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22/06/2016 | FRANCE | N°15-84116

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 juin 2016, 15-84116


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Juan X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de PARIS, en date du 7 mai 2015, qui a prononcé sur sa demande de suspension de peine ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 juin 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, l

es observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la ...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Juan X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de PARIS, en date du 7 mai 2015, qui a prononcé sur sa demande de suspension de peine ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 juin 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 591 et 592 du code de procédure pénale, de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et des principes, de rang constitutionnel, du contradictoire et de l'égalité des parties au procès ;
" en ce que l'arrêt attaqué a été rendu par la cour d'appel statuant en chambre du conseil, après débats en chambre du conseil, et sans que le demandeur n'ait eu la possibilité comparaître en personne ;
" 1°) alors que la chambre criminelle juge que les exigences du procès équitable, rappelées à l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, trouvent à s'appliquer devant les juridictions de l'application des peines dès lors que celles-ci sont appelées à statuer sur une « accusation en matière pénale » ou une « contestation sur un droit de caractère civil » au sens desdites stipulations (Cass. crim., 15 avril 2015, n° 14-82622) ; que les contestations afférentes à l'adéquation des soins dispensés en détention relèvent de la branche civile de l'article 6, § 1, (Cour EDH, Ciorap c. Moldavie, 19 juin 2007, n° 12066/ 02 ; Cour EDH Vasiliev c. Russie, 10 janvier 2012, n° 28370/ 05) ; qu'ainsi, en prononçant l'arrêt attaqué en chambre du conseil, à l'issue de débats tenus en chambre du conseil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que le droit de participer réellement au procès est inhérent à la notion même de contradictoire, garanti par la Constitution et rappelé par l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ; que lorsque une juridiction est appelée à se prononcer sur la personnalité, le comportement ou les aptitudes d'une partie, elle doit nécessairement permettre à celle-ci d'assister à l'audience ; qu'il en va ainsi en appel lorsque le juge dispose d'une plénitude de juridiction et que les questions qu'il a à trancher sont déterminantes pour l'appelant ; qu'aucune disposition de l'arrêt attaqué ne permet de s'assurer que cette règle fondamentale a été observée en la cause " ;
Attendu qu'en statuant sur la demande de suspension de peine pour raison médicale en l'absence du condamné, les juges n'ont fait qu'appliquer les prescriptions de l'article 712-13 du code de procédure pénale lesquelles ne sont pas incompatibles avec les dispositions conventionnelles invoquées au moyen, les juges saisis d'une telle demande n'étant pas appelés à statuer sur le bien fondé d'une accusation en matière pénale ou d'une contestation sur un droit de caractère civil ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 167, 591, 593 et 720-1-1 du code de procédure pénale, ensemble les articles 3 et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et les principes, de rang constitutionnel, du contradictoire et de l'égalité des parties au procès ;
" en ce que la chambre de l'application des peine de la cour d'appel de Paris a infirmé en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de l'application des peines de Paris faisant droit à la demande de suspension de peine présentée par le demandeur et dit n'y avoir lieu à suspension de peine ;
" aux motifs qu'il est constant, ainsi que la rappelé Me Y...dans ses premières conclusions et lors de l'audience de la cour en septembre 2014, que la suspension de peine pour motif médical est une mesure exorbitante de droit commun qui a pour objet de permettre la mise en liberté de détenus gravement malades ; qu'il ressort des éléments de la procédure que M. X... se concentre au repos, à l'étude de l'anglais et à la discussion avec des codétenus principalement basque ; qu'il est encore pleinement autonome en détention ; que la chambre de l'application des peines a, par réquisitions, demandé au directeur des affaires juridiques des hôpitaux de Toulouse, au responsable de l'UCSA de Lannemezan et au directeur du CMC de Lannemezan de transmettre aux experts désignés par ses soins par arrêt du 8 janvier 2015 la copie du dossier médical de M. X... les copies des CD Rom des IRM et des scanners concernant, ainsi que toute pièce médicale utile à l'accomplissement de leur mission ; que les co-experts désignés par la chambre de l'application des peines ont donc été en possession de tous les documents médicaux utiles à l'accomplissement de leur mission ; qu'en se rendant au centre pénitentiaire de Lannemezan, ils se sont entretenus avec le corps soignant au contact de M. X... ; qu'ils ont examinés cliniquement celui-ci après l'avoir entendu ; que rien ne permet d'affirmer, comme la défense le soutient, que les experts n'ont vu M. X... que pendant une-demi-heure ; qu'au contraire, tout laisse à penser que les experts ont pris le temps d'écouter M. X... puisque, dans leur rapport d'expertise à la page 20, ils ont dressé la liste de sept doléances exprimées chronologiquement par M. X... ; qu'ils ont également visité la cellule de M. X... en disant qu'elle était adaptée et qu'il n'y avait aucune raison de prévoir une cellule réservée aux détenus à mobilité réduite et pris connaissance de son environnement carcéral ; qu'au demeurant, dans son courrier du 9 février 2015, adressé aux experts, les docteurs MM. Z...et A..., M. X... n'a pas indiqué qu'il avait le sentiment de ne pas avoir été suffisamment écouté mais, qu'" une fois l'examen terminé ", il avait " eu l'impression qu'il ne s'était pas très bien expliqué sur certains points " ; que les experts ont ajouté que M. X... n'avait pas de déficit moteur ni d'incapacité à marcher (question n° 5) et qu'il pouvait se déplacer seul et n'avait pas besoin d'être accompagné, notamment, lorsqu'il se rend en promenade ; qu'ils ont clairement précisé que la maladie dont souffre le condamné nécessite une prise en charge neurologique régulière (tous les ans) et des avis ponctuels de spécialistes, mais que la prise en charge dont il bénéficie est compatible avec la poursuite de la détention ordinaire (en réponse à la question n° 9) ; que s'agissant des critiques quant au choix des experts par la cour et au contenu de l'expertise formulées par la défense, il sera d'abord observé que la psychiatrie et la neurologie font partie de la même spécialité médicale en France ; que les experts qui ont été désignés sont tous deux inscrits sur la liste nationale de la Cour de cassation ; que contrairement aux constatations du docteur M. B...qui a affirmé que " l'offre de soins demeurait en l'état limitée en détention ", les experts, en réponse à la question n° 6 ont indiqué que la prise en charge de M. X... est adaptée et qu'il bénéficie d'un régime alimentaire particulier à sa demande ; qu'en préconisant que le condamné bénéficie d'une séance de kinésithérapie d'au moins une demi-heure toutes les semaines (plutôt qu'un quart d'heure toutes les trois semaines ou une d'une demi-heure tous les quinze jours, selon les versions du condamné ou du personnel soignant, comme c'était le cas au moment de leur expertise, voire une fois par semaine selon le directeur adjoint de l'administration pénitentiaire, dans son avis du 23 septembre 2014), d'une consultation de gastro-entérologie et d'un bilan urodynamique ainsi que d'une prise en charge psychothérapique, bien que le condamné n'en exprime pas la demande, les conclusions des experts n'en sont pas pour autant contradictoire ainsi que la défense voudrait le faire valoir en relevant que ceux-ci ont conclu que l'état de santé de M. X... ne nécessite pas une prise en charge multidisciplinaire et quotidienne ; qu'il suffit de se reporter aux développements des écritures des experts et à leurs conclusions pour observer qu'il ne peut être soutenu par la défense que les docteurs MM. Z...et A..." disent à la fois que M. X... manque de soins et que la prise en charge est adaptée ; que la cour estime à son tour qu'il appartient à l'administration pénitentiaire de mettre en place une réelle prise en charge en matière de soins en kinésithérapie ; que de même il sera souhaitable de prendre en compte la préconisation des experts selon lesquels il conviendrait qu'un avis gastro-entérologique soit demandé afin de s'assurer que le condamné ne souffre pas d'une pathologie digestive demandant un traitement spécifique (réponse à la question n° 12) ; que, par ailleurs, rien ne permet de prétendre qu'il existe une insuffisance des contrôles réalisés par vidéo-transmission en comparaison avec les possibilités offertes à l'extérieur ou que M. X... n'a pas accès aux mêmes soins que des personnes en milieu libre ; que malgré les développements des écritures de la défense, la cour ne voit donc pas en quoi les conclusions de l'expertise seraient en contradiction avec les constatations édictées par la Haute autorité de santé ; qu'au regard du contenu de l'expertise et de ses conclusions, il ne peut être davantage soutenu que le refus d'une telle suspension de peine constituerait une violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en effet, la détention de M. X... et les conditions de celles-ci ne constituant pas un traitement inhumain ou dégradant, il ne peut exister d'atteinte à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'ainsi, ces critiques de la défense n'apparaissent pas suffisamment étayées ; que les experts ont mentionné à la réponse à la question n° 10 " qu'il est possible que dans l'avenir l'aggravation de la maladie de M. X... amène des difficultés motrices empêchant le détenu de se déplacer " ; qu'en se bornant à répondre que " ceci amènerait bien entendu à reposer la question de la compatibilité de son état de santé avec le centre dans lequel il se trouve ", les experts ont simplement répondu précisément au libellé de la question n° 10 ; que la défense ne peut donc pas en déduire que ceux-ci ont indiqué que l'aggravation devrait, selon eux, non pas conduire à se positionner sur la compatibilité de son état de santé avec la détention " mais simplement " à se reposer la question de la compatibilité de l'état de santé de son client avec le centre où il se trouve " ; qu'en toute hypothèse, il appartiendra à la juridiction de l'application des peines d'examiner à nouveau la situation de M. X... si une aggravation de la maladie était constatée ; qu'en outre, par ailleurs, la cour rappelle que les dispositions des articles D. 379 et suivants du code de procédure pénale, prévoient que toute personne incarcérée est prise en charge par les médecins intervenant dans les établissements pénitentiaires et qu'en tout état de cause, les mêmes dispositions légales font obligation aux médecins d'aviser le chef d'établissement après en avoir informé les autorités judiciaires compétentes, de l'état de santé d'un détenu qui ne serait pas compatible avec un maintien en détention ou avec le régime pénitentiaire qui lui est appliqué ; que la cour, tout en soulignant l'évolution imprévisible de la pathologie présentée par M. X..., qui est l'état n'est pas invalidante, estime que son état de santé actuel ne justifie pas une mesure de suspension de peine pour raisons médicales, compte tenu des développements de la dernière expertise qui établit que celui-ci ne présente pas un état de santé incompatible avec la détention ; qu'en conséquence, M. X... ne remplit pas les conditions légales posées par l'article 720-1-1 du code de procédure pénale pour bénéficier d'une suspension de peines pour raisons médicales ; qu'il n'y aura donc pas lieu de se prononcer sur les autres questions soulevées par la défense, notamment celle de l'existence d'un risque de renouvellement de l'infraction ; qu'enfin, si le débat d'aujourd'hui ne porte pas sur la question des connexions internet éventuellement effectuées par le condamné, la cour n'ignore cependant pas la possibilité d'une utilisation d'une clé USB porteuse d'un système d'exploitation de type Linux afin d'occulter toute connexion internet ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la décision du tribunal de l'application des peines doit être infirmée en toutes ses dispositions ;
" 1°) alors que la suspension médicale de la peine peut être ordonnée pour les condamnés dont il est établi par une expertise médicale que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention ; qu'il résulte de façon concordante des deux expertises médicales ordonnées par le juge de l'application des peines que l'état de santé de M. X... est incompatible avec la détention, du fait d'une sclérose en plaques présentant une forme évolutive sévère, nécessitant des bilans neurologiques, des hospitalisations régulières en milieu spécialisé, ainsi que des soins kinésithérapiques dispensés dans une structure médicale plus lourde ; qu'en estimant néanmoins que les conditions d'une suspension médicale de la peine n'étaient pas remplies en se fondant exclusivement sur les conclusions d'une troisième expertise ordonnée par elle, la cour d'appel a violé l'article 720-1-1 du code de procédure pénale ;
" 2°) alors que lorsque trois expertises divergent quant à l'aptitude d'un condamné malade à subir l'emprisonnement, la chambre criminelle exige des juridictions saisies qu'elles énoncent les considérations les ayant conduites à retenir la compatibilité de l'état de santé de l'intéressé avec la détention (Cass. crim., 14 octobre 2009, n° 09-81. 627) ; que, dans le même sens, la cour de Strasbourg juge que lorsque le requérant détenu fournit des documents médicaux venant corroborer ses allégations, les autorités ont l'obligation de démontrer que la situation en cause est conforme à la Convention (parmi de nombreux autres, Cour EDH, Amirov c. Russie, n° 51857/ 13, 27 novembre 2014, § 81 et § § 91-93) ; que, dès lors, en se déterminant en ne tenant compte que des conclusions de la troisième expertise, sans mieux s'expliquer sur la compatibilité de l'état de santé avec la détention ni répondre aux conclusions du condamné qui invoquait les conclusions concordantes des deux expertises ordonnées par le juge de l'application des peines, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
" 3°) alors qu'il relève de l'office du juge de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale de rechercher si le maintien en détention de l'intéressé n'est pas constitutif d'un traitement inhumain ou dégradant, notamment par son incompatibilité avec les garanties qui lui sont dues pour protéger sa santé (Cass. crim, QPC, 26 juin 2013, 12-88284) ; que la cour de Strasbourg juge que constitue un tel traitement prohibé la situation d'un détenu atteint de sclérose en plaques ayant dû se « contenter de contrôles occasionnels et des soins qui pouvaient lui être administrés dans l'hôpital de la prison [sans avoir pu] faire régulièrement contrôler l'évolution de sa maladie dans un milieu hospitalier spécialisé ni faire face aux multiples troubles occasionnés par la sclérose en plaques par la prescription de traitements adaptés à son cas » (Serifis c. Grèce, n° 27695/ 03, 2 novembre 2006, § 35) ; que, dès lors, en se bornant, pour répondre au moyen tiré de ce que la dernière expertise était incohérente et ne pouvait servir à établir la compatibilité de l'état de santé de M. X... avec la détention, à affirmer qu'« en préconisant que le condamné bénéficie d'une séance de kinésithérapie d'au moins une demi-heure toutes les semaines (plutôt qu'un quart d'heure toutes les trois semaines ou une d'une demi-heure tous les quinze jours, selon les versions (…), d'une consultation de gastro-entérologie et d'un bilan urodynamique ainsi que d'une prise en charge psychothérapique (…), les conclusions des experts n'en sont pas pour autant contradictoire ainsi que la défense voudrait le faire valoir (…) ; qu'il suffit de se reporter aux développements des écritures des experts et à leurs conclusions pour observer qu'il ne peut être soutenu par la défense que les docteurs Z...et A..." disent à la fois que M. X... manque de soins et que la prise en charge est adaptée », la chambre de l'application des peines s'est prononcée par des motifs insuffisants ;
" 4°) alors que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en retenant que les soins dispensés à M. X... au centre pénitentiaire de Lannemezan étaient adaptés et conformes aux recommandations de la Haute autorité de santé alors que, dans le même temps, elle affirmait la nécessité " de mettre en place une réelle prise en charge en matière de soins en kinésithérapie " et " de prendre en compte la préconisation des experts selon lesquels il conviendrait qu'un avis gastro-entérologique soit demandé afin de s'assurer que le condamné ne souffre pas d'une pathologie digestive demandant un traitement spécifique ", la chambre de l'application des peines s'est prononcée par des motifs contradictoires ;
" 5°) alors qu'il est de principe que, en l'absence de règle spéciale en droit de l'application des peines, le droit commun de la procédure pénale trouve à s'appliquer (Crim. 17 mars 1977, n° 76-93. 148, Bull. crim. n° 102) ; que les articles préliminaires et 167 du code de procédure pénale garantissent aux parties la faculté de soumettre aux juridictions du fond leurs observations sur une expertise ou de pouvoir formuler une demande, notamment, aux fins de complément d'expertise ou de contre-expertise ; que, dès lors, en se fondant, pour rejeter la demande de suspension de peine pour raisons médicale, sur l'expertise des docteurs MM. Z...et A..., alors que celle-ci avait été réalisée sans que le condamné ait la possibilité de la commenter efficacement et de formuler des demandes complémentaires, et en retenant, pour écarter le moyen tiré de l'absence de prise en compte par les experts des observations du condamné, que " tout laisse à penser que les experts ont pris le temps d'écouter M. X... puisque, dans leur rapport d'expertise à la page 20, ils ont dressé la liste de sept doléances exprimées chronologiquement par M. X... " et " qu'au demeurant, dans son courrier du 9 février 2015, adressé aux experts, les docteurs MM. Z...et A..., M. X... n'a pas indiqué qu'il avait le sentiment de ne pas avoir été suffisamment écouté mais, qu'une fois l'examen terminé, il avait eu l'impression qu'il ne s'était pas très bien expliqué sur certains points ", la chambre de l'application des peines a violé les textes et principes susvisés " ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, par requête du 18 mars 2013, M. X..., détenu depuis le 7 décembre 2003, dont les condamnations prononcées par la cour d'assises spéciale de la cour d'appel de Paris les 13 février 2008, 14 mai 2008 et 26 novembre 2009, ont été ramenées au maximum légal de trente ans de réclusion criminelle, a présenté une demande de suspension de peine pour raison médicale en application des dispositions de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale, en faisant valoir qu'il était atteint depuis 2011 d'une sclérose en plaques, qui, provoquant une dégradation physique et psychologique, obligeait à un suivi médical étroit et à des soins de kinésithérapie pluri-hebdomadaires rendant son état de santé actuel incompatible avec un maintien en détention ; qu'après avis de deux experts, désignés successivement pour se prononcer sur l'existence d'une incompatibilité, le tribunal de l'application des peines a ordonné le 20 juin 2014 la suspension pour raison médicale de la peine en cours ; qu'appel a été interjeté par le ministère public ;
Attendu que la chambre de l'application des peines, estimant que ces deux expertises n'indiquaient pas en quoi l'incarcération faisait obstacle à la poursuite des soins, au besoin en milieu spécialisé dans un autre établissement pénitentiaire, a ordonné une troisième expertise et l'a confiée à un collège de deux experts ; que, pour infirmer le jugement et rejeter la demande de suspension de peine, l'arrêt, entérinant les conclusions de ce collège, retient que l'état de santé physique et mental de M. X... est, en l'état, compatible avec son maintien en détention au centre de Lannemezan sous réserve de mettre en place des consultations spécialisées, une prise en charge en psychothérapie et des séances de kinésithérapie hebdomadaires d'une durée d'au moins trente minutes, le rythme actuel d'une séance de quinze minutes toutes les trois semaines, lié au manque de disponibilité du kinésithérapeute, étant insuffisant ; que l'arrêt ajoute qu'il incombe à l'administration pénitentiaire de mettre en œuvre toutes les préconisations du collège d'experts, y compris en ce qui concerne la fréquence et la durée des séances de kinésithérapie ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans autrement rechercher si les préconisations médicales du dernier collège d'experts pouvaient effectivement être mises en œuvre par l'administration pénitentiaire, la chambre de l'application des peines n'a pas justifié sa décision au regard du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, en date du 7 mai 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux juin deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-84116
Date de la décision : 22/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'application des peines de la Cour d'appel de Paris, 07 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 jui. 2016, pourvoi n°15-84116


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.84116
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