LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des pièces de la procédure que le salarié avait soutenu devant la cour d'appel que la transaction intervenue le 16 janvier 2011 était entachée de nullité au motif qu'elle lui faisait interdiction d'apporter son concours à la justice pour des actions étrangères à la transaction ; que le moyen est donc nouveau, mélangé de fait et de droit et partant irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Monsieur Tulio X... tendant à la nullité de la transaction conclue le 16 janvier 2011 avec son employeur, à la constatation que son licenciement était dépourvu de tout cause réelle et sérieuse et au paiement de diverses sommes,
AUX MOTIFS QUE " Aux termes de l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître et en application des articles 2052 et 2053 du code civil, " les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort _ Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion. Néanmoins une transaction peut être rescindée, lorsqu'il y a erreur dans la personne ou sur l'objet de la contestation. Elle peut l'être dans tous les cas où il y a dol ou violence ". Appliquée aux relations de travail, la transaction ne peut être conclue qu'une fois la rupture intervenue et définitive et ne peut porter sur l'imputabilité de cette dernière, laquelle conditionne l'existence de concessions réciproques. Il est constant que la transaction est intervenue après la notification à Monsieur X... de son licenciement pour faute grave, la transaction étant du 16 janvier 2011 et le licenciement du 12 janvier 2011. En premier lieu, Monsieur X... soutient que les concessions ne sont pas réciproques et que deux dispositions sont en contradiction. La transaction intervenue entre Monsieur X... et la société Behr France Hambach est libellée ainsi :
" Préalablement aux dispositions faisant l'objet du présent accord, il est rappelé ce qui suit Monsieur X... Tulio a été embauché le 17, 02. 1998 en qualité d'opérateur. Parallèlement au licenciement de Monsieur X... Tulio notifié par lettre du 12 janvier 2011, les parties ont convenu le dispositif transactionnel suivant :
ARTICLE 1-
La société BEHR France Hambach accepte de licencier pour faute grave Monsieur X... Tulio à la demande de l'intéressé.
Il est versé à Monsieur X... Tulio la somme de 26 200 é'(vingt six mille deux cents euros) à titre d'indemnité transactionnelle forfaitaire, globale et définitive en réparation du préjudice subi par Monsieur X... Tulio du fait de la rupture de son contrat de travail.
ARTICLE 2 :
En contrepartie de la bonne exécution des engagements de l'entreprise figurant à l'article 1er de la présente transaction, Monsieur X... Tulio renonce à toute autre prétention à quelque titre que ce soit pouvant être liée à à conclusion, à l'exécution et à la cessation de son contrat de travail.
Monsieur X... Tulio renonce à poursuivre la société Behr France Hambach devant le Conseil des Prud'hommes.
Monsieur X... Tulio s'engage à retirer l'ensemble des plaintes déposées à titre personnel ou au titre du syndicat CFTC à l'encontre de la société BEHR France Hambach ainsi qu'a l'encontre de tout autre salarié de la société.
Monsieur X... Tulio s'engage à ne plus apporter aucun témoignage pour toutes les affaires juridiques en cours devant le conseil des Prud'hommes, la juridiction civile ou pénale.
ARTICLE 3 :
Sans valoir reconnaissance par chacune des parties du bien-fondé des prétentions de l'autre, le présent accord vaut transaction au sens des articles 2044 et suivants du Code civil.
En conséquence, il règle entre elles, définitivement et sans réserve tout litige né ou à naître relative à la conclusion, à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail, Il emporte renonciation à tous droits, actions ou prétentions de ce chef et a, entre les parties, conformément à l'article 2052 du Code civil, l'autorité de la chose jugée.
Fait à HAMBACH, le 16 janvier 2011 en double exemplaires ".
Les termes employés sont maladroits, dès lors que la société accepte de licencier le salarié pour faute grave à la demande du salarié, cependant elle accorde à celui-ci une indemnité à laquelle if ne pouvait prétendre, supérieure à un an de salaire. La concession de l'entreprise est donc d'indemniser le salarie alors qu'en se prévalant du licenciement pour faute grave, elle ne versait pas au salarié d'indemnité. Il n'existe pas de contradiction, l'employeur s'engageant à verser une indemnité au salarié. De son côté, le salarié renonce à contester à toute autre prétention et à poursuivre l'employeur devant le conseil de prud'hommes. S'agissant de la qualification de faute grave, la juridiction appelée à statuer sur la validité d'une transaction réglant les conséquences d'un licenciement ne peut, sans heurter l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction, trancher le litige que cette dernière avait pour objet de clore en se livrant à un examen des éléments de fait et de preuve pour déterminer le bien-fondé du motif invoqué dans la lettre de licenciement. Il lui appartient seulement pour apprécier si des concessions réciproques ont été faites et si celle de l'employeur n'est pas dérisoire, de vérifier que la lettre de licenciement est motivée conformément aux exigences légales et que les faits ont été justement qualifiés. La lettre de licenciement pour faute grave est ainsi rédigée :
" Nous vous avons régulièrement convoqué à l'entretien préalable au licenciement que nous envisageons de prendre à votre encontre,
Nous avons décidé de mettre fin à votre contrat de travail,
Les motifs de cette décision sont les suivants.
Vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail depuis le 21 décembre 2010 alors que ces jours devaient être travaillés et vous ne nous avez pas fourni de justificatif pour ces absences injustifiées.
En conséquence, nous considérons que vous avez commis les fautes et négligences justifiant votre licenciement pour faute grave, rendant impossible votre maintien, même temporaire, dans l'entreprise […] "
La lettre, qui vise une absence du salarié non justifiée est suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail. Le salarié estime qu'il a envoyé à l'employeur un arrêt de travail pour la période considérée, ce que conteste l'employeur, le salarié soutenant que l'employeur lui a remis l'enveloppe et l'arrêt de travail. Néanmoins, aucun élément (cachet dateur, enveloppe lettre simple) ne permet de certifier que l'employeur a eu connaissance de l'arrêt de travail le 23 décembre 2010 comme prétendu par le salarié. Les griefs d'ordre disciplinaire étaient susceptibles de fonder un licenciement pour faute grave, privative des indemnités de rupture. Dès lors, l'indemnité transactionnelle d'un montant de 26 500 euros représentant plus d'un an de salaire constitue une concession suffisante de l'employeur. Le salarié soutient ensuite qu'il n'a pas accepté le montant de l'indemnité car la première page de l'accord ne lui avait pas été soumise en l'absence de signature sur celle-ci. Cependant, figure sur la première page l'article 1 de l'accord indiquant la concession de l'employeur et le montant de l'indemnité, et sur la deuxième page les articles 2 et 3 de l'accord. fl est donc difficile à Monsieur X... de soutenir qu'il aurait signé l'accord sans prendre connaissance des deux pages et notamment de celle sur laquelle figurait le montant de l'indemnité. En outre, Monsieur X... produit la copie du chèque établi le 16 janvier 2011 qu'il a tennis ensuite à l'encaissement démontrant qu'il avait connaissance du montant versé par l'employeur. Enfin, l'employeur produit l'attestation de Monsieur B..., manager RH de la société Behr France Hambach, qui indique avoir organisé un rendez-vous à la demande de Monsieur X... et assisté à celui-ci entre le directeur général et le salarié, que l'ernpfoyeur a fait une première proposition à 23. 000 euros que Monsieur X... a refusé, puis une seconde proposition plus élevée, Monsieur X... étant hésitant, étant sorti du bureau pour téléphoner, puis acceptant tout en demandant une nuit de réflexion avant de signer, et rappelant le lendemain pour indiquer qu'il acceptait le montant proposé et de signer la transaction. Ainsi, le montant de l'indemnité était connu de Monsieur X... qui a accepté la transaction en toute connaissance de cause. Monsieur X... conteste le montant versé de 21. 200 euros et non de 26. 200 euros comme indiqué dans la transaction et soutient qu'il n'avait pas conscience que le montant du prêt accordé par l'employeur serait déduit de l'indemnité convenue. Cet élément n'est pas de nature à entacher de nullité la transaction, celle-ci a autorité de la chose jugée entre les parties et si elle n'est pas exécutée conformément à ces dispositions, il appartient à Monsieur X... d'en rechercher l'exécution pleine et entière. Enfin, il estime que son consentement n'était ni libre, ni éclairé. L'employeur apporte la preuve que le salarié a eu le temps de la réflexion pour signer l'accord transactionnel ainsi qu'il résulte de l'attestation de Monsieur B...et qu'il était parfaitement lucide. Il produit un certificat médical du 31 mars 2011, postérieur aux faits, indiquant qu'il est sous antidépresseur et anxiolytique dans le cadre de problèmes professionnels, sans que les dates et la durée du traitement soient indiquées, provoquant''une asthénie et un certain effet de ralentissement idéomoteur''. Il produit égaiement un arrêt de travail du 9 septembre 2010 jusqu'au 26 septembre 2010 pour état dépressif. Ces éléments n'apportent pas la preuve que le consentement de Monsieur X... ait été affecté ou vicié dès lors qu'il a bénéficié d'un délai suffisant pour prendre sa décision et qu'il n'établit pas qu'au moment de la signature, les médicaments qu'if prenait affectaient son sens de la réflexion. Il convient de dire que la transaction est valable, que Monsieur X... sera en conséquence débouté de l'intégralité de ses demandes et la décision des premiers juges sera infirmée " (arrêt, p. 4 à 7),
ALORS QUE chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité ; que le fait d'user de promesses, offres, présents, pressions, menaces, voies de fait, manoeuvres ou artifices au cours d'une procédure ou en vue d'une demande ou défense en justice afin de déterminer autrui soit à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, soit à s'abstenir de faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, même si la subornation n'est pas suivie d'effet ; que, dès lors, est nulle, d'une nullité absolue d'ordre public, la transaction qui interdirait à un salarié d'apporter son concours à la justice, tant devant les juridictions civiles que pénales ;
Qu'en l'espèce, il résulte des constations de l'arrêt attaqué que la société Behr France Hambach a fait signer à Monsieur Tulio X... une transaction aux termes de laquelle celui-ci s'est engagé non seulement à renoncer à poursuivre la procédure engagée devant le conseil de prud'hommes de Forbach dans le cadre de son licenciement et à « retirer l'ensemble des plaintes déposées à titre personnel ou au titre du syndicat CFTC à l'encontre de la société Behr France Hombach ainsi qu'à l'encontre de tout autre salarié de la société », mais encore « à ne plus apporter aucun témoignage pour toutes les affaires juridiques en cours devant le conseil de prud'hommes, la juridiction civile ou pénale » ; qu'une telle transaction qui entendait interdire à Monsieur Tulio X... d'apporter à la justice son concours pour des actions étrangères à la transaction, devait être déclarée nulle ;
Qu'en considérant cependant que la transaction était valable, la cour d'appel a violé les articles 10 du code civil, 434-15 du code pénal, ensemble les articles 6 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.