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08/09/2016 | FRANCE | N°15-12600

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 septembre 2016, 15-12600


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 1er avril 1999, a été conclu un accord national visant à mettre en oeuvre la création d'emplois par l'aménagement et la réduction du temps de travail dans les établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées relevant de la convention collective du 15 mars 1966 ; que l'Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés de la Loir

e (l'ADAPEI), conformément à l'article 12 de l'accord, a procédé à la réduction d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 1er avril 1999, a été conclu un accord national visant à mettre en oeuvre la création d'emplois par l'aménagement et la réduction du temps de travail dans les établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées relevant de la convention collective du 15 mars 1966 ; que l'Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés de la Loire (l'ADAPEI), conformément à l'article 12 de l'accord, a procédé à la réduction du temps de travail, en mettant en place à compter du 29 mai 2000 une annualisation du temps de travail, sur la base d'un horaire hebdomadaire moyen de 35 heures ou 1 600 heures annuelles, la rémunération des salariés étant maintenue ; que, soutenant que les jours de congés supplémentaires accordés trimestriellement à certaines catégories de personnels par la convention collective, devaient être déduits de la durée annuelle de travail, le syndicat CFDT des services de santé et services sociaux de la Loire, a saisi le tribunal de grande instance qui a par jugement du 13 novembre 2002 débouté le syndicat de cette demande ; que l'arrêt confirmatif du 25 mars 2004 a été cassé par arrêt du 12 juillet 2006, que statuant sur renvoi, la cour d'appel de Riom a, par arrêt du 18 septembre 2007, dit que les jours de congés trimestriels devaient être déduits de la durée annuelle de travail des salariés, et déterminant le seuil de déclenchement du régime des heures supplémentaires selon le nombre de jours de congés trimestriels, dit que l'employeur devait calculer et régler le rappel d'heures supplémentaires qui en découlait jusqu'au 1er octobre 2002 pour les salariés travaillant dans le secteur adultes et jusqu'au 1er juin 2003 pour les salariés travaillant dans le secteur enfants ; que des salariés de l'ADAPEI ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, dont une demande en rappel d'heures supplémentaires ;

Attendu que pour déclarer les salariés recevables en leur action et faire droit à leur demande de rappel d'heures supplémentaires, l'arrêt énonce que le dispositif de l'arrêt du 18 septembre 2007 est parfaitement clair et ne peut donner lieu à une quelconque interprétation par le biais d'une analyse de la nature de l'action du syndicat, que le dispositif de cet arrêt qui a autorité de la chose jugée, force de chose jugée et est exécutoire à l'égard de l'ADAPEI de la Loire qui était partie au litige en sa qualité d'employeur lui ordonne, après avoir fixé les seuils de déclenchement des heures supplémentaires en fonction de la durée des congés trimestriels bénéficiant aux salariés, de calculer et régler le rappel d'heures supplémentaires qui en découle jusqu'au 1er octobre 2002 pour les salariés travaillant dans le secteur adultes et jusqu'au 1er juin 2003 pour les salariés travaillant dans le secteur enfants et qu'il s'en évince que les demandes relatives au paiement des heures supplémentaires en ce qu'elles sont strictement assises sur l'arrêt du 18 septembre 2007 sont des demandes d'exécution dudit arrêt à l'encontre de l'employeur qui s'était vu ordonner de régulariser les heures supplémentaires, que les demandes sont donc soumises à la prescription de dix ans laquelle a commencé à courir à dater de l'arrêt ;

Qu'en statuant ainsi, en faisant application à l'action des salariés de la prescription de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution alors que ces salariés n'étaient pas parties à l'arrêt du 18 septembre 2007, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif critiqué par le second moyen relatif au versement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevables les demandes des salariés au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents et condamne l'ADAPEI de la Loire à payer des sommes à ce titre et des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt rendu le 5 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom ;

Condamne les salariés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'ADAPEI de la Loire.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé recevable les demandes des salariés en règlement des heures supplémentaires et congés payés afférents, et condamné l'ADAPEI de la Loire à payer à chaque salarié un rappel d'heures supplémentaires incluant les congés payés ainsi que des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE Les salariés se prévalent de la prescription de dix ans qui régit l'exécution des décisions de justice et la font courir de l'arrêt rendu le 17 décembre 2008 par la Cour de Cassation. L'employeur argue de la prescription de cinq ans qui régit les demandes relatives aux salaires et fixe son point de départ à la période 2000/2003 sur laquelle portent les demandes. Par arrêt du 18 septembre 2007, la cour d'appel de RIOM a déterminé le seuil de déclenchement du régime des heures supplémentaires et a dit que l'ADAPEI de la LOIRE devait calculer et régler le rappel d'heures supplémentaires qui en découle jusqu'au 1er octobre 2002 pour les salariés travaillant dans le secteur adultes et jusqu'au 1er juin 2003 pour les salariés travaillant dans le secteur enfants. Par arrêt du 22 juin 2010, la cour d'appel de Riom a débouté le syndicat CFDT des services de santé et services sociaux de la LOIRE de sa demande tendant à voir assortir d'une astreinte les dispositions de l'arrêt du 18 septembre 2007. Ces deux arrêts sont définitifs. La discussion sur la nature de l'action exercée par le syndicat devant la cour d'appel de Riom est dénuée de pertinence ; en effet, le dispositif de l'arrêt du 18 septembre 2007 est parfaitement clair et ne peut donner lieu à une quelconque interprétation par le biais d'une analyse de la nature de l'action du syndicat ; le dispositif de cet arrêt qui a autorité de la chose jugée, force de chose jugée et est exécutoire à l'égard de l'ADAPEI de la LOIRE qui était partie au litige en sa qualité d'employeur lui ordonne, après avoir fixé les seuils de déclenchement des heures supplémentaires en fonction de la durée des congés trimestriels bénéficiant aux salariés, de calculer et régler le rappel d'heures supplémentaires qui en découle jusqu'au 1er octobre 2002 pour les salariés travaillant dans le secteur adultes et jusqu'au 1er juin 2003 pour les salariés travaillant dans le secteur enfants.
Cet arrêt porte uniquement sur les heures supplémentaires et non sur les congés trimestriels. Il s'en évince que les demandes relatives au paiement des heures supplémentaires en ce qu'elles sont strictement assises sur l'arrêt du 18 septembre 2007 sont des demandes d'exécution dudit arrêt à l'encontre de l'employeur qui s'était vu ordonner de régulariser les heures supplémentaires ; les demandes sont donc soumises à la prescription de dix ans laquelle a commencé à courir à dater de l'arrêt. Les salariés ont saisi le conseil des prud'hommes de Montbrison en 2011 ; leurs actions en règlement des heures supplémentaires ne sont donc pas prescrites et sont recevables ;

1. ALORS QUE l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution (anciennement article 3-1 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991) dispose que « l'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long » ; que ce texte institue une durée pendant laquelle le créancier peut procéder à l'exécution forcée de certains titres exécutoires et notamment d'une décision de justice ayant force exécutoire ; qu'en l'espèce, l'action des salariés ne visait pas et ne pouvait viser à l'exécution forcée de l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 18 septembre 2007 qui avait seulement ordonné à l'employeur, sur demande d'un syndicat agissant sur le fondement d'une atteinte à l'intérêt collectif, de régulariser des heures supplémentaires au profit des salariés, sans condamner l'employeur au paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées ; qu'en soumettant les demandes des salariés à une prescription de dix ans à compter de cet arrêt, la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé ;

2. ALORS QU'en application de l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action tendant au paiement de créances de nature salariale se prescrit par cinq ans à compter de l'exigibilité du salaire ; qu'est sans effet sur ce délai de prescription l'action d'un syndicat agissant sur le fondement d'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession et tendant notamment à voir ordonner à l'employeur de régulariser un rappel de salaire au profit de salariés non nommément désignés, de même que l'arrêt qui fait droit à cette demande ; qu'en l'espèce, il est constant que les demandes en paiement d'heures supplémentaires dont les salariés avaient saisi le conseil de prud'hommes en 2011 portaient sur la période allant de juin 2000 à septembre 2002 (pour les salariés du secteur adultes) ou juin 2003 (pour ceux du secteur enfants) ; qu'en jugeant que ces demandes n'étaient pas prescrites au prétexte qu'il s'agissait de demandes d'exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 18 septembre 2007 ayant déterminé le seuil de déclenchement du régime des heures supplémentaires et dit que l'ADAPEI de la LOIRE devait calculer et régler le rappel d'heures supplémentaires qui en découle jusqu'au 1er octobre 2002 pour les salariés travaillant dans le secteur adultes et jusqu'au 1er juin 2003 pour les salariés travaillant dans le secteur enfants, et qu'elles étaient donc soumises à une prescription de dix ans à compter de cet arrêt, quand cet arrêt avait été rendu sur la demande d'un syndicat agissant sur le fondement d'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 2132-3 du même code, l'article 3-1 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 devenu article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, l'article 1351 du code civil, les articles 2244 et suivants du code civil dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et 2241 et suivants du même code dans leur rédaction postérieure à ladite loi ;

3. ALORS QUE l'autorité de chose jugée suppose une triple identité de parties, de cause et d'objet ; que la demande d'un syndicat agissant sur le fondement d'une atteinte à l'intérêt collectif à la profession, même si elle tend notamment à voir condamner l'employeur à régulariser un rappel de salaire au profit d'une catégorie de salariés non nommément désignés, n'a pas le même objet que la demande d'un salarié en paiement de ce rappel et les deux instances n'opposent pas les mêmes parties ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 18 septembre 2007 avait autorité de chose jugée quand les salariés n'étaient ni parties ni représentés à l'instance ayant donné lieu à cet arrêt et que les demandes du syndicat d'une part, des salariés d'autre part, n'avaient pas le même objet, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'ADAPEI de la Loire à payer à chaque salarié des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE Les salariés ne fondent plus leurs demandes de dommages et intérêts sur la discrimination syndicale mais sur l'exécution déloyale du contrat de travail. L'article L. 1222-1 du code du travail pose le principe selon lequel le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés de la Loire s'est toujours refusée à appliquer l'arrêt rendu le 18 septembre 2007 par la cour d'appel de Riom même après le rejet du pourvoi en cassation qu'elle avait formé contre cet arrêt ; le dispositif de l'arrêt en question est parfaitement clair, précis et exécutable ; il fixe les seuils de déclenchement des heures supplémentaires en fonction de la durée des congés trimestriels bénéficiant aux salariés et dit que l'ADAPEI de la Loire doit calculer et régler le rappel d'heures supplémentaires qui en découle jusqu'au 1er octobre 2002 pour les salariés travaillant dans le secteur adultes et jusqu'au 1er juin 2003 pour les salariés travaillant dans le secteur enfants. En n'appliquant pas l'injonction que lui décernait cette décision de justice et relative à des rappels de salaire, l'Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés de la Loire a exécuté de manière déloyale le contrat de travail ; elle doit réparer son manquement. Les éléments de la cause justifient de chiffrer ce montant des dommages et intérêts revenant à chaque salarié la somme de 1 500 € ;

ALORS QUE les dommages intérêts résultant du retard dans l'exécution d'une obligation au paiement d'une somme d'argent ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, lesquels ne courent que du jour de la sommation de payer ; que le juge ne peut allouer au créancier des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires qu'à la condition de caractériser, d'une part, la mauvaise foi du débiteur, d'autre part, l'existence d'un préjudice indépendant du retard de paiement ; que la cour d'appel qui a accordé aux salariés des dommages et intérêts sans caractériser la mauvaise foi du débiteur ni l'existence d'un préjudice indépendant du retard, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-12600
Date de la décision : 08/09/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription décennale - Article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Action d'un salarié qui n'était pas partie à la décision de justice

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION - Salaire - Heures supplémentaires - Demande en paiement - Prescription - Prescription attachée au jugement interprétant la disposition d'une convention collective - Salarié partie au jugement (non) - Portée CHOSE JUGEE - Identité de parties - Exclusion - Cas - Salarié qui n'était pas partie à la décision de justice - Portée

N'est pas applicable à l'action des salariés qui n'étaient pas partie à une décision de justice la prescription décennale prévue à l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, en sa rédaction issue de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991


Références :

article 3-1 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 devenu article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 05 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 sep. 2016, pourvoi n°15-12600, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat général : Mme Robert
Rapporteur ?: Mme Schmeitzky-Lhuillery
Avocat(s) : Me Brouchot, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.12600
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