LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... et à la SCP Y... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est formé contre la société Norbail immobilier ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 avril 2015), que la société Norbail immobilier (le vendeur) a consenti à la société Transiciel, devenue Sogeti (l'acquéreur), un contrat de crédit-bail ; que l'acquéreur ayant notifié au vendeur son intention de lever l'option avec transfert de propriété, l'acte authentique de vente a été reçu, le 27 août 2009, par M. X..., notaire associé au sein de la SCP Y... ; que la vente a été conclue avec clause de dispense de régularisation de déduction de TVA sur immobilisation ; que, le même jour, l'acquéreur a revendu l'immeuble à un sous-acquéreur ; qu'après avoir acquitté le montant de la TVA réclamé par l'administration fiscale, le vendeur a agi en responsabilité et indemnisation contre M. X... et la SCP Y... (les notaires), lesquels ont appelé en garantie l'acquéreur ;
Attendu que les notaires font grief à l'arrêt de leur ordonner de restituer à l'acquéreur la somme de 187 961, 81 euros déposée au titre de la vente du 27 août 2009 en leur étude, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2010, et de rejeter leurs demandes tendant à voir condamner l'acquéreur au remboursement de la même somme ainsi qu'à les relever et garantir de toutes condamnations prononcées contre eux, alors, selon le moyen, que l'acte authentique de levée d'option reçu le 27 août 2009, après avoir prévu que le vendeur, était dispensé de toute régularisation de déduction de TVA à raison de la vente de l'immeuble qu'il exploitait dès lors que l'acquéreur, s'engageait à poursuivre cette exploitation, stipulait qu'au cas où l'acquéreur cesserait l'exploitation de l'immeuble acquis moins de vingt ans après tout règlement de TVA acquittée au titre de ce bien ou des travaux réalisés sur ce dernier, il « serait dans cette hypothèse tenu, s'il y a lieu, d'opérer les régularisations du droit à déduction (…) qui deviendraient exigibles postérieurement à la vente (…) et qui auraient en principe incombé au vendeur si ce dernier avait continué à exploiter lui-même ledit bien », ce dont il résultait clairement que si l'acquéreur ne respectait pas son engagement d'exploiter lui-même l'immeuble, ce qui avait été le cas en l'espèce, il serait tenu de verser le montant de la régularisation de déduction de TVA dont le vendeur avait été dispensé ; qu'en affirmant néanmoins qu'aucune obligation contractuelle ne permettait de faire supporter par l'acquéreur le montant de la régularisation de déduction de TVA qui avait été versé par le vendeur à l'administration fiscale, de sorte que le notaire, condamné à supporter ce montant, ne pouvait appeler en garantie l'acquéreur aux fins qu'il le relève de cette condamnation, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de levée d'option du 27 août 2009 et a, ainsi, violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant analysé l'acte de vente, sans dénaturation, la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, retenu qu'aucune clause conventionnelle, au profit du vendeur, ne mettait à la charge de l'acquéreur le remboursement de la déduction de TVA sur immobilisation, cette obligation ayant été supprimée en raison du choix opéré de conclure une vente dispensée de régularisation de cette déduction et aucune stipulation n'ayant été insérée à l'acte permettant au vendeur, au cas où l'administration fiscale refuserait d'appliquer la dispense, de disposer d'un recours contractuel contre l'acquéreur ; qu'elle a ainsi, à bon droit, rejeté l'appel en garantie formé par les notaires ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et la SCP Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X... et la SCP Y....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR ordonné à Monsieur X... et à la SCP Y... de restituer à la société SOGETI la somme de 187. 961, 81 euros déposée au titre de la vente du 27 août 2009 en leur étude avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2010 et d'AVOIR débouté Monsieur X... et la SCP Y... de leurs demandes tendant à voir condamner la société SOGETI au remboursement de la somme de 187. 961, 81 euros et à les relever et garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'appelant soutient tout d'abord qu'il ne pouvait qu'appliquer la dispense de TVA prévue par l'article 257 bis du Code général des impôts ; qu'il se livre ainsi à une étude fiscale complète, avec une lecture toute personnelle de la lettre de l'administration fiscale en date du 29 janvier 2009, estimant que dans ce cas le refus d'application de la dispense était motivé par la qualité de société civile immobilière du crédit preneur, et non par la revente « rapide » du bien, alors que la Cour estime au contraire que la lecture de ce document proscrit la dispense de TVA car « l'acquéreur de l'immeuble a revendu l'immeuble le jour même de son acquisition, et de ce fait, n'a pas poursuivi l'exploitation de l'universalité qui lui avait été transmise … En effet, s'il n'existe aucune obligation pour le cessionnaire de continuer d'exercer une activité strictement identique à celle du cédant, le bénéfice de la dispense implique que le cessionnaire, en tant qu'il continue la personne du cédant, exploite la partie d'entreprise transmise et non simplement procède immédiatement à sa liquidation … » ; que pareillement, la lecture de la note du CRIDON en date du 24 mai 2007, même ancienne par rapport au cas d'espèce, permet de pointer une application « beaucoup plus aléatoire » de l'article 257 bis, en cas de revente immédiatement consentie par l'ancien crédit preneur à un tiers, même si ce tiers poursuit l'activité de location en TVA, en précisant même que l'engagement de poursuivre « l'exploitation de l'universalité », c'est-à-dire la location de l'immeuble, ne serait en définitive pris que « pour un instant de raison et serait de fait purement artificiel » ; mais qu'au-delà de ces lectures divergentes, la Cour n'est pas en toute hypothèse saisie de l'application décrite comme impérative de l'article 257 bis au cas d'espèce, mais de la faute du notaire ayant consisté à modifier les termes du projet initialement prévu, sans qu'au vu de son dossier il ne démontre en aucune manière que l'une ou l'autre des parties ait été avertie ou ait donné son accord, sachant que chacune était représentée par un clerc de notaire disposant d'une procuration ; que le projet initial de vente prévoyait bien une régularisation de déduction de TVA sur immobilisation (page cinq), pour un montant de 187. 961, 81 euros, à reverser par le vendeur, l'acquéreur devant payer le solde du prix comptant de même que le reversement de TVA cidessus précisé ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que, dans l'acte signé le 27 août 2009, le notaire a modifié de son propre chef cette clause, en introduisant dans le champ contractuel la dispense de TVA prévue par l'article 257 bis, avec la précision essentielle qui constitue en réalité le noeud gordien du litige, à savoir que l'acquéreur n'était plus tenu à rembourser le reversement de TVA, les 12 mot qui le prévoyaient dans le projet en page six étant barrés, avec mention de 12 mots nuls in fine de l'acte en page 18 ; que le notaire, qui a passé l'acte de revente le même jour à un sous-acquéreur, ne pouvait donc ignorer que la société SOGETI ne poursuivrait pas l'activité de location de biens immobiliers, qui n'est d'ailleurs pas la sienne, et a néanmoins indiqué dans l'acte que « l'acquéreur déclare que le bien vendu constituera pour lui une immobilisation et qu'en conséquence il s'engage à poursuivre l'exploitation dudit bien » ; qu'il n'est pas inutile de remarquer par ailleurs que la nouvelle rédaction allait à l'évidence dans le sens des intérêts de la société SOGETI, puisque le projet initial prévoyait un paiement comptant tandis que l'acte finalement signé prévoyait un paiement à 24 heures, qu'il serait naïf de ne pas mettre en relation avec l'acte de revente immédiatement passé par la société SOGETI en sa qualité de nouveau propriétaire ; qu'au plan strictement civil, et non pas uniquement fiscal, la faute du notaire a consisté à ne pas recueillir l'accord de la société NORBAIL IMMOBILIER pour la dispense de TVA, ce qui a entraîné par voie de conséquence directe l'absence de toute obligation de la société SOGETI sur ce volet ; qu'ainsi, et même à admettre par hypothèse le caractère obligatoire de cette dispense et à occulter les conclusions précises de la DGFP et du CRIDON qui ne permettent nullement de tenir cette dispense pour acquise en l'espèce, l'on conviendra que la situation projetée (paiement de la TVA par la société NORBAIL IMMOBILIER, mais reversement par la société SOGETI) était infiniment moins risquée que la situation créée par le notaire, à savoir dispense de TVA mais absence de toute obligation de la société SOGETI de ce chef envers le vendeur ; qu'enfin, et sur le terrain de la faute, le mandat dont disposait le clerc de notaire pour représenter la société NORBAIL IMMOBILIER lors de la vente ne dispensait nullement le notaire d'aviser les parties à l'acte des modifications qu'il estimait nécessaires et de les informer soit de l'impossibilité selon lui de maintenir le projet initial, soit en toute hypothèse et surtout de l'impossibilité selon lui de maintenir l'engagement de la société SOGETI en matière de TVA, ce qu'il n'a pas fait ; que l'éventuelle passation d'actes distincts faisant application dans des situations similaires de l'article 257 bis du Code général des impôts, sans que cela pose problème, ne change rien à cette analyse ; que la faute étant établie, un lien direct existe entre cette faute et à tout le moins l'impossibilité d'actionner la société SOGETI, qui n'est plus liée légalement et contractuellement, sur ce dernier point par la faute du notaire ; qu'en effet, si la société NORBAIL IMMOBILIER ne peut soutenir à la fois que la TVA était due et que son paiement constituerait un préjudice indemnisable, il n'en demeure pas moins que la modification opérée par le notaire est à l'origine directe de l'impossibilité d'exiger de la société SOGETI qu'il reverse ce montant à la société NORBAIL IMMOBILIER, alors même que ce montant de TVA a été consigné entre les mains du notaire par la société SOGETI, ce qui n'est nullement contesté ; qu'il ne saurait, par ailleurs, être reproché à la société NORBAIL IMMOBILIER d'avoir régularisé la TVA, lorsque l'on met en perspective l'acte litigieux et l'acte de revente qui a immédiatement suivi et dont rien n'indique qu'il soit opposable à la société NORBAIL IMMOBILIER, le tout à la lumière du libellé de l'article 257 bis et de son analyse ci-dessus précisée par les finances publiques et le CRIDON ; que la volonté de transparence et de régularisation par rapport à l'administration fiscale, celle de ne pas encourir un reproche de mauvaise foi avec pénalités à la clé, explique parfaitement la régularisation opérée, sachant que la tentative de rectification proposée tout de même par le notaire, qui par là-même n'était plus si certain de son analyse sur le 257 bis, n'offrait pas les garanties du projet initial par rapport à la société SOGETI, qui était, faut-il le rappeler, la société supportant au final le coût de la TVA, ce qui n'est plus le cas ; qu'en toute hypothèse, l'initiative unilatérale du notaire consistant à introduire la dispense de TVA et à supprimer l'obligation de reversement de la société SOGETI, a imposé à la société NORBAIL IMMOBILIER une situation extrêmement délicate, par rapport à l'acte initialement prévu, puisqu'elle se trouvait en délicatesse avec l'administration fiscale pouvant jusqu'à l'écoulement du délai de prescription lui opposer un redressement sur une base que la Cour estime parfaitement sérieuse, tout en n'ayant plus de recours contractuel contre la société SOGETI, étant précisé que la rectification proposée par le notaire ne levait pas cette absence de recours ; qu'en définitive, la société NORBAIL IMMOBILIER se voyait ainsi imposer comme seule perspective l'écoulement du délai de prescription, la Cour estimant que dans ce contexte, qui n'était que la conséquence de la faute du notaire, le paiement volontaire de la TVA est en lien direct avec la situation fiscale unilatéralement créée par le notaire, et donc avec la faute de ce dernier qui n'a pas informé les parties, ni recueilli leur accord ; que le notaire ne dispose d'aucun élément concret permettant d'asseoir une faute de la société SOGETI de nature à fonder un appel en garantie ; que pareillement, aucune disposition légale ne permet cet appel en garantie, l'entier litige n'étant que la conséquence d'une modification unilatérale de l'acte projeté et l'initiative du notaire n'étant nullement opposable, au vu de son dossier, à la société NORBAIL IMMOBILIER ou à la société SOGETI ; qu'en revanche, l'appel incident de la société NORBAIL IMMOBILIER ne saurait prospérer, car l'accord des parties figurant dans le projet d'acte de vente ne portait que sur un montant de 187. 961 euros, rien ne permettant d'opposer à la société SOGETI un montant supérieur et donc d'intégrer dans le préjudice dont le notaire doit réparation le montant supplémentaire rectifié de 46 943 euros ; qu'enfin, aucun fondement, notamment de nature contractuelle, ne permet à la Cour de décider, si elle jugeait que l'article 257 bis du Code général des impôts est inapplicable à l'espèce, que seule la société SOGETI peut être tenue au remboursement de la TVA versée par la société NORBAIL IMMOBILIER, avec au besoin condamnation de la société SOGETI au remboursement de cette TVA ; qu'en définitive, si le notaire avait recueilli l'accord des parties pour la dispense de TVA en les informant des conséquences possibles si l'article 257 bis ne se révélait pas applicable, la société NORBAIL IMMOBILIER aurait soit maintenu le projet sans dispense de TVA mais avec reversement par la société SOGETI, soit en toute hypothèse exigé dans le cadre du projet remanié, mais au cas où le fisc refuse d'appliquer la dispense, elle continue de disposer d'un recours contractuel à l'encontre de la société SOGETI ; que même si le notaire soutient que le caractère impératif de la loi l'obligeait à appliquer la dispense de TVA, la Cour ne discerne pas le dommage qui aurait pu résulter pour l'une ou l'autre des parties du maintien du projet, puisque dans ce cas de figure que la Cour évoque dans un souci d'exhaustivité, le trop payé de TVA ne plaçait pas la société NORBAIL IMMOBILIER dans une situation dommageable par rapport à l'administration fiscale ; que le notaire devra logiquement restituer à la société SOGETI la somme de 187. 961, 81 euros, le jugement de premier ressort étant confirmé sur ce point tant en principal qu'en intérêts ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en raison des modifications relatives aux dispositions fiscales faites unilatéralement par Monsieur X... au projet d'acte authentique, la société NORBAIL IMMOBILIER se trouve ainsi privée de toute clause conventionnelle lui permettant d'obtenir le reversement de la TVA qu'elle a dû régulariser auprès de l'administration fiscale ; qu'en l'absence de toute clause conventionnelle ou disposition légale ou réglementaire mettant à la charge de la société SOGETI le reversement de la TVA à la société SOGETI, il convient d'ordonner la restitution à celle-ci de la somme de 187. 961, 81 euros déposée entre les mains de Monsieur X... et de la SCP Y... et ce, en vertu des dispositions de l'article 1153, alinéa 3 du Code civil avec intérêts au taux légal à compter du 25 février 2013, date de la notification des conclusions dans lesquelles la société SOGETI sollicite la restitution des fonds déposés ; que, sur la demande de garantie formée par les notaires à l'encontre de la société SOGETI, Monsieur X... et la SCP Y... n'établissent aucune faute à l'encontre de la société SOGETI ou obligation légale ou contractuelle à la charge de celle-ci de nature à justifier une telle garantie ; que le fait que la société SOGETI ait pu tirer un bénéfice des dispositions que Monsieur X... dit lui-même avoir introduit d'initiative, en qualité de rédacteur de l'acte, et non à la demande de la société SOGETI, ne peut suffire à justifier la condamnation de cette dernière, quand bien même celle-ci en aurait été informée ;
ALORS QUE l'acte authentique de levée d'option reçu le 27 août 2009, après avoir prévu que la société NORBAIL IMMOBILIER, vendeur, était dispensé de toute régularisation de déduction de TVA à raison de la vente de l'immeuble qu'elle exploitait dès lors que la société SOGETI, acquéreur, s'engageait à poursuivre cette exploitation, stipulait qu'au cas où la société SOGETI cesserait l'exploitation de l'immeuble acquis moins de 20 ans après tout règlement de TVA acquittée au titre de ce bien ou des travaux réalisés sur ce dernier, elle « serait dans cette hypothèse tenu (e), s'il y a lieu, d'opérer les régularisations du droit à déduction (…) qui deviendraient exigibles postérieurement à la vente (…) et qui auraient en principe incombé au VENDEUR (la société NORBAIL IMMOBILIER) si ce dernier avait continué à exploiter lui-même ledit BIEN », ce dont il résultait clairement que si la société SOGETI ne respectait pas son engagement d'exploiter elle-même l'immeuble, ce qui avait été le cas en l'espèce, elle serait tenue de verser le montant de la régularisation de déduction de TVA dont la société NORBAIL IMMOBILIER avait été dispensée ; qu'en affirmant néanmoins qu'aucune obligation contractuelle ne permettait de faire supporter par la société SOGETI le montant de la régularisation de déduction de TVA qui avait été versé par la société NORBAIL IMMOBILIER à l'administration fiscale, de sorte que le notaire, condamné à supporter ce montant, ne pouvait appeler en garantie la société SOGETI aux fins qu'elle le relève de cette condamnation, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de levée d'option du 27 août 2009 et a, ainsi, violé l'article 1134 du Code civil.