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07/09/2016 | FRANCE | N°15-18654

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 septembre 2016, 15-18654


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... du désistement partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Socotec et Axa France IARD, assureur de la société GFP et M. Y... ;

Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2014) que M. X... (le praticien), exerçant, depuis septembre 1996, ses fonctions de médecin-anesthésiste au sein de la société Clinique Monticelli (la clinique), en vertu d'un contrat d'exercice libéral conclu avec la société civile pr

ofessionnelle de médecins anesthésistes (la SCP) dont il est membre, a présenté, e...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... du désistement partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Socotec et Axa France IARD, assureur de la société GFP et M. Y... ;

Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2014) que M. X... (le praticien), exerçant, depuis septembre 1996, ses fonctions de médecin-anesthésiste au sein de la société Clinique Monticelli (la clinique), en vertu d'un contrat d'exercice libéral conclu avec la société civile professionnelle de médecins anesthésistes (la SCP) dont il est membre, a présenté, en mai 1997, une hépatite ; qu'imputant cette affection à un dysfonctionnement des installations de la clinique ne permettant pas d'assurer une élimination des gaz anesthésiques, le praticien, après avoir sollicité en référé une expertise médicale et une expertise technique, a assigné cet établissement, alors assuré par la société Axa France IARD, en responsabilité et indemnisation ; que la clinique, qui venait de procéder à une opération de rénovation et d'extension de ses locaux, a, notamment, appelé en garantie la société civile professionnelle d'architectes Z... et B..., maître d'oeuvre des travaux d'agrandissement, et la société Dalkia, venant aux droits de la société Cometherm, chargée de la maintenance du système de ventilation ; que la cour d'appel a retenu que l'hépatite contractée par le praticien était une hépatite toxique, par exposition au gaz halotane, en lien de causalité direct avec son activité au sein de la clinique, et que ce dernier était fondé à se prévaloir d'un manquement de celle-ci à ses obligations contractuelles à l'égard de la SCP, lié à la mise à disposition d'un système de ventilation et de renouvellement d'air ne présentant pas, en raison de son insuffisance, le degré de sécurité normalement attendu ;
Attendu que le praticien fait grief à l'arrêt de limiter à 50 % la responsabilité de la clinique au titre des préjudices par lui subis, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient à une clinique qui soutient avoir mis à la disposition du praticien qui exerce en son sein et notamment de l'anesthésiste à l'égard duquel elle est tenue à une obligation de sécurité de résultat, un dispositif d'évacuation des gaz anesthésiques, de démontrer le caractère opérationnel de ce dispositif ; qu'en faisant grief au praticien de ne pas démontrer le caractère non réellement opérationnel du système Séga que la clinique déclarait avoir implanté dans les lieux, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles 1147 et 1315 du code civil ;
2°/ que ne constitue pas une faute, le fait pour un praticien anesthésiste de ne pas avoir eu recours à une technique alternative d'évacuation des gaz, quand la technique qu'il utilisait, dite de circuit ouvert, très usitée et connue de la clinique, était parfaitement conforme aux données de la science et aux préconisations de l'époque et d'ailleurs particulièrement indiquée dans le domaine de la chirurgie oculaire des jeunes patients et n'aurait en tout état de cause pas dû lui causer de préjudice si la clinique avait respecté ses engagements de fournir des locaux conformes à leur destination et munis d'un système de ventilation suffisant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui n'a pas constaté que la technique d'anesthésie dite en circuit ouvert aurait été inappropriée, n'a pas caractérisée de faute de la part du praticien et a violé les dispositions des articles 1147 et 1382 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que l'arrêt retient, par des motifs non critiqués, que l'installation n'a pas été conçue pour assurer un taux de renouvellement de l'air de 15 volumes par heure et ne le permet effectivement pas, qu'elle occasionne une concentration en gaz halogéné bien supérieure à 2 ppm et qu'elle ne présente donc pas les conditions de sécurité recommandées par les pouvoirs publics et généralement admises par la profession, de sorte que la clinique a violé son obligation de mettre à la disposition du praticien des installations procurant le degré de sécurité normalement attendu et doit l'indemniser du préjudice directement résulté de cette violation contractuelle ;
Et attendu, ensuite, qu'après avoir constaté que l'anesthésie en circuit ouvert, telle qu'elle était mise en oeuvre par le praticien, sans utilisation du système d'évacuation des gaz anesthésiques « Séga » installé par la clinique et/ ou de doubles masques, entraînait une diffusion des gaz non absorbés dans l'air ambiant, et qu'expérimenté et ne pouvant ignorer cet état des connaissances en matière d'anesthésie, le praticien aurait dû en tirer les conséquences pour sa pratique professionnelle, l'arrêt relève que celui-ci n'indique pas avoir tenté d'utiliser ce système ou toute autre technique d'anesthésie qui lui aurait permis de réduire sensiblement la concentration en air pollué dans la salle de travail, alors qu'il était maître de la technique qu'il employait et était en mesure de solliciter, en tant que de besoin, auprès de la clinique, la fourniture des matériels lui permettant d'assurer sa propre sécurité, au-delà du système de ventilation de la salle d'induction ; que la cour d'appel a pu déduire de ses constatations qu'en pratiquant des anesthésies au masque en circuit ouvert sans prendre les précautions qui lui auraient permis de réduire la présence de gaz anesthésiques dans la salle de travail, le praticien avait commis une faute ayant contribué à la stagnation anormale de ces gaz dans la salle d'induction et limiter à hauteur de 50 % la réparation mise à la charge de la clinique ;
D'où il suit que le moyen qui critique en sa première branche un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la clinique Monticelli n'était responsable qu'à hauteur de 50 % des préjudices subis par M. X... consécutivement à l'hépatite qu'il a contractée alors qu'il exerçait au sein de l'établissement ;
AUX MOTIFS QUE le Dr. X... qui invoque un préjudice propre et non un préjudice subi par la société civile professionnelle dont il était membre jusqu'au 30 juin 1999, date de son retrait volontaire de la société en raison de ses problèmes de santé, dispose d'un intérêt direct et certain à agir contre la clinique, son action est donc recevable ; que le choix du fondement juridique de son action contractuel plutôt que délictuel, ne constitue pas une cause d'irrecevabilité de la demande mais de son mal fondé éventuel, que la société a intérêt à invoquer ; que c'est à juste titre que la société Dalkia fait valoir que celui-ci n'a pas contracté avec la clinique, dès lors qu'il a fait apport de son activité libérale à la société civile professionnelle dont il est membre, ce qui n'est pas contesté par le praticien ; qu'en effet, selon les articles 48 et 49 du décret n° 77-636 du 14 juin 1977, alors applicables, dont le contenu a été partiellement repris à l'article R. 4113-72 du Code de la santé publique, le médecin, membre d'une société civile professionnelle de médecins, ne peut exercer sa profession à titre individuel sous forme libérale sauf à titre gratuit et les associés doivent consacrer à la société toute leur activité professionnelle libérale de médecin ; que l'action que M. X... a engagée contre la clinique, faute pour lui d'établir qu'il aurait également conclu un contrat avec la clinique, ne peut donc qu'être de nature délictuelle, ainsi qu'il le soutient à titre subsidiaire ; que sur ce terrain, il peut cependant se prévaloir de la violation par la clinique de ses obligations contractuelles à l'égard de la société civile professionnelle, dès lors que cette violation lui a causé un préjudice personnel et que l'obligation en cause était destinée non seulement à préserver les intérêts de la société mais aussi de ses membres et lui a causé un préjudice distinct ; […] ; que l'expert A..., s'appuyant sur divers travaux, dont ceux précités de la Caisse régionale d'assurance maladie d'île de France (Cramif) de 1992 à 1996, a indiqué qu'en tout état de cause, le système de ventilation et de renouvellement d'air d'une salle d'induction ne concourait que partiellement à l'élimination des gaz d'anesthésie nécessairement présents dans une salle d'induction et ne pouvait suffire à leur élimination ; que la technique d'anesthésie entrait pour une grande part dans la concentration en gaz anesthésique à proximité du patient et donc du personnel médical ; que l'utilisation de système d'évacuation des gaz anesthésiques (SEGA), destiné à évacuer le gaz non inhalé par le patient directement en dehors de la pièce se révélait plus efficace et que l'anesthésie en circuit ouvert, telle que pratiquée par le Dr X..., sans utilisation d'un système SEGA et/ ou de doubles masques entraînait une diffusion des gaz non absorbés dans l'air ambiant ; que le Dr X..., anesthésiste d'expérience, qui ne pouvait ignorer cet état des connaissances en matière d'anesthésie, aurait dû en tirer les conséquence au plan de sa pratique professionnelle ; qu'en l'espèce, il est établi par le procès-verbal de réception d'installation des distributions de gaz par canalisation, travaux réalisés par la société Air Liquide Santé, le 22 août 1996, que la salle d'induction était équipée de prises SEGA, dont la technicienne du LNE a constaté la présence lors de sa visite (p. 3 du rapport), de même qu'ultérieurement l'expert A... (p. 22 du rapport) ; que par ailleurs, il est produit un courrier de la clinique en date du 20 novembre 1997, adressé aux médecins anesthésistes de la clinique leur " signalant " que la salle était équipée, à leur demande et depuis son ouverture, de prises d'évacuation des gaz anesthésiques de type " SEGA ", qu'il est donc établi que la clinique avait mis à la disposition de M. X... un dispositif complémentaire du système de ventilation, permettant de limiter la pollution de l'air ambiant par les gaz, sans que la simple affirmation de M. X... puisse permettre, en l'absence d'autres témoignages d'utilisateurs de la salle, de remettre en cause la présence de ces prises dès le mois de septembre 1996 ; que l'indication du conseil de la société Dalkia, selon laquelle de telles prises n'auraient jamais été installées, ne peut davantage contredire les constatations de l'expert, la société Dalkia, en charge de la maintenance des systèmes de ventilation el de conditionnement d'air, n'ayant pas nécessairement eu connaissance des installations liées aux modalités d'anesthésie ; que le fait que le rapport Montamat indique que le bon fonctionnement de ces prises avait été vérifié par la société de maintenance ne peut suffire à établir que tel avait bien été le cas, la société de maintenance n'ayant pas été présente lors de la visite de la technicienne et celle-ci n'ayant pas elle-même vérifié leur fonctionnement ; que cependant, il appartient à M. X... qui prétend que le système d'évacuation des gaz n'était pas opérationnel de l'établir, ce qu'il ne fait pas ; que de même, il n'indique pas avoir tenté d'utiliser ce système ou toute autre technique d'anesthésie qui lui aurait permis de réduire sensiblement la concentration en air pollué dans sa salle de travail, alors qu'il était maître de la technique qu'il utilisait et était en mesure de solliciter, en tant que de besoin, auprès de la clinique la fourniture des matériels lui permettant d'assurer sa propre sécurité, au-delà du système de ventilation de la salle d'induction ; que M. X... ne démontre pas que le recours à une technique d'anesthésie utilisant les prises SEGA était incompatible ou déconseillé s'agissant de jeunes patients dans un service d'ophtalmologie ; qu'ainsi, si la clinique a violé ses obligations contractuelles, le Dr X..., qui pratiquait des anesthésies au masque en circuit ouvert sans prendre les précautions qui lui auraient permis de réduire la présence de gaz anesthésiques dans sa salle de travail, a commis une faute ayant contribué pour partie à la stagnation anormale de ces gaz dans la salle d'induction ; que les prises SEGA mises à sa disposition jouant un rôle aussi important que Ies systèmes de ventilation générale de la pièce dans l'évacuation optimale des gaz, selon l'expert et les rapports de la Cramif, la responsabilité du Dr. X... dans la trop grande concentration de gaz dans l'air ambiant sera fixée à 50 % ; que la clinique ne devra donc réparer le dommage qui en est résulté qu'à hauteur de ce même pourcentage ;

ALORS, D'UNE PART, QU'il appartient à une clinique qui soutient avoir mis à la disposition du praticien qui exerce en son sein et notamment de l'anesthésiste à l'égard duquel elle est tenue à une obligation de sécurité de résultat, un dispositif d'évacuation des gaz anesthésiques, de démontrer le caractère opérationnel de ce dispositif ; qu'en faisant grief à M. X... de ne pas démontrer le caractère non réellement opérationnel du système SEGA que la clinique déclarait avoir implanté dans les lieux, la Cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles 1147 et 1315 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE ne constitue pas une faute, le fait pour un praticien anesthésiste de ne pas avoir eu recours à une technique alternative d'évacuation des gaz, quand la technique qu'il utilisait, dite de circuit ouvert, très usitée et connue de la Clinique, était parfaitement conforme aux données de la science et aux préconisations de l'époque et d'ailleurs particulièrement indiquée dans le domaine de la chirurgie occulaire des jeunes patients et n'aurait en tout état de cause pas dû lui causer de préjudice si la clinique avait respecté ses engagements de fournir des locaux conformes à leur destination et munis d'un système de ventilation suffisant ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui n'a pas constaté que la technique d'anesthésie dite en circuit ouvert aurait été inappropriée, n'a pas caractérisée de faute de la part de M. X... et a violé les dispositions des articles 1147 et 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-18654
Date de la décision : 07/09/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 sep. 2016, pourvoi n°15-18654


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Marc Lévis, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Odent et Poulet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.18654
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