LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 8 décembre 2014), que M. et Mme X..., ayant contracté, le 7 juillet 2000, deux emprunts immobiliers auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin (la banque), ont adhéré à un contrat d'assurance de groupe souscrit par le prêteur auprès de la Caisse nationale de prévoyance (l'assureur), qui garantissait les risques décès, invalidité permanente et absolue et incapacité temporaire totale de travail ; que Mme X..., ultérieurement atteinte d'une sclérose en plaques, a été placée en invalidité deuxième catégorie ; qu'un rapport d'expertise ayant conclu que, si elle était inapte, même à temps partiel, à poursuivre l'exercice de sa profession d'ouvrière d'usine, affectée à des tâches de contrôle d'emballage nécessitant une manutention d'objets en position debout, elle était apte à une activité assise, au besoin à temps partiel, n'imposant pas d'effort physique, l'assureur a refusé, à compter de décembre 2008, de continuer à prendre en charge le remboursement des prêts ; que M. et Mme X... ont engagé une action à l'encontre de la banque, en lui reprochant d'avoir manqué à son devoir d'information en n'attirant pas leur attention sur l'inadéquation de l'assurance proposée à leurs besoins d'artisan et d'ouvrière d'usine ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen :
1°/ que le manquement de l'établissement de crédit souscripteur d'un contrat d'assurance de groupe à l'obligation de conseil et de mise en garde auquel il est tenu envers l'emprunteur adhérent a pour conséquence nécessaire, sauf circonstances tout à fait particulières qu'il appartient alors au juge de caractériser, de faire perdre à ce dernier une chance de bénéficier d'une assurance plus complète ou plus adaptée à sa situation personnelle, cette perte constituant un préjudice en relation directe et certaine de cause à effet avec la faute qui a été commise ; qu'en déboutant néanmoins les époux X... de l'intégralité de leurs demandes de réparation au motif, impropre à justifier le refus de toute indemnisation, fût-ce au titre de la réparation d'une simple perte d'une chance, que ceux-ci ne rapportaient pas la preuve que, même correctement éclairés, ils auraient souscrit une assurance plus complète mais nécessairement plus onéreuse, la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1147 du code civil et de ce que postule le droit à la réparation intégrale du dommage, y compris lorsque celui-ci ne consiste qu'en la perte d'une chance d'éviter le préjudice qui s'est réalisé ;
2°/ que la méconnaissance par la banque de son obligation de conseil, d'information et de mise en garde était nécessairement génératrice d'un préjudice pour les victimes du manquement ; qu'en jugeant le contraire, à la faveur d'une motivation inopérante, la cour viole l'article 4 du code civil ;
3°/ que le juge doit appliquer la règle de droit pertinente au litige dont il est saisi, encore que celle-ci n'ait pas été spécialement invoquée par les parties ; qu'en déboutant les emprunteurs de leurs demandes d'indemnisation liées à un manquement imputable à la banque dans ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde, manquement constaté par la cour, sans examiner si à tout le moins ces manquements n'avaient pas été à l'origine d'une perte de chance de ne point contracter ou de contracter à d'autres conditions, la cour méconnaît son office au regard de l'article 12 du code de procédure civile, de l'article 6-1 de la Convention européenne, ensemble violant par refus d'application l'article 1147 du code civil pourtant dûment invoqué par les appelants ;
Mais attendu qu'ayant relevé, à l'encontre de la banque, un manquement à son obligation d'éclairer les emprunteurs sur l'intérêt de l'assurance proposée et sur le bénéfice qu'ils pourraient en retirer, compte tenu de leur situation personnelle, et ayant justement retenu que le préjudice pouvant résulter d'un tel manquement correspondait à la perte d'une chance, pour M. et Mme X..., d'être totalement ou partiellement exonérés de la charge du remboursement de leurs emprunts, l'arrêt énonce à bon droit qu'il appartient à ceux-ci d'établir une relation entre la faute et le préjudice et énonce qu'ils ne rapportent pas la preuve que, dûment informés, ils auraient eu la volonté et les moyens de souscrire une assurance plus complète, nécessairement plus coûteuse, alors même qu'ils n'ont pas entendu s'assurer contre le risque de chômage, auquel Mme X... était pourtant exposée en sa qualité de salariée ; que la cour d'appel a pu déduire de ses constatations et énonciations, sans modifier l'objet du litige ni méconnaître son office, que les demandes de M. et Mme X... ne pouvaient être accueillies ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux X... de l'intégralité de leur demande tendant à la réparation du préjudice consécutif au manquement de la Caisse d'Epargne d'Auvergne et du Limousin à son obligation de conseil lors de leur adhésion au contrat d'assurance groupe souscrit auprès de la Caisse Nationale de Prévoyance ;
AUX MOTIFS, contraires à ceux des premiers juges et implicitement substitués à ceux-ci, QUE le contrat d'assurance collective décès-invalidité de l'espèce, souscrit par la CEPAL auprès de la CNP, garantit le risque incapacité totale de travail, défini comme l'état dans lequel se trouve l'assuré lorsque, à l'expiration d'une période d'interruption continue d'activité de 90 jours (dite délai de carence), il est dans l'obligation, sur prescription médicale, à la suite d'une maladie ou d'un accident, d'interrompre totalement toute activité professionnelle (ou, s'il n'exerce pas ou n'exerce plus d'activité professionnelle, d'observer un repos complet le contraignant à interrompre ses activités habituelles) ; qu'en cas d'incapacité totale de travail, la prise en charge débute le 91ème jour suivant la cessation d'activité et dure aussi longtemps que l'incapacité totale de travail se poursuit mais cesse de plein droit lorsque l'assuré a la capacité d'exercer une activité, même partielle ; qu'il est de principe que le banquier qui propose à son client auquel il consent un prêt d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, sans que la remise d'une notice, par ailleurs requise, suffise à satisfaire cette obligation ; que si Monsieur X... et Madame Y..., épouse X..., ont bénéficié d'une information, celle-ci ayant consisté en la remise d'une notice, la CEPAL ne justifie pas avoir analysé leur situation personnelle et leurs besoins pour attirer leur attention sur l'intérêt et l'avantage de l'assurance proposée et le bénéfice qu'ils pourraient en retirer ; que si la CEPAL doit répondre des conséquences dommageables de ce manquement à son obligation d'éclairer les co-emprunteurs, dont le préjudice correspond à la perte (comprendre ici « à la perte d'une chance ») d'être exonérés partiellement ou totalement de la charge de l'emprunt, il appartient toutefois à Monsieur X... et Madame Y..., épouse X..., d'établir l'existence d'une corrélation entre ce manquement et le préjudice lié à l'absence d'une garantie plus adaptée ou complémentaire ; qu'or, Monsieur X... et Madame Y..., épouse X..., ne rapportent pas la preuve qu'ils auraient eu, après avoir été dûment éclairés, la volonté et les moyens de prendre une décision différente de celle qu'ils ont effectivement adoptée, qui aurait consisté en la souscription d'une assurance plus complète et nécessairement plus coûteuse ; que la Cour observe, à cet égard, que si Monsieur X... était artisan Madame Y..., épouse X..., était quant à elle salariée et qu'une assurance garantissant le risque de chômage n'a pas été souscrite ; qu'il convient, dans ces conditions, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur X... et Madame Y..., épouse X..., de leurs demandes ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le manquement de l'établissement de crédit souscripteur d'un contrat d'assurance groupe à l'obligation de conseil et de mise en garde auquel il est tenu envers l'emprunteur adhérent a pour conséquence nécessaire, sauf circonstances tout à fait particulières qu'il appartient alors au juge de caractériser, de faire perdre à ce dernier une chance de bénéficier d'une assurance plus complète et/ou plus adaptée à sa situation personnelle, cette perte constituant un préjudice en relation directe et certaine de cause à effet avec la faute qui a été commise ; qu'en déboutant néanmoins les époux X... de l'intégralité de leurs demandes de réparation au motif, impropre à justifier le refus de toute indemnisation, fût-ce au titre de la réparation d'une simple perte d'une chance, que ceux-ci ne rapportaient pas la preuve que, même correctement éclairés, ils auraient souscrit une assurance plus complète mais nécessairement plus onéreuse, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil et de ce que postule le droit à la réparation intégrale du dommage, y compris lorsque celui-ci ne consiste qu'en la perte d'une chance d'éviter le préjudice qui s'est réalisé ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la méconnaissance par la Caisse d'Epargne de son obligation de conseil, d'information et de mise en garde était nécessairement génératrice d'un préjudice pour les victimes du manquement ; qu'en jugeant le contraire, à la faveur d'une motivation inopérante, la Cour viole l'article 4 du Code civil ;
ET ALORS ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE QUE le juge doit appliquer la règle de droit pertinente au litige dont il est saisi, encore que celle-ci n'ait pas été spécialement invoquée par les parties ; qu'en déboutant les emprunteurs de leurs demandes d'indemnisation liées à un manquement imputable à la banque dans ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde, manquement constaté par la Cour, sans examiner si à tout le moins ces manquements n'avaient pas été à l'origine d'une perte de chance de ne point contracter ou de contracter à d'autres conditions, la Cour méconnaît son office au regard de l'article 12 du Code de procédure civile, de l'article 6-1 de la Convention européenne, ensemble violant par refus d'application l'article 1147 du Code civil pourtant dument invoqué par les appelants.