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10/05/2016 | FRANCE | N°15-80925

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 mai 2016, 15-80925


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Pyramid, - M. Bruno X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 14 janvier 2015, qui, pour blessures involontaires et infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, a condamné, la première, à 8 000 euros d'amende et à deux amendes de 2 000 euros, le second, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d'amende et deux amendes de 1 000 euros, et a prononcé sur les intérêts civils ;

L

a COUR, statuant après débats en l'audience publique du 15 mars 2016 où étaient prése...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Pyramid, - M. Bruno X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 14 janvier 2015, qui, pour blessures involontaires et infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, a condamné, la première, à 8 000 euros d'amende et à deux amendes de 2 000 euros, le second, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d'amende et deux amendes de 1 000 euros, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 15 mars 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Finidori, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller FINIDORI, les observations de la société civile professionnelle BÉNABENT et JÉHANNIN, de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que M. Y..., salarié intérimaire mis à la disposition de la société Pyramid pour des travaux de terrassement, est tombé dans une fosse d'ascenseur profonde de plus de cinq mètres dans laquelle il avait travaillé en compagnie de son chef de chantier et d'où il venait de sortir pour aller chercher un outil ; que la fosse était dépourvue de toute protection sur un de ses côtés et que la victime a soutenu n'avoir reçu aucune formation pratique et appropriée en matière de sécurité ; que la société Pyramid et son dirigeant M. X... sont poursuivis pour blessures involontaires par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité et deux infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs ; que le tribunal les a déclarés coupables ; que les prévenus, le procureur de la République et la partie civile ont relevé appel de ce jugement ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 1251-21, L. 4741-1, R. 4524-1, R. 4534-6 et 4524-24 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Pyramid et M. X... coupables d'emploi d'un travailleur sur un chantier de bâtiment et travaux publics sans mesure de protection contre les chutes de personnes ;
"aux motifs que l'accident s'est traduit par la chute de M. Y... dans un puits dépourvu de protection sur la partie supérieure située du côté de l'échelle d'accès à l'intérieur de celui-ci, où la victime travaillait avant sa chute ; que l'article R. 4534-6, visé à la prévention d'emploi de travailleur sur un chantier de bâtiment sans mesure de protection contre les chutes de personnes, apparaît applicable aux termes de cet article aux constructions, échafaudages, passerelles ou toutes autres installations ; qu'au moment de l'accident, la totalité du côté de l'orifice du puits par lequel les opérateurs accédaient à l'intérieur du puits de fondation destiné à accueillir l'ascenseur n'était pas garnie de protection ; que les éléments du dossier, et notamment les photographies annexées au procès-verbal du 2 novembre 2010 des contrôleurs du travail comme celles annexées au procès-verbal du même jour des services de police du Puy-en-Velay, font apparaître que les bords de la fosse de laquelle M. Y... était placé avant l'accident étaient surmontés de parois murales ou de rebord bétonnés sur trois côtés à l'exception du quatrième, le bord de la fosse étant, sur cette face, situé au ras du sol ; que cette configuration répond à la notion d'installation visée à l'article R. 4534-6 susmentionné ; que comme l'a noté au surplus le tribunal, dans la lettre du 1er décembre 2010 de la société Pyramid à la DIRECCTE il est bien indiqué au titre des mesures prises suite à l'accident : « pendant la phase de non terrassement : garde corps + échelle » ; que les prévenus ne sauraient se prévaloir de ce qu'ils étaient en phase de terrassement, la fosse n'étant, dès lors, pas protégée (pas de garde corps) car le bras de la pelle touchait le seuil de la fosse, sauf à admettre une infraction encore plus grave aux règles de sécurité ; qu'il y a lieu de confirmer la déclaration de culpabilité de ce chef ;
"alors que l'article R. 4534-6 du code du travail n'est applicable qu'aux ouvertures d'une construction donnant sur le vide et non aux travaux de terrassement à ciel ouvert régis, notamment, par l'article R. 4534-24 duquel il résulte que ce n'est que dans l'hypothèse où aucun travailleur ne doit descendre dans la fouille que l'accès à celle-ci doit être protégé ; qu'en l'espèce où il résulte des constatations de l'arrêt que M. Y... était chargé de travailler dans la fosse dans laquelle il est tombé et que c'est au moment où il s'apprêtait à redescendre dans celle-ci qu'il a chuté, la cour d'appel, en considérant que les prévenus avaient méconnu les dispositions de l'article R. 4534-6 du code du travail en n'ayant fait surmonter que trois des quatre côtés de la fosse de parois murales ou de rebords bétonnés, a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés" ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré les prévenus coupables de l'infraction prévue par l'article R. 4534-6 du code du travail disposant que, pour prévenir les risques de chute, les orifices des puits et des galeries ainsi que les ouvertures doivent être protégés dans les conditions prescrites par ce texte, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations la cour d'appel a justifié sa décision dès lors que la fosse dans laquelle est tombée la victime entrait dans les prévisions du texte susvisé ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-19 du code pénal, L. 1251-21, L. 4741-1 et L. 4741-2 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Pyramid et M. X... coupables d'emploi d'un travailleur sans organisation de formation pratique et appropriée en matière de sécurité et de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail ;
"aux motifs qu'aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des travailleurs et, notamment, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés ; que contrairement à ce que soutient M. X..., le tribunal n'a pas inversé la charge de la preuve de la formation dans la mesure où aux termes de l'article ci-dessus, il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a accompli les diligences y spécifiées ; que M. Y... ayant été mis à disposition de la SAS Pyramid en qualité de simple manoeuvre, il appartenait à cette dernière société d'organiser, conformément aux règles définies par les articles L. 1251-21 et L. 4141-2 du code du travail, sa formation en matière de sécurité compte tenu des contraintes et des spécificités du chantier dans lequel il était employé ; que l'employeur ne démontre par aucun document ou élément de preuve avoir dispensé à M. Y... une formation à la sécurité, ni dans quels termes compte tenu de la particularité du travail imposé à l'intérimaire ; qu'au contraire, le document unique d'évaluation des risques, le livret d'accueil dans la société Pyramid et le plan particulier de sécurité et de protection de la santé n'identifient pas le risque de chute de personne ni les mesures de sécurité que les salariés, temporaires ou pas, devaient observer pour s'en prémunir, a fortiori en présence d'engins de chantier oeuvrant de façon concomitante dans le même secteur ; que tant M. Y... que M. Z... ont déclaré n'avoir reçu aucune formation à la sécurité pour ce type de chantier dans la société Pyramid ; que M. Y... conteste dans ses conclusions avoir bénéficié de la remise d'un document d'accueil ; que M. X... a, d'ailleurs, reconnu, tant lors de l'enquête qu'à l'audience, qu'à l'époque, « on ne formalisait pas les choses » et qu'ensuite « on a mis en place des livrets d'accueil pour le personnel intérimaire et une formation systématique et formalisée quand un ouvrier arrive sur le chantier » ; que les indications et mises en garde du carnet d'hygiène et de sécurité Manpower, qui aborde d'une façon générale les « risques de base » selon les termes de son représentant, dans les entreprises de bâtiment, identifie la mise en place de garde corps ou le fait d'éviter de travailler à proximité d'un engin en mouvement, mais non le risque de chute de personnes dans les puits et fosses, dont le creusement est une activité spécifique de la SAS Pyramid, en présence d'un engin de chantier ; que l'absence de formation à la sécurité apparaît démontrée ; qu'en ne dispensant pas ou en ne faisant pas dispenser à M. Y... la formation à la sécurité requise par les textes, obligation élémentaire alors que M. Y... devait intervenir autour et à l'intérieur d'une fosse d'une profondeur de plus de cinq mètres et qu'une pelleteuse oeuvrait alentour, M. X..., qui ne fait état d'aucune délégation de pouvoir, a commis une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, violation à l'origine des blessures causées à M. Y... ; que M. X... doit être retenu dans les liens de la prévention ; que l'infraction ayant été commise par lui dans l'exercice de ses fonctions de représentant de la personne morale pour le compte de laquelle il agissait, la responsabilité pénale de celle-ci, qui ne requiert, d'ailleurs, que la démonstration d'une faute simple, doit également être retenue ;
"1°) alors que tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de la culpabilité incombe à la partie poursuivante ; qu'en se fondant, pour déclarer les prévenus coupables tant d'emploi d'un travailleur sans organisation de formation pratique et appropriée en matière de sécurité que de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail, sur la circonstance que l'employeur ne démontrait pas avoir dispensé à M. Y... une formation à la sécurité, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés ;
"2°) alors que la société Pyramid et M. X... démontraient, par la production d'une attestation de M. A..., que ce chef de chantier avait bien dispensé à M. Y... une formation à la sécurité contenant « les consignes spécifiques à chaque tâche ainsi que les différentes opérations à effectuer » (pièce 1-1) ; qu'en retenant que « l'employeur ne démontre par aucun document ou élément de preuve avoir dispensé à M. Y... une formation à la sécurité, ni dans quels termes compte tenu de la particularité du travail imposé à l'intérimaire », alors qu'il résultait de la pièce 1-1 que ce dernier avait bien reçu une formation, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
"3°) alors que l'article 222-19 du code pénal exige, pour recevoir application, que soit constatée l'existence certaine d'un lien de causalité entre la faute du prévenu et les blessures de la victime ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; qu'en affirmant que la violation de l'obligation de dispenser à M. Y... la formation à la sécurité requise par les textes était à l'origine des blessures causées à ce travailleur sans indiquer en quoi l'existence d'un lien de causalité entre cette faute, prétendument commise par les prévenus, et ces blessures serait certaine, ce que les prévenus contestaient à titre subsidiaire dans leurs conclusions d'appel en faisant valoir que les causes de l'accident étaient demeurées indéterminées, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé, en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Mais sur le moyen relevé d'office, pris de la violation de l'article L. 4741-1 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ce texte qu'en matière d'infractions aux règles de santé et de sécurité des travailleurs, l'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de salariés de l'entreprise concernés indépendamment du nombre d'infractions relevées dans le procès-verbal ;
Attendu que l'arrêt condamne, notamment, la société Pyramid, à une amende de 2 000 euros pour chacune des deux infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs et M. X..., de ces mêmes chefs, à deux amendes de 1 000 euros ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'un seul salarié était concerné par ces infractions et qu'une seule amende pouvait être appliquée, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 14 janvier 2015, en ses seules dispositions ayant condamné la société Pyramid à deux amendes de 2 000 euros pour infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs et M. X..., de ces mêmes chefs, à deux amendes de 1 000 euros, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT que la société Pyramid est condamnée pour infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs à une seule amende de 2 000 euros et M. X... à une seule amende de 1 000 euros ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme globale que la société Pyramid et M. X... devront payer à M. Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix mai deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-80925
Date de la décision : 10/05/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 14 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 mai. 2016, pourvoi n°15-80925


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Bénabent et Jéhannin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.80925
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