LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Poitiers, 2 et 9 septembre 2014), que la société Saimlease a, le 4 septembre 2012, passé commande de deux semi-remorques à la société SEG, qui était à ce moment en cours d'exécution de son plan de redressement judiciaire ; que celui-ci a été résolu par un jugement du 23 octobre 2012 qui a également prononcé la liquidation judiciaire de la société SEG ; qu'un jugement du 4 janvier 2013 a arrêté un plan de cession au profit de la société Trouillet 85 ; que la société Saimlease a revendiqué les deux véhicules ;
Attendu que la société Saimlease fait grief aux arrêts de rejeter sa demande en revendication, de juger que les deux semi-remorques entraient dans l'actif repris par la société Trouillet 85 et de la condamner à restituer à la société Trouillet 85 l'un des deux semi-remorques alors, selon le moyen :
1°/ que l'action en revendication est susceptible d'être exercée par le propriétaire de tout bien détenu à titre précaire par le débiteur dès lors que ledit bien est individualisé et parfaitement identifiable ; que lorsque le bien à construire litigieux a été acheté et payé par le créancier qui le revendique, et qu'il n'est pas nié que ce bien existe en nature tel qu'il a été commandé, il n'y a pas lieu de rechercher si le bien se trouve « encore en nature » au moment du prononcé du redressement ; qu'en rejetant dès lors l'action en revendication de la société Saimlease dont elle ne contestait nullement le droit de propriété sur les semi-remorques litigieux ni leur identification selon bon de commande et descriptif technique annexé à l'acte de vente, au motif inopérant que « des prestations ont été effectuées postérieurement à l'entrée en jouissance de l'actif repris par la société Trouillet 85 sur les semi-remorques … », la cour d'appel a violé les articles L. 624-9 et L. 624-16 du code de commerce ;
2°/ que l'action en revendication est susceptible d'être exercée par le propriétaire de tout bien détenu à titre précaire par le débiteur dès lors que ledit bien est individualisé et parfaitement identifiable ; qu'en rejetant dès lors l'action en revendication de la société Saimlease dont elle ne contestait nullement le droit de propriété sur les semi-remorques litigieux ni leur identification selon bon de commande et descriptif technique annexé à l'acte de vente, au motif inopérant que « des prestations ont été effectuées postérieurement à l'entrée en jouissance de l'actif repris par la SAS Trouillet 85 sur les semi-remorques … », sans préciser aucunement la nature de ces prestations et si elles étaient de nature à empêcher l'identification des biens revendiqués, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 624-9 et L. 624-16 du code de commerce ;
3°/ que l'action en revendication est susceptible d'être exercée par le propriétaire sur tout bien remis à titre précaire au débiteur dès lors que ledit bien est individualisé et parfaitement identifiable ; que par jugement rendu le 28 octobre 2013, le tribunal a considéré : « s'agissant des stocks, objets d'une action en revendication définitivement admise (…), le cessionnaire devra les restituer directement aux propriétaires » ainsi que l'a constaté la cour d'appel ; qu'en cas d'exclusion des biens du périmètre de cession, ceux-ci devaient être automatiquement restitués à leur propriétaire sauf à nier purement et simplement les termes du contrat de cession et considérer que tout bien, quel qu'il fût, était transmis à la société Trouillet ainsi que le faisait valoir la société Saimlease dans ses conclusions d'appel ; qu'en rejetant dès lors l'action en revendication de la société Saimlease motifs pris de ce que « que l'inclusion ou non des deux engins dans le périmètre de cession n'a pas d'incidence sur l'issue de l'action en revendication », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 624-9 et L. 624-16 du code de commerce, ensemble celles de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'il appartient au propriétaire revendiquant de rapporter la preuve que la marchandise revendiquée se retrouve, à l'ouverture de la procédure collective, en nature entre les mains du débiteur, l'arrêt relève que les deux semi-remorques ne figuraient pas dans l'inventaire dressé par le commissaire-priseur entre le 28 octobre et le 30 novembre 2012, qu'ils étaient en cours de fabrication, que leur livraison n'était prévue que dans la dernière semaine de novembre 2012, et qu'il ne pouvait être suppléé à cette absence d'existence matérielle par la possibilité de les identifier ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que les deux semi-remorques n'existaient pas en nature à l'ouverture de la procédure collective ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Saimlease aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. X..., en qualité de liquidateur de la société SEG, et à la société Trouillet 85 ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour la société Saimlease.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'action en revendication de la société Saimlease, d'AVOIR dit que les deux semi-remorques référencées 251258 et 251259 constituaient des encours entrant dans l'actif repris par la société Trouillet en vertu des jugements des 4 janvier 2013 et 28 octobre 2013, et d'AVOIR condamné la société Saimlease à restituer à la société Trouillet le semi-remorque référencée 251258 ;
AUX MOTIFS QUE « (…) La société Saimlease soulève l'irrecevabilité du recours formé par la société Trouillet faute de qualité à agir, au motif qu'elle ne serait pas propriétaire des biens revendiqués pour deux raisons :- les actes de cession n'ont pas été régularisés ;- la société Trouillet 85 a limité le périmètre de la reprise aux biens corporels en propriété libre et entière de la société excluant le stock grevé d'une quelconque sûreté au profit d'un tiers, étant précisé qu'elle a fait appel du jugement interprétatif ayant statué en sens contraire. La société Trouillet soutient que son opposition à la décision du juge-commissaire serait recevable, puisque les biens, objet de l'action en revendication litigieuse, entrent dans le périmètre de la reprise, comme l'a décidé le jugement interprétatif du 28 octobre 2013, qu'elle en est donc bien cessionnaire et propriétaire. Ce moyen ne peut plus être valablement soutenu, dès lors que l'acte de cession a été régularisé le 16 janvier 2014 conférant à la SAS Trouillet 85 la qualité de propriétaire et que le jugement interprétatif du 28 octobre 2013 inclut dans le périmètre de cession les stocks en fonction de l'issue donnée aux actions en revendication, en précisant que les stocks faisant l'objet d'une action en revendication définitivement admise devront être restitués aux propriétaires et que ceux faisant l'objet d'une action en revendication définitivement rejetée, doivent être considérées comme des actifs faisant partie du périmètre de reprise. En qualité de propriétaire des stocks faisant l'objet d'une action en revendication en cours, la SAS Trouillet 85 a donc intérêt à ce qu'il soit statué sur l'action en revendication de la SA Saimlease. (…) La société Trouillet 85 soulève que la requête en revendication de la société Saimlease serait irrecevable, car elle ne respecterait pas les critères légaux de la compensation (absence de dettes connexes et dettes ne s'inscrivant pas, dans le cadre du développement de relations d'affaires) et que la société Saimlease n'aurait pas procédé en parallèle à sa déclaration de créance. La société Saimlease conclut à juste titre d'une part que la SAS Trouillet 85 n'étant pas partie au contrat de vente des deux semi-remorques ne peut pas se prévaloir de l'irrégularité éventuelle des modalités de paiement de leur prix en raison de l'effet relatif des contrats et d'autre part que la déclaration de créance n'est pas une condition de la revendication des biens. De même, la SAS Trouillet 85, tiers au contrat, n'est pas fondée, comme elle le fait, à se prévaloir de la clause contractuelle qui subordonnerait la compensation à la remise en conformité de chariots élévateurs. Ces moyens d'irrecevabilité seront écartés. (…) La société Trouillet 85 fait valoir que son opposition est bien fondée, au motif qu'une action en revendication ne peut porter que sur un bien existant en nature à la date du jugement de cession et n'ayant donné lieu à aucune prestation après cette date (4 janvier 2013) et qu'en l'espèce, la société Saimlease ne rapporterait pas la preuve que les deux semi-remorques étaient terminés. La SA Saimlease conclut au bien-fondé de son action en revendication fondée sur l'article L. 624-9 du code de commerce, dès lors qu'elle est bien propriétaire des deux semi-remorques par l'effet du contrat de vente du 24 septembre 2012 et du paiement intervenu par compensation, et que les marchandises sont spécifiquement identifiées selon les bons de commande et descriptif technique annexés au contrat de vente. En application de l'article L. 624-16 du code de commerce, les marchandises revendiquées doivent exister en nature à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, étant précisé que, si la qualité de propriétaire est nécessaire, elle n'est pas suffisante pour que l'action en revendication prospère. En l'espèce, force est de constater que la SA Saimlease ne rapporte pas la preuve de l'existence en nature des deux semi-remorques le 23 octobre 2012, date du prononcé de la liquidation judiciaire, pour la raison que celles-ci commandées quatre semaines plus tôt étaient au mieux en cours de fabrication. Cette absence d'existence matérielle, que la simple possibilité d'identification ne peut pallier, est corroborée par le fait que les deux semi-remorques ne figuraient pas dans l'inventaire dressé par le commissaire-priseur entre le 28 octobre et le 30 novembre 2012 et qu'au terme du contrat de vente, leur livraison était prévue dans la semaine du 26 au 30 novembre 2012 pour tenir compte du délai de fabrication. La SAS Trouillet 85 justifie également par diverses pièces (courriels, fiches informatiques de suivi, fiche manuscrite des ouvriers, bon d'enlèvement pour intervention...) que des prestations ont été effectuées postérieurement à l'entrée en jouissance de l'actif repris par la SAS Trouillet 85 sur les semi-remorques qui constituent « des fabrications non terminées à la date de la cession » incluses dans la notion d'encours repris. Il sera observé que l'inclusion ou non des deux engins dans le périmètre de la cession n'a pas d'incidence sur l'issue de l'action en revendication qui était susceptible de prospérer dès lors que les conditions légales d'une telle action étaient réunies, ce qui n'est pas le cas faute de l'existence en nature des biens au jour du prononcé de la liquidation judiciaire. Il convient en conséquence d'infirmer la décision entreprise et de rejeter l'action en revendication de la SA Saimlease. (…) Il résulte de l'acte de cession du 16 janvier 2014 en page 7 reprenant le jugement arrêtant le plan de cession et celui l'interprétant que les stocks, objet d'une action en revendication rejetée, doivent être considérées comme des actifs faisant partie du périmètre de reprise. En conséquence, il convient de faire droit à la demande de restitution de la semi-remorque référencée 251258 que la SA Saimlease ne conteste pas détenir ».
ALORS QUE 1°) l'action en revendication est susceptible d'être exercée par le propriétaire de tout bien détenu à titre précaire par le débiteur dès lors que ledit bien est individualisé et parfaitement identifiable ; que lorsque le bien à construire litigieux a été acheté et payé par le créancier qui le revendique, et qu'il n'est pas nié que ce bien existe en nature tel qu'il a été commandé, il n'y a pas lieu de rechercher si le bien se trouve « encore en nature » au moment du prononcé du redressement ; qu'en rejetant dès lors l'action en revendication de la SA Saimlease dont elle ne contestait nullement le droit de propriété sur les semi-remorques litigieux ni leur identification selon bon de commande et descriptif technique annexé à l'acte de vente (arrêt attaqué p. 6, § 6 et 8), au motif inopérant que « des prestations ont été effectuées postérieurement à l'entrée en jouissance de l'actif repris par la SAS Trouillet 85 sur les semi-remorques … » (arrêt attaqué p. 6, § pénultième), la Cour d'appel a violé les articles L. 624-9 et L. 624-16 du Code de commerce ;
ALORS QUE 2°) l'action en revendication est susceptible d'être exercée par son propriétaire de tout bien détenu à titre précaire par le débiteur dès lors que ledit bien est individualisé et parfaitement identifiable ; qu'en rejetant dès lors l'action en revendication de la SA Saimlease dont elle ne contestait nullement le droit de propriété sur les semi-remorques litigieux ni leur identification selon bon de commande et descriptif technique annexé à l'acte de vente (arrêt attaqué p. 6, § 6 et 8), au motif inopérant que « des prestations ont été effectuées postérieurement à l'entrée en jouissance de l'actif repris par la SAS Trouillet 85 sur les semi-remorques … » (arrêt attaqué p. 6, § pénultième) sans préciser aucunement la nature de ces prestations et si elles étaient de nature à empêcher l'identification des biens revendiqués, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 624-9 et L. 624-16 du Code de commerce ;
ALORS, QUE 3°) l'action en revendication est susceptible d'être exercée par son propriétaire sur tout bien remis à titre précaire au débiteur dès lors que ledit bien est individualisé et parfaitement identifiable ; que par jugement rendu le 28 octobre 2013, le Tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon a considéré : « s'agissant des stocks, objets d'une action en revendication définitivement admise (…), le cessionnaire devra les restituer directement aux propriétaires » ainsi que l'a constaté la Cour d'appel (arrêt attaqué p. 5, § 5) ; qu'en cas d'exclusion des biens du périmètre de cession, ceux-ci devaient être automatiquement restitués à leur propriétaire sauf à nier purement et simplement les termes du contrat de cession et considérer que tout bien, quel qu'il fût, était transmis à la société Trouillet ainsi que le faisait valoir la société Saimlease dans ses conclusions d'appel (p. 5, § 5 et 6) ; qu'en rejetant dès lors l'action en revendication de la société Saimlease motifs pris de ce que « que l'inclusion ou non des deux engins dans le périmètre de cession n'a pas d'incidence sur l'issue de l'action en revendication » (arrêt attaqué p. 6, § pénultième), la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 624-9 et L. 624-16 du Code de commerce, ensemble celles de l'article 1134 du Code civil.