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28/09/2016 | FRANCE | N°14-28298

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2016, 14-28298


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu les articles L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 et R. 1455-6 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé, que Mme X..., engagée le 8 novembre 1999 par la société Hewlett Packard Centre de compétences France (HP CCF), exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable programme « supply chain », a été licenciée le 29 novembre 2013 pour insuffisance professionnelle ; que soutenant que son licenciement était consé

cutif à la dénonciation des faits de harcèlement moral qu'elle avait subis, el...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu les articles L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 et R. 1455-6 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé, que Mme X..., engagée le 8 novembre 1999 par la société Hewlett Packard Centre de compétences France (HP CCF), exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable programme « supply chain », a été licenciée le 29 novembre 2013 pour insuffisance professionnelle ; que soutenant que son licenciement était consécutif à la dénonciation des faits de harcèlement moral qu'elle avait subis, elle a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger ce licenciement nul et ordonner sa réintégration ;
Attendu que pour rejeter ses demandes, l'arrêt, après avoir constaté que si la lettre de licenciement fait incontestablement référence aux accusations de harcèlement portées par la salariée, l'employeur les réfute immédiatement et les assimile à une tentative de diversion de la salariée pour masquer son insuffisance professionnelle, la supposant ainsi de mauvaise foi, retient que la mauvaise foi prêtée à la salariée permet de contester sérieusement la nullité de son licenciement, que dans ce cas, l'illicéité du trouble apporté par ce licenciement ne peut être considéré comme manifeste et que c'est à bon droit que le juge des référés s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de réintégration de la salariée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de se prononcer, comme il le lui était demandé, sur la mauvaise foi de la salariée lorsqu'elle avait dénoncé les faits de harcèlement moral, pour déterminer si son licenciement constituait un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toute ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Hewlett-Packard CCF Grenoble aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, président et par Mme Becker, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les demandes de nullité du licenciement et de réintégration de madame X... ne pouvaient être examinées dans le cadre de la procédure de référé et d'AVOIR en conséquence débouté la salariée de ses demandes indemnitaires et de rappel de salaire ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la demande d'annulation du licenciement : aux termes de l'article R 1455-6 du code du travail, la formation de référé du conseil des prud'hommes peut, toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que ces mesures sont provisoires et ne peuvent préjudicier au principal : il en résulte que, si la formation de référé peut suspendre les effets des décisions de l'employeur, elle ne saurait en aucun cas les annuler ; qu'il convient d'ores et déjà de se déclarer incompétent pour connaître de la demande de madame X... tendant à faire déclarer son licenciement nul ; que, sur la demande de réintégration : aux termes de l'article L 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour les avoir relatés ; que dès lors que la lettre de licenciement fait référence à la relation par le salarié des agissements de harcèlement moral, le licenciement est sanctionné de nullité sauf si l'employeur allègue la mauvaise foi du salarié, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis mais de la preuve que le salarié avait connaissance de la fausseté des faits dénoncés ; que la lettre du 29 novembre 2013 par laquelle la société Hewlett Packard a notifié à madame X... son licenciement, expose en résumé qu'elle est licenciée pour insuffisance professionnelle découlant de l'inexécution des missions qui lui étaient confiées depuis le mois de novembre 2012 et attitude irrespectueuse à l'égard de sa hiérarchie et de ses collègues ; qu'elle rappelle qu'à cette date, le nouveau manager ayant demandé à la salariée de centrer son travail sur ses compétences en logistique et supply chain, celle-ci a présenté un rapport sans lien avec ces activités en précisant qu'elle n'était pas une personne 'orientée tâches ni une analyste de business' et prétendu sans cesse ne « comprendre ni sa mission ni comment l'exercer » ; qu'elle indique qu'en dépit de nombreuses explications données par le nouveau manager sur ses objectifs (mails des 5 février, 7 février, mars et 4 avril 2013), madame X..., « au lieu de répondre à ses demandes, l'a accusé de la harceler, de ne pas se comporter de façon éthique à son égard et de ne pas respecter les règles de bonne conduite fixées par l'entreprise » en ajoutant que « ces accusations sont infondées » ; qu'elle mentionne la persistance de madame X... à ne pas comprendre le cadre de sa mission en dépit des réunions mises en place et à ne pas accomplir ses obligations professionnelles ; que si la lettre de licenciement fait incontestablement référence aux accusations de harcèlement portées par madame X..., l'employeur les réfute immédiatement et les assimile à une tentative de diversion de la salariée pour masquer son insuffisance professionnelle, la supposant ainsi de mauvaise foi ; que la mauvaise foi ainsi prêtée à la salariée permet de contester sérieusement la nullité de son licenciement ; que dans ce cas, l'illicéité du trouble apporté par ce licenciement ne peut être considéré comme manifeste et c'est à bon droit que le juge des référés s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de réintégration de madame X... dans le poste qu'elle occupait au sein de la société Hewlett Packard, centre de compétences France ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'article R. 1455-6 du code du travail dispose : « la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite » ; qu'en l'espèce, il existe une contestation sérieuse s'agissant du harcèlement moral, des circonstances et des conséquences de la rupture du contrat de travail ; que le conseil dira n'y avoir lieu à référé et invitera madame X... à mieux se pourvoir au fond ;
1°) ALORS QUE , lorsqu'une disposition législative expresse prévoit que la nullité du licenciement est encourue, il entre dans les pouvoirs du juge des référés d'ordonner la poursuite du contrat de travail qui n'a pas été valablement rompu ; qu'en décidant au contraire que, si la formation de référé peut suspendre les effets des décisions de l'employeur, elle ne saurait en aucun cas les annuler, pour dire que la demande de madame X... tendant à faire déclarer son licenciement nul ne relevait pas de la procédure de référé, la cour d'appel a violé les articles R. 1455-6, L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
2°) ALORS QUE le juge des référés, auquel il appartient, même en présence d'une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue le licenciement d'un salarié en raison de sa relation d'agissements de harcèlement moral, doit apprécier si les éléments qui lui sont soumis par le salarié, laissent supposer l'existence d'un harcèlement, et dans l'affirmative, rechercher si l'employeur apporte des éléments objectifs de nature à justifier que ses décisions sont étrangères à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, madame X... faisait valoir que son licenciement était consécutif à la relation des agissements de harcèlement moral dont elle avait été l'objet, celui-ci étant caractérisé par l'interdiction que le service des ressources humaines lui avait faite de parler à son manager, monsieur Allan Z..., la mise en place de réunions par ce dernier au cours desquelles la salariée se retrouvait confrontée, seule, à plusieurs membres de la direction la prenant verbalement à partie, la modification régulière de ses objectifs personnels aux fins de la mettre en situation d'échec et de la dévaloriser vis à vis de ses collègues, la privation de son réseau de relations internes et par son licenciement pour un motif inexact lorsqu'elle avait dénoncé ces faits à sa hiérarchie, ces agissements ayant provoqué chez elle un état d'anxiété et de stress médicalement constaté et ayant contraint son médecin traitant à la placer en arrêt de travail puis le médecin du travail à prescrire sa reprise du travail à l'issue de celui-ci à mi-temps thérapeutique (cf. conclusions d'appel pages 5 et 7) ; qu'en s'abstenant de rechercher si les éléments qui lui étaient soumis par la salariée laissaient supposer l'existence du harcèlement moral invoqué, et dans l'affirmative, de rechercher si l'employeur justifiait par des éléments objectifs que ses décisions étaient étrangères au harcèlement, la cour d'appel a violé les articles R. 1455-6, L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
3°) ALORS QUE le grief tiré de la relation des agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi n'est pas alléguée, emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que la lettre de licenciement énonce notamment : « votre manager vous a expliqué de nouveau quelles étaient ses attentes et vous les a confirmé par email le 4 avril 2013. Au lieu de répondre à ses demandes vous accusez votre manager de vous harceler, de ne pas se comporter de façon éthique à votre égard, et de ne pas respecter les règles de bonnes conduites fixées par l'entreprise. Par ailleurs vous interpellez votre manager sur des niveaux de détails qui ne relèvent pas de ses attributions. Choqué par vos accusations infondées, votre manager décide à plusieurs reprises d'en informer son supérieur hiérarchique et son RH local » ; qu'en retenant dès lors que, « si la lettre de licenciement fait incontestablement référence aux accusations de harcèlement portées par madame X..., l'employeur les réfute immédiatement et les assimile à une tentative de diversion de la salariée pour masquer son insuffisance professionnelle, la supposant ainsi de mauvaise foi », quand la lettre de licenciement n'invoquait pas la mauvaise foi de la salariée dans sa relation d'agissements de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles R. 1455-6, L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1232-6 du code du travail ;
4°) ET ALORS, subsidiairement, QUE , lorsque l'employeur prétend que la relation d'agissements de harcèlement moral par le salarié procède de sa mauvaise foi, il appartient au juge des référés, même en présence d'une contestation sérieuse, de rechercher si cette mauvaise foi est ou non établie ; qu'en décidant au contraire que « la mauvaise foi prêtée à la salariée permet de contester sérieusement la nullité de son licenciement », pour débouter la salariée de sa demande à ce titre, la cour d'appel a violé les articles R. 1455-6, L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1232-6 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté madame X... de sa demande de dommages et intérêts au titre du défaut de mise en oeuvre de la garantie « Mercer », de la remise d'une attestation Pôle Emploi mentionnant des informations erronées et de la remise d'un certificat de travail indiquant un solde erroné du nombre d'heures acquises au titre du DIF et non utilisées ;
AUX MOTIFS QUE Marie-Hélène X... conclut à l'infirmation de l'ordonnance déférée ; qu'elle expose qu'elle a été victime de pratiques de harcèlement qu'elle a dénoncées et que c'est cette dénonciation qui est la cause réelle de son licenciement ; qu'invoquant les articles L 1152-2 et L 1152-3 du code du travail, elle prétend que son licenciement est nul et se fondant sur l'article 809 du code de procédure civile suivant lequel, le juge des référés peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite, elle demande à la Cour de : à titre principal : - dire que son licenciement constitue un trouble manifestement illicite parce qu'il survient à la suite de sa dénonciation du harcèlement ; - dire que son licenciement est nul ; - ordonner sa réintégration dans l'entreprise sur le site d'Eybens conformément aux recommandations de la médecine du travail, et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la présente décision ; - ordonner le paiement des rappels de salaires depuis le 3 mars 2014 ; - condamner la société Hewlett Packard à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; À titre subsidiaire : Marie-Hélène X... fait valoir que la société Hewlett Packard avait souscrit une « Mercer mutuelle » qui indemnise le salarié en cas d'arrêt maladie, même après la rupture du contrat de travail pourvu que l'arrêt ait commencé avant cette rupture ; qu'elle demande à la Cour de : - ordonner la mise en conformité des documents légaux afin de bénéficier du maintien de salaire au titre de l'accord de prévoyance et obliger l'employeur à entreprendre les démarches nécessaires à cette fin ; - rectifier le décompte de congés payés figurant sur la fiche de paie (61 jours et non 44) ; - rectifier l'attestation de pôle emploi en mentionnant les salaires bruts reconstitués ; - fournir l'état récapitulatif du DIF mentionnant 86 heures et non 33 heures, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour et par document, passé le délai de 10 jours suivant la notification de la présente décision ;
1°) ALORS QUE tout arrêt doit être motivé à peine de nullité ; qu'en déboutant madame X... de sa demande de dommages et intérêts au titre du défaut de mise en oeuvre de la garantie « Mercer » et du retard dans la remise d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail exacts, sans aucunement motiver sa décision de ce chef, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ET ALORS, subsidiairement, QU' en énonçant que madame X..., à titre subsidiaire, « demande à la cour d'ordonner la mise en conformité des documents légaux afin de bénéficier du maintien de salaire au titre de l'accord de prévoyance et obliger l'employeur à entreprendre les démarches nécessaires à cette fin, de rectifier le décompte de congés payés figurant sur la fiche de paie - 61 jours et non 44 -, rectifier l'attestation de pôle emploi en mentionnant les salaires bruts reconstitués, de fournir l'état récapitulatif du DIF mentionnant 86 h et non 33 heures, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour et par document, passé le délai de 10 jours suivant la notification de la présente décision », quand la salariée sollicitait, en outre (cf. conclusions d'appel page 11 § pénultième et dernier), le paiement de dommages et intérêts au titre du défaut de mise en oeuvre de la garantie « Mercer » et du retard dans la remise d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail exacts, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions en violation de l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-28298
Date de la décision : 28/09/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 02 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2016, pourvoi n°14-28298


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.28298
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