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21/09/2016 | FRANCE | N°15-23383

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 21 septembre 2016, 15-23383


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 7 avril 2015), que M. Eser X..., de nationalité turque et Mme Ayla Y..., de nationalité française, se sont mariés le 2 janvier 2003, en France, sans contrat préalable ; que M. X..., placé en liquidation judiciaire, s'étant opposé à la licitation d'un immeuble dépendant de l'actif de la procédure collective, le liquidateur les a assignés devant un tribunal de grande instance pour faire juger que les époux X... étaient soumis

au régime matrimonial français de la communauté légale réduite aux acquêts ;
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 7 avril 2015), que M. Eser X..., de nationalité turque et Mme Ayla Y..., de nationalité française, se sont mariés le 2 janvier 2003, en France, sans contrat préalable ; que M. X..., placé en liquidation judiciaire, s'étant opposé à la licitation d'un immeuble dépendant de l'actif de la procédure collective, le liquidateur les a assignés devant un tribunal de grande instance pour faire juger que les époux X... étaient soumis au régime matrimonial français de la communauté légale réduite aux acquêts ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen, que les époux peuvent, au cours du mariage, soumettre leur régime matrimonial à la loi de l'Etat dont l'un d'eux a la nationalité ; que la désignation de la loi peut être expresse ou résulter des stipulations de l'acte de mariage ; qu'en l'espèce il est constant que les époux X..., tous deux de nationalité turque au regard du droit turc, n'ont pas établi de contrat de mariage lors de leur mariage en France le 2 janvier 2003, mais ont opté, un an plus tard, le 5 août 2004, avant toute procédure collective et avant même l'achat du bien litigieux qui n'a eu lieu qu'en 2007, pour la séparation de biens en Turquie devant un notaire turc ; qu'une telle option s'analyse en un choix de loi en faveur de droit turc ; qu'en disant le contraire aux seuls motifs que les époux X... n'avaient pas mentionné expressément dans le contrat de mariage lui-même que la loi turque était applicable, sans rechercher s'il ne s'évinçait pas de ce contrat conclu en Turquie devant un notaire turc la volonté claire et précise des époux d'opter pour le droit turc, la cour d'appel a manqué de base légale aux regards des articles 6, 11 et 12 de la Convention de La Haye ;

Mais attendu que l'arrêt retient que M. et Mme X... n'ont pas, lors de leur mariage contracté en France, fait choix de la loi applicable à leur régime matrimonial et que l'acte portant adoption du régime de la séparation de biens, établi le 5 août 2004 par un notaire turc, muet sur la loi applicable, n'a pas eu pour objet de choisir une loi pour régir leur régime matrimonial au sens de l'article 6 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 ; qu'en l'état de ces énonciations et, sans être tenue d'effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que la loi française était applicable ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. Z..., ès qualités, et à la Société générale la somme de 2 000 euros chacun ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que l'acte d'adoption du régime de séparation de biens de Monsieur Eser X... et de Madame Ayla X... du 5 août 2004 passé devant le 28e notaire d'Istanbul en Turquie était inopposable à la France et dit que les époux X... étaient mariés sous le régime légal français de la communauté réduite aux acquêts, outre les condamnations aux frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « le mandataire liquidateur est non seulement le représentant du débiteur mais est également investi des pouvoirs du représentant des créanciers et a donc à ce titre la mission de défendre l'intérêt collectif de ces derniers ; Attendu que cette dualité de fonction conduit certes à lui reconnaître la qualité de représentant du débiteur mais aussi et surtout par rapport à ce dernier, la qualité de tiers en tant qu'organe d'intérêt collectif des créanciers ; Qu'ayant pour mission de réaliser le patrimoine du débiteur pour désintéresser les créanciers, il doit aussi veiller à ce que les intérêts de ces derniers soient protégés, notamment à l'égard d'un acte qui pourrait leur être opposé et qui pourrait léser l'intérêt collectif desdits créanciers, au risque de bloquer toute action du mandataire dans la réalisation de l'actif ; Que l'action de Maître Z..., es qualités de mandataire liquidateur, agissant en qualité de représentant des créanciers, est donc au cas d'espèce parfaitement recevable et régulière ; Attendu que l'acte de séparation de biens établi par le notaire Turc est muet sur la loi applicable ; Attendu que la Convention de la Haye conclue le 14 mars 1978 dont se prévalent les époux X... pour soutenir qu'ils pouvaient valablement soumettre à la loi de l'Etat Turque le changement de leur régime matrimonial, prévoit effectivement dans son article 6 que les époux peuvent, au cours du mariage, soumettre leur régime matrimonial à une loi interne autre que celle jusqu'alors applicable, les époux ne pouvant désigner que l'une des lois suivantes : 1. La loi d'un Etat dont l'un des époux a la nationalité au moment de cette désignation, 2. La loi de l'Etat sur le territoire duquel l'un des époux a sa résidence habituelle au moment de cette désignation ; que cependant la détermination de la loi applicable au régime et au changement de régime s'opère en deux temps, dans un premier temps en se plaçant au jour du mariage pour déterminer la loi initialement applicable et dans un deuxième temps au jour du changement du régime matrimonial postérieurement au mariage pour déterminer la loi applicable au changement lui-même ; qu'il est constant que les époux au jour du mariage avaient leur résidence habituelle en France, qu'ils se sont mariés sans contrat préalable de mariage, que dès lors le régime matrimonial des époux en l'absence de choix de leur part se trouvait donc régi par la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel ils avaient établi leur résidence, soit la loi Française et au cas d'espèce le régime de la communauté légale réduite aux acquêts ; que la convention de la Haye pré-citée ne concerne que la nature du régime matrimonial lui-même et ne comporte aucune indication sur la loi applicable pour régir le changement du régime matrimonial au cours du mariage ; Que selon le droit positif Français les époux X... ne pouvaient donc changer de régime sans respecter les dispositions prévues par l'article 1397 du code civil, qu'il est constant que ces dispositions n'ont pas été respectées ainsi que l'a précisément noté le premier juge ; Qu'ainsi le délai de deux ans prévu à cet article n'a pas été respecté, qu'il n'est nullement justifié d'une liquidation du régime matrimonial modifié ou de son absence de nécessité, des précisions concernant la présence ou non d'enfants, dans l'hypothèse de leur existence de la formalité liée à leur information voire de l'homologation par le tribunal si les enfants sont mineurs, qu'il en est de même de l'information donnée aux tiers ; que les époux X... ne peuvent dès lors s'affranchir de ces formalités sans porter atteinte notamment aux droits des tiers et en l'espèce aux différents créanciers de la liquidation, et ce d'autant plus que dans l'acte de vente du 2 février 2007 conclu avec Mme. Gerfaud-Valentin, ils ont déclaré être mariés sous le régime de la communauté de biens réduites aux acquêts à défaut de contrat de mariage préalable à leur union et précisé que leur régime n'avait subi aucune modification conventionnelle ou judiciaire, alors qu'ils se prévalent aujourd'hui du contrat de séparation de biens établi en Turquie en 2004 pour s'opposer à la vente de ce même bien acquis en 2007 ; que dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a dit et jugé que l'adoption du régime de séparation de biens de M. Eser X... et de Mine. Ayla X... en date du 5 août 2004 passé devant le 28 ème notaire d'Istanbul en Turquie était inopposable en France et que Mr. Eser X... et Mme, Ayla X... étaient mariés sous le régime légal Français de la communauté réduite aux acquêts »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Sur l'opposabilité de l'acte notarié turc d'adoption du régime de la séparation de bien : qu'il résulte de l'acte de séparation de biens, dont une traduction est versée aux débats, en date du 5 août 2004, passé par devant le 28e notaire d'Istanbul, qu'il a pour objet l'adoption du régime matrimonial de séparation de biens ; il n'a donc par pour objet le choix d'une loi pour régir leur régime matrimonial en application de l'article 6 de la convention de la Haye ; que le problème de la loi applicable au changement de régime matrimonial n'a pas été abordé par la convention de La Haye ; le droit positif français considère que ce dernier dépend de la loi qui régit le régime matrimonial d'origine lui-même ; en l'espèce, c'est la loi française qui s'appliquait ; elle reconnaît le mutabilité du régime matrimonial et doit fixer les conditions mises à exercice de cette faculté ; elle doit dire ainsi si la réalisation de ces conditions doit ou non faire l'objet d'un contrôle d'une autorité judiciaire ou administrative, ainsi l'exigence ou non de l'homologation doit être considérée comme une condition de fond du changement de régime de même que les conditions de délais ; en l'espèce, les époux ne pouvaient changer de régime matrimonial sans respecter le délai de deux années prévu par l'article 1397 du code civil, sans respecter la condition d'une liquidation du régime matrimonial modifié, sans la publication d'un avis dans un journal habilité à recevoir les annonces légales pour informer les créanciers ; de même, il n'est pas indiqué si les époux n'ont pas d'enfants ou ont des enfants mineurs ou majeurs, ce qui induit l'existence d'informations supplémentaires à formaliser ou l'homologation par le tribunal ; Par ailleurs, il n'est pas justifié que mention a été apportée en marge de l'acte de mariage de ce changement de régime matrimonial et ce, pour être notamment opposable aux tiers, et ce, alors que dans l'acte de vente en date du 2 février 2007 par lequel les époux X... ont acquis leur terrain à bâtir, c'est dernier ont déclaré que le régime matrimonial n'avait subi aucune modification conventionnelle ou judiciaire ; Enfin, lorsque le changement de régime matrimonial résulte d'un acte authentique passé à l'étranger, cet acte doit être publié après légalisation et déposé au rang des minutes d'un notaire français et il doit être accompagné d'une traduction certifiée. Toutes ces conditions n'ayant pas été respectées, l'acte d'adoption du régime de la séparation de biens en date du 5 août 2004 passé devant le 28e notaire d'Istanbul en Turquie est inopposable en France, il convient de constater que le régime matrimonial des époux X... est le régime légal français à savoir le régime de la communauté réduite aux acquêts. »

ALORS QUE les époux peuvent, au cours du mariage, soumettre leur régime matrimonial à la loi de l'Etat dont l'un d'eux a la nationalité ; que la désignation de la loi peut être expresse ou résulter des stipulations de l'acte de mariage ; qu'en l'espèce il est constant que les époux X..., tous deux de nationalité turque au regard du droit turc, n'ont pas établi de contrat de mariage lors de leur mariage en France le 2 janvier 2003, mais ont opté, un an plus tard, le 5 août 2004, avant toute procédure collective et avant même l'achat du bien litigieux qui n'a eu lieu qu'en 2007, pour la séparation de biens en Turquie devant un notaire turc ; qu'une telle option s'analyse en un choix de loi en faveur de droit turc ; qu'en disant le contraire aux seuls motifs que les époux X... n'avaient pas mentionné expressément dans le contrat de mariage lui-même que la loi turque était applicable, sans rechercher s'il ne s'évinçait pas de ce contrat conclu en Turquie devant un notaire turc la volonté claire et précise des époux d'opter pour le doit turc, la Cour d'appel a manqué de base légale aux regards des articles 6, 11 et 12 de la Convention de La Haye.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-23383
Date de la décision : 21/09/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 07 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 21 sep. 2016, pourvoi n°15-23383


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Marc Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.23383
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