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30/06/2016 | FRANCE | N°15-10214

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 juin 2016, 15-10214


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Renault du désistement de son pourvoi à l'égard de M. X..., Mme Y..., M. Z... et M. A... ;

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Rouen, 18 novembre 2014), statuant en référé, que la société Renault a conclu, le 2 avril 1999, un accord sur la réduction du temps de travail et l'emploi qui institue, dans son article 4, un droit individuel à la formation financé par un compte épargne formation (CEF) dont une partie s'exerce en dehors du temps de travai

l effectif et qui complète les formations aux postes de travail dispensées pendant ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Renault du désistement de son pourvoi à l'égard de M. X..., Mme Y..., M. Z... et M. A... ;

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Rouen, 18 novembre 2014), statuant en référé, que la société Renault a conclu, le 2 avril 1999, un accord sur la réduction du temps de travail et l'emploi qui institue, dans son article 4, un droit individuel à la formation financé par un compte épargne formation (CEF) dont une partie s'exerce en dehors du temps de travail effectif et qui complète les formations aux postes de travail dispensées pendant le temps de travail effectif ; que selon l'article 4.2.2.1 de cet accord, relatif à la demande de formation au titre du compte épargne formation, la demande de formation est présentée par le salarié ou la hiérarchie lors d'une réflexion menée en commun sur le développement des compétences ou à l'occasion de l'entretien annuel ; que le 13 mars 2013, un accord de groupe a mis fin au compte épargne formation et les dispositions légales relatives au droit individuel à la formation, issues de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 se sont substituées à celles de l'accord du 2 avril 1999 à compter du 1er novembre 2013, date à laquelle les droits capitalisés par les salariés au sein de leur compte épargne formation ont été versés dans un compteur transitoire ; que soutenant que la société Renault avait imputé une partie des formations sur leur compteur transitoire, M. B... et quinze salariés ont saisi le juge des référés pour qu'il soit ordonné à la société de re-créditer lesdits comptes ; que le syndicat CGT Renault de l'établissement de Cléon est intervenu à l'instance ;

Attendu que la société Renault fait grief à l'arrêt de constater l'existence d'un trouble manifestement illicite constitué par la violation des règles relatives à la formation professionnelle, de lui ordonner de remettre des heures au crédit du compteur transitoire de chacun des défendeurs au pourvoi et de la condamner à payer au syndicat CGT Renault Cléon une somme de 3 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice alors, selon le moyen, que l'accord d'entreprise conclu au sein de la société Renault le 2 avril 1999 prévoyait que le droit individuel à la formation qu'il instituait était destiné à compléter les formations relatives au poste de travail et que la formation était « une décision importante de la hiérarchie et du salarié qui vise à développer les compétences ou anticiper le parcours professionnel de l'intéressé » ; que cet accord précisait, en outre, que la demande de formation pouvait être présentée « par le salarié ou la hiérarchie » et que le salarié disposait d'une faculté de report « lorsque la formation lui est proposée par son supérieur hiérarchique » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'employeur pouvait prendre l'initiative de proposer au salarié des formations, à accomplir dans le cadre de son droit individuel à la formation, dès lors qu'elles étaient destinées à développer ses compétences ou à anticiper son parcours professionnel ; que la participation du salarié à une telle formation valait acceptation et la durée de la formation s'imputait sur le compte épargne formation de salarié dès lors que la formation était simplement proposée par l'employeur et ne présentait aucun caractère obligatoire pour le salarié qui avait été préalablement informé des conséquences de sa participation sur son droit individuel à la formation ; qu'au cas présent, la société Renault démontrait que les salariés étaient informés du débit des heures de formation de leur compte épargne formation dans la proposition qui leur était faite d'assister à la formation et au début de la session de formation, la feuille de présence mentionnant expressément que « la signature du relevé de présence vaut acceptation de l'ensembles de modalités et conditions de mise en oeuvre de cette session » ; que la société Renault faisait également valoir que les salariés, informés des modalités de la formation, étaient totalement libres de décider d'y participer ou non et qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le salarié, refusant l'imputation des heures de formation sur son compte épargne formation, était simplement renvoyé sur son poste de travail sans pouvoir bénéficier de la formation ; qu'en estimant que l'imputation des temps de formation non demandées par les salariés constituerait un trouble manifestement illicite et en ordonnant la ré-imputation de l'ensemble des heures correspondant à des formations effectuées à la suite d'une proposition de l'employeur, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si, pour chacune des formations proposées à chacun des salariés défendeurs, d'une part, le suivi de la formation proposée par l'employeur était facultatif et pouvait donc être refusé préalablement à la formation et si, d'autre part, le salarié était préalablement informé de ce que les heures de formation seraient débitées de son compte épargne formation, de sorte que la participation du salarié à la formation était constitutive d'une acceptation claire et non équivoque de l'utilisation de son droit individuel à la formation dans les conditions prévues par l'accord du 2 avril 1999, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 4.1 et 4.2 de cet accord collectif, de l'article 1134 du code civil et de l'article R. 1455-6 du code du travail ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 6323-9 du code du travail alors applicable, et de l'accord d'entreprise du 2 avril 1999, que le choix de l'action de formation envisagée est arrêté par accord écrit du salarié et de l'employeur ;

Et attendu qu'ayant relevé, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que les actions de formation n'avaient pas été demandées par les salariés, ce dont il se déduisait que ces temps de formation ne pouvaient être débités de leur compteur transitoire sans leur accord, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que l'imputation des temps de formation sur le compte épargne formation constituait un trouble manifestement illicite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Renault aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Renault à payer à MM. B..., C..., D..., E..., F..., G..., H..., I..., J..., K..., L..., Mme M... et au syndicat CGT Renault Cléon la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Renault.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite constitué par la violation des règles relatives à la formation professionnelle, d'avoir ordonné à la société Renault de remettre des heures au crédit du compteur transitoire de chacun des défendeurs au pourvoi et d'avoir condamné la société Renault à payer au syndicat CGT Renault Cléon une somme de 3.000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le fondement des demandes des salariés : que suivant l'article R.1455-6 du code du travail la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; Que les salariés invoquent bien un trouble manifestement illicite et, contrairement à ce que soutient la société Renault, ne sollicitent pas une provision mais des mesures destinées à faire cesser ce trouble, étant observé que la remise en état peut consister en une obligation de faire ; Que c'est en conséquence à tort que le conseil de prud'hommes a retenu l'existence d'une contestation sérieuse consistant en l'interprétation de la mise en oeuvre de l'accord du 2 avril 1999, l'intervention du juge des référés pour faire cesser un trouble manifestement illicite n'étant pas subordonnée à l'absence de contestation sérieuse ; Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite : que les parties reconnaissent que l'application du droit individuel à la formation instauré par l'accord du 2 avril 1999 doit s'apprécier au regard des dispositions de la loi du 4 mai 2004 ; qu'il n'est pas contesté par les salariés que le droit individuel à la formation conventionnel est plus favorable que le droit individuel à la formation légal ; que le titre II du livre III du code du travail sur la formation professionnelle distingue trois sortes de formations, celles à l'initiative de l'employeur au nombre desquelles figurent l'obligation incombant à celui-ci d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et les actions de formations pouvant être mises en oeuvre par le plan de formation, celles à l'initiative du salarié et celles suivies dans le cadre du droit individuel à la formation dont la mise en oeuvre relève de l'initiative du salarié, en accord avec son employeur, le choix de l'action de formation envisagée étant arrêté par accord écrit du salarié et de l'employeur ; qu'en vertu de l'article L.6323-6 du code du travail une convention ou un accord collectif de branche ou d'entreprise peut prévoir des modalités particulières de mise en oeuvre du droit individuel à la formation sous réserve que le cumul des droits ouverts soit au moins égal à une durée de 120 heures sur 6 ans ; Que l'accord du 2 avril 1999 énonce : - en son article 4.1 que "dans un contexte marqué par l'accélération des changements et l'évolution constante des techniques et des savoirs-faire, les métiers et les fonctions se transforment, exigeant un effort partagé entre l'entreprise et ses salariés pour devancer ces changements. Le droit individuel à la formation complète les formations au poste de travail, tant en production que dans les autres secteurs d'activité, qui continuent à être dispensées pendant le temps de travail effectif (...). Afin d'élargir les possibilités d'accès à la formation, le présent accord crée pour chaque salarié RENAULT un droit individuel à la formation dont une partie s'exerce hors du temps de travail effectif" ; - en son article 4.2.2.1 que "la demande de formation est présentée par le salarié ou la hiérarchie lors d'une réflexion menée en commun sur le développement des compétences ou à l'occasion de l'entretien annuel" ; Que l'article 4.2.2.2 prévoit la possibilité d'un report de la formation au profit du salarié et de l'employeur lorsque la demande de formation est proposée par l'autre partie ; Qu'il en résulte, que dans le cadre du droit individuel à la formation conventionnel, la proposition de suivre une formation appartient tant au salarié qu'à l'employeur mais que ce dernier ne saurait pour autant l'imposer au salarié ; qu'en l'espèce s'agissant de la majorité des salariés appelants, il n'est pas justifié de l'existence d'une demande de leur part pour bénéficier des formations qui ont pourtant été débitées par l'employeur de leur CEF ; que le fait d'avoir signé une feuille de présence à la formation ne saurait signifier que le salarié a accepté sa mise en oeuvre dans le cadre du droit individuel à la formation, sa signature étant obligatoire pour justifier qu'il a suivi la formation et n'était pas en absence injustifiée à son poste de travail ; Qu'au surplus, certains salariés ont clairement indiqué à l'employeur qu'ils s'opposaient à ce que les heures de formation litigieuses soient imputées sur leur CEF ; qu'ainsi, M. Loïc H... a fait mentionner dans son entretien individuel de 2012 que les formations CN 760 maintenance et CN 1060 automate, figurant dans la rubrique "formations décidées d'un commun accord" étaient nécessaires pour exécuter son travail, qu'il ne refusait pas de les suivre mais ne donnait pas son accord pour les débiter de son CEF ; que, de même, M. I... a indiqué à son employeur que la convocation à la formation "gestes et postures" ne résultait pas d'une demande personnelle et qu'il n'avait pas donné son accord pour qu'elle soit déduite de son CEF ; Qu'il ressort par ailleurs des comptes rendus de la réunion du comité d'entreprise du 14 mars 2012 et de la réunion des délégués du personnel du 5 juillet 2012 que si le salarié refuse l'imputation des heures de formation sur son CEF, il est renvoyé à son poste de travail et ne peut bénéficier de la formation ; que cette situation révèle à tout le moins une absence de concertation entre le salarié et l'employeur, contrairement aux exigences du droit individuel à la formation issu de l'accord du 2 avril 1999 ; qu'en conséquence que l'imputation des temps de formations non demandées par les salariés sur leur CEF constitue un trouble manifestement illicite ; qu'il convient ainsi de faire droit aux demandes de ré-imputation des heures indûment déduites sur les CEF transitoires » ;

ALORS QUE l'accord d'entreprise conclu au sein de la société Renault le 2 avril 1999 prévoyait que le droit individuel à la formation qu'il instituait était destiné à compléter les formations relatives au poste de travail et que la formation était « une décision importante de la hiérarchie et du salarié qui vise à développer les compétences ou anticiper le parcours professionnel de l'intéressé » ; que cet accord précisait, en outre, que la demande de formation pouvait être présentée « par le salarié ou la hiérarchie » et que le salarié disposait d'une faculté de report « lorsque la formation lui est proposée par son supérieur hiérarchique » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'employeur pouvait prendre l'initiative de proposer au salarié des formations, à accomplir dans le cadre de son droit individuel à la formation, dès lors qu'elles étaient destinées à développer ses compétences ou à anticiper son parcours professionnel ; que la participation du salarié à une telle formation valait acceptation et la durée de la formation s'imputait sur le compte épargne formation de salarié dès lors que la formation était simplement proposée par l'employeur et ne présentait aucun caractère obligatoire pour le salarié qui avait été préalablement informé des conséquences de sa participation sur son droit individuel à la formation ; qu'au cas présent, la société Renault démontrait que les salariés étaient informés du débit des heures de formation de leur compte épargne formation dans la proposition qui leur était faite d'assister à la formation et au début de la session de formation, la feuille de présence mentionnant expressément que « la signature du relevé de présence vaut acceptation de l'ensembles de modalités et conditions de mise en oeuvre de cette session » ; que la société RENAULT faisait également valoir que les salariés, informés des modalités de la formation, étaient totalement libres de décider d'y participer ou non et qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le salarié, refusant l'imputation des heures de formation sur son compte épargne formation, était simplement renvoyé sur son poste de travail sans pouvoir bénéficier de la formation ; qu'en estimant que l'imputation des temps de formation non demandées par les salariés constituerait un trouble manifestement illicite et en ordonnant la ré-imputation de l'ensemble des heures correspondant à des formations effectuées à la suite d'une proposition de l'employeur, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si, pour chacune des formations proposées à chacun des salariés défendeurs, d'une part, le suivi de la formation proposée par l'employeur était facultatif et pouvait donc être refusé préalablement à la formation et si, d'autre part, le salarié était préalablement informé de ce que les heures de formation seraient débitées de son compte épargne formation, de sorte que la participation du salarié à la formation était constitutive d'une acceptation claire et non équivoque de l'utilisation de son droit individuel à la formation dans les conditions prévues par l'accord du 2 avril 1999, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 4.1 et 4.2 de cet accord collectif, de l'article 1134 du code civil et de l'article R. 1455-6 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-10214
Date de la décision : 30/06/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 18 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 jui. 2016, pourvoi n°15-10214


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.10214
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