LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 12 mars 2015), que M. X... a sollicité son admission au barreau de Nouméa sous le bénéfice de la dispense de formation prévue à l'article 98, 4°, et 98, 5°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ; que le conseil de l'ordre ayant rejeté sa demande d'inscription, M. X... a formé un recours contre cette décision ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande fondée sur l'article 98, 5°, du décret précité, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit identifier et analyser les pièces produites par les parties au soutien de leurs prétentions ; que M. X... faisait valoir qu'il avait, sur invitation du rapporteur du conseil de l'ordre, produit des attestations détaillées décrivant les activités juridiques qu'il exerçait au sein de la Fédération des fonctionnaires et du SOTPM ; que ces attestations indiquaient notamment que les missions de M. X... consistaient à « étudier et gérer les licenciements et cas litigieux, rédiger les mémoires en défense ou en demande pour le tribunal du travail, effectuer des recherches et des études de jurisprudences pour les cas à traiter, donner des consultations et éclairages [aux] adhérents, préparer les conseils de discipline et les réunions de négociation et de médiation, rédiger des actes juridiques (contrats de travail, accords d'indemnisation pour des licenciements et démissions…), dispenser des formations de droit social, du travail et sur le droit de grève, sur la responsabilité civile et administrative, vérifier la conformité des dispositions législatives et réglementaires existantes pour résoudre chaque cas d'espèces, etc… » ; qu'en considérant, pour rejeter sa demande d'inscription au titre de l'article 98, 5°, du décret du 27 novembre 1991, que M. X... ne justifiait pas de la nature exacte des activités spécifiquement juridiques auxquelles il se référait dans sa requête, sans analyser, même sommairement, les attestations des syndicats produites devant elle, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que, pour examiner si l'activité juridique d'un candidat à l'inscription au barreau présente les critères qualitatifs et quantitatifs nécessaires, le juge doit prendre en compte, globalement, l'ensemble des activités exercées ; qu'en vérifiant, pour rejeter la demande d'inscription de M. X..., si les critères posés par le 5° de l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 étaient remplis au titre de chacune des périodes d'activité invoquées par M. X..., appréhendées indépendamment, cependant qu'il lui incombait de vérifier si l'activité de M. X..., envisagée globalement sur l'ensemble de la période dont il se prévalait, avait revêtu les critères quantitatifs et qualitatifs nécessaires, la cour d'appel a violé l'article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
3°/ que l'exigence, prévue par l'article 98, 5°, du décret du 27 novembre 1991 selon laquelle sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat les juristes attachés pendant huit ans au moins à l'activité juridique d'une organisation syndicale, n'implique pas que cette activité soit exercée à titre exclusif mais impose seulement au juge de vérifier que les autres activités du candidat ne l'empêchent pas d'avoir une activité spécifique et continue de juriste pour son organisation syndicale ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir que son activité de juriste était spécifique et continue en renvoyant à deux attestations dont il résultait qu'il consacrait, en plus de son travail, plus de trente-cinq heures par semaines à des activités juridiques au sein d'une organisation syndicale ; qu'en considérant, par motifs adoptés, que l'activité juridique de M. X... était occasionnelle et ne remplissait pas les critères quantitatifs nécessaires, sans rechercher si le fait de consacrer trente-cinq heures par semaine à une activité juridique ne conférait pas à cette activité un caractère spécifique et continu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
Mais attendu que l'arrêt retient que, durant la période de janvier 1985 à juillet 1994, M. X..., qui n'avait aucune formation juridique autre que la préparation, sans succès, d'une première année de DEUG de droit, a apporté son concours, avec d'autres bénévoles sans diplôme juridique, en dehors de ses heures de travail, au service juridique d'une organisation syndicale, sans produire d'éléments précis permettant d'apprécier la nature de son activité, de sorte qu'il ne justifie pas, faute d'encadrement et de contrôle par des juristes confirmés, d'une expérience acquise, à cette occasion, satisfaisant aux critères qualitatifs et quantitatifs nécessaires ; qu'il retient encore que, si, de 2007 à 2012, M. X..., employé à temps complet par la direction des affaires maritimes de Nouvelle-Calédonie en qualité de responsable de la formation maritime et des examens du permis plaisance, consacrait plusieurs heures de son temps libre au service juridique d'un syndicat, il ne justifie pas de la nature exacte des activités « spécifiquement juridiques » auxquelles il se réfère et n'établit pas, malgré l'obtention de la maîtrise en droit, avoir acquis, par cette expérience pratique, en l'absence d'encadrement et de contrôle suffisants, des compétences réelles et effectives ; que, de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a exactement décidé que M. X... ne démontrait pas avoir exercé une activité spécifique de juriste, continue et à plein temps, revêtant les critères qualitatifs et quantitatifs nécessaires, pendant le temps requis, pour bénéficier de la dispense prévue par l'article 98, 5°, du décret précité, justifiant ainsi légalement sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'inscription de M. X... au barreau de Nouvelle-Calédonie formée sur le fondement de l'article 98-5° du décret du 27 novembre 1991 ;
AUX MOTIFS QUE la profession d'avocat est une profession réglementée ;
que, pour y accéder, il est nécessaire de remplir les conditions énumérées à l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 (maîtrise en droit ou diplôme équivalent) et à l'obtention du certificat d'aptitude à la profession d'avocat ;
qu'en application des dispositions de l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 sont toutefois « dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat : (…) 4°) les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale ; 5°) les juristes attachés pendant huit ans au moins à l'activité juridique d'une organisation syndicale. (…) Les personnes mentionnées aux 3°, 4°, 5°, 6° et 7° peuvent avoir exercé leurs activités dans plusieurs des fonctions visées dans ces dispositions dès lors que la durée totale de ces activités est au moins égale à huit ans » ; que la dispense partielle de formation ainsi accordée ne constitue pas un droit attaché à l'ancienneté mais un mode d'accès à une profession à caractère dérogatoire et, partant, d'interprétation stricte, subordonné à une condition d'aptitude tenant à une expérience pratique réelle et effective pour la durée requise ; (…) que, sur l'article 98-5, s'agissant de la validation d'acquis tirés de l'expérience dans le domaine juridique, l'activité juridique revendiquée à cet égard doit être non seulement effective mais revêtir les critères qualitatifs et quantitatifs nécessaires, pendant le temps requis, pour dispenser l'intéressé d'une formation théorique et pratique complémentaires et lui permettre d'intégrer directement la profession d'avocat ; qu'un syndicat ayant pour objet la défense des intérêts matériels et moraux de ses membres et non l'exercice d'une activité juridique, il appartient au demandeur de rapporteur la preuve que l'organisation syndicale, à l'activité juridique de laquelle il aurait été attaché pendant 8 ans en qualité de « juriste », disposait d'un service juridique organisé et efficient, composé de personnel compétent ; que M. X... revendique à ce titre deux périodes distinctes : de janvier 1985 à juillet 1994 : « période pendant laquelle il a été chargé par ses pairs d'exercer l'activité spécifique de juriste attaché à l'activité juridique du syndicat la Fédération des fonctionnaires » ; de 2007 à 2012, comme « juriste attaché à l'activité juridique spécifique et continue du SOTPM » ; que, concernant la première période, la cour relève que l'appelant n'avait alors comme seul bagage juridique que deux années passées au « centre de droit de Nouméa », à préparer, sans succès, la 1ère année de DEUG ; qu'interrogé à l'audience sur l'existence d'un « service juridique » structuré au sein de la Fédération des fonctionnaires des provinces sud et nord, M. X... indiquait qu'il s'agissait d'une « cellule d'étude, d'analyse et de réflexion attachée à régler les problèmes juridiques du syndicat et de ses adhérents, composée de personnes bénévoles ou mise à disposition, sans diplômes juridiques particuliers » ; qu'il ajoutait que cette expérience lui avait permis de compléter sa formation théorique par la pratique ; que, sans aucunement remettre en cause le dévouement que représente un tel investissement au service d'autrui, cette période ne peut être sérieusement validée au titre d'une « activité de juriste attaché à une organisation syndicale » au sens de l'article 98-5 dès lors que, en l'absence d'encadrement et de contrôle suffisants, l'expérience acquise à cette occasion ne satisfait pas les critères qualitatifs et quantitatifs nécessaires, pendant le temps requis, pour permettre à M. X... de bénéficier de la dispense de formation prévue par ce texte ; qu'au surplus l'appelant s'abstient, pour cette période comme pour les autres, de justifier de la nature exacte des activités « spécifiquement juridiques » auxquelles il se réfère dans sa requête, fût-ce en produisant des rapports, des conclusions, devant la juridiction du travail, des notes destinées aux interlocuteurs du syndicat… qui auraient permis à la juridiction d'avoir une idée précise de la technicité de ces « activités juridiques » ainsi que de la façon dont il y a fait face ; que, pour ce qui concerne la seconde période que revendique M. X... au titre de cet article, elle est postérieure à l'obtention du diplôme mais ne remplit pas la condition de durée prévue par le texte ; qu'étant précisé en tant que de besoin que, comme pour la période précédente, M. X... ne donne aucun justificatif ni sur le service juridique auquel il était « attaché » en sa qualité de « juriste », ni sur les activités qu'il y a exercées, permettant à la cour de penser qu'il acquis, durant cette expérience précise, des compétences suffisantes pour le dispenser de formations théorique et pratique complémentaires et lui permettre d'intégrer directement la profession d'avocat ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il n'apparaît pas que la jurisprudence, ni que le texte aient entendu accorder le bénéfice de ces dispositions, ou plus généralement des dispositions de l'article 98 en tous ses alinéas, aux personnes ayant effectué occasionnellement et bénévolement des tâches dans le domaine juridique ; que le texte accorde une dérogation : aux juristes attachés à l'activité juridique d'une organisation syndicale ; que la notion de juriste attaché ne peut se concevoir que d'un poste occupé à titre principal, en principe à titre salarié, encore qu'un retraité puisse consacrer l'essentiel de son temps à cette activité, mais ne peut s'entendre d'une personne ayant une activité professionnelle propre et distincte, qui occasionnellement apporterait son concours juridique au syndicat ; qu'en l'espèce M. X... fait état de ses fonctions syndicales entre 2007 et 2012, qu'il occupe, selon ses propres affirmations, en dehors de ses horaires de travail, horaires dont il déclare au Conseil de l'Ordre qu'ils sont de 6h du matin à 21h du soir ; qu'il ne fait aucun doute que ces activités, dont il ne démontre pas le caractère juridique ne revêtent pas « les critères qualitatifs et quantitatifs nécessaires » ;
1°) ALORS QUE le juge doit identifier et analyser les pièces produites par les parties au soutien de leurs prétentions ; que M. X... faisait valoir qu'il avait, sur invitation du rapporteur du conseil de l'ordre, produit des attestations détaillées décrivant les activités juridiques qu'il exerçait au sein de la Fédération des fonctionnaires et du SOTPM (conclusions, p. 8) ; que ces attestations (pièces n° D9 et D10) indiquaient notamment que les missions de M. X... consistaient à « étudier et gérer les licenciements et cas litigieux, rédiger les mémoires en défense ou en demande pour le Tribunal du Travail, effectuer des recherches et des études de jurisprudences pour les cas à traiter, donner des consultations et éclairages [aux] adhérents, préparer les conseils de discipline et les réunions de négociation et de médiation, rédiger des actes juridiques (contrats de travail, accords d'indemnisation pour des licenciements et démissions…), dispenser des formations de droit social, du travail et sur le droit de grève, sur la responsabilité civile et administrative, vérifier la conformité des dispositions législatives et réglementaires existantes pour résoudre chaque cas d'espèces, etc… » ; qu'en considérant, pour rejeter sa demande d'inscription au titre de l'article 98-5 du décret du 27 novembre 1991, que M. X... ne justifiait pas de la nature exacte des activités spécifiquement juridiques auxquelles il se référait dans sa requête, sans analyser, même sommairement, les attestations des syndicats produites devant elle, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, pour examiner si l'activité juridique d'un candidat à l'inscription au barreau présente les critères qualitatifs et quantitatifs nécessaires, le juge doit prendre en compte, globalement, l'ensemble des activités exercées ; qu'en vérifiant, pour rejeter la demande d'inscription de M. X..., si les critères posés par le 5° de l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 étaient remplis au titre de chacune des périodes d'activité invoquées par M. X..., appréhendées indépendamment, cependant qu'il lui incombait de vérifier si l'activité de M. X..., envisagée globalement sur l'ensemble de la période dont il se prévalait, avait revêtu les critères quantitatifs et qualitatifs nécessaires, la cour d'appel a violé l'article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.
3°) ALORS QUE l'exigence, prévue par l'article 98, 5° du décret du 27 novembre 1991 selon laquelle sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat les juristes attachés pendant 8 ans au moins à l'activité juridique d'une organisation syndicale, n'implique pas que cette activité soit exercée à titre exclusif mais impose seulement au juge de vérifier que les autres activités du candidat ne l'empêchent pas d'avoir une activité spécifique et continue de juriste pour son organisation syndicale ; qu''en l'espèce, M. X... faisait valoir que son activité de juriste était spécifique et continue (conclusions, p. 8) en renvoyant à deux attestations dont il résultait qu'il consacrait, en plus de son travail, plus de trente-cinq heures par semaines à des activités juridiques au sein d'une organisation syndicale (pièces n° D9 et D10) ; qu'en considérant, par motifs adoptés, que l'activité juridique de M. X... était occasionnelle et ne remplissait pas les critères quantitatifs nécessaires, sans rechercher si le fait de consacrer trente-cinq heures par semaine à une activité juridique ne conférait pas à cette activité un caractère spécifique et continue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.