LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1331-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 4 avril 2011 par la société AT déménagements Bourges en qualité de mécanicien poids lourds ; qu'après lui avoir notifié un avertissement le 29 septembre 2011, l'employeur l'a licencié pour faute grave le 22 décembre 2011 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les manquements reprochés au salarié ne peuvent constituer un motif de licenciement pour faute grave, que compte tenu des qualifications du salarié, justifiées par sa lettre de motivation adressée à l'entreprise en vue de son embauche, et de son curriculum vitae, l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée peut constituer un motif de licenciement, qu'au surplus, l'effacement des données informatiques constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que d'une part, le licenciement ayant été prononcé pour faute grave, il avait nécessairement un caractère disciplinaire et que d'autre part, sauf mauvaise volonté délibérée, l'insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère fautif, la cour d'appel, qui n'a caractérisé aucune faute à la charge du salarié, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes liées à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 7 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la société AT déménagements Bourges aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société AT déménagements Bourges à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de M. Marc X... en licenciement pour insuffisance professionnelle sauf à préciser que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le motif du licenciement ; la faute grave, privative d'indemnités de licenciement est une faute qui résulte d'un fait imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d' une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; la lettre de licenciement du 22 décembre 2011 fait état de plusieurs motifs a) erreurs et manquements délibérés ; il est reproché au salarié d'avoir sous-traité à l'extérieur des interventions qu'il aurait pu effectuer lui-même et d'avoir négligé les contrôles de sécurité routière ; il est vrai que ce reproche lui a été notifié par le courrier d'avertissement ci-dessus évoqué, mais non retenu ; en revanche l'employeur justifie par la production de toute une série de factures (pièces n°16 à 21) de l'exécution à l'extérieur de réparations qui auraient pu être effectuées sans difficulté en interne au vu des compétences de M. X... rappelées notamment dans son courrier de motivation d'embauche et son curriculum vitae ; l'employeur indique que de ce fait les frais de sous-traitance mécanique ont doublé ; il n'est pas justifié que ces manquements soient pour autant intervenus de manière délibérée ; en effet il n'est pas justifié que des ordres précis aient été donnés au salarié en matière de procédure d'envoi d'un véhicule en réparation extérieure, et notamment que la note de service du 26 octobre 2011 (pièce n°15) ait été portée à sa connaissance, même si dans ces conclusions M. X... affirme qu'il respectait les procédures ; ce reproche est cependant suffisamment justifié par l'employeur ; b) véhicule de Mme Y... ; ce véhicule dont il assurait la maintenance est tombé en panne électrique concernant l'alternateur ; il est fait le reproche d'avoir mis en danger la vie de cette employée sans que soit expliqué en quoi une telle panne peut avoir une telle incidence ; compte tenu de son caractère imprévisible il ne peut non plus être fait le reproche de ne pas l'avoir détectée ; c) véhicule Sprinter ; l'employeur fait le reproche d'un mauvais diagnostic de panne ; il produit un mail de M. X... sur l'origine de cette panne qui serait démenti par le courrier postérieur du concessionnaire Mercédes du 15 juin 2012, or contrairement à ce qui est soutenu, le mail de M. X... n'indique pas que "le moteur est bloqué par une défaillance de l'embrayage ou du volant moteur", mais qu'après avoir effectué le démontage de la boîte de vitesse et du volant moteur, M. X... a constaté que le vilebrequin était cassé, ajoutant qu'il serait surprenant que ce moteur échangé quelques semaines auparavant, n'ait que 100000 kms et qu'il convenait de prendre des mesures (sous-entendu auprès du vendeur) pour qu'il soit remplacé par un moteur fiable, ce reproche n'est donc pas fondé, pas plus que celui de son refus dans ces circonstances d'intervenir de nouveau sur ce véhicule immobilisé depuis lors ; d) "l'examen de votre relevé de travail nous amène à reprendre systématiquement les travaux que vous avez effectués"; ce reproche n'est pas justifié par l'employeur qui ne justifie pas plus de l'absence d'entretien des véhicules de plus de 10 tonnes ; e) effacement des données de l'ordinateur sur les opérations d'entretien des véhicules M, X... ne revient pas sur ce reproche dont l'employeur justifie par l'attestation versée en pièce n°28 ; les autres manquements reprochés au salarié sont effectués dans des termes trop généraux pour constituer des motifs de licenciement et ce ne sont pas les détails donnés dans les conclusions de l'employeur prises devant la cour, auxquelles le salarié répond, qui peuvent masquer l'insuffisance de précision de la lettre de licenciement ; il en résulte que les manquements reprochés au salarié ne peuvent constituer un motif de licenciement pour faute grave ; les griefs énoncés, hormis celui d'effacement des données informatiques relatives à l'entretien des véhicules pourraient être considérés comme des insuffisances professionnelles ; l'insuffisance professionnelle ne peut justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse que si elle est établie par des faits précis, objectifs et vérifiables ; dans la relation de travail, le salarié s'engage à exécuter sa prestation avec sérieux et selon des critères quantitatifs et qualitatifs raisonnablement exigibles ; l'exécution défectueuse de cette prestation, reposant sur des éléments précis, objectifs et vérifiables, peut légitimer un licenciement pour insuffisance professionnelle si, d'une part, les objectifs fixés par l'employeur sont réalistes et si, d'autre part, les exigences posées par l'employeur sont conformes à la qualification du salarié et à l'activité pour laquelle celui-ci a été engagé ; compte tenu des qualifications de M. X... justifiées par sa lettre de motivation adressée à l'entreprise en vue de son embauche, et de son curriculum vitae, l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée peut constituer un motif de licenciement ; au surplus l'effacement des données informatiques non contesté par le salarié constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; le jugement sera donc confirmé de ce chef ; 3 - sur les conséquences du licenciement ; c'est à juste titre que les premiers juges ont, après avoir constaté que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave, considéré qu'il devait être réglé à M. X... la période de mise à pied conservatoire, et l'indemnité de préavis d'un mois et non de deux mois comme réclamé compte tenu de l'ancienneté du salarié, avec leurs incidences au titre des congés payés, le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, le débouté de la demande de M. X... au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif sera également confirmé » (cf. arrêt p. 5-8) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES « SUR LE LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE ; que la charge de la preuve en matière de licenciement pour faute grave incombe exclusivement à l'employeur et qu'il lui appartient de justifier les griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié et qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du contrat pendant la durée du préavis; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que la note de service du 26 octobre 2011 intitulée « processus pour emmener un véhicule en réparation dans un garage » est bien adressée à M. X...; que ce dernier n'en a pas accusé réception en la contre signant par exemple; donc le Conseil ne peut savoir s'il en avait réellement connaissance ; que la société TESSIOT Déménagements déclare que ses frais de sous traitance ont doublé d'un exercice à l'autre mais qu'elle n'en rapporte pas la preuve ; qu'elle produit plusieurs factures de sous-traitants qui démontrent que M. X... aurait pu faire le travail lui-même ; que M. X... fournit aux débats des fiches techniques de suivi de véhicules ; que la société TESSIOT Déménagements déclare ne plus avoir ces informations en sa possession ; en conséquence, le Conseil requalifie le licenciement pour faute grave de M. X... en licenciement pour insuffisance professionnelle ; que le Conseil dit que le licenciement de M. X... est un licenciement pour insuffisance professionnelle ; que M. X... n'avait pas un an d'ancienneté dans l'entreprise ; en conséquence, le Conseil dit que le préavis de M. X... n'est que d'un mois ; SUR LE RAPPEL DE SALAIRES que seule une faute grave peut justifier le non-paiement du salaire pendant une mise à pied à titre conservatoire ;que le Conseil a requalifié le licenciement pour faute grave de M. X... en licenciement pour insuffisance professionnelle ; en conséquence, le Conseil condamne la société TESSIOT Déménagements à verser la somme de 1547.10 euros au titre de rappel de salaires outre 154.71 euros de congés payés afférents » (cf. jugement p.6) ;
1°/ ALORS QUE, de première part, la lettre de licenciement fixe le cadre du litige ; que le licenciement pour faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire ; qu'en retenant, après avoir écarté la faute grave invoquée par l'employeur, que le reproche d'insuffisance professionnelle invoqué était établi et justifiait le licenciement de ce salarié quand l'insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère fautif, la cour d'appel, qui a excédé les limites de sa saisine, a violé l'article L. 1331-1 du Code du travail ;
2°/ ALORS QUE, de deuxième part, en énonçant, pour juger que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse que l'effacement des données informatiques était un grief non contesté par le salarié quand M. X... avait expressément contesté la véracité d'un tel grief (cf. conclusions p.7, in medio), la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposant en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE, de troisième part et subsidiairement, les juges du fond ont l'obligation de rechercher la cause exacte du licenciement ; qu'en considérant que le licenciement de M. X... était justifié par son comportement constitutif d'une insuffisance professionnelle, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions d'appel de l'exposant, si son licenciement ne s'inscrivait pas dans le cadre d'un licenciement économique, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé l'article L 1235-1 du code du travail ;
4°/ALORS QUE, de quatrième part et subsidiairement, M. X... ayant invoqué, dans ses conclusions d'appel, le fait que la véritable cause de son licenciement était économique, son poste n'ayant pas été remplacé après son départ, la cour d'appel qui a omis de répondre à ce chef des conclusions d'appel de l'exposante, a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile.