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30/06/2016 | FRANCE | N°15-18647

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 30 juin 2016, 15-18647


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche, qui est recevable :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 27 février 2015), que, le 18 janvier 2012, M. et Mme X..., le groupement foncier agricole Vienne 13 et le groupement foncier agricole du Poirat ont consenti à la SAFER une promesse unilatérale de vente d'une exploitation agricole, au prix de 1 000 000 d'euros, avec clause de substitution au profit de toute personne qu'elle déciderait de se subst

ituer ; que, le même jour, l'EARL des Brouillards a signé une « convention...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche, qui est recevable :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 27 février 2015), que, le 18 janvier 2012, M. et Mme X..., le groupement foncier agricole Vienne 13 et le groupement foncier agricole du Poirat ont consenti à la SAFER une promesse unilatérale de vente d'une exploitation agricole, au prix de 1 000 000 d'euros, avec clause de substitution au profit de toute personne qu'elle déciderait de se substituer ; que, le même jour, l'EARL des Brouillards a signé une « convention de cession-annexe de substitution avant levée de l'option », aux termes de laquelle elle se substituait à la SAFER dans le bénéfice de la promesse de vente ; qu'un désaccord étant survenu entre les vendeurs et la SAFER sur les conditions de la vente, la signature de l'acte authentique prévue le 31 janvier 2012 n'a pas eu lieu, M. et Mme X... ayant fait connaître le 27 janvier, leur refus de signer ; que l'EARL des Brouillards a assigné M. et Mme X... et les deux GFA, en liquidation amiable, aux fins de voir déclarer la vente parfaite ;

Attendu que, pour condamner l'EARL des Brouillards à payer à Mme et M. X... et aux deux GFA la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la publication de l'assignation de l'EARL des Brouillards à la conservation des hypothèques a fait obstacle à tout projet de vente des biens litigieux jusqu'à l'issue définitive de la procédure et que Mme et M. X... et les deux GFA justifient ainsi d'un préjudice ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser un abus par l'EARL des Brouillards du droit de publier l'assignation à la publicité foncière, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'EARL des Brouillards à payer la somme de 15 000 euros aux époux X... et aux GFA Vienne 13 et Le Poirat, pris ensemble, à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 27 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne les époux X... et les GFA Vienne 13 et Le Poirat aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société des Brouillards.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté l'Earl des Brouillards en ses demandes d'exécution forcée de la vente consentie directement à son profit, faute d'en rapporter la preuve ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'Earl expose qu'elle n'a jamais demandé l'exécution forcée d'une promesse unilatérale de vente mais celle d'une vente parfaite résultant de l'accord des parties sur la chose et sur le prix intervenu par la signature de la promesse de vente établie concomitamment à la promesse d'achat signée par elle-même, ce qui a rendu les engagements réciproques synallagmatiques ; que l'article 1589 du code civil dispose qu'une promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ; qu'à cet égard, c'est à juste raison que les intimés font valoir qu'ils ont uniquement signé la promesse de vente au profit de la Safer, laquelle ne l'a ni signée, ni enregistrée, pas plus qu'elle n'a signé le document qui aurait pu permettre la substitution de l'appelante à la Safer, intitulé : « convention de cession – Annexe de substitution avant levée d'option » ; que la cour constate en outre que le projet d'acte de vente diffère des conditions de la promesse de vente qui prévoyait le versement du prix à hauteur de 500 000 € à la signature et 500 000 € au jour où M. X... libérerait la propriété, la promesse indiquant que M. X... demeure dans la maison jusqu'à fin juillet 2012, alors que le projet d'acte prévoit le paiement du solde du prix le 30 octobre 2012 ; que dans ces conditions, il ne peut être soutenu qu'une promesse d'achat concomitante à la promesse de vente serait intervenue, faute de rencontre des volontés sur la chose et sur le prix constatée sur un ou plusieurs actes pouvant caractériser une promesse synallagmatique de vente ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a débouté l'Earl de toutes ses demandes » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, « l'Earl des Brouillards soutient qu'elle est recevable à agir dans la mesure où elle bénéficiait d'une promesse directe de vente de la part des défendeurs, promesse qu'elle a acceptée et qui, dès lors, doit recevoir exécution, la vente étant parfaite ; que cependant, les pièces fournies aux débats ne permettent pas de prouver l'existence d'une promesse de vente synallagmatique conclue au bénéfice de l'Earl des Brouillards, la seule promesse valable jusqu'au 31 janvier 2012 ayant été conclue au bénéfice de la Safer avec faculté de substitution ; que la demande d'exécution forcée de la vente sera donc également rejetée » ;

1°/ ALORS QUE la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; que l'échange d'une promesse unilatérale d'achat et d'une promesse unilatérale de vente réalise une promesse synallagmatique de vente valant vente définitive dès lors que les deux promesses réciproques ont le même objet et qu'elles sont stipulées dans les mêmes termes ; qu'en l'espèce, aux termes de la promesse de vente du 18 janvier 2012, les époux X..., le GFA Vienne 13 et le GFA du Poirat se sont engagés à vendre leurs biens, dont la composition était détaillée en annexe, « à la Safer ou à son substitué », moyennant le prix d'un million d'euros ; que cette promesse a expressément été consentie « à la condition que la Safer se substitue l'Earl des Brouillards » ; que par acte du même jour, la Safer et l'Earl des Brouillards ont signé une convention de cession prévoyant sa substitution sur la promesse de vente précitée, moyennant le prix d'un million d'euros ; que les engagements réciproques de vendre et d'acquérir contenus dans ces deux actes, avec acceptation par les vendeurs de la clause de substitution, réalisaient un engagement synallagmatique engageant les époux X..., le GFA Vienne 13 et le GFA du Poirat d'une part, et l'Earl des Brouillards d'autre part ; qu'en décidant néanmoins que les pièces fournies aux débats ne permettaient pas de prouver l'existence d'une promesse de vente synallagmatique conclue au bénéfice de l'Earl des Brouillards, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1589 du code civil ;

2°/ ALORS QUE la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; que dans ses conclusions d'appel, l'Earl des Brouillards faisait expressément valoir que l'existence de l'engagement synallagmatique était établie, non seulement par la signature concomitante, le 18 janvier 2012, de la promesse de vente et de la convention de cession précitées, mais également par la mise en oeuvre, par chacune des parties, des modalités nécessaires à la signature de l'acte authentique fixée au 31 janvier, et l'élaboration d'un projet d'acte de vente directe entre les époux X..., le GFA Vienne 13 et le GFA du Poirat d'une part, et l'Earl des Brouillards d'autre part ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si au-delà de l'énonciation purement littérale de la promesse de vente signée par les époux X..., l'ensemble des documents échangés concomitamment entre les trois parties (les vendeurs, la Safer et l'Earl), bien qu'établis matériellement sur des supports distincts, n'établissaient pas l'existence d'une vente parfaite, par la conjugaison des consentements formant un tout, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1589 du code civil ;

3°/ ALORS QUE, en toute hypothèse, la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, au motif inopérant que le projet d'acte de vente différait de la promesse de vente sur les seules modalités de paiement du solde du prix, la cour d'appel a violé les articles 1583 et 1589 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'Earl des Brouillards à payer aux époux X..., au GFA Vienne 13 et au GFA du Poirat, pris ensemble, la somme de 15. 000 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE, « les intimés font état d'un préjudice résultant de l'immobilisation de leur bien empêchant sa remise en vente ; que la publication de l'assignation de l'appelant à la conservation des hypothèques fait en effet obstacle à tout projet de vente des biens litigieux jusqu'à l'issue définitive de la procédure ; que les intimés justifient ainsi d'un préjudice qui sera évalué à la somme de 15. 000 €, compte-tenu des intérêts susceptibles d'être générés par la somme correspondant au prix de vente » ;

1°/ ALORS QUE la cassation à intervenir du chef de dispositif ayant débouté l'Earl des Brouillards en ses demandes d'exécution forcée de la vente consentie directement à son profit entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif de l'arrêt l'ayant condamnée à payer aux vendeurs la somme de 15. 000 € à titre de dommages-intérêts, et ce en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE la publication de l'assignation tendant à la réalisation d'une vente forcée constitue une condition de recevabilité de l'action ; qu'en conséquence, et sauf à ce que l'action en réalisation de la vente forcée soit elle-même abusive, n'est pas fautive la simple publication de l'assignation à la conservation des hypothèques par le bénéficiaire d'une promesse de vente qu'il considère synallagmatique, et donc parfaite ; que pour condamner l'Earl des Brouillards à verser des dommages-intérêts aux époux X..., au GFA Vienne 13 et au GFA du Poirat, la cour d'appel a retenu que la publication de l'assignation à la conservation des hypothèques avait fait obstacle à tout projet de vente jusqu'à l'issue définitive de la procédure ; qu'en statuant ainsi, par des motifs ne suffisant pas à caractériser un abus, par l'Earl des Brouillards, du droit de publier l'assignation à la publicité foncière, en l'absence de tout caractère abusif de son action, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, l'Earl des Brouillards faisait valoir que les vendeurs ne pouvaient prétendre avoir subi un préjudice résultant de l'impossibilité de vendre leurs biens, dès lors qu'elle sollicitait la réalisation de la vente, qu'ils refusaient ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que les vendeurs justifiaient avoir effectivement manqué une ou plusieurs occasions de vendre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-18647
Date de la décision : 30/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 27 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 30 jui. 2016, pourvoi n°15-18647


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Gaschignard, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.18647
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