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15/06/2016 | FRANCE | N°15-11164

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 juin 2016, 15-11164


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a engagé par la société Le Chameau (la société) le 29 août 1988, en qualité de monteur polyvalent ; qu'estimant être victime de discrimination, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en dommages-intérêts pour inégalité de traitement ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de natur

e à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa quatrième br...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a engagé par la société Le Chameau (la société) le 29 août 1988, en qualité de monteur polyvalent ; qu'estimant être victime de discrimination, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en dommages-intérêts pour inégalité de traitement ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1153, alinéa 4 du code civil ;
Attendu que pour accueillir la demande du salarié, l'arrêt retient que, outre le préjudice résultant de la rupture d'égalité avec ses collègues, ce manquement a entraîné pour le salarié un manque à gagner non négligeable de plus de 300 euros par mois, qui n'est que partiellement compensé par le rappel de salaire qui sera opéré a posteriori ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser pour le salarié l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant du retard apporté par l'employeur au paiement des salaires et causé par sa mauvaise foi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis adressé aux parties, conformément à l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il condamne la société le Chameau à payer à M. X... la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour inégalité de traitement, l'arrêt rendu le 21 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Le Chameau.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la prime de production acquise par Monsieur X... à la date du 31 mai 2011 sera intégrée à son salaire à compter du 1er octobre 2011 et d'AVOIR condamné la société LE CHAMEAU à verser à Monsieur X... la somme de 1.419,43 euros à titre de rappel de primes pour les mois de juin à septembre 2011, un rappel de salaire correspondant à l'intégration de la prime de production à son salaire à compter du 1er octobre 2011, la somme 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement et la somme de 1.000 euros pour frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE « Les conditions de dénonciation de l'usage rappelé ci-dessus ne seront pas évoquées puisque M. X... n'en a pas contesté la validité de cette dénonciation. Seule sera examinée la discrimination -ou plus exactement l'inégalité de traitement- dont M. X... se plaint à cette occasion. Il lui appartiendra d'établir des éléments de fait en laissant présumer l'existence puis, le cas échéant, il incombera à la SA Le Chameau de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence. M. X... énonce plusieurs faits laissant présumer, selon lui, l'existence d'une discrimination: 1) les monteurs affectés à d'autres postes à la demande exclusive de la direction continuent de percevoir la prime de montage, lui-même a dû être affecté à un autre poste à raison d'une maladie professionnelle imputable à la SA Le Chameau, il doit donc pareillement bénéficier du maintien de cette prime, 2) deux autres salariés retirés de l'atelier de montage continuent de percevoir cette prime directement (M. Y...) ou par intégration au salaire (M. Z...), 3) les primes de production des ouvriers des ateliers autoclaves, presses, compensation et piqûre ont été intégrées à leur salaire. 1) Ce premier fait ne laisse pas présumer l'existence d'une inégalité de traitement. En effet, si M. X... n'a pas choisi de changer d'atelier, ce n'est pas non plus "à la demande exclusive de la direction" que ce changement a été opéré mais à raison de la maladie professionnelle dont il souffre. Même si la SA Le Chameau avait une responsabilité dans la survenance de la pathologie qui affecte M. X..., la situation de celui-ci ne serait pas pour autant similaire à celle de salariés mutant à la "demande exclusive de la direction". 2) M. Z... atteste que sa "prime de monteur intitulée prime de production sur les bulletins de paie (a été) intégrée dans mon salaire suite à ma mutation du poste de montage sur le poste de coupe cuir du fait de maladie professionnelle". M. Y... atteste "avoir été partiellement retiré du montage par ma direction depuis environ 1 an et percevoir toujours ma prime de production". Ces attestations laissent présumer l'existence d'une différence de traitement. 3) Le fait que la prime de production ait été intégrée à compter du 1/4/11 dans le salaire pour les ouvriers des ateliers énumérés par M. X... et non pour ceux de l'atelier de montage, ce dont M. X... justifie en produisant les bulletins de paie de deux collègues, MM. A... et B..., laisse présumer une différence de traitement. En effet, une fois intégrée au salaire, cette prime disparaît en tant que telle ce qui, a priori, ne permet plus sa suppression ultérieure et entre dans la base de calcul d'autres éléments de rémunération. Si donc, M. X... avait bénéficié de l'intégration de cette prime de production à son salaire au 1/4/11 alors qu'il en bénéficiait encore, cette prime lui serait demeurée acquise et n'avait plus vocation à être supprimée, quel que soit l'atelier où il était affecté. L'employeur énonce divers éléments qui selon lui justifierait les deux différences de traitement présumées. •Sur le troisième fait : Il souligne que les ouvriers des autres ateliers ne se trouvent pas dans une situation similaire, notamment parce que le montant des primes qu'ils perçoivent est nettement inférieur au montant de la prime de montage dont bénéficiait M. X.... Les bulletins de paie produits par M. X... confirment ce point. Ainsi alors que la prime perçue par M. X... était de 315,43€, M. A... percevait à ce titre 196,61€ et M. B... 40€. Il est constant d'autre part que toutes les primes de production n'ont pas été intégrées au salaire. Ainsi, comme la prime "montage", la prime "chaudière" est restée hors salaire. Il s'avère donc que, selon leur affectation, les ouvriers bénéficient ou non d'une prime de production -l'atelier découpe cuir ne générant pas ainsi au vu du bulletin de paie de M. X... de prime de production-. Le montant de cette prime diffère en outre selon l'atelier d'affectation. Dès lors, les situations hétérogènes existant quant à l'existence et au Doutant de cette prime constituent un élément objectif justifiant l'intégration de cette prime au salaire pour certains ateliers seulement. Il convient en outre de souligner que la suppression de prime dont se pied M. X... n'est qu'une conséquence indirecte du défaut d'intégration de cette prime dans son salaire. • Sur le deuxième fait: La SA Le Chameau ne fournit aucune explication sur la situation de M. Y.... En ce qui concerne M. Z..., elle explique cette différence de traitement par le fait que l'intégration de la prime au salaire avait été négociée lors du changement de poste de M. X... et qu'il "s'agit là d'un avantage individuel", d'autre part, que cette différence est justifiée par l'ancienneté plus importante de M. Z... et souligne que si cette prime n'avait pas été intégrée au salaire, ce dernier aurait une rémunération inférieure à celle de M. X..., ce qui serait inéquitable compte tenu de son ancienneté plus importante. Toutefois, l'employeur n'est précisément pas fondé à accorder un "avantage individuel" discrétionnaire. II doit justifier objectivement de la différence faite entre deux salariés. Cette différence ne saurait être justifiée par la différence d'ancienneté puisqu'il existe dans l'entreprise une prime d'ancienneté précisément destinée à rémunérer la différence d'expérience entre salariés. Enfin, contrairement à ses affirmations, la SA Le Chameau ne justifie pas qu'en intégrant la prime de production de M. X..., à son salaire, ce dernier aurait une rémunération plus élevée que M. Z.... En effet, il ne produit pas de bulletins de paie de M. Z... mais un tableau établi pour les besoins de la cause sur lequel n'apparaît qu'un seul chiffre, celui du "salaire mensuel brut de base" sans précision sur les composantes inclues ou exclues de ce montant et sans précision sur la date à laquelle M. Z... a pu percevoir cette rémunération. Quant au "salaire mensuel brut de base" de M. X..., aucun des bulletins de paie produit par la SA Le Chameau ne correspond au montant que celle-ci indique dans ce tableau. De surcroît, au 1/6/05, selon l'avenant conclu entre les parties lors du changement d'atelier, M. Z... était alors "ouvrier spécialisé" classé au coefficient 165 tandis que M. X... est, au vu des bulletins de paie produits, "monteur polyvalent" au coefficient 170, ce qui, en toute hypothèse, justifie un salaire plus important. La SA Le Chameau ne justifie donc pas de raisons objectives justifiant une différence de traitement entre M. X... et M. Z... et M. Y.... M. X... est donc fondé dans ses demandes tendant à voir aligner sa situation sur celle de ses collègues. La SA Le Chameau ne conteste pas, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire, les demandes formulées à ce titre par M. X... tendant d'une part à un rappel de 1 419,43€ au titre des mois de juin à septembre 2011, d'autre part, à l'intégration de cette prime à son salaire pour la période postérieure. Il y a lieu de prévoir, cette demande étant implicite, un rappel de salaire à ce titre. M. X... est également fondé à obtenir des dommages et intérêts. En effet, outre le préjudice résultant de la rupture d'égalité avec ses collègues, ce manquement a entraîné pour M. X... un manque à gagner non négligeable de plus de 300e par mois, qui n'est que partiellement compensé par le rappel de salaire qui sera opéré a posteriori. De ce chef, il lui sera alloué 2 000 €. Les sommes allouées à titre de rappel de salaire produiront intérêts au taux légal à compter du 28/9/11 date de réception par la SA Le Chameau de sa convocation devant le bureau de conciliation pour le rappel au titre des primes de juin à septembre 2011, à compter du 1er du mois suivant pour le rappel de salaire dû. Ainsi le rappel de salaire dû pour le mois d'octobre 2011 produira-t-il intérêts à compter du 1/11/11. La somme due à titre de dommages et intérêts produira intérêts à compter de la notification de la présente décision. Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X... ses frais irrépétibles; de ce chef, la SA Le Chameau sera condamnée à lui verser 1 000€ » ;
1. ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société LE CHAMEAU exposait que la dénonciation de l'usage consistant à maintenir le paiement de la prime de montage aux monteurs affectés à un autre poste n'avait pas concerné les monteurs qui sont affectés à un autre poste « à la demande exclusive de la direction » ; que la cour d'appel a ainsi elle-même considéré que le maintien de la prime de montage aux monteurs affectés à d'autres postes à la demande exclusive de la direction ne crée pas une rupture d'égalité par rapport à Monsieur X..., dans la mesure où ce dernier n'a pas changé d'atelier à la demande exclusive de la direction, mais pour des raisons médicales ; qu'en retenant néanmoins que le fait que Monsieur Y..., qui a été retiré de l'atelier de montage, continue à percevoir une prime de montage laisse présumer une différence de traitement, tout en relevant que Monsieur Y... a été « partiellement retiré du montage par (sa) direction », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe d'égalité de traitement ;
2. ALORS QUE le juge a l'interdiction de dénaturer les pièces soumises à son examen ; qu'il était précisé, sur le tableau comparatif des situations de Messieurs X... et Z... que le salaire mensuel indiqué était le « salaire mensuel brut de base » et que, s'agissant de Monsieur Z..., le salaire mensuel indiqué intégrait, depuis 2005, une prime de production d'un montant de 256,74 euros ; qu'en affirmant que ce tableau ne précisait pas les composantes inclues ou exclues du montant du salaire, la cour d'appel a dénaturé ce tableau, en violation du principe précité ;
3. ALORS, AU SURPLUS, QUE le juge a l'interdiction de dénaturer les pièces soumises à son examen ; que les bulletins de paie de Monsieur X... des mois de mars et avril 2011, régulièrement versés aux débats par la société LE CHAMEAU, mentionnent un salaire de base de 1.544,78 euros, soit un salaire identique à celui mentionné sur le tableau comparatif des situations de Messieurs X... et Z... ; qu'en affirmant néanmoins que le « salaire mensuel brut de base » mentionné dans ce tableau ne correspond pas au salaire figurant sur les bulletins de paie produits par la société LE CHAMEAU, la cour d'appel a dénaturé ces bulletins de paie, en violation du principe précité ;
4. ALORS, ENFIN, QUE le dommage résultant du retard apporté au règlement d'une dette ne peut être réparé que par l'allocation d'intérêts moratoires, sous réserve d'un préjudice distinct causé par la mauvaise foi du débiteur ; qu'en retenant, pour condamner la société LE CHAMEAU à verser à Monsieur X... la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, que la rupture d'égalité avec ses collègues a entraîné pour le salarié un manque à gagner non négligeable de plus de 300 € par mois, qui n'est que partiellement compensé par le rappel de salaire qui sera opéré a posteriori, sans caractériser ni la mauvaise foi de la société LE CHAMEAU, ni l'existence d'un préjudice distinct du retard dans le paiement du salaire, la cour d'appel a violé l'article 1153, alinéa 4 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-11164
Date de la décision : 15/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 21 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 jui. 2016, pourvoi n°15-11164


Composition du Tribunal
Président : M. Mallard (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.11164
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