LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que l'élection des représentants des salariés au conseil d'orientation et de surveillance de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France s'est déroulée du 11 au 18 février et du 4 au 11 mars 2015 ; que le syndicat CGT du personnel de la Caisse d'épargne Ile-de-France et six salariés ont saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation des deux tours de cette élection ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, le jugement retient que les 10 et 11 février 2015 le SNE-CGC et la CFDT ont diffusé un tract commun en couleurs et avec les photos des candidats en violation de l'article 5. 1 du règlement d'administration intérieure, que le SU-UNSA a également diffusé un tract irrégulièrement, que le 11 février à 19 heures 27 la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France a adressé un courriel à l'ensemble des candidats, les informant de ce manquement, et leur indiquant que les organisations syndicales n'ayant pas diffusé de tract étaient autorisées à diffuser un tract supplémentaire, sans restriction de forme, qu'à cette occasion elle a mis en demeure l'ensemble des organisations de respecter le cadre juridique du processus électoral, que l'invitation de l'employeur à diffuser un tract supplémentaire permettait de rétablir un équilibre entre les organisations syndicales, et que la preuve de ce que l'employeur a violé son obligation de neutralité n'est pas rapportée ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions du syndicat CGT du personnel de la Caisse d'épargne Ile-de-France faisant valoir que la directrice des ressources humaines du groupe BPCE avait pris la décision, communiquée le 30 janvier 2015 au seul syndicat SNE-CGC, de permettre aux organisations syndicales soutenant un candidat de diffuser un tract, en sus des professions de foi, ce qui était de nature à rompre l'égalité entre les organisations syndicales, le tribunal n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 16 juin 2015, entre les parties, par le tribunal d'instance de Paris 13e ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Paris 14e ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Caisse d'épargne d'Ile-de-France à payer aux sept demandeurs la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le syndicat CGT du personnel de la Caisse d'épargne d'Ile-de-France, Mmes X...et Y...et MM. Z..., A..., Saïd B...et C...
Ce moyen reproche au jugement attaqué d'avoir rejeté la demande d'annulation des premier et deuxième tours des élections des représentants des salariés et du représentant des salariés sociétaires au Conseil d'Orientation et de Surveillance de la CAISSE d'EPARGNE et de PREVOYANCE ILE de FRANCE ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'absence de neutralité de l'employeur, aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; que le premier tour des élections devait se dérouler du 11 au 18 février 2015 ; qu'il résulte des débats et des pièces produites, dont un tract de la CGT du 12 février 2015 intitulé « COMME LARRONS EN FOIRE », que les 10 et 11 février 2015, et non pas les 9 et 10 février 2015 comme affirmé désormais par ce syndicat, le SNE-CGC et la CFDT ont diffusé un tract commun en couleurs et avec les photos des candidats en violation de l'article 5. 1 du Règlement d'Administration Intérieure ; que le SU-UNSA a également diffusé un tract irrégulièrement ; que le 11 février 2015 à 19h27, soit à l'issue du 1er jour de la semaine de scrutin, l'employeur a adressé un courriel à l'ensemble des salariés candidats aux élections des 2 représentants des salariés et du représentant des salariés sociétaires les informant de ce manquement et leur indiquant que les organisations syndicales n'ayant pas diffusé de tract en dehors de la profession de foi étaient autorisées à diffuser un tract supplémentaire sans restriction de forme ; qu'à cette occasion, elle a mis en demeure l'ensemble des organisations syndicales de respecter le cadre juridique du processus électoral, cette mise en demeure par courriel étant doublée par une mise en demeure par lettres recommandées avec accusé de réception envoyées le lendemain ; que les demandeurs soutiennent que l'invitation de l'employeur à diffuser un tract sans condition de forme est fallacieuse dans la mesure où la CGT n'avait pas la possibilité matérielle de concevoir, d'imprimer et de diffuser un tract dans le temps du déroulement du scrutin ; que cette affirmation est contredite par le fait que, dès le lendemain du courriel de l'employeur, soit le 12 février 2015, la CGT a diffusé le tract de protestation susvisé intitulé « COMME LARRONS EN FOIRE » ; que la diffusion de ce tract contestant le tractage irrégulier reproché à ses adversaires démontre que la CGT était en mesure de concevoir, d'imprimer et de diffuser un tract dans le temps du scrutin : que dans ces conditions, l'invitation de l'employeur à diffuser un tract supplémentaire sans restriction de forme permettait de rétablir un équilibre entre les organisations syndicales ; que par ailleurs, il est utile de relever que, le 2 février 2015, soit 9 jours avant le début du scrutin, la CGT avait déjà diffusé un tract invitant explicitement les salariés à voter pour ses candidats, et ce en violation de l'article 5. 1 du Règlement d'Administration Intérieure et sans réaction de l'employeur ou des autres organisations syndicales. Ainsi, les demandeurs ne rapportent pas la preuve que l'employeur a violé son obligation de neutralité notamment à leur détriment ; que la demande d'annulation de ce chef sera rejetée ;
QUE sur l'incidence sur le scrutin de la diffusion irrégulière de tract, aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, que les demandeurs soutiennent que la diffusion irrégulière de tracts a influé sur le résultat des élections dans la mesure où la CGT a vu son audience chuter entre les dernières élections de 2009 et le second tour des élections contestées ; qu'or, la CGT a elle-même diffusé un tract appelant à voter pour ses candidats le 2 février 2015, soit 9 jours avant le début du scrutin, et ce en violation de l'article 5. 1 du Règlement d'Administration Intérieure ; que pour autant son audience a chuté au 2e tour, étant observé qu'il n'y a eu aucune diffusion irrégulière de tract entre le 1er et le 2ème tour ; que par ailleurs, le syndicat SUD n'avait diffusé aucun tract irrégulier avant le début du scrutin et s'était contenté de diffuser un tract à l'invitation de l'employeur pendant la semaine d'élection du 1er tour alors que les élections étaient largement entamées ; que ce syndicat a pourtant obtenu à ce 1er tour 48, 32 % des voix au collège « employés » contre 28, 70 %. des voix pour la CGT ; qu'ainsi, les demandeurs ne rapportent pas la preuve que l'a diffusion irrégulière de tracts a eu une incidence sur les scrutins ; que la demande d'annulation de ce chef sera donc rejetée ;
ALORS D'UNE PART QUE les irrégularités directement contraires aux principes généraux du droit électoral constituent une cause d'annulation des élections indépendamment de leur influence sur le résultat des élections ; que l'obligation de neutralité de l'employeur est un principe essentiel du droit électoral que méconnaît l'employeur en ne délivrant pas la même information et en ne mettant pas à disposition de tous les candidats et syndicats les mêmes moyens de propagande ; qu'en rejetant la demande d'annulation des élections sans rechercher, comme il y était invité, si la direction de la CEIDF, qui avait connaissance avant le scrutin de la décision de la direction des ressources humaines du groupe BPCE, communiquée au syndicat SNE CGC par lettre du 30 janvier 2015, de permettre aux organisations syndicales soutenant un candidat aux élections de diffuser un tract s'ajoutant aux professions de foi prévues par le Règlement d'Administration Intérieur, n'avait pas, en omettant d'en faire part aux autres organisations syndicales, manqué à l'obligation de neutralité à laquelle elle était tenue, le Tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2141-7 du Code du travail et des principes généraux du droit électoral, ensemble les articles L. 225-29-2 du Code de commerce et L512-90 du Code monétaire et financier ;
ALORS D'AUTRE PART, et en tout état de cause, QUE méconnait son obligation de neutralité l'employeur qui laisse une organisation syndicale enfreindre les règles applicables dans l'entreprise à la propagande électorale sans prendre de mesure en temps utile ni en avertir les autres organisations syndicales ; qu'après avoir constaté que la veille et le premier jour du scrutin, les syndicats SNE-CGC/ CFDT et le syndicat SU-UNSA avaient pu procéder à la distribution de tracts en violation de l'article 5. 1 du Règlement d'Administration Intérieure, le Tribunal d'instance qui, pour écarter tout manquement à son obligation de neutralité par l'employeur, retient que ce dernier avait réagi à l'issue du premier jour de scrutin sans rechercher, comme il y était invité, si de par les modalités particulières de prise en charge par la CEIDF de l'acheminement et de la mise à disposition des tracts syndicaux au sein des différentes agences prévues par accord collectif, l'employeur n'avait pas nécessairement eu connaissance avant leur distribution des tracts irréguliers qu'il avait pourtant laissé diffuser sans permettre aux autres syndicats de faire de même avant l'ouverture du scrutin, le Tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2141-7 du Code du travail et des principes généraux du droit électoral, ensemble les articles L. 225-29-2 du Code de commerce et L512-90 du Code monétaire et financier ;
ALORS EN OUTRE QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en constatant d'une part que les tracts irrégulièrement diffusés par deux syndicats l'avaient été dès le 10 février 2015, soit avant l'ouverture du scrutin, et en affirmant d'autre part que l'invitation à diffuser un tract supplémentaire adressée par l'employeur aux autres organisations syndicales le 11 février 2015 au soir, soit à l'issue du premier jour de scrutin, permettait de rétablir un équilibre entre les organisations syndicales, le Tribunal d'instance, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS ENCORE QU'en affirmant que neuf jours avant le début du scrutin, la CGT avait déjà diffusé un tract invitant explicitement les salariés à voter pour ses candidats, en violation de l'article 5. 1 du RAI et sans réaction de l'employeur quand le tract en question, consacré à dénoncer d'une façon générale l'absence de liberté d'expression dans l'entreprise, la défiance de la direction à l'égard de la CGT et les pressions subies par le personnel, ne comportait aucune référence aux élections au COS, ne précisait pas le nom des candidats soutenus par la CGT et n'appelait pas à voter pour eux, le Tribunal d'instance qui a dénaturé ledit tract, a violé l'article 4 du Code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ;
ET ALORS ENFIN QUE le syndicat CGT faisait valoir dans ses écritures que pour mesurer l'incidence d'une distribution irrégulière de tract, s'agissant non d'un scrutin de liste permettant de connaître expressément l'appartenance des candidats à une organisation syndicale mais d'un scrutin uninominal, la comparaison devait s'effectuer entre la progression depuis l'année 2009, date des dernières élections, de la CGT et celle des syndicats ayant diffusé en 2015 un tract informant de l'appartenance syndicale des candidats et il soulignait que la plus forte progression de 300 voix était celle des syndicats soutenus par des organisations, le SNE-CGC et la CFDT, ayant « tracté » avant l'ouverture du scrutin ; qu'en se bornant à relever, pour écarter toute incidence de la diffusion irrégulière de tracts sur le scrutin, qu'un troisième syndicat SUD a obtenu au premier tour 48, 32 % des suffrages dans le collège employés contre 28, 70 % pour le syndicat CGT, sans répondre à ce chef déterminant des conclusions de l'exposant, le Tribunal d'instance n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.