LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Jean-François Y...,
- M. Hervé B...,
- M. Alain A...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 2 décembre 2014, qui a condamné le premier, pour tentative d'escroquerie, à huit mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende, le deuxième, pour abus de biens sociaux, à huit mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende et le troisième, pour complicité de tentative d'escroquerie et recel, à dix mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 mars 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Chaubon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CHAUBON, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAUTHIER ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires, en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour M. B..., pris de la violation des articles préliminaire, 406, 512, 591, 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. B... coupable des faits d'abus de biens sociaux et l'a en conséquence condamné à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 20 000 euros ;
" alors que M. B... n'a pas reçu notification préalable de son droit de se taire à l'audience de sorte que l'arrêt attaqué ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale " ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé dans les mêmes termes pour M. A..., pris de la violation des articles préliminaire, 406, 512, 591, 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 406, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce qu'il résulte des mentions de la décision, que l'appel de la cause à l'audience publique du 21 octobre 2014 la présidente a constaté l'identité des prévenus qui ont comparu :
- Maîtres Lalanne et Aljoubahi avocats du prévenu M. B... ont déposé des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et le greffier, et jointes au dossier ;
- Maître Trassard avocat du prévenu M. A...a déposé des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et le greffier, et jointes au dossier ;
- Maître Devaine avocat du prévenu M. Y...a déposé des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et le greffier, et jointes au dossier ;
- Maître de Fabregues avocat de la partie civile l'Etat Français a déposé des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et le greffier, et jointes au dossier ;
le témoin Mme Florence C..., citée à la requête de M. Y..., a été appelée et invitée à se retirer de la salle d'audience, les prescriptions de l'article 436 du code de procédure pénale ayant été observées ; qu'aucours des débats qui ont suivi :
- Mme Esarté, présidente, a été entendue en son rapport ;
- les prévenus, après avoir exposé sommairement les raisons de leur appel, ont été interrogés et ont présenté leurs moyens de défense ;
- le témoin Mme Florence C..., née le 7 juillet, expert comptable associé, demeurant ...-33700 Merignac, a été entendu, après avoir déclaré n'être ni parent ni allié des parties ni à leur service et avoir-prêté le serment de « dire toute la vérité, rien que la vérité » ;
ont été ensuite entendus dans les formes prescrites par les articles 460 et 513 du code de procédure pénale :
- Maître de Fabregues avocat de la partie civile en sa plaidoirie,
- le ministère public en ses réquisitions,
- Maître Aljoubahi avocat du prévenu M. B... en sa plaidoirie ;
- Maître Lalanne avocat du prévenu M. B... en sa plaidoirie ;
- Maître Devaine avocat du prévenu M. Y...en sa plaidoirie ;
- Mairie Trassard avocat du prévenu M. A...en sa plaidoirie ;
- les prévenus qui ont eu la parole en dernier ;
" 1°) alors que la notification des droits procéduraux, dont le droit au silence, garantie à l'article 406 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 27 mai 2014 et applicable au litige, est un préalable nécessaire à toute audition d'une personne mise en cause participant au droit au procès équitable ; qu'en déclarant les prévenus coupables, après les avoir entendus en leur interrogatoire, sans que leur ait été préalablement notifié leur droit au silence, la cour d'appel a méconnu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 406 du code de procédure pénale ;
" 2°) alors que les mentions d'un arrêt doivent suffire à s'assurer de la régularité du déroulement des débats ; que l'article 406 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 27 mai 2014 et applicable au litige, impose que le président ou l'un des assesseurs, par lui désigné, « informe le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire » ; qu'en l'absence de toute mention sur la notification de ces droits, la décision attaquée ne fait pas la preuve de la régularité du déroulement des débats " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 406, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, et 512 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'en application du premier de ces textes, devant le tribunal correctionnel, le président ou l'un des assesseurs, par lui désigné, informe le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; que la méconnaissance de l'obligation d'informer le prévenu du droit de se taire lui fait nécessairement grief ; que, selon le second, ces dispositions sont applicables devant la chambre des appels correctionnels ;
Attendu qu'il ne résulte pas de l'arrêt attaqué que MM. Y..., B... et A..., qui ont comparu à l'audience de la cour d'appel du 2 décembre 2014, en qualité de prévenus, aient été informés du droit de se taire au cours des débats ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de cassation proposés :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 2 décembre 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de. Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre mai deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.