LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par la société Zephyr en qualité d'agent de service, a été victime d'un accident de travail le 7 janvier 2011 ; qu'elle a été en arrêt de travail ; qu'après une deuxième visite médicale du 19 juillet 2011 à l'issue de laquelle elle a été déclarée définitivement inapte à son poste, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 21 novembre 2011 ;
Attendu que pour dire que la salariée bénéficiait du statut protecteur des victimes d'accidents du travail et déclarer illicite le licenciement, l'arrêt, après avoir relevé l'existence d'un lien entre l'accident de travail et l'inaptitude, retient qu'il n'est pas discuté que l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de l'accident au moment du licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur contestait que la salariée puisse se prévaloir de la législation applicable aux victimes d'accidents du travail, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour la société Zéphyr.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR décidé que le licenciement de Madame X... avait été prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues à l'article L.1226-10 du Code du travail et condamné la société ZEPHYR à lui payer les sommes de 20.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2.707,12 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 270,71 € au titre des congés payés afférents, et 11.453,38 € à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L 1226-10 du Code du travail, si, à l'issue d'un arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ; aux termes de l'article L 1226-15 du Code du travail, en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L 1226-10 à L 1226-12, il est accordé à ce dernier une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire ; ces règles protectrices s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement (cette seconde condition n'est pas discutée en l'espèce) ; en l'espèce, il est constant que Madame X... a été victime d'un accident du travail le 7 janvier 2011, et il résulte de l'avis médical qui a été remis par le médecin du travail après deux visites de reprise les 1er et 19 juillet 2011 que l'inaptitude de la salariée a bien pour origine cet accident du travail du 7 janvier 2011, le médecin ayant coché la case "accident du travail" sur l'imprimé rempli le 1er juillet 2011 ; le fait que l'état de santé de la salariée ait été considéré consolidé et que les indemnités journalières aient cessé de lui être versées au moment de l'émission de l'avis d'inaptitude est indifférent ; il ne remet pas en cause le lien de causalité entre l'accident du travail du 7 janvier 2011 et l'avis d'inaptitude de la médecine du travail ; Madame X... est dès lors bien fondée à se prévaloir des dispositions légales protectrices des victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle ; sur la consultation de la délégation du personnel, l'article L 1226-10 précité oblige l'employeur, avant de procéder au licenciement du salarié déclaré inapte pour accident du travail ou maladie professionnelle, à consulter les délégués du personnel afin d'obtenir leur avis sur le reclassement du salarié ; à défaut de consultation ou si cette consultation est irrégulière, le licenciement est illicite et le salarié a droit au paiement de l'indemnité prévue à l'article L 1226-15 précité ; en l'espèce, il résulte du procès-verbal des élections de la délégation unique du personnel qui est produit par la société Zéphyr que quatre délégués du personnel ont été élus dans l'entreprise le 19 mai 2010 : Mme Y..., M. Z..., M. A... et M. B... ; pour justifier de la consultation de la délégation unique du personnel, la société Zéphyr produit une pièce n° 5 : la lettre de proposition de reclassement adressée à Mme X..., au début de laquelle il est indiqué : Cette proposition, conformément à l'article L 1226-10 du code du travail, est présentée ce jour, vendredi 30 septembre 2011, à la délégation unique du personnel agissant en qualité de délégués du personnel, avant d'en parler à la salariée concernée. Au bas de cette lettre de proposition, M. B... a apposé sa signature après avoir porté de sa main la mention suivante : avis favorable pour le poste que vous lui proposez ; à la lecture de ce document, il apparaît qu'un seul délégué du personnel a été consulté, alors que les quatre élus auraient dû l'être, ce qui 'net pas établi par la société Zéphyr ; le licenciement de Mme X... sera par conséquent jugé sans cause réelle et sérieuse et le jugement entrepris confirmé de ce chef ; sur les conséquences pécuniaires du licenciement, en vertu des articles L 1226-14 et L 1226-15 du code du travail, la salariée a droit au paiement : - de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-5 (égale à deux mois de salaire eu égard à son ancienneté de plus de deux ans), è d'une indemnité spéciale de licenciement égale au double de celle prévue par l'article L 1234-9, - de l'indemnité spécifique non inférieure à douze mois de salaire prévue par l'article L 1226-15, ces trois indemnités se cumulant ; l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité spéciale de licenciement sont calculées sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait ; l'indemnité au moins égale à douze mois de salaire est calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié aurait bénéficié ; dans le cadre de la première instance, la société Zéphyr, en accédant à la demande de rappel de Mme X..., a admis que celle-ci était payée en dernier lieu sur la base d'un salaire mensuel brut de 1.353,56 euros pour 148,41 heures par mois ; la salariée est donc bien fondée à calculer les indemnités susvisées sur la base de ce salaire de 1.353,56 euros ; au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, elle a droit au paiement de la somme de 2.707,12 euros (brut) correspondant à deux mois de salaire, et de la somme de 270,71 euros au titre des congés payés afférents ; au titre de l'indemnité de licenciement, elle a droit à un reliquat de 11.453,38 euros (brut) sur la base du calcul qu'elle détaille dans ses conclusions et qui est conforme aux dispositions légales et à son ancienneté ; au titre de l'indemnité spécifique de l'article L 1226-15, dont le montant minimum est de 16.242,72 euros, il lui sera alloué la somme de 20.000euros (net) en réparation de son préjudice matériel et moral en raison de son âge au moment de son licenciement (64 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (23 ans), du montant de la rémunération qui lui était versée, de son départ à la retraite le 1er janvier 2013 ainsi que des justificatifs produits (arrêt attaqué pp. 3, 4, 5) ;
ALORS, d'une part, QUE dans ses conclusions d'appel, la société ZEPHYR n'a nullement admis avoir eu connaissance, au moment du licenciement, de l'origine professionnelle de l'inaptitude de Madame X... et qu'il résulte au contraire des énonciations de l'arrêt attaqué que, devant la cour d'appel, la société ZEPHYR a expressément fait valoir que la législation protectrice des victimes d'accidents du travail n'était pas applicable à la salariée qui, au jour du licenciement, ne bénéficiait plus d'indemnités journalières à ce titre et se trouvait en arrêt de travail pour simple maladie, son état étant consolidé depuis le 31 mai 2011, ce qui impliquait nécessairement qu'au jour du licenciement elle ignorait l'origine professionnelle de l'accident ; que la cour d'appel qui, pour décider que Madame X... était bien fondée à se prévaloir des dispositions légales protectrices des victimes d'accidents du travail, a énoncé que la question de savoir si la connaissance au moment du licenciement de l'origine professionnelle de l'accident n'était pas discutée en l'espèce a méconnu les termes du litige tels qu'ils étaient fixés par les conclusions de la société ZEPHYR reprises oralement à l'audience en violation de l'article 4 du Code de Procédure civile ;
ALORS, d'autre part, QU'en l'état des conclusions et des explications de la société ZEPHYR soutenant que Madame X... ne pouvait se prévaloir de la législation protectrice des victimes d'accidents du travail, la cour d'appel ne pouvait retenir que le point de savoir si l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude de la salariée au jour du licenciement n'était pas discuté en l'espèce sans indiquer l'origine de ses constatations de fait ; que faute de l'avoir fait, elle a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.1226-10 du Code du travail.