LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu selon l'arrêt attaqué que M. X..., engagé à compter du 7 janvier 2008 par la société compagnie foncière et financière et d'investissement immobilier Coffim en qualité de directeur de programmes et chargé de relations investisseurs, après avoir refusé une modification de son contrat de travail, a été convoqué le 9 décembre 2009 d'une part, en vue d'un licenciement pour motif économique, dans le cadre duquel il a accepté la convention de reclassement personnalisé le 20 janvier 2010 et d'autre part, en vue d'une sanction disciplinaire avec mise à pied conservatoire, un avertissement lui étant notifié le 26 janvier 2010 ;
Sur les premier, deuxième, quatrième, cinquième et sixième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 1235-15 du code du travail, l'article 12 de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 ratifiée par la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, ensemble l'article L. 321-2-1 du code du travail en vigueur au jour de la recodification ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 321-2-1 ancien du code du travail, dans les entreprises employant au moins cinquante salariés où le comité d'entreprise n'a pas été mis en place alors qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi et dans les entreprises employant au moins onze salariés où aucun délégué du personnel n'a été mis en place alors qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi, tout licenciement pour motif économique s'effectuant sans que, de ce fait, les obligations d'information, de réunion et de consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel soient respectées, est irrégulier et le salarié ainsi licencié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis qui lui sont par ailleurs dues ;
Attendu que, pour condamner l'employeur au paiement de l'indemnité d'un mois de salaire prévue par l'article L. 1235-15 du code du travail, la cour d'appel retient que la société comptait plus de onze salariés et aurait dû être dotée de délégués du personnel, sauf à produire un procès-verbal de carence ;
Qu'en statuant ainsi alors que la recodification étant, sauf dispositions expresses contraires, intervenue à droit constant, il en résulte que l'article L. 1235-15 du code du travail n'est applicable qu'aux licenciements économiques collectifs visés aux articles L. 1233-8 et L. 1233-28 du même code, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et, vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Coffim à payer 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 7 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi et statuant de ce chef ;
Déboute M. X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Coffim.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la rupture du contrat de travail de M. Fadi X... s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné la société COFFIM à payer à M. X... la somme de 70 000 euros en réparation du préjudice subi à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE il résulte de la chronologie des faits que lorsque le contrat de travail a été rompu par acceptation de la convention de reclassement personnalisé par le salarié le 20 janvier 2010, ce dernier n'avait pas été informé de manière précise et par écrit des motifs économiques susceptibles de justifier la suppression de son poste et le licenciement envisagé, lesquels ne sont énoncés que dans la lettre du 26 janvier 2010 ; que par ailleurs ni cette lettre de l'employeur du 26 janvier 2010, ni aucun autre document, ne fait mention d'une recherche de reclassement, ce dernier terme ne figurant même pas dans le courrier, ce qui laisse présumer que cette obligation a été totalement méconnue ; que la SA COFFIM ne produit aucune pièce probante propre à renverser cette présomption ; qu'au demeurant, il n'a même pas été proposé au salarié, à titre de reclassement, le poste qui avait été préalablement soumis à son accord au titre d'une modification du contrat de travail pour motif économique ; qu'au vu de ces éléments, il s'avère que la rupture du contrat de travail de M. Fadi X... s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en cette circonstance, indépendamment du fait qu'il a accepté la convention de reclassement personnalisé, M. Fadi X... a droit à la totalité de son préavis de trois mois ; qu'ayant déjà reçu paiement à concurrence d'un mois, il lui sera alloué une indemnité compensatrice pour les deux mois restants, soit 20 000 €, outre les congés payés afférents ; qu'au regard des pièces justificatives produites et des dispositions de l'article L. 1235-3 alinéa 2 du code du travail, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci, il convient de fixer les dommages et intérêts devant revenir à M. Fadi X... en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 70 000 € ;
1) ALORS QUE la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé doit avoir une cause économique réelle et sérieuse ; que l'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et en tout état de cause avant que celui-ci n'adhère à la proposition de convention qui lui est proposée, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lorsqu'il accepte cette proposition ; qu'en l'espèce, la société COFFIM faisait valoir que la cause économique de la rupture avait été énoncée dans la lettre de convocation de M. X... à un entretien préalable en date du 9 décembre 2009, laquelle indiquait le projet de licencier le salarié pour motif économique, en raison des difficultés énoncées dans la lettre du 6 novembre 2009 de demande de modification de son contrat de travail, laquelle énonçait « la nécessité pour Coffim, afin de sauvegarder sa compétitivité dans le contexte économique actuel, de réorganiser ses équipes et de concentrer les fonctions commerciales de relations avec les investisseurs sur la tête de son seul Président Directeur Général » (conclusions d'appel de la société COFFIM, p. 24) ; qu'en retenant, pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, que lorsque le contrat de travail avait été rompu par acceptation de la convention de reclassement personnalisé, ce dernier n'avait pas été informé de manière précise et par écrit des motifs économiques susceptibles de justifier la suppression de son poste et le licenciement envisagé (arrêt attaqué, p. 3, §1), sans rechercher si la lettre de convocation à l'entretien préalable qui informait le salarié de la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement pour motif économique ne contenait pas, par référence à la lettre du 6 novembre 2009 de demande de modification du contrat de travail du salarié, l'énonciation d'un motif économique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-65 et L. 1233-67 du code du travail ;
2°) ALORS QUE l'employeur n'est pas tenu d'expliciter ses recherches de reclassement dans la lettre de licenciement ou tout autre écrit à partir du moment où il démontre qu'il a satisfait à son obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient également que l'employeur ne justifie d'aucune recherche de reclassement, aucune mention d'un telle reclassement ne figurant ni dans la lettre de licenciement ni dans aucun autre document, ce qui laisse présumer que cette obligation a été totalement méconnue ; qu'en se bornant ainsi, alors en outre que l'article L. 1233-16 du code du travail n'exige pas de faire mention dans la lettre de licenciement des recherches de reclassement, à une déduction a contrario tirée des seules mentions de documents écrits se référant à l'obligation de reclassement, sans examiner la situation concrète sur la recherche effective de reclassement, et notamment sans examiner le registre d'entrée et de sortie du personnel de la société COFIM, produit par cette dernière aux débats, lequel démontrait qu'aucun poste de qualification équivalente, voire inférieure, n'était disponible pour le reclassement de M. X... à la date du licenciement (conclusions de la société COFFIM, p. 25), la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1233-4 et L. 1233-16 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société COFFIM à payer à M. Fadi X... la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 2 000 euros au titre des congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE en cette circonstance, indépendamment du fait qu'il a accepté la convention de reclassement personnalisé, M. Fadi X... a droit à la totalité de son préavis de trois mois ; qu'ayant déjà reçu paiement à concurrence d'un mois, il lui sera alloué une indemnité compensatrice pour les deux mois restants, soit 20 000 €, outre les congés payés afférents ;
ALORS QUE la cassation de l'arrêt sur le fondement du premier moyen en ce qu'il a jugé que la rupture du contrat de travail de M. X... par acceptation de la convention de reclassement personnalisé s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, entraînera en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile la cassation de l'arrêt en ce qu'il a retenu que M. X... avait droit au paiement de la totalité de son préavis de trois mois.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société COFFIM à payer à M. X... la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE M. Fadi X... fait valoir de manière pertinente, en s'appuyant sur le registre du personnel, que l'entreprise comptait habituellement plus de 20 salariés depuis plusieurs années au moment du licenciement ; que la S.A. COFFIM dément cette affirmation sans toutefois apporter d'élément propre à valider sa thèse ; qu'il s'avère dès lors qu'elle aurait dû être dotée de délégués du personnel auxquels le projet de licenciement pour motif économique devait être soumis, sauf à produire un procès-verbal de carence ; qu'en l'absence de délégués du personnel et de procès-verbal de carence, la procédure de licenciement économique est irrégulière, ce qui ouvre droit pour le salarié à l'indemnisation d'un préjudice spécifique, laquelle se cumule le cas échéant avec les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce le préjudice subi sera réparé par l'allocation de dommages-intérêts d'un montant de 10 000 € ;
ALORS QUE la sanction prévue à l'article L 1235-15 du code du travail s'applique lorsqu'un employeur, tenu de consulter les représentants du personnel préalablement au licenciement économique, n'a pas mis en place de délégués du personnel ou établi de procès-verbal de carence ; que cette sanction ne s'applique qu'au seul licenciement économique collectif au cours duquel la consultation des représentants du personnel préalablement au licenciement économique est obligatoire ; qu'en retenant, au cas d'espèce, qu'en l'absence de délégués du personnel et de procès-verbal de carence, la procédure de licenciement économique était irrégulière par application de l'article L. 1235-15 du code du travail, quand il est constant que le licenciement économique de M. X... était un licenciement individuel dans le cadre duquel la consultation préalable des représentants du personnel n'est que facultative, la cour d'appel a violé l'article L 1235-15 du code du travail, ensemble les articles L. 2313-7, L. 1233-8 et L. 1233-28 du code du travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société COFFIM à payer à M. X... la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de mention dans la lettre de licenciement du droit individuel à la formation ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement ne contient aucune mention relative au droit individuel à la formation acquis par M. Fadi X... ; que ce manquement, dont la S.A. COFFIM ne saurait s'exonérer en invoquant une doctrine de l'administration postérieure au licenciement, occasionne nécessairement pour le salarié un préjudice que réparera en l'occurrence l'allocation de la somme de 2 500 euros ;
ALORS QUE les articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail disposent que pendant la mise en oeuvre de la CRP, le salarié ne bénéficie pas des droits au DIF, lesquels sont transférés à Pôle Emploi ; qu'il en résulte que l'obligation d'informer le salarié, dans la lettre de licenciement, sur ses droits en matière de DIF, disparaît en même temps que le droit lui-même ; qu'une circulaire intitulée « Questions réponses sur la mise en oeuvre de la réforme des OPCA » du 6 mai 2011 a confirmé l'interprétation de cette règle ; qu'en jugeant cependant que la société COFFIM ne pouvait s'exonérer de son obligation d'informer le salarié sur le DIF dans la lettre de licenciement en invoquant cette doctrine, dès lors que celle-ci était postérieure à la date du licenciement (arrêt attaqué, p. 4, §2), quand la règle interprétée par la circulaire administrative existait déjà au jour du licenciement, la cour d'appel a méconnu les articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail, ensemble l'article L. 6323-19 du code du travail.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société COFFIM au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction disciplinaire nulle ;
AUX MOTIFS QU'après entretien préalable du 18 décembre 2009, la S.A. COFFIM a prononcé à l'encontre de M. Fadi X... une sanction disciplinaire, sous la forme d'un avertissement, le 26 janvier 2010 ; que cette décision est nulle pour être intervenue plus d'un mois après l'entretien ; que le préjudice subi de ce chef par le salarié doit donner lieu, à titre de réparation, au paiement de dommages-intérêts d'un montant de 2 000 euros ;
ALORS QUE si une sanction disciplinaire décidée à l'encontre d'un salarié peut lui occasionner un préjudice même si elle est par la suite annulée, encore faut-il que cette sanction soit prononcée pendant la période d'exécution de son contrat de travail ; qu'au cas d'espèce, il est constant et constaté par l'arrêt attaqué, que la sanction disciplinaire a été prononcée à l'encontre de M. X... le 26 janvier 2010, quand la rupture du contrat de travail de celui-ci est intervenue le 20 janvier 2010 ; que dès lors, en constatant que M. X... avait subi un préjudice du fait de la sanction disciplinaire prononcée à son endroit, quand il résultait de ses propres constatations que cette sanction avait été prononcée postérieurement à la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail.
SIXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société COFFIM à payer à M. Fadi X... la somme de 25 000 euros à titre de rappel de prime pour l'année 2008 ;
AUX MOTIFS QUE l'article 4 du contrat de travail prévoit également : « M. Fadi X... percevra une prime de fin d'année, déterminée en fonction de la qualité de son travail par le président de COFFIM, qui sera versée avec le salaire du mois de janvier de chaque année (l'ordre de grandeur en cas de versement de la prime est de 2 à 3 mois de salaire) » ; que la SA COFFIM fait valoir qu'aucune prime n'a été versée à M. Fadi X... car celui-ci n'a pas brillé par la qualité de son travail ni par son investissement professionnel ; que toutefois, la qualité du travail de M. Fadi X... n'a fait l'objet d'aucune critique tout au long de la relation contractuelle ; que son investissement professionnel au cours de l'année 2008 n'est de même pas remis en cause ; qu'au titre de cette année 2008, aucune circonstance objective ne s'opposait donc au versement de la prime qui, pour être discrétionnaire n'en est pas pour autant arbitraire ; qu'il y a donc lieu de faire droit pour cette année à la demande de rappel présentée par M. Fadi X... et cela dans le quantum requis qui se situe au milieu de la fourchette indiquée dans le contrat de travail;
ALORS QUE l'employeur tient de son pouvoir de direction né du contrat de travail le droit d'évaluer ses salariés ; que ce droit est un monopole réservé à l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de travail de M. X... prévoyait le versement d'une prime annuelle, déterminée par le président de la société COFFIM en fonction de la qualité du travail du salarié ; que la cour d'appel a ensuite estimé que la qualité du travail de M. X... au titre de l'année 2008 était suffisante pour lui donner droit à la prime annuelle, son travail au cours de l'année 2008 n'ayant fait l'objet d'aucune critique (arrêt attaqué, p. 5, §6) ; qu'en portant ainsi une appréciation sur la nature et la qualité du travail effectué par le salarié dans le cadre de ses fonctions, la cour d'appel s'est substituée à la société COFFIM dans l'exercice de son pouvoir de direction, et a, par suite, violé les articles L. 1132-1, L. 1144-1 et L. 2141-5 du code du travail.