LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 5 novembre 2014), que Mme X..., veuve Y..., salariée de la société Netoivit (l'employeur) de 1973 à 2007, en qualité de détacheuse-repasseuse, a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours contre une décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes (la caisse) de refus de prise en charge de son affection, une dyspnée asthmatique, au titre du tableau n° 12 des maladies professionnelles, affection qu'elle lui avait déclarée le 19 février 2007 ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de reconnaissance de son affection au titre du tableau n° 66 des maladies professionnelles, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit statuer conformément aux règles de droit susceptibles de s'appliquer à l'espèce, au besoin s'il y a lieu en ordonnant une nouvelle expertise médicale afin de rechercher si la victime d'une grave maladie respiratoire ne relevait pas du tableau n° 66 qui avait été évoquée par l'expert judiciaire désigné par le tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'en jugeant qu'à partir du moment où la victime de la maladie n'avait pas demandé la prise en charge de sa pathologie au titre du tableau n° 66 des maladies professionnelles, mais au titre du tableau n° 12 de la législation professionnelle et que l'instruction avait été faite par rapport à ce tableau, ladite victime était irrecevable à invoquer devant le juge le tableau n° 66 concernant notamment l'asthme professionnel, la cour d'appel méconnaît son office au regard de l'article 12 du code de procédure civile en n'ordonnant pas une nouvelle expertise médicale afin de rechercher si la victime n'était pas atteinte de la maladie du tableau n° 66 ;
2°/ que le juge doit trancher le litige qui lui est soumis ; qu'en ayant relevé le contenu de la note du 2 février 2007 du professeur Z...faisant très clairement état d'un asthme pouvant évoluer sur plusieurs mois, voire une année, liée à une exposition aiguë à un toxique respiratoire résultant du type de celui utilisé dans la vie professionnelle de la victime qui a duré 34 ans, la cour d'appel qui déclare irrecevable dans un tel contexte sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle sans pousser plus avant ses investigations comme elle se le devait, eu égard à son office, viole l'article 4 du code civil ;
3°/ qu'à partir du moment où il résulte des constatations mêmes des juges du fond, ici de la cour d'appel, que la maladie était bien susceptible d'être une maladie professionnelle relevant du tableau n° 66, quelle que soit la procédure antérieurement suivie en l'occurrence par rapport au tableau n° 12, le juge dans une matière où l'ordre public de protection s'impose, se devait de faire le tour des questions en faisant en sorte que les exigences de la défense soient respectées et que la législation spécifique soit mise en oeuvre ; qu'en ne le faisant pas et en déclarant irrecevable une demande susceptible de déboucher, la cour d'appel méconnaît son office, ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par rapport à un accès effectif à un juge devant se prononcer sur le bien-fondé d'une prétention ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'au vu des pièces médicales produites, il n'est pas contesté que la pathologie dont souffre Mme Y... ne s'inscrit pas dans le cadre des maladies visées au tableau n° 12 mais pourrait s'inscrire dans le cadre de maladies visées au tableau n° 66 ainsi que le relève l'expert ; que la caisse soutient à juste titre que Mme Y... n'a jamais demandé la prise en charge de sa pathologie au titre de ce tableau n° 66 ; que pour que la maladie désignée à ce tableau soit présumée d'origine professionnelle, encore faut-il que cette maladie ait été contractée dans les conditions de ce tableau qui n'ont pas été vérifiées en l'état de la demande initialement formulée par la requérante ; que l'avis de l'ingénieur de la caisse régionale d'assurance maladie du Nord-Est qui ne fait aucune référence au tableau n° 66 s'impose à la caisse qui ne pouvait que maintenir le rejet de la prise en charge au titre du tableau n° 12 des maladies professionnelles ; que devant cet avis qui s'impose à elle et qui ne fait aucune référence au tableau n° 66 des maladies professionnelles, en application de l'article L. 461-1, la caisse ne pouvait que maintenir le rejet de la prise en charge au titre du tableau n° 12 des maladies professionnelles ;
Que de ces énonciations et constatations faisant ressortir que l'affection déclarée par Mme Y... ne remplit pas les conditions du tableau n° 66 des maladies professionnelles, la cour d'appel a exactement déduit, sans méconnaître, ni son office, ni les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que sa demande de prise en charge devait être rejetée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Me Blondel ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande de prise en charge au titre du tableau n° 66 des maladies professionnelles ;
AUX MOTIFS QUE par application des dispositions des articles L 461-1 et L 461-2 du Code de la Sécurité sociale est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractées dans les conditions mentionnées à ce tableau ; qu'il résulte par ailleurs de l'article L461-1, ainsi que de l'article R 142-24-2 du Code de la Sécurité sociale, lequel dispose « Lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L 461-1, le Tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du cinquième alinéa de l'article L 461-1. Le tribunal désigne alors le comité d'une des régions les plus proches », que, dès lors que le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie, si les travaux effectués par le salarié ne figurent pas dans la liste limitative du tableau de maladie professionnelle considéré, et que la caisse a suivi l'avis d'un CRRMP, les juges du fond doivent, avant de statuer, recueillir l'avis d'un autre comité régional ;
AUX MOTIFS ENCORE QU'une maladie, dès lors qu'elle présente les caractéristiques d'une affection décrite dans un tableau et se déclare chez un salarié effectuant des travaux définis au tableau durant la période de prise en charge, est réputée maladie professionnelle ; que cette présomption suppose que le travailleur ait été exposé de façon habituelle dans l'exercice de la profession à l'action des agents nocifs ; que pour bénéficier d'une indemnisation au titre des maladies professionnelles, trois conditions doivent être réunies :
- la maladie dit être inscrite sur un tableau ;
- l'intéressé doit avoir été exposé au risque de la maladie ;
- la première constatation médicale de la maladie doit se situer dans un délai de prise en charge décompté à partir du jour où le travailleur a cessé d'être exposé à l'action des agents nocifs ;
AUX MOTIFS AU SURPLUS QU'au vu des pièces médicales produites, il n'est pas contesté que la pathologie dont souffre Madame Y... ne s'inscrit pas dans le cadre des maladies visées au tableau n° 12 mais pourrait s'inscrire dans le cadre de maladies visées au tableau n° 66 des maladies ainsi que le relève l'expert en ces termes : « l'affection pourrait éventuellement entrer dans le cadre du tableau 66 (rhinite et asthme professionnel) en raison de travaux exposants aux dérivés aminés et des produits chlorés.. » ; que par note du 2 février 2007, le Professeur Z...du Centre hospitalier universitaire de Reims précisait que Madame Y... avait relevé que son employeur utilisait de l'eau de javel à laquelle il additionnait de l'acide acétique pour détacher les vêtements de sorte qu'il émettait l'avis que la salariée avait été victime à une reprise ou à plusieurs d'un syndrome de Brooks ou Reactive Airways Dysfunction Syndrome, exposition aiguë à un toxique respiratoire irritant qui débouche sur un asthme évoluant sur plusieurs mois voire une année » ; qu'enfin l'enquête effectuée par la CPAM et à laquelle l'employeur a participé, cite l'utilisation d'un mélange d'eau de javel et d'acide acétique ; que lors de son audition dans ce cadre Madame Y... avait expliqué que :
- elle utilisait des produits chimiques pour détacher les vêtements ;
- les machines qu'elle remplissait et vidait dégageaient des vapeurs et de l'eau se trouvait
-souvent au sol de sorte que l'exposition au risque est caractérisée ;
AUX MOTIFS DE SURCROIT QUE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Ardennes soutient à juste titre que Madame Y... n'a jamais demandé la prise en charge de sa pathologie au titre du tableau n° 66 des maladies professionnelles renvoyant par ailleurs aux conclusions de l'expert soulignant que « la persistance de la symptomatologie après 5 ans et demi d'éviction professionnelle rend improbable le diagnostic » reliant l'affection au tableau n° 66 et que la pathologie déclarée n'entre pas dans le cadre du tableau n° 12 de la législation professionnelle, ni de tout autre tableau » ; que le tableau n° 66 sous le titre « rhinites et asthmes professionnels » regroupe au titre de la désignation des maladies en relevant :
« Rhinite récidivant en cas de nouvelle exposition au risque et confirmée par test ; asthme objectivité par explorations fonctionnelles respiratoires récidivant en cas de nouvelles expositions au risque ou confirmé par test ; insuffisance respiratoire chronique obstructive secondaire à la maladie asthmatique » ; que pour que la maladie désignée au tableau soit présumée d'origine professionnelle, encore faut-il que cette maladie ait été contractée dans les conditions du tableau n° 66 qui n'ont pas été vérifiées en l'état de la demande initialement formulée par la requérante ; qu'ainsi que l'indique la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, elle avait sollicité l'avis de l'ingénieur de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie du Nord-est qui a conclu que « la présence de trichloréthylène dans le produit détachant purasol est de nature à faire état pour Madame Y... d'une pathologie relevant du tableau de MP n° 12. Néanmoins l'asthme aigu indique dans la déclaration de maladie professionnelle ne correspond pas à la désignation des maladies indiquées dans ce tableau. Vous noterez par ailleurs que les produits utilisés par Madame Y... permettent un rapprochement avec les tableaux de maladies professionnelles n° 4 bis (xylène), n° 65 (eau de javel) et n° 84 (éthers de glycol, acétate de butyle) sans que la pathologie puisse répondre complètement à ceux-ci » ; que par voie de conséquence, devant cet avis qui s'impose à elle et qui ne fait aucune référence au tableau n° 66 des maladies professionnelles, en application de l'article L 461-1, la Caisse ne pouvait que maintenir le rejet de la prise en charge au titre du tableau n° 12 des maladies professionnelles ;
ET AUX MOTIFS ENFIN QUE l'ensemble de cette analyse commande d'infirmer le jugement déféré et de confirmer la décision de la commission de recours amiable rejetant la prise en charge de la maladie au titre du tableau n° 12 des maladies professionnelles et de déclarer Madame Y... irrecevable à réclamer à la juridiction la prise en charge au titre du tableau n° 66 sans saisir préalablement la Caisse sur ce fondement ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le juge doit statuer conformément aux règles de droit susceptibles de s'appliquer à l'espèce, au besoin s'il y a lieu en ordonnant une nouvelle expertise médicale afin de rechercher si la victime d'une grave maladie respiratoire ne relevait pas du tableau n° 66 qui avait été évoquée par l'expert judiciaire désigné par le Tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'en jugeant qu'à partir du moment où la victime de la maladie n'avait pas demandé la prise en charge de sa pathologie au titre du tableau n° 66 des maladies professionnelles, mais au titre du tableau n° 12 de la législation professionnelle et que l'instruction avait été faite par rapport à ce tableau, ladite victime était irrecevable à invoquer devant le juge le tableau n° 66 concernant notamment l'asthme professionnel, la Cour méconnaît son office au regard de l'article 12 du Code de procédure civile en n'ordonnant pas une nouvelle expertise médicale afin de rechercher si la victime n'était pas atteinte de la maladie du tableau 66 ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, le juge doit trancher le litige qui lui est soumis ; qu'en ayant relevé le contenu de la note du 2 février 2007 du Professeur Z...faisant très clairement état d'un asthme pouvant évoluer sur plusieurs mois, voire une année, liée à une exposition aiguë à un toxique respiratoire résultant du type de celui utilisé dans la vie professionnelle de la victime qui a duré 34 ans, la Cour qui déclare irrecevable dans un tel contexte sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle sans pousser plus avant ses investigations comme elle se le devait, eu égard à son office, viole l'article 4 du Code civil ;
ET ALORS ENFIN QU'à partir du moment où il résulte des constatations mêmes des juges du fond, ici de la Cour d'appel, QUE la maladie était bien susceptible d'être une maladie professionnelle relevant du tableau n° 66, quelle que soit la procédure antérieurement suivie en l'occurrence par rapport au tableau n° 12, le juge dans une matière où l'ordre public de protection s'impose, se devait de faire le tour des questions en faisant en sorte que les exigences de la défense soient respectées et que la législation spécifique soit mise en oeuvre ; qu'en ne le faisant pas et en déclarant irrecevable une demande susceptible de déboucher, la Cour méconnaît son office, ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par rapport à un accès effectif à un juge devant se prononcer sur le bien-fondé d'une prétention.