COUR DE CASSATION 15 CRD 038
Audience publique du 8 mars 2016
Prononcé au 12 avril 2016
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
A U N O M D U P E U P L E F R A N C A I S
La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Cadiot, président, M. Besson, conseiller, M. Béghin conseiller référendaire, en présence de Mme Le Dimna, avocat général et avec l'assistance de Mme Boudalia, greffier, a rendu la décision suivante :
ACCUEIL du recours formé par Mme Sandy X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 11 mai 2015 qui lui a allouée une indemnité de 1 500 euros en réparation du préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale AR ;
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 8 mars 2016, l'avocat de la demanderesse ne s'y étant pas opposé ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de Me Fayolle avocat au barreau de Marseille représentant Mme X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'Etat ;
Vu les conclusions du procureur général près la Cour de cassation ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire de l'État et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Attendu que Mme X... ne comparaît pas personnellement ; qu'elle est représentée à l'audience par Me Fayolle conformément aux dispositions de l'article R. 40-5 du code de procédure pénale ;
Et, sur le rapport de M. le conseiller Béghin, les observations de Me Fayolle, avocat représentant la demanderesse Mme X..., de Me Lécuyer, avocat représentant l'agent judiciaire de l'État, les conclusions de Mme l'avocat général Le Dimna, l'avocat de la demanderesse ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Attendu que Mme X..., née le 2 novembre 1990, placée en détention provisoire le 10 avril puis remise en liberté sous contrôle judiciaire le 12 février 2010, a été, par jugement du 17 mai 2013 devenu définitif, relaxée des délits qui lui étaient reprochés ;
Qu'en réparation de la détention provisoire subie, elle a, par requête du 14 novembre 2014, sollicité les sommes de 40 000 euros au titre du préjudice moral et de 9 000 euros au titre de ses frais de défense ;
Que par décision du 11 mai 2015, le premier président, retenant que Mme X... a été placée en détention provisoire du 15 mai 2009 au 23 mars 2010 dans le cadre d'une procédure criminelle distincte, a fixé la durée de la détention indemnisable à un mois et cinq jours et a alloué à la requérante la somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral ; qu'il a rejeté la demande au titre des frais de défense au motif que les factures produites n'étaient pas numérotées, contrairement aux prescriptions de l'article 242 nonies A, I, 7°, du code général des impôts ;
Attendu que le 19 mai 2015, Mme X... a frappé de recours cette décision ;
Que par conclusions du 10 août 2015, elle a repris ses demandes initiales, sur la base d'une détention d'une durée de dix mois et deux jours, faisant valoir que le premier président n'avait pas à se prononcer sur la régularité formelle des quatre factures d'honoraires produites, établies par un avocat inscrit au barreau de Marseille, et que, s'agissant du préjudice moral, elle était mère de deux enfants et que le choc carcéral ne pouvait être amoindri par une précédente détention provisoire ;
Attendu que, par ses écritures du 6 octobre 2015, l'Agent judiciaire de l'Etat a conclu au rejet du recours, relevant que le premier président a justement retenu l'existence d'une détention provisoire pour autre cause puis écarté la demande au titre des frais de défense et évalué le préjudice moral subi, en l'état d'une précédente expérience carcérale ; qu'il a subsidiairement soutenu, s'agissant des frais de défense, que seules deux factures d'honoraires, en dates du 17 avril 2009 et du 22 février 2010, se rapportent certainement à la procédure ayant abouti à la décision de relaxe ;
Attendu que le 30 novembre 2015, le procureur général a également conclu au rejet du recours au vu de la durée de la détention effectivement indemnisable et compte tenu de la détention précédemment subie, de nature à minorer le choc carcéral ; qu'il a subsidiairement estimé, sur les frais de défense, que les factures postérieures au 15 mai 2009 ne peuvent être certainement rattachées au contentieux de la détention indemnisable, de sorte que la somme pouvant être allouée de ce chef ne saurait excéder 3 588 euros, montant de la facture du 17 avril 2009 ;
SUR CE,
Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;
Attendu que, par ces textes, le législateur a instauré le droit pour toute personne d'obtenir de l'Etat réparation du préjudice subi à raison d'une détention provisoire fondée sur des charges entièrement et définitivement écartées ;
Sur la durée de détention indemnisable :
Attendu que dans le cadre d'une procédure criminelle distincte ayant abouti a une condamnation, Mme X... a été placée en détention provisoire du 15 mai 2009 au 23 mars 2010 ; que cette privation de liberté constituant une détention pour autre cause au sens de l'article 149 du code de procédure pénale, le premier président a exactement quantifié à un mois et cinq jours, soit du 10 avril au 15 mai 2009, la durée de détention indemnisable ;
Sur le préjudice moral :
Attendu qu'eu égard à la durée de détention indemnisable, à l'âge de la requérante, à sa situation familiale, mais aussi à l'existence d'une précédente incarcération de nature à diminuer le choc carcéral, l'indemnité propre à réparer le préjudice moral subi sera fixée à la somme de 6 500 euros ;
Sur les frais de défense :
Attendu que l'irrégularité fiscale des factures d'honoraires produites est sans incidence sur leur force probante ;
Attendu qu'il est constant que la facture d'honoraires du 17 avril 2009 concerne le contentieux de la détention ; que, de même, les factures des 6 août 2009 et 7 décembre 2009 correspondent par leur objet et par leurs dates aux termes successifs des périodes de quatre mois à l'issue desquelles la détention devait être renouvelée ; qu'enfin, la facture du 22 février 2010 mentionne expressément qu'elle a eu pour objet la demande à l'origine de la remise en liberté du 12 février 2010 ;
Qu'en conséquence, Mme X... est fondée à obtenir au titre de ses frais de défense la somme de 9 000 euros ;
PAR CES MOTIFS :
ACCUEILLE le recours de Mme X... et statuant à nouveau ;
ALLOUE à Mme X... la somme de 6 500 euros (six mille cinq cents euros) en réparation de son préjudice moral et celle de 9 000 euros (neuf mille euros) au titre de ses frais de défenseDAR .
LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 12 avril 2016 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.
Le président Le rapporteur
Christian Cadiot Patrick Béghin
Le greffier
Rania Boudalia