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08/06/2016 | FRANCE | N°14-22390

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 juin 2016, 14-22390


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en vertu du second, lorsque survient un litige relatif à l'application des arti

cles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en vertu du second, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu qu'il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée à compter du mois de juin 2005 par la société Sorodis en qualité d'employée commerciale ; qu'en arrêt maladie du 29 avril au 9 août 2009, elle n'a pas repris son poste de travail et a été déclarée inapte par le médecin du travail le 2 octobre 2009, selon la procédure d'urgence prévue par l'article R. 4624-31 du code du travail ; qu'elle a été licenciée le 10 décembre 2009 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ainsi que pour absence injustifiée qualifiée faute grave ;
Attendu que pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient, au vu des attestations produites par la salariée, que celle-ci a fait l'objet d'agissements répétés caractérisant un harcèlement moral ;
Qu'en statuant ainsi, sans examiner les éléments apportés par l'employeur pour prouver que ces agissements n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en vertu de l'article 624 du code de procédure civile la cassation sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation des dispositions de l'arrêt décidant que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamnant l'employeur au paiement d'indemnités de rupture ainsi qu'au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Sorodis.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... était sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR en conséquence condamné la société SORODIS à lui verser les sommes de 3. 193 € d'indemnité de préavis, outre 319, 30 € au titre des congés payés y afférents, 712, 20 € d'indemnité de licenciement, 12. 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture, ainsi que 2. 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles et d'AVOIR condamné la société SORODIS à rembourser à Pôle Emploi les indemnités servies à Madame X... à hauteur de six mois ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le harcèlement : En droit : l'article L 1152-1 du code du travail dispose « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son venir professionnel » ; que l'article L 1154-1 qui pose les règles de preuve en ces matières, énonce que « en cas de litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement » ; que de ces dispositions conjuguées à celles de l'article L 4121-1, il découle une obligation générale de sécurité de résultat qui oblige l'employeur à protéger la santé physique et mentale des travailleurs, et qui engage sa responsabilité lorsque l'auteur des faits fautifs est une personne dont il a à répondre ; qu'ainsi, il appartient à Stéphanie X... de rapporter la preuve de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et à la société SAS SORODIS, le cas échéant, de justifier ses agissements ou ceux de ses préposés, par des éléments objectifs ; Au fond : Nadège Y... atteste avoir été témoin du manque de respect et des insultes proférées par Jean-Pierre Z... à l'égard de Stéphanie X... ; que le témoin décrit celui-ci comme quelqu'un de colérique et lunatique qui a rabaissé à plusieurs reprises la salariée jusqu'à la faire pleurer, lui disant plusieurs fois qu'elle ne valait rien et qu'elle n'était pas indispensable, « se mettant à l'insulter de tous les noms » ; que Pascal A... employé de 2007 à 2009 dans le même magasin, déclare avoir constaté les harcèlements de Jean-Pierre Z... à l'encontre de sa collègue Stéphanie X... ; qu'il confirme qu'il s'agit d'un homme très autoritaire et lunatique et précise que ce harcèlement s'accompagnait d'insultes souvent vis-à-vis de ses origines pour enfin la rabaisser sans cesse ; que Thierry B... témoigne avoir vu Jean-Pierre Z... chef boucher chez LECLERC, humilier Mademoiselle X... en lui disant qu'elle était « une sale portugaise » qu'elle était bonne à rien allant jusqu'à la faire pleurer et l'intimider ; que le déclarant ajoute que Monsieur Z... aime se vanter de savoir faire craquer les gens sous ses ordres devant plusieurs témoins dans le labo et même à la cafétéria en ces termes « j'aime faire craquer les personnes il ou elle ne vont pas faire longtemps ! » ; qu'Aurore D... ancienne employée de la boucherie certifie avoir été témoin du comportement lunatique du même, habile à manipuler et à humilier le personnel sous ses ordres « comme il l'a fait avec Stéphanie » ; que pour lui, précise-t-elle, Stéphanie était une bonne à rien, qu'une « merde » selon son propre langage ; le travail de la salariée ne lui convenait jamais car il changeait d'avis sans arrêt et celle-ci arrivait le matin en appréhendant le comportement de son chef ; que ce témoin ajoute qu'elle a démissionné le 30 septembre 2008 en raison de ce comportement agressif et lunatique de Jean-Pierre Z... ; que Michaël C... a entendu ce dernier traiter Stéphanie X... de « sale Tos » entre 2005 et 2007 lorsqu'il était employé chez LECLERC ; que ces agissements répétés caractérisent un harcèlement moral, au sens du texte sus rappelé, ils ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail de la salariée en portant atteinte à sa dignité et ont eu un impact sur sa santé comme le prouvent les arrêts de travail dont elle a bénéficié et finalement l'inaptitude prononcée par le médecin du travail qui avait contacté le directeur commercial du magasin le 7 mai 2009 pour attirer son attention sur ce problème ; Sur le licenciement : l'article L 122-14-3 devenu l'article L 1235-1 dans la nouvelle codification dispose que « en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. (…) si un doute existe, il profite au salarié » ; que la cause réelle correspond à un fait prouvé et le caractère sérieux fait référence à un degré de gravité tel qu'il rend impossible la poursuite des relations contractuelles ; qu'est considérée comme une faute grave, la cause réelle et sérieuse d'un niveau de gravité tel qu'il impose la rupture immédiate du contrat de travail sans préavis ni indemnité de licenciement ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'elle peut viser plusieurs motifs de rupture à condition de respecter les procédures applicables ; A-l'inaptitude : Le licenciement pour inaptitude ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement dans le cas d'espèce dès lors que celle-ci résulte de faits de harcèlement moral dont la responsabilité incombe à l'employeur du fait de son préposé ; B-la faute grave : le courrier de l'employeur en date du 3 juillet 2009 adressé à la salariée confirme que celui-ci a eu connaissance de faits dénoncés par la salariée par le médecin du travail avant même le courrier que le conseil de cette dernière a envoyé à la société SORODIS CENTRE LECLERC le 18 mai 2009 ; qu'il lui appartient de saisir immédiatement le CHSCT afin que soit diligentée une enquête en toute indépendance ; que celle qui a été finalement menée en interne se résume à un entretien avec la personne mise en cause, en présence du responsable produit frais, du directeur commercial et du secrétaire du CHSCT ; qu'elle n'a aucune valeur probante, d'autant moins que la salariée n'a jamais été convoquée, ni entendue ; que les propos discriminatoires utilisés par la société dans ce même courrier pour affirmer péremptoirement qu'il n'y avait eu ni harcèlement moral ni insultes racistes au rayon boucherie et qu'il s'agissait là d'une accusation grave et mal fondée laissait peu d'espoir à Stéphanie X... d'obtenir la protection due par l'employeur dans le cadre de son obligation de sécurité de résultat alors que le harcèlement moral est démontré et que le médecin du travail avait spécialement alerté la direction le 29 avril sur ce qu'il convenait de considérer comme tel ; que dans un tel contexte, il n'était plus envisageable pour la salariée de retourner travailler y compris dans un autre service comme elle avait pu en manifester le souhait par l'intermédiaire de son conseil le 18 mai ; que l'analyse de la direction selon laquelle c'est elle qui rencontrait des difficultés relationnelles avec son responsable et des difficultés d'intégration parce qu'elle était la seule femme de cette équipe de bouchers, « soudée », la mettait directement en cause ; qu'à noter que ce n'est certainement pas l'audition des membres de cette « équipe soudée » si tant est qu'elle ait eu lieu ce qui ne ressort pas du dossier, que la direction a pu recueillir les déclarations objectives quant au sort réservé à la seule femme du rayon boucherie volailles ; que c'est très expressément que l'employeur a reproché dans ce même courrier la gestion par la salariée de ces « difficultés relationnelles » tout en présentant son changement d'affectation comme une faveur pour tenir compte de la qualité de son travail ; que ce dernier point confirme encore que les méthodes managériales de Jean-Pierre Z... ne se justifiaient pas par une mauvaise qualité des prestations de Stéphanie X... ; que faute de pouvoir faire confiance à l'employeur qui avait déjà failli à son obligation de sécurité de résultat en ne faisant pas le nécessaire pour la protéger, elle n'était pas en mesure de prendre son poste sans se mettre en danger comme le médecin du travail le constatera moins de deux mois plus tard ; que pour l'ensemble de ces raisons, ses absences non justifiées, si ce n'est par le comportement de la société SORODIS CENTRE LECLERC, ne sont pas fautives ; qu'en tout état de cause, le contrat de travail était suspendu jusqu'à la visite de reprise qu'elle a initiée le 2 octobre 2009, l'employeur était suspendu jusqu'à la visite de reprise qu'elle a initiée le 2 octobre 2009, l'employeur ne justifiant pas avoir envoyé la convocation qui lui incombait pour le 14 août ; que le licenciement pour faute grave est donc sans cause réelle et sérieuse, la nullité du fait du harcèlement moral n'étant pas sollicitée ; que le jugement qui en a décidé autrement sera infirmé en toutes ses dispositions ; Sur les conséquences financières : Stéphanie X... ne conteste pas avoir retrouvé un emploi dans une société de nettoyage jusqu'au mois de mars 2010 ; qu'elle a suivi une formation du 27 septembre au 17 décembre 2010 et justifie avoir bénéficié des indemnités de chômage jusqu'au 30 avril 2011 ; qu'elle comptait une ancienneté de plus de deux ans dans une entreprise employait plus de 10 salariés de sorte que son préjudice ne peut être évalué à une somme inférieure à l'équivalent de ses six derniers mois de salaire avant son arrêt de travail ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, le préjudice résultant pour elle de la rupture du contrat de travail sera évalué à 12. 000 euros ; qu'elle a droit à une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire brut soit la somme de 3. 193 euros outre les congés payés afférents qui s'élèvent à 319, 30 euros et une indemnité de licenciement de 712, 20 euros ; Sur le remboursement des indemnités de chômage : L'article L 1235-4 du code du travail dispose que « dans les cas prévus aux articles L 1235-3 et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif, aux organismes intéressés, de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, sans la limite de six mois d'indemnité de chômage par salarié intéressé ; que ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'audience ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées » ; que la SAS SORODIS qui a également licencié la salariée pour faute grave devra rembourser à Pôle emploi les indemnités services à Stéphanie X... entre la date du licenciement au jour du jugement à hauteur du maximum légal soit l'équivalent de six mois » ;
1) ALORS, D'UNE PART, QUE le mécanisme probatoire spécifiquement institué en matière de harcèlement moral, en ce qu'il se traduit par un aménagement de la charge de la preuve favorable au salarié, a pour corollaire l'examen par le juge de l'ensemble des éléments de preuve invoqués par l'employeur pour justifier que les agissements qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, pour répondre aux allégations de Madame X... qui soutenait avoir subi un harcèlement moral caractérisé par le manque de respect et les insultes de son supérieur hiérarchique, la société SORODIS avait critiqué, pièces à l'appui, les témoignages de salariés versés aux débats par Madame X..., et produit la fiche de la visite médicale de septembre 2007 ne faisant état d'aucune difficulté pour Madame X... dans ses conditions de travail ainsi que le compte-rendu de l'entretien mené avec le secrétaire du CHSCT le 7 mai 2009 ; que la société SORODIS démontrait aussi qu'en réalité Madame X... souhaitait quitter l'entreprise et qu'elle avait retrouvé du travail au mois de novembre 2009 soit avant la notification de son licenciement le 10 décembre 2009 ; qu'en se bornant, pour dire établi le harcèlement moral à l'encontre de Madame X..., à viser les attestations versées aux débats par la salariée sans s'expliquer ne serait-ce que sommairement, ni même viser, l'ensemble des raisons et circonstances mises en avant par la société SORODIS, pièces à l'appui, pour justifier objectivement des agissements reprochés, la cour d'appel a méconnu le principe d'égalité des armes ainsi que le régime probatoire applicable et violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail, ensemble l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ;
2) ALORS, DE DEUXIEME PART, QU'en vertu de la décision du Conseil Constitutionnel transposée dans la loi du 3 janvier 2003, le salarié doit établir la matérialité des éléments de faits précis et circonstanciés qui permettent de présumer qu'il a été personnellement victime d'un harcèlement moral ; que de tels faits ne peuvent être déduits d'attestations vagues, imprécises et non circonstanciées, relatant des généralités ou des faits dont leurs auteurs n'ont pas été personnellement le témoin ; qu'en se fondant pourtant exclusivement, pour caractériser l'existence d'un harcèlement moral au préjudice de Madame X..., sur les attestations de salariés ne relatant aucun fait précis, circonstancié et répété susceptible de caractériser un harcèlement moral à l'encontre de Madame X..., la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail faisant obligation au salarié d'établir la matérialité d'éléments de fait précis ;
3) ALORS ENFIN, ET DE TROISIEME PART, QUE la cassation à intervenir sur les deux premières branches du moyen des chefs de dispositifs ayant dit que Madame X... avait subi un harcèlement moral, entraînera, par voie de conséquence en application de l'article 625 du Code de procédure civile, la censure des chefs de dispositifs ayant dit que le licenciement pour inaptitude de Madame X... était sans cause réelle et sérieuse et ayant condamné la société SORODIS à lui verser diverses sommes à ce titre, ainsi que sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... était sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR en conséquence condamné la société SORODIS à lui verser les sommes de 3. 193 € d'indemnité de préavis, 319, 30 € au titre des congés payés y afférents, 712, 20 € d'indemnité de licenciement, 12. 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture, ainsi que 2. 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles et d'AVOIR condamné la société SORODIS à rembourser à Pôle Emploi les indemnités servies à la salariée à hauteur de six mois ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le harcèlement : En droit : l'article L 1152-1 du code du travail dispose « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son venir professionnel » ; que l'article L 1154-1 qui pose les règles de preuve en ces matières, énonce que « en cas de litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement » ; que de ces dispositions conjuguées à celles de l'article L 4121-1, il découle une obligation générale de sécurité de résultat qui oblige l'employeur à protéger la santé physique et mentale des travailleurs, et qui engage sa responsabilité lorsque l'auteur des faits fautifs est une personne dont il a à répondre ; qu'ainsi, il appartient à Stéphanie X... de rapporter la preuve de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et à la société SAS SORODIS, le cas échéant, de justifier ses agissements ou ceux de ses préposés, par des éléments objectifs ; Au fond : Nadège Y... atteste avoir été témoin du manque de respect et des insultes proférées par Jean-Pierre Z... à l'égard de Stéphanie X... ; que le témoin décrit celui-ci comme quelqu'un de colérique et lunatique qui a rabaissé à plusieurs reprises la salariée jusqu'à la faire pleurer, lui disant plusieurs fois qu'elle ne valait rien et qu'elle n'était pas indispensable, « se mettant à l'insulter de tous les noms » ; que Pascal A... employé de 2007 à 2009 dans le même magasin, déclare avoir constaté les harcèlements de Jean-Pierre Z... à l'encontre de sa collègue Stéphanie X... ; qu'il confirme qu'il s'agit d'un homme très autoritaire et lunatique et précise que ce harcèlement s'accompagnait d'insultes souvent vis-à-vis de ses origines pour enfin la rabaisser sans cesse ; que Thierry B... témoigne avoir vu Jean-Pierre Z... chef boucher chez LECLERC, humilier Mademoiselle X... en lui disant qu'elle était « une sale portugaise » qu'elle était bonne à rien allant jusqu'à la faire pleurer et l'intimider ; que le déclarant ajoute que Monsieur Z... aime se vanter de savoir faire craquer les gens sous ses ordres devant plusieurs témoins dans le labo et même à la cafétéria en ces termes « j'aime faire craquer les personnes il ou elle ne vont pas faire longtemps ! » ; qu'Aurore D... ancienne employée de la boucherie certifie avoir été témoin du comportement lunatique du même, habile à manipuler et à humilier le personnel sous ses ordres « comme il l'a fait avec Stéphanie » ; que pour lui, précise-t-elle, Stéphanie était une bonne à rien, qu'une « merde » selon son propre langage ; le travail de la salariée ne lui convenait jamais car il changeait d'avis sans arrêt et celle-ci arrivait le matin en appréhendant le comportement de son chef ; que ce témoin ajoute qu'elle a démissionné le 30 septembre 2008 en raison de ce comportement agressif et lunatique de Jean-Pierre Z... ; que Michaël C... a entendu ce dernier traiter Stéphanie X... de « sale Tos » entre 2005 et 2007 lorsqu'il était employé chez LECLERC ; que ces agissements répétés caractérisent un harcèlement moral, au sens du texte sus rappelé, ils ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail de la salariée en portant atteinte à sa dignité et ont eu un impact sur sa santé comme le prouvent les arrêts de travail dont elle a bénéficié et finalement l'inaptitude prononcée par le médecin du travail qui avait contacté le directeur commercial du magasin le 7 mai 2009 pour attirer son attention sur ce problème ; Sur le licenciement : l'article L 122-14-3 devenu l'article L 1235-1 dans la nouvelle codification dispose que « en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. (…) si un doute existe, il profite au salarié » ; que la cause réelle correspond à un fait prouvé et le caractère sérieux fait référence à un degré de gravité tel qu'il rend impossible la poursuite des relations contractuelles ; qu'est considérée comme une faute grave, la cause réelle et sérieuse d'un niveau de gravité tel qu'il impose la rupture immédiate du contrat de travail sans préavis ni indemnité de licenciement ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'elle peut viser plusieurs motifs de rupture à condition de respecter les procédures applicables ; A-l'inaptitude : Le licenciement pour inaptitude ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement dans le cas d'espèce dès lors que celle-ci résulte de faits de harcèlement moral dont la responsabilité incombe à l'employeur du fait de son préposé ; B-la faute grave : le courrier de l'employeur en date du 3 juillet 2009 adressé à la salariée confirme que celui-ci a eu connaissance de faits dénoncés par la salariée par le médecin du travail avant même le courrier que le conseil de cette dernière a envoyé à la société SORODIS CENTRE LECLERC le 18 mai 2009 ; qu'il lui appartient de saisir immédiatement le CHSCT afin que soit diligentée une enquête en toute indépendance ; que celle qui a été finalement menée en interne se résume à un entretien avec la personne mise en cause, en présence du responsable produit frais, du directeur commercial et du secrétaire du CHSCT ; qu'elle n'a aucune valeur probante, d'autant moins que la salariée n'a jamais été convoquée, ni entendue ; que les propos discriminatoires utilisés par la société dans ce même courrier pour affirmer péremptoirement qu'il n'y avait eu ni harcèlement moral ni insultes racistes au rayon boucherie et qu'il s'agissait là d'une accusation grave et mal fondée laissait peu d'espoir à Stéphanie X... d'obtenir la protection due par l'employeur dans le cadre de son obligation de sécurité de résultat alors que le harcèlement moral est démontré et que le médecin du travail avait spécialement alerté la direction le 29 avril sur ce qu'il convenait de considérer comme tel ; que dans un tel contexte, il n'était plus envisageable pour la salariée de retourner travailler y compris dans un autre service comme elle avait pu en manifester le souhait par l'intermédiaire de son conseil le 18 mai ; que l'analyse de la direction selon laquelle c'est elle qui rencontrait des difficultés relationnelles avec son responsable et des difficultés d'intégration parce qu'elle était la seule femme de cette équipe de bouchers, « soudée », la mettait directement en cause ; qu'à noter que ce n'est certainement pas l'audition des membres de cette « équipe soudée » si tant est qu'elle ait eu lieu ce qui ne ressort pas du dossier, que la direction a pu recueillir les déclarations objectives quant au sort réservé à la seule femme du rayon boucherie volailles ; que c'est très expressément que l'employeur a reproché dans ce même courrier la gestion par la salariée de ces « difficultés relationnelles » tout en présentant son changement d'affectation comme une faveur pour tenir compte de la qualité de son travail ; que ce dernier point confirme encore que les méthodes managériales de Jean-Pierre Z... ne se justifiaient pas par une mauvaise qualité des prestations de Stéphanie X... ; que faute de pouvoir faire confiance à l'employeur qui avait déjà failli à son obligation de sécurité de résultat en ne faisant pas le nécessaire pour la protéger, elle n'était pas en mesure de prendre son poste sans se mettre en danger comme le médecin du travail le constatera moins de deux mois plus tard ; que pour l'ensemble de ces raisons, ses absences non justifiées, si ce n'est par le comportement de la société SORODIS CENTRE LECLERC, ne sont pas fautives ; qu'en tout état de cause, le contrat de travail était suspendu jusqu'à la visite de reprise qu'elle a initiée le 2 octobre 2009, l'employeur était suspendu jusqu'à la visite de reprise qu'elle a initiée le 2 octobre 2009, l'employeur ne justifiant pas avoir envoyé la convocation qui lui incombait pour le 14 août ; que le licenciement pour faute grave est donc sans cause réelle et sérieuse, la nullité du fait du harcèlement moral n'étant pas sollicitée ; que le jugement qui en a décidé autrement sera infirmé en toutes ses dispositions ; Sur les conséquences financières : Stéphanie X... ne conteste pas avoir retrouvé un emploi dans une société de nettoyage jusqu'au mois de mars 2010 ; qu'elle a suivi une formation du 27 septembre au 17 décembre 2010 et justifie avoir bénéficié des indemnités de chômage jusqu'au 30 avril 2011 ; qu'elle comptait une ancienneté de plus de deux ans dans une entreprise employait plus de 10 salariés de sorte que son préjudice ne peut être évalué à une somme inférieure à l'équivalent de ses six derniers mois de salaire avant son arrêt de travail ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, le préjudice résultant pour elle de la rupture du contrat de travail sera évalué à 12. 000 euros ; qu'elle a droit à une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire brut soit la somme de 3. 193 euros outre les congés payés afférents qui s'élèvent à 319, 30 euros et une indemnité de licenciement de 712, 20 euros ; Sur le remboursement des indemnités de chômage : L'article L 1235-4 du code du travail dispose que « dans les cas prévus aux articles L 1235-3 et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif, aux organismes intéressés, de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, sans la limite de six mois d'indemnité de chômage par salarié intéressé ; que ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'audience ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées » ; que la SAS SORODIS qui a également licencié la salariée pour faute grave devra rembourser à Pôle emploi les indemnités services à Stéphanie X... entre la date du licenciement au jour du jugement à hauteur du maximum légal soit l'équivalent de six mois » ;
1) ALORS, D'UNE PART, QUE par application de l'article 625 du Code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen des chefs de dispositifs ayant dit que Madame X... avait subi un harcèlement moral, entraînera, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositifs ayant dit que le licenciement pour faute grave de Madame X... était sans cause réelle et sérieuse et ayant condamné la société SORODIS à lui verser diverses sommes à ce titre, ainsi que sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, la cour d'appel ayant elle-même fait un lien entre le harcèlement moral et les absences non justifiées de la salariée ;
2) ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE le salarié est tenu à une obligation de loyauté et d'exécution de bonne foi du contrat de travail de laquelle il découle qu'il ne peut laisser sans réponse les multiples courriers de mise en demeure adressés par son employeur lui demandant de justifier de sa situation, même s'il est dans l'attente de la visite de reprise ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée si Madame X... n'avait pas commis de faute en s'abstenant de répondre aux courriers de la société SORODIS des 28 août, 18 septembre, 13 et 21 octobre 2009, la mettant en demeure de s'expliquer sur ses absences, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1, L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-22390
Date de la décision : 08/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 12 juin 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jui. 2016, pourvoi n°14-22390


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.22390
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