LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de manque de base légale, le moyen, qui critique en sa deuxième branche un motif surabondant, ne tend qu'à contester l'adoption par la cour d'appel du mode de calcul, qui lui est apparu le meilleur, relatif à un solde débiteur annuel lié à un risque commercial et l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve, dont elle a pu déduire l'existence d'un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Relay France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Relay France et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Lagardère Travel Retail France
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant Mme Chantal X... à la société Relay France en date du 5 juillet 2013, aux torts de la société Relay France, et d'avoir condamné la seconde à payer à la première la somme de 47.097,58 euros au titre du remboursement de la démarque, la somme de 58.000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et la somme de 5.488 euros à titre de remboursement de la caution ;
AUX MOTIFS QUE la salariée invoque par ailleurs des modalités illicites de déduction du déficit d'inventaire sur sa rémunération. Il ressort du contrat de travail et du protocole d'accord applicable dans l'entreprise conclu le 28 février 1994 et de l'article 7 des conditions générales d'exploitation des kiosques acceptées par la salariée que sa rémunération de était composée notamment d'une prime annuelle de risque commercial égale à la différence affectée d'un coefficient égal à la moitié, majorée d'un point du taux pratiqué sur le livret A des caisses d'épargne lors de son versement, existant entre d'une part, le produit des tranches de chiffres d'affaires réalisées pendant l'année considérée par le taux précisé, et d'autre part le montant résiduel du solde débiteur généré durant la même période. Selon le protocole d'accord, la prime de risque commercial est calculée mensuellement et cumulée sur un compte courant personnel apuré annuellement. Un inventaire annuel permet d'établir le solde débiteur durant la période considéré, ..:l'agent étant responsable des marchandises en sa qualité de consignataire et du produit de la vente. Comme le reconnaît la SOCIÉTÉ RELAY FRANCE la prime de risque commercial est une prime comprenant ainsi deux éléments : un élément positif à savoir le pourcentage du chiffre d'affaires réalisés pendant l'année considérée et d'autre part un élément négatif le solde débiteur résiduel. Il n'est pas contestable que cette prime de risque commercial récompense ainsi une bonne gestion du point de vente par le gérant salarié puisqu'elle est fonction de l'importance de son chiffre d'affaires et de l'absence ou du faible montant du solde débiteur résiduel ; dans la mesure où le contrat liant les parties était soumis aux dispositions de l'article L.7321-1 du code du travail, la prime de risque commercial qui sanctionne le déficit d'inventaire n'est pas en elle-même illicite. Mais dans la mesure où le second élément relatif au montant du solde débiteur résiduel est de nature à venir réduire la prime de risque commercial, il appartient à la société employeur de justifier le calcul du solde débiteur résiduel. Or, comme le fait valoir à juste titre la salariée, cette dernière reste dépositaire des marchandises qu'elle est chargée de vendre dans son point de vente, en sorte qu'en cas de manquant le préjudice doit s évaluer à la valeur de remplacement c'est-à-dire à la valeur d'acquisition figurant en stock dans le patrimoine du déposant. Il résulte des bordereaux de stock établi par l'employeur lui-même (pièce 19 et 20 de la société employeur) que les gobelets prédosés, qui représentent une grande partie des manquants, sont calculés au prix de vente de 0,60 euros l'unité (pièce 75 la salariée). La salariée démontre que le déficit d'inventaire est ainsi évalué par la société Relay France au prix de vente « publique » soit pour le cas des gobelets prédosés à 0,60 euros l'unité (pièce 75) alors que ce mode d'évaluation est contraire aux dispositions de l'article L. 123-18 du code du commerce relatives aux obligations comptables et qui prévoit qu' « à leur date d'entrée dans le patrimoine de l'entreprise, les biens acquis à titre onéreux sont enregistrés à leur coût d'acquisition, les biens acquis à titre gratuit à leur valeur vénale et les biens produits à leur coût de production. » La salariée établit que le prix d'achat hors taxes pour l'employeur des gobelets prédosés est de 0,182 € l'unité et la société Relais France sommée par le conseil de la salariée ne produit aucune facture faisant apparaître le prix d'acquisition par la société des gobelets prédosés. En calculant la prime de risque commercial due à la salariée sur la base d'un solde débiteur résiduel lui-même calculé sur la base d'un prix des marchandises manquantes fixé à tort au prix de vente au public et non au prix auquel l'employeur les a acquises, l'employeur a surévalué indûment le solde débiteur annuel et par voie de conséquence nécessaire a minoré la prime commerciale due à la salariée. A cet égard, Madame Chantal X... justifie qu'ont été déduites de sa prime commerciale des démarques injustifiées à hauteur de 6106, 57 euros en 2007, 5826, 64 euros en 2008, 258 euros en 2009, 23934, 88 euros en 2010 et 10971,49 suros en 2011, soit un total de 47097, 58 euros. Madame Chantal X... peut dès lors prétendre à la condamnation de la société RELAY FRANCE lui payer partie de la rémunération dont elle a été privée entre 2007 et 2011 soit la somme de 47 097, 58 euros. Ce manquement de l'employeur dans l'obligation de régler l'intégralité des rémunérations contractuelles dues à sa salariée est lui en revanche suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du licenciement le 5 juillet 2013. Par suite, Madame Chantal X... peut prétendre à des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Au vu de l'ancienneté de la salariée (16 ans et 9 mois), de son âge (53 ans) à la date du licenciement, et de sa situation postérieure, le préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 58 000 euros, montant non discuté par l'employeur ;
1°) ALORS QUE le gérant non salarié d'une succursale peut être rendu contractuellement responsable de l'existence d'un déficit d'inventaire en fin de contrat, et tenu à en rembourser le montant ; que les parties au contrat de dépôt sont libres de mettre à la charge du dépositaire, en cas de non restitution, une obligation d'indemniser le déposant du préjudice qu'il a subi à hauteur du prix de vente de la chose déposée ; qu'en affirmant que «comme le fait valoir à juste titre la salariée, cette dernière reste dépositaire des marchandises qu'elle est chargée de vendre en son point de vente de sorte qu'en cas de manquants le préjudice doit s'évaluer à la valeur de remplacement, c'est-à-dire à la valeur d'acquisition figurant au stock dans le patrimoine du déposant » pour en déduire qu'« en calculant la prime de risque commercial due à la salariée sur la base d'un solde débiteur résiduel lui-même calculé sur la base d'un prix des marchandises manquantes, fixé à tort au prix de vente au public et non au prix auquel l'employeur les a acquises, l'employeur a surévalué indûment le solde débiteur annuel et par voie de conséquence nécessaire à minorer la prime commerciale due à la salariée » et que « ce manquement de l'employeur dans l'obligation de régler l'intégralité des rémunérations contractuelles dues à sa salariée est lui en revanche suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du licenciement le 5 juillet 2013», la cour d'appel a violé les articles 1184 et 1933 du code civil ;
2°) ALORS QUE l'article L.123-18 du code de commerce précise que, à la date d'entrée dans le patrimoine de l'entreprise, les biens acquis à titre onéreux sont enregistrés à leur coût d'acquisition ; qu'en affirmant que la société Relay France ne pouvait évaluer le préjudice en cas de manquants au prix de vente de la chose déposée, mais à la valeur de remplacement, motif pris que « ce mode d'évaluation est contraire aux dispositions de l'article L.123-18 du code de commerce, relatif aux obligations comptables», la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de ce texte, ensemble l'article 1184 du code civil ;
3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE dans ses conclusions déposées à l'audience, reprises oralement, la société Relay France faisait précisément valoir que le solde débiteur résiduel, correspondant aux manquants en marchandise ou à leur contrepartie en numéraire, tel que constaté sur le point de vente lors de l'inventaire physique, n'était déduit qu'à hauteur de 60 % de son montant du pourcentage du chiffre d'affaires pris en considération pour fixer la Prime de Risque Commercial (concl. app. pp. 20 et s.), ajoutant que les 40 % restants étaient pris en charge par elle ; qu'en imputant à l'employeur d'avoir « surévalué indument le solde débiteur annuel et par voie de conséquence nécessaire » a « minoré la prime commerciale due à la salariée », pour en déduire que ce manquement était suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Relay France, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la Prime de Risque Commercial n'était pas uniquement calculée à partir du solde débiteur résiduel déterminé en considération du seul prix de vente des manquants, mais à hauteur seulement de 60 % de ce solde, de sorte que la prime n'était elle-même pas calculée en fonction du prix de vente des manquants, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1184 du code civil ;
4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE Mme X... sollicitait la restitution de la totalité du solde débiteur resté à sa charge, pour le calcul de la Prime de Risque Commercial, entre 2007 et 2011 (concl. app. p. 27) ; qu'en faisant intégralement droit à cette demande, après avoir pourtant constaté que le préjudice en cas de manquant devait s'évaluer à la valeur de remplacement, ce dont il résultait que Mme X... ne pouvait obtenir restitution de l'intégralité du solde débiteur, mais au plus la part correspondant à la différence entre le prix de vente et le prix de remplacement des marchandises, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1184 et 1147 du code civil ;
5°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE dans ses conclusions d'appel déposées à l'audience et reprises oralement, la société Relay France faisait valoir que pour l'année 2011, Madame X... n'avait pas perçu de Prime de Risque Commercial compte tenu du montant du solde débiteur résiduel et du chiffre d'affaires du point de vente (concl. app. pp. 9 et s.) ; qu'il ressort en effet de la lettre du 20 septembre 2010 adressée par la société Relay France à Mme X..., invoquée par cette dernière au soutien de sa demande de restitution de la somme de 23.934,88 euros, que pour 2010, sa prime potentielle de risque commercial, avant imputation du solde débiteur résultant des manquants, n'était que de 13.556,73 euros au regard du chiffre d'affaires réalisé par le point de vente ; qu'en condamnant la société Relay France, au titre de l'année 2010, à rembourser à Mme Chantal X... une somme de 23.934,88 euros, soit une somme supérieure à celle qu'elle aurait perçu au titre de la Prime de Risque Commercial en l'absence de déduction de tout solde débiteur résultant des manquants, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.