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04/05/2016 | FRANCE | N°15-18958

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 mai 2016, 15-18958


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 815-1, alinéa 1er, et L. 816-1, 1° du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, applicable au litige ;
Attendu, selon le second de ces textes, que les ressortissants de nationalité étrangère autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° du même texte, peuvent prétendre au bénéfice de l'allocation de solidarité aux personnes âgées s'ils sont titulaires depuis au moins dix ans d'un titre de sÃ

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 815-1, alinéa 1er, et L. 816-1, 1° du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, applicable au litige ;
Attendu, selon le second de ces textes, que les ressortissants de nationalité étrangère autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° du même texte, peuvent prétendre au bénéfice de l'allocation de solidarité aux personnes âgées s'ils sont titulaires depuis au moins dix ans d'un titre de séjour autorisant à travailler ; qu'applicables à l'attribution d'une prestation d'aide sociale procédant de la solidarité nationale, laquelle est subordonnée par le premier texte, pour l'ensemble des bénéficiaires, à la justification d'une résidence stable et régulière sur le territoire métropolitain ou dans un département mentionné à l'article L. 751-1 du code de la sécurité sociale, ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences des articles 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du protocole additionnel n° 12 à la Convention, ni celles des articles 1er et 25 de la Charte européenne des droits fondamentaux ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'entrée en France le 16 décembre 2010 et munie le 26 mars 2013, pour une durée d'un an renouvelable, d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle, Mme X..., épouse Y..., de nationalité kosovare, a demandé, le 27 novembre 2012, auprès de la Caisse des dépôts et consignations (la caisse) l'attribution de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ; que la caisse ayant rejeté sa demande au motif qu'elle n'était pas titulaire depuis au moins dix ans d'un titre de séjour autorisant le travail, Mme Y... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que, pour accueillir celui-ci, l'arrêt retient que l'intéressée, née en 1947, remplit les conditions définies par le code de la sécurité sociale pour percevoir cette allocation, soit les conditions d'âge, de résidence en France, de ressources et de détention d'un titre de séjour l'autorisant à travailler ; que seule fait défaut la condition de l'antériorité, à raison de dix années, de la résidence ; que l'allocation, destinée à couvrir les besoins vitaux de personnes âgées, ne pouvant prétendre à une quelconque pension, constituent pour celles ci, qui ne disposent d'aucun autre revenu, un minimum vital ; que si cette condition de résidence est fondée sur une justification objective, consistant à réserver l'allocation, qui, n'étant pas contributive, pèse sur la solidarité nationale, aux seules personnes résidant de manière effective et durable sur le territoire national, les moyens employés, à savoir exiger une durée de résidence de dix années d'une personne de nationalité étrangère, dont le séjour sur le territoire national a donné lieu à délivrance d'un titre, peuvent devenir disproportionnés, en ce qu'ils sont de nature à l' exclure totalement du bénéfice de la disposition au regard de son âge, lors du dépôt de sa demande ; qu'imposer cette condition à Mme Y... conduit à la priver de tout minimum vital avant l'âge de 75 ans, et par conséquent à ne pas lui permettre de mener une vie digne et indépendante, comme exigé par les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties, en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute Mme Y... de sa demande d'allocation de solidarité aux personnes âgées ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes présentées tant devant la cour d'appel que devant la Cour de cassation ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour Caisse des dépôts et consignations
Il EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que Mme Y... peut bénéficier de l'allocation de solidarité aux personnes âgées à compter du dépôt de sa demande et en conséquence condamné la Caisse des dépôts et consignations à verser cette allocation à Mme Y... ;
AUX MOTIFS QU'« il apparaît que Mme Y..., née en 1947, remplit les conditions définies par le code de la sécurité sociale pour percevoir cette allocation, soit la condition d'âge, prévue à l'article R 815-1, comme étant âgé de plus de 65 ans, la condition de résidence en France, prévue à l'article L.815-1, la condition de ressources, visée à l'article L. 815-9, et la condition de détention d'un titre de séjour l'autorisant à travailler ; que seule fait défaut la condition de l'antériorité, à raison de dix années, de la résidence ; que si la question de la conformité de l'article L. 816-1 à la Constitution n'a pas été renvoyée par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel, aux termes de la décision rendue le 12 décembre 2013, cette situation ne saurait conduire à éluder la question posée par le demandeur de la conformité de cet article aux textes internationaux, dotés d'une valeur supérieure aux lois, au regard des dispositions de l'article 55 de la Constitution ; que l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du protocole n° 12, additionnel à cette Convention, prohibent toute distinction fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que par ailleurs l'article 1er de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne précise que la dignité humaine est inviolable, et doit être respectée et protégée, l'article 25, spécifique aux droits des personnes âgées, stipulant que l'Union reconnaît et respecte le droit des personnes âgées, à mener une vie digne et indépendante ; que selon la jurisprudence de la Cour européenne, une distinction devient discriminatoire, au sens de l'article 14, si elle manque de justification objective et raisonnable, ne poursuivant pas un but légitime, ou s'il n'y a pas de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; qu'il convient de relever que l'allocation de solidarité aux personnes âgées est destinée à couvrir les besoins vitaux de personnes âgées, qui se trouvent dans une situation qui ne leur permet pas de prétendre à quelconque pension, constituant pour celles-ci, qui ne disposent d'aucun autre revenu, un minimum vital ; que la condition de résidence, posée par les articles L. 815-1 et L. 816-1 nouveau du code de la sécurité sociale, est fondée sur une justification objective, dès lors que l'allocation spécifique aux personnes âgées ne dépend pas du versement préalable de cotisations par l'assuré, qu'elle est fondée sur la solidarité nationale, visant à compenser une disparité économique dont souffrent certains retraités pauvres résidant en France ; que le but poursuivi, d'allouer une telle allocation aux seules personnes résidant de manière effective et durable sur le territoire national, est en conséquence légitime ; qu'il apparaît cependant que les moyens employés, à savoir imposer une durée de résidence de dix années à une personne de nationalité étrangère, dont le séjour sur le territoire national a donné lieu à délivrance d'un titre, peuvent devenir disproportionnés, en ce qu'ils sont de nature à exclure totalement celle-ci du bénéfice de cette disposition au regard de son âge, lors du dépôt de sa demande ; qu'ainsi, au cas d'espèce, opposer à Mme Y... la nécessité d'une résidence avec titre de séjour de dix années sur le territoire français, conduit à la priver de tout minimum vital avant l'âge de 75 ans, et ainsi à ne pas lui permettre de mener une vie digne et indépendante, comme exigé par les dispositions de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'au regard de ces éléments, il convient en conséquence, afin de permettre à Mme Y... de disposer d'un minimum vital lui permettant, au regard de son âge, de vivre dignement, d'infirmer la décision déférée, et de dire qu'elle pourra bénéficier de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, à compter du dépôt de sa demande » ;
1° ALORS QUE la législation de la sécurité sociale a un caractère d'ordre public et que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en application du principe de territorialité de la sécurité sociale, l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale subordonne l'attribution de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) à une condition de résidence en France ; que l'article L. 816-1 du même code tel qu'issu de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 accorde cette allocation à toute personne de nationalité étrangère si celle-ci est soit titulaire depuis au moins dix ans d'un titre de séjour autorisant à travailler soit réfugié, apatride ou a combattu pour la France, soit ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; qu'en jugeant que Mme Y... pouvait bénéficier de l'allocation de solidarité aux personnes âgées à compter du dépôt de sa demande tandis qu'elle a relevé que faisait défaut la condition de l'antériorité, à raison de dix années, de la résidence et qu'ainsi Mme Y... ne remplissait pas les conditions pour percevoir la dite allocation, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 816-1 du code de sécurité sociale ;
2° ALORS QU'une discrimination consiste en une inégalité de traitement sans justification objective ou raisonnable ; qu'il est loisible au législateur, dans la mise en oeuvre de la politique de solidarité nationale, de soumettre les prestations qu'il institue à des conditions de résidence ; que l'exigence d'une durée de présence régulière préalable sur le territoire national, en ce qu'elle constitue un critère d'appréciation de la condition de stabilité de la résidence, ne porte pas une atteinte manifestement disproportionnée à l'objectif poursuivi par la loi de garantir un minimum de ressources, sans contrepartie de cotisations, aux personnes âgées qui justifient d'une résidence stable et régulière sur le territoire national ; qu'en jugeant toutefois qu'imposer une durée de résidence de dix années à une personne de nationalité étrangère, dont le séjour sur le territoire national a donné lieu à délivrance d'un titre, peut devenir disproportionné et donc discriminatoire, en ce que les moyens employés sont de nature à exclure totalement celle-ci du bénéfice de cette disposition au regard de son âge, lors du dépôt de sa demande pour dire que Mme Y... peut bénéficier de l'allocation de solidarité aux personnes âgées à compter du dépôt de sa demande, la cour d'appel a violé par fausse interprétation les articles L. 816-1 du code de la sécurité sociale et l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ainsi que l'article 1er du protocole additionnel n° 12 ;
3° ALORS QUE la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne proclame des droits et des principes ; que ces derniers, tant qu'ils ne sont pas concrétisés par le droit dérivé ou le droit national ne peuvent être invoqués ; que l'article 52 §5 de la charte énonce que l'invocabilité des principes ne peut se faire qu'à l'égard des mesures de mise en oeuvre ; qu'en s'appuyant sur l'article 1er de la charte selon lequel la dignité humaine est inviolable et sur l'article 25, spécifique aux droits des personnes âgées, qui stipule que l'Union reconnaît et respecte le droit des personnes âgées à mener une vie digne et indépendante, invoqués par Mme Y... dans ses conclusions, pour juger que lui opposer la nécessité d'une résidence avec titre de séjour de dix années sur le territoire français, conduit à la priver de tout minimum vital avant l'âge de 75 ans, et ainsi à ne pas lui permettre de mener une vie digne et indépendante, comme exigé par les dispositions de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne tandis que ce principe ne pouvait être invoqué faute de concrétisation par un texte, la cour a violé les articles 25 et 52 de la charte précitée et l'article 12 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-18958
Date de la décision : 04/05/2016
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 31 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 mai. 2016, pourvoi n°15-18958


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Odent et Poulet, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.18958
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