LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 378 du code de procédure civile ;
Attendu que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 avril 2015), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 10 juillet 2013, pourvoi n° 12-21. 314), que Mme X... a reçu, entre 1986 et 1993, plusieurs injections de vaccins contre l'hépatite B, Hevac B et Genhevac B, renouvelées du fait qu'elle ne développait pas d'anticorps ; qu'à partir de la fin de l'année 1992, elle s'est plainte d'épisodes de paresthésie des mains, puis, en 1995, d'un état de fatigue et de troubles sensitifs ; qu'elle a dû cesser de travailler en juillet 1998 ; que le diagnostic de sclérose en plaques a été posé en décembre 1998 ; que Mme X... a agi en responsabilité contre la société Sanofi Pasteur, fabricant des produits ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que des présomptions graves, précises et concordantes de l'imputabilité de la sclérose en plaques aux injections d'un vaccin font présumer le caractère défectueux des doses administrées à la victime ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt l'existence de présomptions graves, précises et concordantes, tant au regard de la situation personnelle de Mme X... que des circonstances particulières résultant notamment du nombre des injections pratiquées, de l'imputabilité de la sclérose en plaques à ces injections ; qu'il en résulte que le défaut du vaccin était présumé, à charge pour le producteur de celui-ci de rapporter la preuve contraire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc violé l'article 1386-4 du code civil ;
2°/ que s'il existe des présomptions graves, précises et concordantes de l'imputabilité de la sclérose en plaques aux injections d'un vaccin, il revient au juge de rechercher si les mêmes faits ne constituent pas des présomptions graves, précises et concordantes du caractère défectueux des doses administrées à la victime ; que, pour écarter le défaut du vaccin, la cour d'appel a considéré qu'était en cause l'utilisation du produit, voire sa posologie, et non un éventuel défaut ; qu'elle relevait encore que rien dans la littérature médicale contemporaine des vaccinations ne justifiait une mise en garde quant à la posologie recommandée, soit six injections, et que c'est uniquement à la suite de la réunion internationale du 21 septembre 1998 que la stratégie vaccinale a été modifiée ; qu'elle relevait, enfin, que le risque de sclérose en plaques n'était apparu dans le Vidal et sur les notices des vaccins qu'en 1994, qu'avant cette date, les effets indésirables du produit étaient encore inconnus et qu'il n'existait alors aucune étude sérieuse sur une éventuelle corrélation entre les affections démyélinisantes et la vaccination contre l'hépatite B ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, indépendamment de la connaissance du risque lié à une survaccination, la seule circonstance que le nombre d'injections ait provoqué une apparition très rapide des premiers symptômes de la sclérose en plaques chez une personne en parfaite santé, sans antécédents familiaux et appartenant de surcroît à une population présentant une rareté accrue de la maladie, ne suffisait pas à faire présumer le caractère défectueux des doses administrées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1386-4 et 1386-9 du code civil ;
3°/ qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et que dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ; que, pour écarter le défaut du vaccin, la cour d'appel a considéré qu'était en cause l'utilisation du produit, voire sa posologie, et non un éventuel défaut ; qu'elle a encore relevé que rien dans la littérature médicale contemporaine des vaccinations ne justifiait une mise en garde quant à la posologie recommandée, soit six injections, et que c'est uniquement à la suite de la réunion internationale du 21 septembre 1998 que la stratégie vaccinale a été modifiée et, enfin, que le risque de sclérose en plaques n'est apparu dans le Vidal et sur les notices des vaccins qu'en 1994, qu'avant cette date, les effets indésirables du produit étaient encore inconnus et qu'il n'existait alors aucune étude sérieuse sur une éventuelle corrélation entre les affections démyélinisantes et la vaccination contre l'hépatite B ; qu'en se fondant ainsi sur des circonstances générales, tirées du consensus médical à la date des injections, sans avoir égard à toutes les circonstances propres à établir que les doses injectées à la victime étaient défectueuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-4 du code civil ;
4°/ qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et que dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ; que, dans ses écritures d'appel, Mme X... avait fait valoir que le laboratoire devait nécessairement avoir analysé les effets de son produit et avait invoqué les motifs du jugement suivant lesquels « le laboratoire ne produit aucune étude qu'il aurait faite préalablement à la commercialisation de son vaccin, et son ignorance supposée des effets indésirables ne peut résulter que de l'absence de recherche faite en ce domaine » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si, nonobstant l'évolution du consensus médical postérieurement aux injections litigieuses, le producteur du vaccin avait pu légitimement ignorer le risque d'apparition d'une sclérose en plaques découlant d'une survaccination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-4 du code civil ;
5°/ que, dans ses écritures d'appel, Mme X... avait fait valoir qu'à supposer que le producteur ait réellement pris toutes les précautions nécessaires, il lui appartenait de fournir toutes les informations nécessaires sur la posologie du produit, ce qu'il n'a pas fait ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si, nonobstant l'évolution du consensus médical postérieurement aux injections litigieuses, il n'appartenait pas au producteur du vaccin d'en définir les conditions d'utilisation, la posologie et de vérifier l'innocuité de la multiplication des injections, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-4 du code civil ;
6°/ que, dans ses écritures d'appel, Mme X... avait soutenu que le vaccin ne présentait pas la sécurité à laquelle elle pouvait légitimement s'attendre, dès lors que, pour produire son effet attendu contre l'hépatite B, les injections avaient dû être multipliées sur sa personne, sans que son producteur n'ait mentionné le risque découlant d'une telle multiplication, à l'origine, suivant les propres constatations de l'arrêt, de l'apparition de la sclérose en plaques dont elle a été atteinte ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs de conclusions, de nature à établir le défaut des vaccins, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ que les juges ne peuvent procéder par voie d'affirmation d'ordre général sans indiquer l'origine de leurs constatations de fait ; qu'en ayant énoncé, pour écarter la responsabilité du producteur, que, dûment informée du risque de développer une sclérose en plaques du fait de la vaccination, Mme X... n'y aurait pas renoncé, la cour d'appel a statué par un motif d'ordre général et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, par arrêt du 12 novembre 2015, la Cour de cassation a sursis à statuer sur le pourvoi n° 14-18. 118 et renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de répondre aux questions suivantes :
1°) L'article 4 de la directive 85/ 374/ CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux s'oppose-t-il, dans le domaine de la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques du fait des vaccins qu'ils produisent, à un mode de preuve selon lequel le juge du fond, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, peut estimer que les éléments de fait invoqués par le demandeur constituent des présomptions graves, précises et concordantes, de nature à prouver le défaut du vaccin et l'existence d'un lien de causalité de celui-ci avec la maladie, nonobstant la constatation que la recherche médicale n'établit pas de lien entre la vaccination et la survenance de la maladie ?
2°) En cas de réponse négative à la question n° 1, l'article 4 de la directive 85/ 374, précitée, s'oppose-t-il à un système de présomptions selon lequel l'existence d'un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage subi par la victime serait toujours considérée comme établie lorsque certains indices de causalité sont réunis ?
3°) En cas de réponse affirmative à la question n° 1, l'article 4 de la directive 85/ 374, précitée, doit-il être interprété en ce sens que la preuve, à la charge de la victime, de l'existence d'un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage par elle subi ne peut être considérée comme rapportée que si ce lien est établi de manière scientifique ?
Attendu qu'au regard des griefs et des questions préjudicielles précités, la décision de la Cour de justice de l'Union européenne à intervenir est de nature à influer sur la solution du présent pourvoi ; qu'il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'au prononcé de celle-ci ;
PAR CES MOTIFS :
Sursoit à statuer sur le pourvoi jusqu'au prononcé de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur les questions préjudicielles posées par la première chambre civile dans son arrêt du 12 novembre 2015 (pourvoi n° 14-18. 118) ;
Réserve les dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille seize.