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13/07/2016 | FRANCE | N°15-16213

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 juillet 2016, 15-16213


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Reims, 4 février 2015) que M. X...a été engagé par contrat à durée indéterminée en qualité de reporter par la société l'Union, à effet du 12 avril 2010, avec reprise de son ancienneté professionnelle au 24 septembre 1984 ; qu'il a été mis à pied à titre conservatoire le 31 mai 2012 et licencié pour faute grave le 13 juin 2012 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement ne repose ni sur une faute grave ni

sur une cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié diverses sommes ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Reims, 4 février 2015) que M. X...a été engagé par contrat à durée indéterminée en qualité de reporter par la société l'Union, à effet du 12 avril 2010, avec reprise de son ancienneté professionnelle au 24 septembre 1984 ; qu'il a été mis à pied à titre conservatoire le 31 mai 2012 et licencié pour faute grave le 13 juin 2012 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié diverses sommes à ce titre et à rembourser au Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois, alors, selon le moyen :
1°/ que la lettre de licenciement fixant les limites du litige, les juges du fond doivent examiner l'ensemble des griefs y figurant ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait au salarié d'avoir, devant des collègues, traité à deux reprises son supérieur hiérarchique de « connard », de s'être ensuite avancé vers lui de façon menaçante en montrant les poings et en criant « faites attention car je peux être méchant » ; qu'en se bornant à relever, après avoir dit qu'il résultait bien des témoignages produits par l'employeur que le salarié avait par deux fois proféré l'insulte visée dans la lettre de licenciement, que la preuve d'une menace physique avec les poings n'était pas rapportée, sans rechercher s'il ne résultait à tout le moins pas des mêmes témoignages que l'intéressé avait verbalement menacé son supérieur en lui indiquant pouvoir « être méchant », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail ;
2°/ que lorsque l'employeur rapporte la preuve de faits de nature à caractériser la faute grave, c'est au salarié qui l'invoque d'établir la provocation de l'employeur susceptible de justifier son comportement ; qu'il en résulte que l'existence d'un doute sur la réalité du fait justificatif invoqué doit profiter à l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la preuve du grief d'insultes proférées sur un ton agressif et en présence de salariés était rapportée par l'employeur ; qu'en relevant, après avoir expressément affirmé qu'aucune provocation de l'employeur ne pouvait être retenue, qu'« il ne pouvait être exclu une maladresse de M. Y... de nature, au moins au bénéfice du doute, à irriter anormalement un salarié », la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté, sans inverser la charge de la preuve et par une appréciation souveraine de la valeur et la portée des pièces produites, que seuls les faits d'insultes prononcés sur un ton agressif par le salarié, suite à des critiques formulées par son nouvel employeur, étaient établis, et a pu décider qu'en raison de leur contexte et de l'ancienneté du salarié, ceux-ci n'étaient pas constitutifs d'une faute grave ; qu'exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a estimé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société l'Union aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société l'Union et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société l'Union.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, d'avoir jugé que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la SA l'Union à payer à M. X... diverses sommes à ce titre, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à rembourser au Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois.
AUX MOTIFS QUE : « Attendu qu'aux principes énoncés par les premiers juges quant à la preuve de la cause du licenciement il échet d'ajouter, que celle de la faute grave pèse exclusivement sur l'employeur, telle qu'elle résulte de l'énoncé de la lettre de rupture qui fixe les limite du litige, étant observé que ladite faute doit être de la nature de celle qui fait immédiatement obstacle à la poursuite de la relation contractuelle, même pendant la durée limitée du préavis, et si un doute demeure il doit profiter au salarié ;
Attendu que les premiers juges ont, au vu d'une appréciation des pièces produites au débats exempte de dénaturation, pu retenir que la SA l'Union établissait que M. X... avait bien prononcé la phrase contenant des insultes telle qu'elle est citée dans la lettre de licenciement, puis que sur interrogation de M. Y... il l'avait répété sur un ton agressif ;
Qu'en revanche M. X... observe avec pertinence-et sur ce point les premiers juges sont taisants-que rien ne prouvait qu'il avait joint à ses propos des gestes menaçants avec les poings, ce qu'il a toujours nié ;
Que la SA l'Union n'excipe pas d'autres moyens que les témoignages, mais aucun ne décrit le geste incriminé ;
Que Mme C. cite clairement les paroles, mais n'évoque aucun geste et il en est de même de Mme B. ainsi que de Mme T. ;
Que même Mme C., qui aurait pourtant été la mieux placée pour voir distinctement la scène dans la mesure où elle était dans le couloir et suivait M. Y..., relate comme ses collègues les paroles, mais elle n'émet qu'une supposition'j'ai d'ailleurs cru qu'il allait le frapper', ce qui est dépourvu de valeur probante suffisante ;
Que cet élément constitutif de la faute alléguée doit donc être écarté, ce qui entame beaucoup la gravité de la cause de la rupture ;
Attendu qu'il reste certes des propos reprochables mais à peser en considération de l'ancienneté du salarié qui n'a jamais fait l'objet de sanctions disciplinaires ;
Qu'au surplus ces faits ne doivent pas être isolés de leur contexte ;
Que d'abord M. X... n'avait initialement pas proféré les paroles dont s'agit en répondant directement au représentant de l'employeur, ni avec l'intention manifeste de les rendre publics et ce n'est que parce que M. Y... l'a suivi, sans qu'il soit certain que le salarié s'en soit rendu compte, que M. Y... les a entendus ;
Qu'il est ensuite constant que la scène faisait suite à une discussion vive entre les protagonistes ;
Que celle-ci-et la SA L'UNION l'admet-avait pour objet d'émettre des critiques sur un article publié sous la signature de M. X... ;
Que sans retenir comme l'a fait soutenir M. X... qu'il y aurait eu une provocation, alors qu'il s'agissait comme le fait valoir l'intimée de l'usage de son pouvoir de direction, ne peut être exclue une maladresse de M. Y... de nature, au moins au bénéfice du doute, à irriter anormalement un salarié jusqu'alors sans reproche, ce qui d'une part atténue la gravité des propos, et rend le choix de la sanction la plus élevée dans l'échelle disciplinaire disproportionnée ;
Qu'il n'est pas contesté que M. Y... ne dirigeait l'entreprise que depuis quelques semaines, que rien ne permet de retenir qu'il avait fait part aux journalistes dont M. X... des orientations nouvelles qu'il comptait mettre en oeuvre au journal, de sorte que c'est brutalement qu'il a critiqué l'article de l'appelant, alors qu'auparavant et depuis plusieurs années les représentants de l'employeur avaient approuvé les billets de M. X... dont la production aux débats permet de se convaincre qu'ils étaient rédigés sur un ton très polémique, en des termes non dépourvus de violence ou de trivialité, qui ne les distinguaient pas de celui visé par M. Y..., de sorte que l'appelant ne pouvait prévoir la remise en question de la tolérance dont il avait jusque-là bénéficié ;
Attendu que la faute, au vu de ce qui précède, n'empêchait pas la poursuite de la relation contractuelle et pouvait être sanctionnée de manière proportionnée et efficace par une mise à pied disciplinaire ;
Attendu qu'en infirmant le jugement entrepris il convient donc de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que consécutivement la SA l'Union doit être condamnée à payer le salaire de la mise à pied ainsi que les indemnités conventionnelles de rupture exactement calculées ;
Que ce n'est pas sans audace que la SA l'Union pour voir réduire de trois à deux mois la durée du préavis vient soutenir que M. X... ne serait pas cadre alors que cette classification est attachée au coefficient 160 décrit par la convention collective des journalistes et que du reste, outre les cotisations aux caisses de cadre, l'employeur sur l'attestation Pôle Emploi remis à l'appelant a lui-même coché la mention affirmant qu'il relevait du statut cadre ;
Attendu qu'en considération de son âge, de son ancienneté, de son salaire et de l'effectif de l'entreprise, mais aussi en l'absence justificatifs de sa situation professionnelle depuis la rupture, M. X... sera rempli de son droit à réparation du préjudice consécutif à son licenciement par la condamnation de la SA l'Union à lui payer la somme de 25. 500, 00 euros à titre de dommages et intérêts ;
Attendu que les conditions s'avèrent réunies pour condamner l'employeur fautif, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, à rembourser à l'organisme intéressé les indemnités chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour de la décision judiciaire, dans la limite de six mois ;
Attendu que le jugement sera infirmé sur les dépens et frais irrépétibles ;
Que la SA l'Union qui succombe sera condamnée aux dépens des deux instances ainsi qu'à payer à M. X... la somme de 2. 000, 00 euros pour frais irrépétibles d'appel, sa propre demande à ce titre étant rejetée ».
1/ ALORS QUE la lettre de licenciement fixant les limites du litige, les juges du fond doivent examiner l'ensemble des griefs y figurant ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait au salarié d'avoir, devant des collègues, traité à deux reprises son supérieur hiérarchique de « connard », de s'être ensuite avancé vers lui de façon menaçante en montrant les poings et en criant « faites attention car je peux être méchant » ; qu'en se bornant à relever, après avoir dit qu'il résultait bien des témoignages produits par l'employeur que le salarié avait par deux fois proféré l'insulte visée dans la lettre de licenciement, que la preuve d'une menace physique avec les poings n'était pas rapportée, sans rechercher s'il ne résultait à tout le moins pas des mêmes témoignages que l'intéressé avait verbalement menacé son supérieur en lui indiquant pouvoir « être méchant », la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du Code du travail ;
2/ ALORS QUE lorsque l'employeur rapporte la preuve de faits de nature à caractériser la faute grave, c'est au salarié qui l'invoque d'établir la provocation de l'employeur susceptible de justifier son comportement ; qu'il en résulte que l'existence d'un doute sur la réalité du fait justificatif invoqué doit profiter à l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la preuve du grief d'insultes proférées sur un ton agressif et en présence de salariés était rapportée par l'employeur ; qu'en relevant, après avoir expressément affirmé qu'aucune provocation de l'employeur ne pouvait être retenue, qu'« il ne pouvait être exclu une maladresse de M. Y... de nature, au moins au bénéfice du doute, à irriter anormalement un salarié », la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-16213
Date de la décision : 13/07/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 04 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 jui. 2016, pourvoi n°15-16213


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16213
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