacun des courriers de plus en plus critiques et polémiques du salarié engendrait une réponse de l'employeur, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU 'à l'appui de sa demande, monsieur X... produisait, outre l'attestation de madame Y... qui relatait le harcèlement moral dont il était victime, les attestations de monsieur Z..., conducteur d'opérations à l'AP-HP, de monsieur A..., chef du bureau des travaux de l'hôpital Raymond Poincaré et de monsieur B..., tiers responsable de l'accident de trajet, démontrant que les avertissements pour faute n'étaient pas fondés ; qu'en s'abstenant d'analyser ces documents, fut-ce de manière succincte, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU 'en retenant encore que le document médical du Service Médical de Santé au Travail établi le 9 février 2005 n'attribue pas expressément la cause de la grande souffrance morale de monsieur X... aux conditions de travail quand il appartenait à l'employeur de démontrer que l'état de santé du salarié était justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination salariale ;
AUX MOTIFS QUE cette demande formée en cause d'appel, plus de six ans après le licenciement de sorte que toute réclamation en rappel de salaire est atteinte par la prescription quinquennale, n'est pas justifiée au regard des bulletins de paie de monsieur X... faisant état d'augmentations régulières de sa rémunération et des éléments produits par l'employeur de nature à établir que les augmentations des salariés auxquels l'appelant se compare reposent sur des promotions ou des modifications de leur charge de travail ; qu'il convient en conséquence de débouter monsieur X... de cette demande ;
ALORS QUE l'employeur est tenu d'assurer pour un même travail ou un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les salariés ; que pour débouter monsieur X... de sa demande en dommages et intérêts pour discrimination salariale la cour d'appel a retenu que ses bulletins de salaire faisaient état d'augmentations régulières de sa rémunération ; qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions du salarié faisant valoir que ces augmentations ne résultaient que de l'application des dispositions de la convention collective relative à l'ancienneté, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-29051
Date de la décision : 28/09/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2016, pourvoi n°14-29051


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.29051
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