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22/09/2016 | FRANCE | N°15-16172

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 septembre 2016, 15-16172


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1351 du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;

Attendu que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X..., exploitants agricoles et adhérents de l'association Marché paysan de Maubec-Coustellet (l'association), qui promeut les produits alimentaires locaux, ont a

ssigné cette dernière en annulation de sa décision de radiation pour la saison 2007 et...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1351 du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;

Attendu que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X..., exploitants agricoles et adhérents de l'association Marché paysan de Maubec-Coustellet (l'association), qui promeut les produits alimentaires locaux, ont assigné cette dernière en annulation de sa décision de radiation pour la saison 2007 et en paiement de dommages-intérêts au titre de la privation d'activité ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'indemnisation de M. et Mme X... correspondant au manque à gagner subi pour les années 2007 à 2011, l'arrêt retient que l'association soutient utilement que ces derniers sont irrecevables dans leurs demandes indemnitaires au titre des années 2009 à 2011, dès lors que l'arrêt mixte du 20 novembre 2012 a circonscrit le préjudice allégué aux seules années 2007 et 2008 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêt du 20 novembre 2012 s'était borné, dans son dispositif, à constater l'irrégularité de la décision disciplinaire de radiation du 27 mars 2007 et à ordonner avant dire droit une mesure d'expertise comptable destinée à déterminer l'existence d'un préjudice, pour les années 2007 et 2008, en lien de causalité directe avec ladite décision, sans trancher aucune contestation sur la période d'indemnisation devant être retenue, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne l'association Marché paysan de Maubec-Coustellet et la société Groupama Méditerranée aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Groupama Méditerranée ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux X... de leurs demandes d'indemnisations en conséquence de l'annulation de la mesure disciplinaire de radiation irrégulière prise par l'association le 25 mars 2007 et correspondant au manque à gagner subi pour les années 2007 à 2011, pour une somme totale de 263. 350 euros, outre 5. 082, 58 euros au titre de frais et investissements inutilement engagés, ainsi qu'au titre de leur préjudice moral pour la somme de 30. 000 euros ;

Aux motifs que « l'association Marché Paysan de Maubec-Coustellet soutient utilement que les époux X... sont irrecevables dans leurs demandes indemnitaires au titre des années 2009 à 2011 dès lors que l'arrêt mixte du 20 novembre 2012 a circonscrit le préjudice allégué aux seules années 2007-2008 ; qu'elle fait observer tout aussi inutilement que les rapports amiables des experts Y...et B...venant en critique des conclusions de l'expert judiciaire, sont postérieures au dépôt de son rapport, même si la cour ne saurait y voir nécessairement une manoeuvre déloyale comme le prétend l'association, il est certain qu'en procédant de la sorte, les époux X... ont privé les intimés d'un débat technique contradictoire qu'une expertise judiciaire a justement pour finalité d'organiser, de telle sorte que ce rapport amiable réalisé à la seule initiative des appelants manque singulièrement de pertinence, même s'ils ne sont pas pour autant irrecevables du seul fait de leur caractère purement unilatéral ; que cette circonstance est d'autant plus regrettable que les époux X... étaient assistés d'un expert agricole et d'un expert-comptable au cours de l'expertise judiciaire et qu'ils ont effectué des Dires à l'expert auxquels ce dernier a répondu ; que dans son rapport particulièrement circonstancié, l'expert Z...analyse au moyen de différentes approches comptables les éléments communiqués par les parties et conclut à l'absence d'un préjudice en lien de causalité direct avec la décision irrégulière de radiation du 27 mars 2007 ; qu'il explique que malgré ses demandes réitérées, il n'a pu obtenir la communication des documents relatifs aux surfaces exploitées ou aux quantités produites en 2007 et 2008 et que les bilans et comptes de résultat qui lui ont été remis n'étaient pas justifiés par des pièces comptables, les journaux, grand livre et balance ; qu'en réponse au dire des époux X..., fondé sur le rapport de l'expert-comptable A...auquel succédera Mme B... et qui en reprendra la teneur dans son propre rapport du 7 janvier 2014, M. Z...indique que les évaluations retenues par l'expert amiable ont certes " une certaine cohérence dans une logique contractuelle " mais qu'elles procèdent d'un raisonnement en milieu aléatoire ; que d'ailleurs, l'expert A...mentionne bien dans son compte-rendu de mission : " Sur une hypothèse raisonnable de 40 % d'évolution des recettes entre 2006 et 2007, la perte subie par M. X... peut être valorisée à 42. 895 euros pour 2007 " ; qu'il relève aussi une contradiction de recettes pour les années 2006 et 2007 dans celles retenues par l'expert A...soit 69. 746 euros et 57. 026 euros, alors que les déclarations à l'administration fiscale s'établissent à 93. 425 euros pour 2006 et 60. 171 euros pour 2007 ; que l'association Marché Paysan de Maubec-Coustellet relève cette même contradiction entre les liasses fiscales et les comptes de résultat ; que l'exploitation des parcelles et la répartition des cultures telles que prétendues par l'expert agricole Galas n'ont pu être vérifiées par aucun élément concret et c'est donc sur une production théorique que sont fondés les chiffres avancés par ce dernier ; que le rapport de Mme B... n'est lui-même fondé sur aucune facture tiers et celles produites postérieurement par les époux X... ont été pour la plupart payées en espèces, sont surchargées ou raturées au niveau de leur date ; qu'enfin les appelants ne contestent aucunement les diverses attestations de producteurs agricoles (témoignages C..., D..., E...) communiquées par l'association intimée selon lesquelles la quantité de produits vendus sur le Marché Paysan était sans rapport avec la surface exploitée ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que la preuve d'un préjudice direct n'est pas établie et qu'il convient ainsi de rejeter la demande indemnitaire des époux X... sans qu'il y ait lieu d'ordonner une nouvelle expertise, aucune des pièces communiquées postérieurement au dépôt du rapport d'expertise ne permettant de remettre sérieusement en cause les conclusions de l'expert judiciaire » ;

Alors, d'une part, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'une décision qui a été tranchée dans son dispositif ; que le jugement mixte qui se borne dans son dispositif, après avoir retenu le principe d'une faute, à ordonner une mesure d'instruction sur l'étendue du préjudice, n'a pas, au principal, autorité de la chose jugée de ce chef ; qu'en affirmant que les époux X... étaient irrecevables en leur demande indemnitaire au titre des années 2009 à 2011, dès lors que l'arrêt mixte du 20 novembre 2012 ayant ordonné une expertise sur le préjudice avait circonscrit celui-ci aux seules années 2007 et 2008, quand, dans cet arrêt, la cour d'appel n'avait tranché dans son dispositif aucune contestation sur la période pour laquelle le préjudice des époux X... devait être indemnisé, de sorte qu'il n'avait pas autorité de chose jugée de ce chef, peu important la mission impartie avant dire droit à l'expert désigné, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 et 482 du code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; que les dommages et intérêts sont alors de la perte subie et du gain manqué ; qu'en écartant tout préjudice causé par la décision irrévocablement annulée de radiation des époux X... de l'association Marché Paysan de Maubec-Coustellet, qui les avait privé d'accès au marché paysan de Coustellet à partir de 2007, aux motifs inopérants que l'expert n'avait pas eu communication d'éléments relatifs aux surfaces exploitées et aux quantités produites, ainsi que de pièces comptables, journaux, grands livres et balances et qu'il n'était pas justifié que les époux X... étaient en mesure de cultiver dans leur exploitation toute la production dont ils se prévalaient, quand, dès lors que ces derniers avaient été privés irrégulièrement de l'accès au marché, ils avaient nécessairement manqué un gain qu'ils auraient pu tirer de leurs ventes sur ce marché hebdomadaire, la cour d'appel a méconnu le principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime, violant ainsi l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-16172
Date de la décision : 22/09/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 05 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 sep. 2016, pourvoi n°15-16172


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Delaporte et Briard, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16172
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