LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et l'article R. 242-65 du code rural et de la pêche maritime en sa rédaction alors applicable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée en qualité de vétérinaire salariée à compter du 23 août 2004 par Mme Y..., d'abord par contrats à durée déterminée puis par contrat à durée indéterminée ; que son contrat comportait une clause de non-concurrence ne prévoyant pas de contrepartie pécuniaire ; qu'ayant donné sa démission, puis quelques mois plus tard ouvert sa propre clinique vétérinaire, elle a été condamnée par les juridictions ordinales à une suspension d'activité de douze mois ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger que la clause de non-concurrence était nulle ; que la cour d'appel a retenu que la clause de non-concurrence était strictement conforme aux dispositions de l'article R. 242-65 du code rural relatives à la profession de vétérinaire ; que par arrêt du 15 janvier 2014, la Cour a renvoyé l'une ou l'autre parties à saisir la juridiction administrative aux fins d'appréciation de la légalité de l'article R. 242-65 du code rural et de la pêche maritime ; que par arrêt du 10 février 2016, le Conseil d'Etat a déclaré que l'exception d'illégalité des dispositions de l'article R. 242-65 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction issue du décret n° 2003-967 du 9 octobre 2003 portant code de déontologie vétérinaire et modifiant le code rural et de la pêche maritime n'est pas fondée ;
Attendu que, pour confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la clause de non-concurrence était valide et n'avait pas été respectée, l'arrêt retient que les contrats conclus entre les parties prévoyaient en leur article 12 une clause de non-concurrence strictement conforme aux dispositions de l'article R. 242-65 du code rural et de la pêche maritime relatives à la profession de vétérinaire interdisant au docteur X... pendant deux ans après la rupture de la relation de travail, d'exercer son activité de vétérinaire dans un périmètre de 25 kilomètres du cabinet de son ancien employeur, que la validité d'une clause de non-concurrence s'apprécie à la date de sa conclusion, que force est de constater qu'à la date de conclusion des contrats, aucun texte d'origine réglementaire ou législative ne venait ajouter une obligation de contrepartie financière aux dispositions précitées du code rural repris dans le code de déontologie des vétérinaires, que peu importe, qu'ultérieurement la convention collective nationale des vétérinaires, pour se mettre en conformité avec l'évolution jurisprudentielle, ait introduit en son article 65 une contrepartie financière à une clause de non-concurrence, qu'il est en outre constant que le docteur X... a ouvert le 3 juin 2009 une clinique vétérinaire zone des Paluds à Eyguieres, soit à une distance de moins de 25 kilomètres de la clinique du docteur Y... chez qui elle avait été salariée, qu'il convient dès lors de dire valide la clause de non-concurrence ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions réglementaires, supplétives de la volonté des parties, et partant non applicables dès lors que les parties ont elles-mêmes stipulé une clause de non-concurrence, ne sauraient permettre à celles-ci d'éluder la condition, tirée de l'existence d'une contrepartie financière, essentielle à la validité d'une telle clause, la cour d'appel, qui a constaté que la clause ne comportait pas une telle contrepartie, a violé le principe et le texte susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Louvel, premier président et par Mme Piquot, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt le quatorze septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la clause de non-concurrence aurait été valide et n'aurait pas été respectée, et a débouté le docteur X... de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « la juridiction prud'homale a compétence pour connaître des différents pouvant s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre l'employeur et le salarié qu'il emploie ; Que les contrats conclus entre les parties prévoyaient en leur article 12 une clause de non-concurrence strictement conforme aux dispositions de l'article R.242-65 du code rural relatives à la profession de vétérinaire interdisant au docteur H., pendant deux ans après la rupture de la relation de travail, d'exercer son activité de vétérinaire dans un périmètre de 25 kilomètres du cabinet de son ancien employeur ; Que la validité d'une clause de non-concurrence s'apprécie à la date de sa conclusion ; Que force est de constater qu'à la date de conclusion des contrats, aucun texte d'origine réglementaire ou législative ne venait ajouter une obligation de contrepartie financière aux dispositions précitées du code rural repris dans le code de déontologie des vétérinaires ; Que peu importe, qu'ultérieurement la convention collective nationale des vétérinaires, pour se mettre en conformité avec l'évolution jurisprudentielle, ait introduit en son article 65 une contrepartie financière à une clause de non-concurrence ; Qu'il est en outre constant que le docteur H. a ouvert le 3 juin 2009 une clinique vétérinaire zone des paluds à EYGUIERES, soit à une distance de moins de 25 kilomètres de la clinique du docteur Y... chez qui elle avait été salariée ; Qu'il conviendra dès lors de dire valide la clause de non-concurrence prévue dans les contrats à durée déterminée des 23 août 2004 et 14 février 2005 conclus entre les docteurs Y... et X..., de débouter Frédérique X... de l'intégralité de ses demandes et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « l'art. R. 242-6 du Code rural portant déontologie des vétérinaires édicte : « tout vétérinaire ayant exercé en qualité de salarié ou de collaborateur dans un cabinet vétérinaire, une clinique vétérinaire ou un centre hospitalier vétérinaire ne peut fixer son domicile professionnel d'exercice ni exercer en tant que vétérinaire à domicile à moins de vingt-cinq kilomètres du lieu où il a exercé sa profession pendant au moins trente jours consécutifs… » ; Que les juridictions disciplinaires de la profession ont constaté l'opposabilité de cette clause de non-concurrence de Mlle X... ; Que les instances disciplinaires ont sanctionné Mlle X... pour la violation de cette clause réglementaire ; Que les contrats à durée déterminée comportent tous deux à l'art. 12 « clause de non-concurrence » les termes suivants : « compte tenu du secteur d'activité spécifique de l'employeur, le salarié s'engage à ne pas fixer son domicile professionnel à moins de 25 km du cabinet ; l'interdiction sera d'une durée de 2 ans à compter de la rupture du contrat » ; Qu'à l'issue du deuxième contrat à durée déterminée le 14 août 2005, les relations contractuelles se sont poursuivies sans contrat écrit ni dénonciation des clauses des contrats à durée déterminée, les obligations des contrats précédents s'imposant à Mlle X..., notamment la clause de non-concurrence ; Que la clause de non-concurrence est prévue dans les contrats de salarié et dans la CCN à l'art. 65 ; Que la clause de non-concurrence est limitées dans le temps et l'espace, qu'elle répond aux intérêts légitimes et professionnels de Mme Y... ; Que la CCN prévoit une contrepartie financière dont les conditions de versement sont exprimées clairement et que son application est d'effet immédiat, après signatures le 31 janvier 2006 ; Que la CCN art. 65 prévoit dès la fin des relations contractuelles, le versement d'une contrepartie financière, cette indemnisation cessant d'être due dès la constatation du non-respect de la clause de non-concurrence ; Qu'en l'espèce, les relations contractuelles ont cessé à la fin du préavis de Mlle X... le 13 mai 2006, que Mlle X... a signé le bail à usage professionnel pour les locaux où elle exerce sa profession, le 01 mai 2006 ; Que le 03 juin 2006, Mlle X... invitait à l'inauguration de sa clinique vétérinaire à 18h00 tels que les cartons d'invitation produits à l'audience le mentionnent ; Qu'il est évident que Mlle X... n'a pas respecté les termes de la clause de non concurrence et s'est affranchie des dispositions de cette clause ; Que ce non-respect de la clause de non-concurrence contractuelle et déontologique par Melle X... dispensait Mme Y... du versement de contrepartie financière à cette clause ; Que le bureau de jugement dit que la clause de non-concurrence est valide et n'a pas été respectée, déboute Mlle X... de ses demandes, fins et conclusions, et déboute Mme Y... de ses demandes » ;
1°) ALORS QU'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle comporte une contrepartie financière ; Que cette exigence d'une contrepartie financière, qui répond à l'impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité de la liberté fondamentale d'exercer une activité professionnelle, s'impose sans exception à toute clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail, qui doit être jugée nulle du seul fait qu'elle en est dépourvue ; Qu'il en résulte qu'aucune disposition réglementaire ne saurait autoriser un employeur à imposer une obligation de non-concurrence à un salarié, sans prévoir le versement d'une contrepartie financière à son profit ; Qu'en se fondant, en l'espèce, pour déclarer licite la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail de Madame X..., sur le fait que celle-ci aurait été strictement conforme à l'article R. 242-65 du Code rural relatif à la profession de vétérinaire, cependant que la clause litigieuse ne comportait aucune contrepartie financière au profit de la salariée et que la disposition règlementaire ne pouvait être interprétée comme permettant de déroger à cette exigence, la Cour d'appel a violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE la validité d'une clause de non-concurrence doit être appréciée à la date de sa conclusion, de sorte qu'une convention collective intervenue postérieurement ne peut avoir pour effet de couvrir la nullité qui l'affecte ; Qu'en outre, si le versement d'une contrepartie financière peut-être prévu dans la convention collective et non dans la clause de non-concurrence elle-même, c'est à la seule condition que la clause renvoie expressément à la convention collective et que le salarié ait pu en prendre connaissance ; Qu'en jugeant, par motifs éventuellement adoptés, que la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail de Madame X... aurait été licite dès lors qu'une contrepartie financière aurait été prévue par l'article 65 de la convention collective nationale des vétérinaires, cependant que cet article n'est entré en vigueur que dans le courant de l'année 2006, soit postérieurement à la conclusion du contrat de travail de la vétérinaire salariée, et que la clause litigieuse ne renvoyait pas aux stipulations de la convention collective, la Cour d'appel a violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'employeur ne peut être dispensé du paiement de la contrepartie financière dès la fin de la relation contractuelle, que s'il est démontré que le salarié débiteur de l'obligation de non-concurrence a commis des actes de concurrence déloyale à son encontre ; Que les simples faits de signer un bail et de convier des invités à une festivité en vue de l'inauguration d'une clinique ne sauraient constituer des actes de concurrence déloyale dispensant l'employeur du versement de la contrepartie financière ; Qu'en se fondant, en l'espèce, sur de tels faits, pour retenir que Madame Y... aurait valablement pu se dispenser du versement de la contrepartie financière qui aurait été incluse au contrat de travail de Madame X..., la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants et par là-même violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 1221-1 du Code du travail.