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25/05/2016 | FRANCE | N°15-10637

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 mai 2016, 15-10637


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Vu les articles L. 1237-9 et L. 1237-10 du code du travail, ensemble l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable ;
Attendu que le départ à la retraite du salarié est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que selon le deuxième des textes susvisés, le salarié demandant son départ à la retraite respecte un préavis do

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Vu les articles L. 1237-9 et L. 1237-10 du code du travail, ensemble l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable ;
Attendu que le départ à la retraite du salarié est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que selon le deuxième des textes susvisés, le salarié demandant son départ à la retraite respecte un préavis dont la durée est déterminée conformément à l'article L. 1234-1 du code du travail ; que selon le dernier de ces textes, le service d'une pension de vieillesse prenant effet postérieurement au 31 mars 1983, liquidée au titre du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou d'un régime spécial de retraite et dont l'entrée en jouissance intervient à compter d'un âge fixé en Conseil d'Etat ou ultérieurement, est subordonné à la rupture de tout lien professionnel avec l'employeur ; qu'il en résulte que lorsqu'un salarié a notifié à son employeur son intention de partir à la retraite en respectant un préavis dont il a fixé le terme, le préavis dont l'exécution a été suspendue pendant la durée de l'arrêt de travail consécutif à un accident du travail n'est susceptible d'aucun report ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., né le 30 décembre 1945, a été engagé le 1er mars 2007 par la Société ariégeoise de transport et de travaux publics ; que le 30 septembre 2010, il a notifié à son employeur son intention de partir à la retraite le 31 décembre 2010 ; qu'il a été victime le 1er octobre 2010 d'une rechute d'un accident du travail survenu le 8 octobre 2008, et placé en arrêt de travail ; que soutenant que la rupture de son contrat de travail à la date du 31 décembre 2010 produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour dire que « la mise à la retraite » du salarié à la date du 31 décembre 2010 est nulle et produit les effets d'un licenciement ouvrant droit à indemnisation, l'arrêt retient que ce salarié n'a pas exécuté son préavis en raison de l'accident de travail dont il a été victime le 1er octobre 2010 et que son contrat de travail s'est trouvé suspendu à compter de cette date, qu'en application des dispositions de l'article R. 4624-21 du code du travail, lorsque le salarié qui a donné sa démission est victime d'un accident du travail en cours de préavis, le contrat de travail est suspendu durant l'arrêt de travail jusqu'à la visite de reprise, visite qui, en l'espèce, n'a jamais eu lieu, qu'il s'ensuit qu'en faisant passer l'intéressé du statut de salarié à celui de retraité le 31 décembre 2010 et en rompant les relations de travail avec ce dernier pendant une période de suspension consécutive à un accident du travail, sans procéder à un report de la date de prise d'effet de la retraite, l'employeur doit être considéré comme ayant mis d'office le salarié à la retraite le 31 décembre 2010 et ainsi résilié unilatéralement le contrat de travail, peu important que le salarié ait émis le souhait, avant l'accident, d'être en retraite, que cette « mise à la retraite » doit être déclarée nulle en application des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la rupture du contrat de travail résultait d'une volonté claire et non équivoque du salarié de partir à la retraite le 31 décembre 2010, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation du chef de dispositif relatif à la nullité de la rupture entraîne par voie de dépendance celle du chef de dispositif relatif au préavis ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident du salarié :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la Société ariégeoise de transports et de travaux publics, demanderesse au pourvoi principal.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que la rupture était intervenue en période de suspension du contrat de travail consécutif à un accident du travail, que la mise à la retraite de M. X... à la date du 31 décembre 2010 est nulle et produit les effets d'un licenciement ouvrant droit à indemnisation, et d'AVOIR en conséquence condamné la SAS SATTP à payer à M. Kacem X... diverses sommes
AUX MOTIFS QUE « Sur le caractère professionnel de la rechute du 1er octobre 2010 : L'article L. 1226-7, alinéa 1, du code du travail édicte que le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident du trajet, ou d'une maladie professionnelle, est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie. Pour l'application des articles L. 1226-7 et suivants du code du travail, le juge n'est pas lié par les décisions des organismes sociaux en ce qui concerne la qualification d'accident du travail ou de maladie professionnelle. Il résulte en l'espèce des pièces versées aux débats que M. X... a présenté le 1er octobre 2010, une nouvelle rechute de son accident du travail du 8 octobre 2008, à la suite de laquelle il s'est trouvé en arrêt de travail de façon ininterrompue jusqu'au 3 janvier 2011. Il a perçu des indemnités journalières majorées du 2 octobre au 31 décembre 2010. M. X... a rencontré, depuis son accident de travail du 8 octobre 2008 des douleurs récurrentes du genou gauche ayant conduit à un blocage traumatique. Son état était connu de l'employeur, M. X... ayant été à plusieurs reprises en arrêt maladie ou accident du travail au cours de l'année 2010. Le jugement du conseil de prud'hommes doit dès lors être confirmé en ce qu'il a jugé que M. X... avait été victime, le 1er octobre 2010, d'un accident du travail Sur les circonstances de la rupture : La loi autorise l'employeur à mettre à la retraite tout salarié âgé d'au moins 70 ans. En revanche, tout salarié pouvant bénéficier de l'ouverture des droits à la retraite peut quitter l'entreprise pour bénéficier d'une pension de retraite en respectant un préavis égal à celui prévu en cas de licenciement. Ce départ doit résulter d'une volonté claire et non équivoque du salarié. En l'espèce, M. X... a, par un courrier remis en main propre à son employeur le 30 septembre 2010, manifesté clairement son intention de partir en retraite le 30 décembre 2010, jour de son 65 ème anniversaire. Il a, le 24 septembre 2010, déclaré à la CRAM la cessation de son activité salariée chez son employeur à la date du 31 décembre 2010.

Il ressort, sans aucune ambiguïté, que ce dernier a exprimé sa volonté de quitter l'entreprise à cette date. Cette démarche ayant consisté pour M. X... à prendre, le premier, l'initiative de la rupture de la relation de travail, s'analyse en une résiliation unilatérale du contrat de travail produisant les effets d'une démission et nécessitant le respect, par l'intéressé d'un délai de préavis de deux mois. Il n'est pas contesté que M. X... n'a pas exécuté son préavis en raison de l'accident de travail dont il a été victime le 1 er octobre 2010 et que son contrat de travail s'est trouvé suspendu à compter de cette date. Or en application des dispositions de l'article R 4624-21 du code du travail, lorsque le salarié qui a donné sa démission est victime d'un accident du travail en cours de préavis, le contrat de travail est suspendu durant l'arrêt de travail jusqu'à la visite de reprise, visite qui, en l'espèce, n'a jamais eu lieu. Il s'ensuit qu'en faisant passer M. X... du statut de salarié à celui de retraité le 31 décembre 2010 et en rompant les relations de travail avec ce dernier pendant une période de suspension consécutive à un accident du travail, sans procéder à un report de la date de prise d'effet de la retraite, la société SATTP doit être considérée comme ayant mis d'office M. X... à la retraite le 31 décembre 2010 et ainsi résilié unilatéralement le contrat de travail, peu important que le salarié ait émis le souhait, avant l'accident, d'être en retraite. Cette mise à la retraite doit être déclarée nulle en application des dispositions de l'article L 1226-9 du code du travail et produire les effets d'un licenciement ouvrant droit à indemnisation dès lors que le salarié ne réclame pas sa réintégration ; Concernant l'indemnité légale de licenciement sollicitée par M. X..., il conviendra de la fixer à la somme de 1792 euros. L'indemnité compensatrice de préavis de deux mois n'est pas due au salarié celui-ci ayant été indemnisé au titre de ses jours d'arrêt de travail jusqu'au 31 décembre 2010 puis ensuite au titre de sa pension de retraite. Eu égard à l'ancienneté de moins de 4 ans de M. X... au sein de l'entreprise, qui emploie plus de onze salariés et alors que toute rupture illicite de la relation de travail crée nécessairement un préjudice au moins moral au salarié qui en est victime, il lui sera alloué la somme de 13440 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive. La rupture étant jugée abusive, les deux indemnités prévues par les articles L. 1235-2 et L. 1235-3 du code du travail ne se cumulent pas et seule est attribuée l'indemnité sanctionnant l'illicéité de la rupture »

1/ ALORS QUE la suspension du contrat de travail résultant d'un arrêt de travail d'origine professionnelle ne fait pas obstacle à la rupture du contrat de travail par le salarié par la notification de son départ à la retraite ; que le cours du préavis dû par le salarié en application de l'article L 1237-11 du Code du travail à l'issue duquel sont liquidés ses droits à la retraite ne peut être suspendu pendant la durée de l'arrêt du travail provoqué par l'accident du travail, en raison du principe subordonnant la liquidation des droits à la retraite à la cessation de l'activité ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que par courrier du 30 septembre 2010, M. X... avait notifié à la société SATTP de manière claire et non équivoque son départ à la retraite à effet du 31 décembre 2010, date à compter de laquelle il avait perçu sa pension de retraite ; qu'il était encore constant qu'il avait été placé en arrêt de travail pour une rechute d'accident du travail à compter du 1er octobre 2010 ; qu'en jugeant que cet arrêt de travail avait suspendu le cours du préavis, qu'en conséquence l'employeur aurait dû reporter la date de prise d'effet de la retraite, et que faute de l'avoir fait, la remise par ce dernier au salarié des documents de rupture le 31 décembre 2010 s'analysait en une mise à la retraite d'office par l'employeur, nulle par application des articles L 1226-9 et L 1226-13 du Code du travail, la Cour d'appel a violé les articles L 1226-9, L 1226-13, L 1237-5, L 1237-9 et L 1237-10 du Code du travail, ensemble l'article L 161-22 alinéa 1er du Code de la sécurité sociale ;
2/ ALORS subsidiairement QUE la suspension du contrat de travail résultant d'un arrêt de travail d'origine professionnelle ne fait pas obstacle à la rupture du contrat de travail par le salarié ; qu'elle suspend seulement l'exécution du préavis par le salarié qui se trouve reportée à l'issue de l'arrêt de travail ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que par courrier du 30 septembre 2010, M. X... avait notifié à la société SATTP de manière claire et non équivoque son départ à la retraite à effet du 31 décembre 2010 et qu'il avait été placé en arrêt de travail pour une rechute d'accident du travail à compter du 1er octobre 2010 ; qu'en jugeant que la remise par l'employeur de ses documents de fin de contrat le 31 décembre 2010 lorsque l'arrêt de travail était encore en cours, s'analysait en une mise à la retraite d'office par l'employeur affectée de nullité, quand M. X... ayant préalablement notifié son départ à la retraite à effet du 31 décembre 2010, la suspension de son contrat de travail ne pouvait remettre en cause l'initiative de cette rupture dont le principe était acquis avant la suspension, de sorte que la remise par l'employeur de ses documents de fin de contrat ne pouvait s'analyser tout au plus qu'en une dispense d'exécution du préavis à l'issue de l'arrêt de travail, ouvrant tout au plus droit à indemnité compensatrice, la Cour d'appel a violé les articles L 1226-9, L 1226-13, L 1237-5 et L 1237-9 du Code du travail.

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi incident.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis de deux mois et des congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE l'indemnité compensatrice de préavis de deux mois n'est pas due au salarié celui-ci ayant été indemnisé au titre de ses jours d'arrêt de travail jusqu'au 31 décembre 2010 puis ensuite au titre de sa pension de retraite ;
ALORS QUE lorsque l'inexécution du préavis résulte de la décision de l'employeur de mettre le salarié à la retraite et que celle-ci est nulle, le salarié a droit au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis peu important qu'il ait perçu au cours de cette période des indemnités compensant les pertes de salaire liées à sa maladie ou une pension de retraite ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-5 et L. 1237-10 du code du travail ;
ALORS en outre qu'une éventuelle cassation sur la deuxième branche du pourvoi principal dont il ressortira que l'inexécution du préavis par la SATTP est fautive entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, une cassation du chef de dispositif qui a privé M. X... de son droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-10637
Date de la décision : 25/05/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Retraite - Mise à la retraite - Préavis - Inobservation - Cause - Accident du travail ou maladie professionnelle - Suspension du contrat de travail - Effets - Report du préavis - Exclusion

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Retraite - Mise à la retraite - Accident du travail ou maladie professionnelle - Suspension du contrat de travail - Portée

Lorsqu'un salarié a notifié à son employeur son intention de partir à la retraite en respectant un préavis dont il a fixé le terme, le préavis dont l'exécution a été suspendue pendant la durée de l'arrêt de travail consécutif à un accident du travail n'est susceptible d'aucun report. Viole les articles L. 1237-9, L. 1237-10 et L. 161-22 du code de la sécurité sociale la cour d'appel qui, après avoir constaté que la rupture du contrat de travail résultait d'une volonté claire et non équivoque du salarié de partir à la retraite le 31 décembre 2010, retient que, ce salarié n'ayant pas exécuté son préavis en raison de l'accident du travail dont il a été victime, l'employeur qui n'a pas procédé à un report de la prise d'effet de la retraite doit être considéré comme ayant mis d'office le salarié à la retraite et ainsi résilié unilatéralement le contrat de travail


Références :

articles L. 1237-9 et L. 1237-10 du code du travail

article L. 161-22 du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 14 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 mai. 2016, pourvoi n°15-10637, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat général : M. Beau
Rapporteur ?: Mme Guyot
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.10637
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