La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2016 | FRANCE | N°15-17536

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 juin 2016, 15-17536


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 98, 3°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, modifié ;
Attendu que sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein d'un service juridique d'une ou plusieurs entreprises, qui ont exercé leurs fonctions exclusivement dans un service spécialisé chargé dans l'entreprise des problèmes juridiques posés par

l'activité de celle-ci ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 98, 3°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, modifié ;
Attendu que sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein d'un service juridique d'une ou plusieurs entreprises, qui ont exercé leurs fonctions exclusivement dans un service spécialisé chargé dans l'entreprise des problèmes juridiques posés par l'activité de celle-ci ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a sollicité son admission au barreau de Nouméa sous le bénéfice de la dispense de formation prévue à l'article 98, 3°, du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ; que le conseil de l'ordre ayant rejeté sa demande d'inscription, M. X... a formé un recours contre cette décision ;
Attendu que, pour reconnaître à M. X... la qualité de juriste d'entreprise, l'arrêt relève que celui-ci a exercé, pendant plus de huit années, ses fonctions dans les services des affaires sociales de la direction des ressources humaines de deux entreprises ainsi qu'au sein de la direction des relations sociales de la société HSBC France ; qu'il retient que la gestion de la personne morale et de son personnel participe de l'activité de l'entreprise et qu'en conséquence, un juriste qui travaille au sein d'un service autonome spécialisé en droit social, fût-ce au sein d'une direction des ressources humaines, peut se voir reconnaître la qualité de juriste d'entreprise, dès lors que son expertise participe à la sécurisation juridique des décisions et de la stratégie de son employeur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que M. X..., qui consacrait une partie de sa pratique professionnelle à l'application du droit social et du droit du travail aux salariés des entreprises qui l'employaient, en participant à la gestion du personnel et en traitant des contentieux individuels et collectifs du travail, n'exerçait pas ses fonctions exclusivement dans un service spécialisé, interne à l'entreprise, appelé à répondre aux problèmes juridiques posés par l'activité de celle-ci, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour l'ordre des avocats au Barreau de Nouméa
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la délibération du conseil de l'Ordre du barreau de Nouvelle-Calédonie en date du 15 mai 2014, dit que M. Guillaume X... remplissait les conditions de l'article 98, 3° du décret du 27 novembre 1991 pour être dispensé de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat et ordonné son inscription au barreau de Nouvelle-Calédonie sous réserve de la réussite au contrôle de connaissance en matière de déontologie ;
AUX MOTIFS QU'en application des dispositions de l'article 98, 3° du décret du 27 novembre 1991 : « sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (...) les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises » ; que l'intéressé doit avoir exercé ses fonctions exclusivement dans un service spécialisé chargé dans l'entreprise des problèmes juridiques posés par l'activité de celle-ci ; que l'article 58 de la loi du 31 décembre 1971, qui appartient au titre II intitulé « Réglementation de la consultation en matière juridique et de la rédaction d'actes sous seing privé », précise les conditions dans lesquelles « les juristes d'entreprise » peuvent « rédiger des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé » sans autrement définir la notion de « juriste d'entreprise » de sorte qu'il importe peu de savoir s'il s'applique ou non en Nouvelle-Calédonie, cette question n'ayant en toute hypothèse aucune incidence sur l'applicabilité effective de l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 sur lequel le recours est fondé ; qu'il n'est pas discuté que M. X... remplit les conditions de diplômes et d'ancienneté requises ; que la seule réelle divergence entre les parties repose sur la notion de « problèmes juridiques posés par l'activité de l'entreprise » et plus particulièrement sur le point de savoir si un juriste spécialisé en droit social au sein d'une direction des ressources humaines (DRH) intervient dans un domaine juridique « lié à l'activité de l'entreprise » ou si cette notion s'entend seulement de la réalisation de l'objet social de l'entreprise, quelle qu'en soit la forme juridique ; que force est de constater qu'au sens économique usuel c'est l'association « capital-travail » qui permet la production de biens et de services ; qu'il s'en déduit que la « gestion » de la personne morale et de son personnel participent de l'« activité de l'entreprise », laquelle ne se mesure pas seulement à la nature et à la quantité des biens et services produits ou à ses résultats comptables ; qu'en conséquence un juriste qui travaille au sein d'un service autonome spécialisé en droit social, fût-ce au sein d'une DRH, peut se voir reconnaître la qualité de « juriste d'entreprise » lorsque son expertise participe à la sécurisation juridique des décisions et/ou de la stratégie de son employeur ; qu'au vu des contrats et certificats de travail ainsi que des attestations fournies par ses supérieurs hiérarchiques, il apparaît que M. X... exerce et a en permanence exercé ses fonctions dans un service spécialisé chargé des questions juridiques posées, dans le domaine du droit social, par l'activité des sociétés qui l'employaient ; que c'est ainsi que :
- au siège social de la société Brico-Dépôt, il était affecté au « service des affaires sociales » de la DRH, service autonome, spécialisé en droit du travail, en charge de toutes les problématiques individuelles et collectives de travail au sein de l'entreprise, dans les conditions suivantes : « Les trois juristes de ce service avaient en charge tous les problèmes juridiques tels que contrats de travail et avenants, procédures d'inaptitude, l'intégralité du disciplinaire de tous les sites siège inclus (300 salariés), les relations collectives pour les DPCE des établissements aux côtés des directeurs de magasin, le CCE, la NAO, avec les DSC, tous les litiges syndicaux, les délits d'entrave, les grèves, les divers contentieux : relations avocats et conseils de la société (40), CPH, gestion des bureaux de conciliation, TASS (faute inexcusable suite à décès de salariés), tribunal correctionnel (AT etc...), TGI (divers), soutien pour les conseils en cas de pourvoi en cassation.... M. Guillaume X... était notamment en charge de la région IDF, région particulièrement chronophage qu'il a su gérer avec professionnalisme et une forte réactivité dont ses interlocuteurs étaient friands (…) » (cf. attestation Mme Charlotte Y...) ;
- seul juriste de la « direction des relations sociales » de la société HSBC France, il « avait en charge la responsabilité de l'ensemble des problématiques juridiques relatives aux instances représentatives du personnel de la société (comité de groupe, comité central d'entreprise, 4 comités d'établissement, 6 CHSCT, plusieurs dizaines de DP) et aux délégations syndicales (notamment pour toutes les négociations obligatoires ou non menées par la DRS (…) » et intervenait au surplus en tant qu'appui juridique de la plupart des instances, établissait « le calendrier social en tenant compte de l'ensemble des prérogatives des instances et des obligations légales de l'entreprise... » (cf attestation de MM. Z... et A...) ;
- rattaché au « service relations sociales » au sein de la DRH de la société Vale NC SAS, il est en charge de « la gestion de toute activité en lien avec le droit du travail et le droit social de l'entreprise. Cela recouvre donc les problématiques juridiques individuelles (les contrats de travail et avenants, les procédures d'inaptitude, la gestion de la discipline...) et collectives de travail (les relations juridiques avec les instances représentatives du personnel, les négociations obligatoires, tous les litiges syndicaux (grève, délit d'entrave, débrayages...). Lui sont également confiées la gestion des contentieux, les relations avec les avocats et conseils de l'entreprise ainsi que la représentation de l'entreprise auprès des tribunaux (...) M. X... occupe un rôle important au sein de la direction des ressources humaines ainsi qu'au sein de Vale NC car il est considéré comme l'interlocuteur incontournable et l'expert dans les matières liées au droit du travail et le droit social auprès de la direction (...) » (cf attestation Mme Maryse B...) ;
qu'il résulte des éléments qui précèdent que, durant au moins huit ans, M. X... a eu des responsabilités importantes dans des services juridiques autonomes, en qualité de juriste en droit social, pour s'occuper exclusivement des problèmes juridiques posés par sa spécialité au sein des sociétés qui l'employaient ; qu'il s'en déduit qu'il remplit la condition d'aptitude tenant à une expérience pratique réelle et effective, pendant la durée requise, lui permettant de bénéficier de la voie dérogatoire de l'article 98-3° du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 pour intégrer la profession d'avocat ;
ALORS QUE le service juridique de l'entreprise ou des entreprises au sein duquel le juriste d'entreprise doit avoir effectué huit ans au moins de pratique professionnelle pour être dispensé de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat doit être un service spécialisé dans l'étude des problèmes juridiques posés par l'activité de l'entreprise ; qu'en se fondant, pour dire que M. X... remplissait les conditions requises pour intégrer la profession d'avocat, sur la circonstance qu'affecté au « service des affaires sociales » de la DRH au sein de la société Brico-Dépôt, puis à la « direction des relations sociales » de la société HSBC et, enfin, au « service relations sociales » au sein de la DRH de la société Vale NC, il avait exercé des fonctions de juriste au sein de services spécialisés en droit du travail, services qui ne sont pourtant pas des services autonomes s'occupant exclusivement des problèmes juridiques posés par l'activité de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 98-3° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-17536
Date de la décision : 15/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 22 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 jui. 2016, pourvoi n°15-17536


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.17536
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award