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14/04/2016 | FRANCE | N°15-12776

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 avril 2016, 15-12776


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 avril 2014), que M. et Mme X..., propriétaires de la parcelle cadastrée section AH n° 213, ont assigné en désenclavement M. Y..., propriétaire de la parcelle contiguë cadastrée section AH n° 65 ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que les avis défavorables du conseil général et de la mairie de créer un nouvel accès sur la route départementale n° 2

résultant des lettres des 6 novembre 2009, 10 novembre 2009, 26 mars 2010, 2 juillet 2...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 avril 2014), que M. et Mme X..., propriétaires de la parcelle cadastrée section AH n° 213, ont assigné en désenclavement M. Y..., propriétaire de la parcelle contiguë cadastrée section AH n° 65 ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que les avis défavorables du conseil général et de la mairie de créer un nouvel accès sur la route départementale n° 2 résultant des lettres des 6 novembre 2009, 10 novembre 2009, 26 mars 2010, 2 juillet 2010 et 18 juillet 2013 ne valent pas refus exprès de l'administration d'accorder un accès qui existe déjà, de sorte que l'état d'enclave n'est pas caractérisé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre du conseil général du 2 juillet 2010, confirmant celle du 26 mars 2010, ainsi que l'avis défavorable émis le 10 novembre 2009, précisait que " toute nouvelle demande d'autorisation de voirie pour création d'un accès supplémentaire ferait l'objet d'un refus motivé par l'existence d'une servitude de passage destinée à desservir l'ensemble des lots ", la cour d'appel, qui a dénaturé ces documents, a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la cassation du chef du premier moyen entraîne, par voie de conséquence nécessaire, la cassation du chef du dispositif ayant condamné M. et Mme X... au paiement de dommages-intérêts ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. et Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande de désenclavement des époux X... pour leur parcelle cadastrée section AH n° 213 à Gémenos par le fonds de M. Jean-Baptiste Y..., cadastré section AH n° 65.
AUX MOTIFS QUE sur l'état d'enclave, en application de l'article 682 du code civil, une parcelle est enclavée si elle « n'a sur la voie publique... qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement... » ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites que la parcelle AH n° 213 dispose au sud d'une ouverture sur la route départementale n° 2 de 6, 90 mètres de large et qu'un hangar comportant une grande ouverture sur la voie publique occupe la partie sud de la parcelle ; que l'acte d'acquisition des époux X... du 4 décembre 2008 porte sur la parcelle AH n° 213 de 3 ares 53 centiares, précise que le bien vendu est entièrement libre de location ou occupation et que le droit de passage qui existait en vertu d'un acte de partage du 1er octobre 1877 et qui avait été rappelé dans un acte de vente du 23 décembre 1980 ne profiterait pas aux acquéreurs ; qu'il est justifié de l'existence d'un bail commercial consenti le 29 février 1975 à Renaud Z... sur le hangar, et renouvelé pour la période du 1er avril 2002 au 31 mars 2011, et Marc Y... a reconnu avoir omis d'informer les époux X... de l'existence de ce bail lors de la vente de son bien ; qu'il est également justifié que, par courrier daté du 27 septembre 2010, les époux X... envisageaient, suite à l'échéance du bail existant au 31 mars 2011, d'établir un nouveau bail pour la partie du local loué qui leur appartenait, et s'adressaient à cette fin à Marc Y..., leur vendeur ; que si les locaux ouvrant sur la voie publique étaient loués au jour de la délivrance de l'assignation par les époux X... c'était alors à raison d'un acte volontaire de leur part qui maintenait leur impossibilité d'accéder à leur parcelle par le hangar loué et ce caractère volontaire de l'enclave exclut le droit à obtenir un droit de passage sur le fonds voisin ; que par ailleurs, le fait que leur garage n'ait d'accès que du côté opposé à la voie publique ne peut être considéré comme le fait probant de l'enclave alors qu'un aménagement raisonnable permettrait de modifier cette situation, et que l'état d'enclave n'est constitué qu'en cas de nécessité et non de simple commodité ; qu'enfin les avis défavorables du conseil général ou de la mairie de créer un nouvel accès sur la route départementale n° 2 résultant des courriers des 6 novembre 2009, 10 novembre 2009, 26 mars 2010, 2 juillet 2010 et 18 juillet 2013 font référence au plan local d'urbanisme qui empêche cet accès, et prennent en compte le fait qu'actuellement pourtant, cet accès existe au profit du titulaire du bail tout en semblant considérer que la servitude de passage sur la parcelle n° 65 continue ou aurait du continuer à exister ; qu'en l'état de ces simples avis défavorables ne valant pas refus exprès de l'administration d'accorder un accès qui existe déjà, il y a lieu de considérer que la situation d'enclave que les époux X... doivent prouver n'est pas caractérisée et de rejeter leurs prétentions au désenclavement par le fonds de Jean Baptiste Y... (parcelle n° 65).
1) ALORS QUE l'existence d'une enclave volontaire n'est caractérisée et ne peut être opposée au propriétaire revendiquant un droit de passage sur la propriété contiguë que si cette enclave résulte d'un fait personnel établi, et non supposé, de ce propriétaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté non seulement que l'acte d'acquisition des époux X... du 4 décembre 2008 précisait que le bien vendu était entièrement libre de location ou occupation et que le droit de passage qui existait sur le fonds contigu ne profiterait pas aux acquéreurs mais aussi que M. Marc Y... avait, lors de la vente de ce bien, reconnu avoir omis d'informer les exposants de l'existence d'un bail commercial qui le liait à M. Z..., menuisier, grevant une partie de ce bien constituée par un hangar situé en bordure de la voie publique ; que, cependant, pour retenir le caractère prétendument volontaire de l'enclave de la propriété des époux X... qui, en raison de l'existence de ce bail commercial, est privée d'accès à la voie publique et exclure le droit d'obtenir un droit de passage sur le fonds voisin, la cour d'appel s'est contentée de relever que, par courrier daté du 27 septembre 2010, ces derniers « envisageaient », suite à l'échéance du bail existant au 31 mars 2011, d'établir un nouveau bail pour la partie du local loué qui leur appartenait et qu'ils s'étaient adressé à cette fin à M. Marc Y..., leur vendeur ; qu'en ne constatant pas que les époux X... auraient effectivement procédé, avec l'accord de ce dernier, à la conclusion d'un nouveau bail régularisant la situation, depuis leur acquisition, en leur qualité de co-bailleur de M. Z..., de telle sorte que le maintien de l'impossibilité d'accéder à leur parcelle par le hangar loué serait bien résulté d'un acte volontaire de leur part, la cour d'appel, qui a seulement supposé que si le hangar ouvrant sur la voie publique était loué au jour de la délivrance de l'assignation par les époux X... c'était alors à raison d'un acte volontaire de leur part mais n'a aucunement caractérisé un fait personnel, positif, des époux X... de nature à exclure tout droit de ces derniers à obtenir le rétablissement d'un droit de passage sur le fonds voisin, a privé sa décision de base légale au regard des articles 682 et 684 du code civil.
2) ALORS QU'en toute hypothèse, il résultait des termes clairs et précis de la lettre du conseil général du département des Bouches du Rhône en date du 26 mars 2010, confirmant l'avis défavorable du 10 novembre 2009 émis par le SEER de l'arrondissement de Marseille pour la création d'une desserte supplémentaire de la propriété des époux X..., que cet avis constituait « une fin de non recevoir à une éventuelle demande d'accès nouveau sur la RD 2, afin de desservir la propriété susvisée » et que « toute demande d'autorisation de voirie correspondante ferait l'objet d'un refus motivé par l'existence d'une servitude de passage commune débouchant sur la RD 2 » ; que, par lettre du 2 juillet 2010, le conseil général a confirmé que « toute nouvelle demande d'autorisation de voirie pour création d'un accès supplémentaire par le dépôt de bois actuel ferait ainsi l'objet d'un refus motivé par l'existence d'une servitude de passage destinée à desservir l'ensemble des lots » et que, par lettre du 18 juillet 2013, celui-ci a confirmé à nouveau que « seul l'accès autorisé à votre propriété est celui qui existe par la servitude de passage » ; que ces avis défavorables du conseil général du département des Bouches du Rhône, ajoutés à un avis semblable de la mairie de Gémenos du 6 novembre 2009, manifestaient donc clairement la volonté expresse de l'administration de refuser d'accorder un accès existant déjà ; qu'en affirmant le contraire et en en déduisant faussement que la situation d'enclave des époux X... n'était pas caractérisée, la cour d'appel a dénaturé les courriers dudit conseil général en dates des 10 novembre 2009, 26 mars 2010, 2 juillet 2010 et 18 juillet 2013 ainsi que celle de la mairie de Gémenos du 6 novembre 2009 et violé l'article 1134 du code civil.
3) ALORS QUE la renonciation à un droit de passage conventionnel, faite dans l'ignorance d'un obstacle à l'exercice d'un autre passage qui aurait normalement permis d'éviter un désenclavement, ne peut être opposée au propriétaire du fonds enclavé ; en l'espèce, il ressortait de la lettre de la mairie de Gémenos du 6 novembre 2009 que le plan local d'urbanisme précise que « sur la RD 2 (route d'Aubagne) l'accès direct est interdit s'il existe une possibilité d'accès indirecte par une voie latérale » ; que l'existence d'un bail commercial portant sur le hangar situé en bordure de rue et permettant l'accès de la propriété des époux X... à la voie publique leur avait été cachée sans qu'il soit établi que ces derniers auraient eux-mêmes renouvelé ce bail ; que la cour d'appel a constaté que l'acte d'acquisition des exposants comportait une clause précisant que le droit de passage qui existait en vertu d'un acte de partage du 1er octobre 1877 ne profiterait pas aux acquéreurs ; que cette clause excluant tout droit de passage des époux X...sur le fonds contigu, propriété de M. Jean-Baptiste Y..., ne pouvait leur être opposée ; qu'en déboutant néanmoins les exposants de leur demande de désenclavement, la cour d'appel a violé les articles 682 et 684 du code civil.
4) ALORS QUE le juge ne saurait procéder par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à relever que le fait que le garage des époux
X...
n'ait d'accès que du côté opposé à la voie publique ne peut être considéré comme le fait probant de l'enclave « alors qu'un aménagement raisonnable permettrait de modifier cette situation » sans autrement justifier en fait en quoi pourrait consister cet « aménagement raisonnable » qui exclurait toute enclave de la propriété des époux X... et la nécessité d'accéder à la voie publique, la cour d'appel a procédé par voie de simple affirmation et violé l'article 455 du code de procédure civile.
5) ALORS QU'en tout état de cause, un fonds est enclavé si les dépenses nécessaires pour assurer l'accès de ce fonds à la voie publique sont hors de proportion avec l'usage qui serait fait de cette desserte et avec la valeur dudit fonds ; qu'en l'espèce, outre l'obstacle tenant aux dispositions du PLU de la commune de Gémenos, les exposants avaient fait valoir dans leurs conclusions d'appel en réponse (p. 14, avant dernier al.) que M. Z..., locataire du hangar, bénéficiant de la propriété commerciale, il ne pouvait être délivré congé que pour la date d'expiration du bail, ce qui impliquait d'obtenir l'accord du co-bailleur de ce hangar, M. Marc Y..., ainsi que le versement d'une lourde indemnité d'éviction ; qu'en outre, dans leurs conclusions d'appel en réponse (p. 11, § b), les exposants avaient soutenu que, selon l'expert judiciaire lui-même (rapport p. 10, § 2), le rétablissement de l'accès direct sur la RD 2 impliquerait « la démolition du hangar » situé en bordure de la voie publique ; qu'en ne recherchant pas si l'ensemble de ces éléments n'était pas de nature à faire obstacle au rétablissement de cet accès direct sur la RD 2 et à justifier, par voie de conséquence, la demande de désenclavement des exposants pour leur parcelle par le fonds de M. Jean-Baptiste Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 682 et 684 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné les époux X... à payer à M. Jean-Baptiste Y... la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.
AUX MOTIFS QUE sur la demande de dommages et intérêts de Jean Baptiste Y... ; qu'un préjudice de jouissance est invoqué à raison d'un passage sans droit sur l'assiette de la servitude de passage revendiquée par les époux X... depuis leur acquisition du bien le 4 décembre 2008, et les répercussions de ce passage sur le projet de vente de son bien ainsi « coupé en deux » par Jean Baptiste Y... ; que s'il est exact que le passage des époux X...ou de leurs ayants-droit sur le chemin de Jean Baptiste Y...est susceptible de lui causer un préjudice, en revanche l'étendue de celui-ci est fortement réduit du fait que le chemin litigieux est grevé de servitudes de passage au profit des parcelles AH n° 199, 214, 65 et 64 et qu'il n'est justifié par aucune pièce de l'ampleur des passages dénoncés ; que dans ces conditions, les dommages et intérêts alloués à Jean Baptiste Y... seront limités à 1 000 euros.
ALORS QUE la cassation de l'arrêt attaqué à intervenir sur le premier moyen de cassation en ce que la cour d'appel a rejeté la demande de désenclavement des époux X... pour leur parcelle cadastrée section AH n° 213 à Gémenos par le fonds de M. Jean-Baptiste Y... entraînera, par voie de conséquence, celle dudit arrêt attaqué en ce qu'il a condamné les exposants à payer à ce dernier la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts et ce en application de l'article 625 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-12776
Date de la décision : 14/04/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 avr. 2016, pourvoi n°15-12776


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.12776
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