La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2016 | FRANCE | N°15-14971

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 juillet 2016, 15-14971


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Paul X..., exploitant à titre personnel d'un fonds de commerce de chauffage, sanitaire, électricité, a été mis en liquidation judiciaire le 3 février 2011, la société Deslorieux ayant été désignée en qualité de mandataire judiciaire ; que soutenant avoir été salarié de l'entreprise depuis le 1er septembre 1974, M. Pierre X..., fils du chef d'entreprise, a saisi la juridiction prud'hom

ale ;

Attendu que pour refuser de reconnaître à M. Pierre X... la qualité de salar...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Paul X..., exploitant à titre personnel d'un fonds de commerce de chauffage, sanitaire, électricité, a été mis en liquidation judiciaire le 3 février 2011, la société Deslorieux ayant été désignée en qualité de mandataire judiciaire ; que soutenant avoir été salarié de l'entreprise depuis le 1er septembre 1974, M. Pierre X..., fils du chef d'entreprise, a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour refuser de reconnaître à M. Pierre X... la qualité de salarié, l'arrêt retient qu'il ne justifie d'aucun contrat de travail écrit et qu'il ne produit des bulletins de salaire que jusqu'au mois d'avril 2009, alors qu'il se prétend encore salarié à la date du 3 février 2011, date de la liquidation judiciaire et de son licenciement par le mandataire liquidateur, qu'il s'est, en réalité, comporté comme le gérant de fait de l'entreprise, au moins à partir de 2009 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve, la cour d'appel, qui a constaté que M. Pierre X... avait produit des bulletins de salaire, a, inversant la charge de la preuve, violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Deslorieux, en sa qualité de mandataire liquidateur de M. Paul X..., aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCP Deslorieux, ès qualités, à payer la somme de 3 000 euros à M. Pierre X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. Pierre X....

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR considéré que M. X... n'avait pas la qualité de salarié et de l'avoir débouté de ses demandes d'indemnité de licenciement, de préavis, congés payés sur préavis, indemnité de congés payés et prime de vacances.

AUX MOTIFS QU'il résulte des articles L 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement de travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération ; l'existence d'un contrat de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leurs conventions, mais se caractérise par les conditions de faits dans lesquelles s'exerce l'activité professionnelle revendiquée ; le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; M. Pierre-Claude X... se prévaut de l'existence d'un contrat de travail à compter du 1er septembre 1974, en qualité d'électricien, puis successivement d'aide comptable de juin 1981 à octobre 1982, de comptable de novembre 1981 à octobre 1991 et d'agent administratif, puis à compter du 1er novembre 1991 de directeur administratif et technique ; il précise que dans le dernier état de sa collaboration, son salaire était de 2810, 75 euros bruts ; M. Pierre-Claude X... ne justifie d'aucun contrat de travail écrit depuis 1974, date à laquelle il dit être salarié de l'entreprise de son père Paul X... ; il ne produit des bulletins de salaires que jusqu'au mois d'avril 2009, alors pourtant qu'il se prétend encore salarié à la date du 3 février 2011, date de la liquidation judiciaire et de son licenciement par le mandataire liquidateur. que, force est de constater que ces seuls éléments ne suffisent pas à établir la réalité d'un contrat de travail sous la subordination de son père Paul X... lequel était le gérant de droit ; au surplus que M. Pierre-Claude X... disposait d'une procuration sur le compte bancaire de l'entreprise depuis 2003 ; il reconnaît avoir été à raison de l'état de santé de son père, lequel n'pas pu se présenter aux audiences du tribunal de commerce des 30 septembre et novembre 2011, un interlocuteur privilégié des différents intervenants (banque, mandataire judiciaire) aux différents stades de la procédure collective, alors pourtant qu'il était lui-même en congé maladie, de sorte que s'il avait été salarié, son contrat de travail aurait été suspendu ; d'ailleurs la dégradation de la situation de l'entreprise est concomitante à celle de son état de santé ; c'est encore lui qui a signé, malgré son congé maladie, l'attestation selon laquelle l'entreprise ne détient aucune source radio active, ni produits polluants ; il a également assisté à l'inventaire dressé par le commissaire-priseur en mai 2011 ; il a perçu, entre le 1er septembre 2010 et le 15 février 2011, diverses sommes, de montant inégal, peu compatibles avec des rémunérations salariales et ce, à la suite d'ordre de virements qu'il se faisait à lui-même, à partir du compte de l'entreprise ; enfin, il a adressé, le 5 avril 2011, une offre de reprise d'actifs pour le compte de son fils ; par ailleurs, M. Pierre-Claude X... n'apporte aucun élément de fait sérieux permettant de comprendre de quelle manière et sous quelle autorité il aurait effectué la prestation de travail de directeur administratif qu'il revendique, alors qu'il est, en réalité, au moins à partir de 2009, comporté comme le gérant de fait de l'entreprise, son père étant âgé et malade, et non comme un salarié travaillant dans un lien de subordination, ce que ne contredisent pas les attestations, non circonstanciées, produites par M. Pierre-Claude X... ; dans ces conditions, c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes, estimant que M. Pierre-Claude X... ne justifiait pas de l'existence d'un contrat de travail s'est déclaré incompétent pour statuer sur ses demandes au profit du tribunal de grande instance de Chalon sur Saône ; que le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il s'est déclaré incompétent et en ce qu'il a débouté M. Pierre-Claude X... de l'intégralité de ses demandes.

ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE le dernier bulletin de paie établi pour Monsieur Pierre Claude X... est celui d'avril 2009 pour un montant net de 173, 54 euros ; que l'expert-comptable Fiducial (pièce 14 de la partie défenderesse (CGEA) indique dans son courrier du 22 avril 2010 destiné au mandataire liquidateur : « cette entreprise (X...) était cliente de notre agence du CREUSOT jusque dans le courant de l'année 2009. Nous avons été amenés à cesser notre mission pour les raisons suivantes : Non règlement des honoraires, difficultés pour obtenir les documents comptables ; qu'ainsi les bulletins de paie ont été établis jusqu'à mi 2009 et le bilan au 31. 12. 2007 n'a pu être complètement terminé » ; que la Caisse des congés intempéries BTP de l'Ain, du Doubs, du Jura et Saône et Loire, partie intervenante indique en page 5 de sa plaidoirie : «... l'entreprise Paul X... n'a pas rempli ses obligations déclaratives vis à vis de la caisse des congés payés-au titre des campagnes congés 2010 et 2011 (période du 1er avril 2009 au 31 mars 2010 puis du 1er avril 2010 au 3 février 2011 date de la liquidation judiciaire...) » ; que Monsieur Pierre Claude X... a été en arrêt maladie du 5 janvier 2010 au 28 février 2011 ; que rien n'explique l'absence de gestion comptable entre avril 2009 et janvier 2010 si ce n'est que courant 2009, la responsabilité de gestion ait pu changer de titulaire ; que pendant la procédure collective, du 18 mars 2010 au 3 février 2011, Monsieur Pierre Claude X... pourtant en arrêt maladie signe, le 4 mai 2010, l'attestation déclarant que l'entreprise ne détient aucune source radioactive ni produits polluants (pièce n° 4 de la partie défenderesse CGEA) ; que la partie demanderesse ne fournit aucune attestation (salariés, clients, fournisseurs,...) apte à démontrer qu'il était salarié et non gérant de fait ; qu'en conséquence, le Conseil dit qu'au moins depuis le 1er semestre 2009, Monsieur Pierre Claude X... était gérant de fait, cette décision se basant sur la constatation de la rupture du mode de gestion de la société constatée à cette période en particulier, l'abandon de la gestion des pièces comptables déclaratives vis à vis de la Caisse des congés payés ; que Monsieur Pierre Claude X... sera débouté des chefs de demande suivants : Indemnité de licenciement, indemnité de préavis ; congés payés sur préavis ; remise des documents de rupture

ALORS QU'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui en conteste l'existence d'apporter la preuve de son caractère fictif ; qu'il résultait des constatations de la cour d'appel que M. X... produisait des bulletins de salaires jusqu'en avril 2009 ; qu'en considérant néanmoins que ces seuls éléments ne suffisent pas à établir la réalité d'un contrat de travail sous la subordination de son père Paul X..., la cour d'appel la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du code civil et 1121-1 du Code du travail.

Et ALORS QUE l'existence d'un lien de subordination juridique suppose que soit caractérisée, outre l'existence de directives, la possibilité pour le contractant de contrôler l'activité de son cocontractant et de sanctionner les manquements dans l'accomplissement de son travail ; que la qualité de gérant de fait, à la supposer établie, n'exclut pas en elle-même, l'existence d'un contrat de travail, ce dernier pouvant se cumuler avec un mandat social dès lors que des fonctions techniques distinctes du mandat sont exercées dans un lien de subordination ; que pour débouter M. X... de ses demandes, la cour d'appel a considéré que Pierre-Claude X... n'apporte aucun élément de fait sérieux permettant de comprendre de quelle manière et sous quelle autorité il aurait effectué la prestation de travail de directeur administratif qu'il revendique, alors qu'il est, en réalité, au moins à partir de 2009, comporté comme le gérant de fait de l'entreprise ; qu'en statuant ainsi par un motif inopérant, la cour d'appel a violé l'article L 1221-1 du Code du travail.

ALORS enfin QUE pour débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes, la cour d'appel a considéré que M. Pierre-Claude X... ne justifie d'aucun contrat de travail écrit depuis 1974, date à laquelle il dit être salarié de l'entreprise de son père Paul X..., et qu'il ne produit des bulletins de salaires que jusqu'au mois d'avril 2009 ; qu'elle a également considéré que M. Pierre-Claude X... n'apporte aucun élément de fait sérieux permettant de comprendre de quelle manière et sous quelle autorité il aurait effectué la prestation de travail de directeur administratif qu'il revendique, alors qu'il est, en réalité, au moins à partir de 2009, comporté comme le gérant de fait de l'entreprise ; qu'elle n'a donc recherché si M. X... était lié par un contrat de travail qu'à compter de l'année 2009 ; Qu'en se bornant à justifier sa décision par des motifs valables pour la période s'étalant de 2009 au 3 février 2011, date de la liquidation judiciaire et de son licenciement, la cour d'appel n'a pas recherché si M. X... était lié par un contrat de travail sur l'ensemble de la relation contractuelle et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L 1221-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-14971
Date de la décision : 06/07/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 22 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 jui. 2016, pourvoi n°15-14971


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Delaporte et Briard, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.14971
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award