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15/06/2016 | FRANCE | N°15-16357

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 juin 2016, 15-16357


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 6 et 7 du règlement n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91 ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X..., titulaire d'un billet d'avion délivré par la société Air France pour la liaison La Havane-Paris, est

arrivé à destination avec plus de trois heures de retard ; qu'il a assigné la so...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 6 et 7 du règlement n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91 ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X..., titulaire d'un billet d'avion délivré par la société Air France pour la liaison La Havane-Paris, est arrivé à destination avec plus de trois heures de retard ; qu'il a assigné la société Air France en paiement d'une indemnité forfaitaire, sur le fondement de l'article 7 du règlement CE n° 261/2004 du 11 février 2004 ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, le jugement énonce que l'article 7 précité indique, de manière claire et précise, que le droit à indemnisation ne s'applique que lorsqu'il est fait référence à ses dispositions, que l'article 6 relatif aux retards n'y fait pas référence, tandis que l'article 5 relatif aux annulations s'y réfère ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêts du 19 novembre 2009, Sturgeon, C-402/07 et C-432/07 et du 23 octobre 2012, Nelson, C-581/10 et C-629/10), laquelle s'impose aux juges nationaux, que les textes susvisés doivent être interprétés en ce sens que les passagers de vols retardés disposent du droit à indemnisation prévu par ce règlement lorsqu'ils subissent, en raison de tels vols, une perte de temps égale ou supérieure à trois heures, c'est-à-dire lorsqu'ils atteignent leur destination finale trois heures ou plus après l'heure d'arrivée initialement prévue par le transporteur aérien, le tribunal de commerce a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu à poser une question préjudicielle dès lors que les dispositions des articles 5, 6 et 7 du règlement n° 261/2004 ont déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour de justice de l'Union européenne ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 9 décembre 2014, entre les parties, par le tribunal de commerce de Bobigny ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de commerce de Paris ;

Condamne la société Air France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X...

M. X... fait grief au jugement attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes de condamnation de la société Air France à lui payer les sommes de 600 euros au titre du retard subi et de 100 euros au titre des frais de mises en demeure ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur X..., produit le billet électronique confirmant l'achat d'une prestation de transport aérien sur le vol AF3539 du 11 mai 2012, qu'il produit également le courrier d'Air France en date du 20 novembre 2012 par lequel est reconnu le retard subi par Monsieur X... en sa qualité de passager du vol ; qu'il n'est pas contesté par les parties que le retard subi par le vol AF 3539 est nettement supérieur à 3 heures ; qu'il est établi par les pièces produites par Air France, notamment la production de la fiche d'analyse d événement technique se rapportant à l'aéronef immatriculé F-GITJ que le retard subi résulte d' une cause technique, en l'occurrence un cisaillement observé sur la porte de soute arrière, rendant l'appareil initialement prévu pour la réalisation du vol impropre à voler sans risque pour la sécurité ; que Monsieur X... fonde sa demande en indemnisation sur les termes du règlement (CE) n°261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n°295/91, et confirme à l'audience de plaidoirie collégiale, ne pas exciper des dispositions du décret n° 2004/578 du 17 juin 2004 portant publication de la convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, faite à Montréal le 28 mai 1999, pas davantage des dispositions des conditions générales de transport contractuellement applicables ; qu'au soutien de sa demande en indemnisation pour le préjudice subi du fait du retard de vol Monsieur X... fait valoir la jurisprudence interprétative rendue sur question préjudicielle par la Cour de justice de l'Union européenne, dans les arrêts C-402/07, C- 432/07 du 19 novembre2009, Sturgeon et Bôck, et C-581/10 et C-629/10, Nelson ; que cette jurisprudence décide que les passagers de vols retardés sont, au regard des dispositions du règlement précité, et concernant leur droit à indemnisation en application de l'article 7, assimilés aux passagers de vols annulés, dès lors qu' ils ont subi un retard égal ou supérieur à 3 heures vis-à-vis de l'heure d'arrivée initialement prévue par le transporteur aérien ; que les arrêts précités de la CJUE ont autorité de la chose interprétée et n'ont pas autorité de la chose jugée ; que, d'une part, une jurisprudence, quelle que soit sa source, y compris européenne, ne peut s'imposer de manière générique au juge national, en application des dispositions de l'article 5 du code civil, qui prohibe les arrêts de règlement ;

que, d'autre part, l'autorité de la chose interprétée ne saurait avoir valeur normative s'imposant au juge national qu'en application d'un pouvoir de normativité habilitant la CJUE dans le cadre de l'exercice de son rôle interprétatif, s'agissant au surplus de l'interprétation d'un texte clair directement applicable dans l'ordre interne de l'Etat membre ; qu'en l'occurrence, tant les arrêts précités en leurs considérants, que les écritures de la demanderesse, ne précisent pas la source de pouvoir normatif ayant pu être légitimement mise en oeuvre par la CJUE ; qu'à défaut de l'établissement du pouvoir de normativité conféré à l'autorité interprétante, il appartient au Tribunal, tout en prenant la plus grande considération des termes de l'interprétation donnée, de ne la retenir que dans la mesure où elle apporte une précision utile que le texte par imprécision ne permet pas de déduire sans interprétation, soit dans la mesure où ladite interprétation ne contrevient manifestement pas au contenu clair et précis de la norme interprétée, qui s'impose dès lors au juge national ; que, de manière claire et précise, l'article 7 du règlement (CE) n°261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004, précise que le droit à indemnisation ne s'applique que lorsqu'il est fait référence au présent article dans les autres dispositions de ce texte ; que l'article 6 relatif aux retards ne fait pas référence à l'article 7, alors même que l'article 5 relatif aux cas d'annulation s'y réfère, en son paragraphe 1 alinéa c) ; qu'il s'en déduit que le législateur européen a donc entendu sans la moindre ambigüité réserver un régime différent aux cas d'annulation de vols et aux cas de retards observés sur ces vols, y compris pour les vols relevant du 1 de l'article 6 précité ; que, pour l'ensemble des raisons qui précèdent, le Tribunal rejettera la demande de Monsieur X... de voir Air France condamnée à lui verser une somme de 600 € augmentée des intérêts au taux légal, avec capitalisation desdits intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil, ainsi que de sa demande visant à condamner Air France au paiement d' une somme de 100 € au titre de frais de mise en demeure ;

ALORS QU'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêts du 19 novembre 2009, Sturgeon, C-402/07 et C-432/07 et du 23 octobre 2012, Nelson, C-581/10 et C-629/10) que les articles 5, 6 et 7 du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, doivent être interprétés en ce sens que les passagers de vols retardés disposent du droit à indemnisation prévu par ce règlement lorsqu'ils subissent, en raison de tels vols, une perte de temps égale ou supérieure à trois heures, c'est-à-dire lorsqu'ils atteignent leur destination finale trois heures ou plus après l'heure d'arrivée initialement prévue par le transporteur aérien ; que le tribunal de commerce qui, après avoir constaté que M. X... avait subi un retard de vol supérieur à trois heures, l'a néanmoins déboutée de ses demandes indemnitaires à raison de ce retard, en jugeant qu'il n'était pas lié par l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne du règlement (CE) n° 261/2004 et que ce texte ne prévoyait pas d'indemnisation pour les retards de vols, a violé les articles 5, 6 et 7 du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-16357
Date de la décision : 15/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Bobigny, 09 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 jui. 2016, pourvoi n°15-16357


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16357
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