LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 14 janvier 2015), que Mme X..., secrétaire comptable de la société Entreprise Y... Fernando (la société) et fille de son gérant, a, sous sa propre signature et bien qu'elle n'eût pas de procuration pour le faire, émis des chèques tirés sur les comptes bancaires de la société au profit de sociétés dont elle était gérante ou associée avec son époux ; qu'estimant que les sociétés Banque Nuger et Banque populaire du Massif central (les banques), banques tirées, avaient engagé leur responsabilité à son égard pour avoir payé ces chèques sans vérifier la signature qui y était apposée, la société les a assignées en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ qu'en l'absence de faute du déposant, ou d'un préposé de celui-ci, et même s'il n'a lui-même commis aucune faute, le banquier n'est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il se défait de ces derniers sur présentation d'un faux ordre de paiement revêtu dès l'origine d'une fausse signature et n'ayant eu à aucun moment la qualité légale de chèque ; qu'en revanche, si l'établissement de ce faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d'une faute du titulaire du compte, ou de l'un de ses préposés, le banquier n'est tenu envers lui que s'il a lui-même commis une négligence, et ce seulement pour la part de responsabilité en découlant ; qu'en exonérant les banques de toute responsabilité, après avoir relevé qu'elles avaient payé des chèques portant une signature différente de celle du gérant de la société titulaire de compte et n'émanant pas d'une personne ayant procuration, ce dont il résultait que les banques avaient commis des fautes qui avaient contribué à causer le dommage au moins pour partie puisque si elles avaient, comme elles l'auraient dû, refusé de payer ces chèques, les détournements ne seraient pas survenus, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 1147 et 1937 du code civil ;
2°/ qu'en l'absence de faute du déposant, ou d'un préposé de celui-ci, et même s'il n'a lui-même commis aucune faute, le banquier n'est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il se défait de ces derniers sur présentation d'un faux ordre de paiement revêtu dès l'origine d'une fausse signature et n'ayant eu à aucun moment la qualité légale de chèque ; qu'en revanche, si l'établissement de ce faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d'une faute du titulaire du compte, ou de l'un de ses préposés, le banquier n'est tenu envers lui que s'il a lui-même commis une négligence, et ce seulement pour la part de responsabilité en découlant ; qu'en exonérant les banques de toute responsabilité, après avoir relevé, par motifs adoptés, que la société Entreprise Y... Fernando était « essentiellement » à l'origine du préjudice qu'elle invoque, ce dont il découlait que sa faute n'était pas la cause exclusive du dommage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 1147 et 1937 du code civil ;
3°/ qu'en l'absence de faute du déposant, ou d'un préposé de celui-ci, et même s'il n'a lui-même commis aucune faute, le banquier n'est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il se défait de ces derniers sur présentation d'un faux ordre de paiement revêtu dès l'origine d'une fausse signature et n'ayant eu à aucun moment la qualité légale de chèque ; qu'en revanche, si l'établissement de ce faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d'une faute du titulaire du compte, ou de l'un de ses préposés, le banquier n'est tenu envers lui que s'il a lui-même commis une négligence, et ce seulement pour la part de responsabilité en découlant ; qu'en exonérant les banques de toute responsabilité, sans avoir précisé en quoi la faute commise par le titulaire des comptes avait constitué la cause exclusive du dommage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 et 1937 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que Mme X..., bien qu'elle n'eût pas eu de procuration pour le faire, a, pendant plus de quatre ans, émis sous sa signature personnelle de très nombreux chèques pour le compte de la société sans que M. Y..., son gérant, ne présente de contestation, l'arrêt retient souverainement que ce fonctionnement de la société, au caractère familial, inférait l'existence d'un mandat tacite donné par le gérant à la secrétaire comptable ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résultait que le comportement de la société excluait toute négligence des banques, la cour d'appel, qui n'a pas adopté le motif critiqué par la seconde branche, a pu retenir que les banques n'avaient pas commis de faute ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Entreprise Y... Fernando aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société Entreprise Y... Fernando.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Entreprise Y... Fernando de toutes ses demandes et L'AVOIR condamnée à payer à la société Banque populaire du Massif Central la somme de 32 222, 02 euros en principal au titre du solde débiteur du compte courant ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il est constant que Mme X..., secrétaire comptable de la société Entreprise Fernando Y..., qui n'avait pas procuration pour le faire, a émis de sa main, sans modifier sa signature, des chèques au nom et pour le compte de l'entreprise, au profit d'une société dont elle était gérante ou associée avec son époux, réalisant ainsi des détournements de fonds qui ont créé un préjudice au détriment de la société Entreprise Fernando Y... pour laquelle elle travaillait depuis de nombreuses années et bénéficiait de la totale confiance de son père ; que, de même Mme X... a, sous sa signature personnelle, réglé diverses charges de l'entreprise ; que si un établissement bancaire « a une obligation de vigilance concernant la vérification d'éléments substantiels de validité des chèques présentés au paiement comme la conformité de la signature apposée à celle du titulaire du compte », il convient d'examiner, in concreto, la réalité et les conditions dans lesquelles les chèques ont été émis, et si Mme X..., secrétaire comptable, n'avait ni pouvoir, ni procuration de signer les chèques, il ressort des documents produits que, du 12 octobre 2007 au 30 novembre 2011, Mme X..., a signé, de sa signature personnelle, de très nombreux chèques pour le compte de la société Entreprise Fernando Y... sans que M. Y..., gérant, ne présente quelque contestation les concernant ; qu'ainsi, il ne peut être fait grief aux établissements bancaires de ne pas avoir fait le distinguo entre les chèques alors que le fonctionnement de cette société au caractère familial inférait l'existence d'un mandat tacite donné par le gérant à la secrétaire comptable qui l'a utilisé tant dans l'intérêt de la société que de façon contraire à son intérêt mais cela ne peut être mis à la charge des établissements bancaires ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QU'un nombre important de chèques émis par Mme X... correspond au règlement de charges de l'entreprise et n'ont été considérés comme irréguliers ni par la société Entreprise Fernando Y... ni par les bénéficiaires, à savoir la caisse de congés payés, la caisse BTP, le trésor public, et l'Urssaf ; que, par ce biais, la société Entreprise Fernando Y... s'est acquittée de ses obligations légales ; qu'il ne peut donc être contesté le fait que Mme X... disposait d'un mandat tacite d'avoir à utiliser les comptes et donc les chéquiers de la société Entreprise Fernando Y... et ce, dans le cadre de son activité de préposée comptable ; qu'en outre, alors même que l'établissement des chèques couvre la période du 12 octobre 2007 au 30 novembre 2011, aucune réclamation n'a été formulée à réception des relevés bancaires par la société Entreprise Fernando Y... ; qu'il n'apparaît pas possible que sur une période de plus de trois ans et alors même qu'entre temps, il a été procédé à l'établissement des comptes de résultats et des bilans, aucun pointage n'a permis à la société Entreprise Fernando Y... de découvrir les irrégularités qu'elle demande aujourd'hui aux banques de supporter, étant rappelé que la Cour de cassation a déjà estimé que la responsabilité de l'établissement bancaire ne pouvait être recherchée lorsque le titulaire du compte n'avait pas consulté ses propos relevés pendant plusieurs mois ; qu'il est ainsi démontré que la société Entreprise Fernando Y... est essentiellement à l'origine du préjudice qu'elle invoque, eu égard au mandat tacite accordé et à l'absence de contrôle de son préposé, ainsi qu'à sa créance dans le cadre du suivi du fonctionnement de ses comptes ; que la société Entreprise Fernando Y... est dès lors parfaitement infondée à engager la responsabilité des banques Populaire du Massif Central et Nuger ;
ALORS, 1°), QU'en l'absence de faute du déposant, ou d'un préposé de celui-ci, et même s'il n'a lui-même commis aucune faute, le banquier n'est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il se défait de ces derniers sur présentation d'un faux ordre de paiement revêtu dès l'origine d'une fausse signature et n'ayant eu à aucun moment la qualité légale de chèque ; qu'en revanche, si l'établissement de ce faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d'une faute du titulaire du compte, ou de l'un de ses préposés, le banquier n'est tenu envers lui que s'il a lui-même commis une négligence, et ce seulement pour la part de responsabilité en découlant ; qu'en exonérant les banques de toute responsabilité, après avoir relevé qu'elles avaient payé des chèques portant une signature différente de celle du gérant de la société titulaire de compte et n'émanant pas d'une personne ayant procuration, ce dont il résultait que les banques avaient commis des fautes qui avaient contribué à causer le dommage au moins pour partie puisque si elles avaient, comme elles l'auraient dû, refusé de payer ces chèques, les détournements ne seraient pas survenus, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 1147 et 1937 du code civil ;
ALORS, 2°), QU'en l'absence de faute du déposant, ou d'un préposé de celui-ci, et même s'il n'a lui-même commis aucune faute, le banquier n'est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il se défait de ces derniers sur présentation d'un faux ordre de paiement revêtu dès l'origine d'une fausse signature et n'ayant eu à aucun moment la qualité légale de chèque ; qu'en revanche, si l'établissement de ce faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d'une faute du titulaire du compte, ou de l'un de ses préposés, le banquier n'est tenu envers lui que s'il a lui-même commis une négligence, et ce seulement pour la part de responsabilité en découlant ; qu'en exonérant les banques de toute responsabilité, après avoir relevé, par motifs adoptés, que la société Entreprise Y... Fernando était « essentiellement » à l'origine du préjudice qu'elle invoque, ce dont il découlait que sa faute n'était pas la cause exclusive du dommage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 1147 et 1937 du code civil ;
ALORS, 3°) et en tout état de cause, QU'en l'absence de faute du déposant, ou d'un préposé de celui-ci, et même s'il n'a lui-même commis aucune faute, le banquier n'est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il se défait de ces derniers sur présentation d'un faux ordre de paiement revêtu dès l'origine d'une fausse signature et n'ayant eu à aucun moment la qualité légale de chèque ; qu'en revanche, si l'établissement de ce faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d'une faute du titulaire du compte, ou de l'un de ses préposés, le banquier n'est tenu envers lui que s'il a lui-même commis une négligence, et ce seulement pour la part de responsabilité en découlant ; qu'en exonérant les banques de toute responsabilité, sans avoir précisé en quoi la faute commise par le titulaire des comptes avait constitué la cause exclusive du dommage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 et 1937 du code civil.