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12/04/2016 | FRANCE | N°15-19744

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 avril 2016, 15-19744


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris 14e arrondissement, 28 mai 2015), que M. X... a été engagé par la société Pomme de pain à compter du 13 avril 2011, en qualité de directeur marketing ; que, par une lettre du 2 mars 2015, ce salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; que, par une autre lettre du 3 mars 2015, il a informé l'employeur de sa candidature aux fonctions de membre de la délé

gation du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris 14e arrondissement, 28 mai 2015), que M. X... a été engagé par la société Pomme de pain à compter du 13 avril 2011, en qualité de directeur marketing ; que, par une lettre du 2 mars 2015, ce salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; que, par une autre lettre du 3 mars 2015, il a informé l'employeur de sa candidature aux fonctions de membre de la délégation du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ; que, le 17 mars 2015, la société Pomme de pain a saisi le tribunal d'instance afin d'obtenir l'annulation de cette candidature en invoquant son caractère frauduleux ;
Attendu que l'employeur fait grief au jugement de rejeter cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que la saisine par le salarié du conseil de prud'hommes aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son propre contrat de travail, qui démontre la volonté de l'intéressé de quitter l'entreprise, n'est pas compatible avec la mission de membre du CHSCT qui suppose un investissement de plusieurs années au sein de l'entreprise dans l'intérêt de la collectivité des salariés ; qu'en refusant de considérer que la candidature de M. X..., déposée le jour même de la saisine du conseil de prud'hommes aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail entachait cette candidature de fraude, le juge d'instance a violé les articles L. 4613-1 et L. 4613-3 du code du travail ;
2°/ que la quête d'une protection personnelle qui confère à la candidature litigieuse son caractère frauduleux peut aussi se manifester à travers la recherche d'un avantage personnel par le salarié désireux de monnayer son départ de l'entreprise ; qu'en l'espèce, en n'envisageant la fraude que sous l'angle traditionnel de la recherche d'une protection personnelle contre une sanction, sans se prononcer comme il y était invité sur l'avantage personnel que le salarié pouvait retirer d'un mandat, même temporaire, pour négocier son départ de l'entreprise dans le cadre d'une situation reconnue « conflictuelle », le tribunal d'instance a méconnu son office en violation des articles L. 4613-1 et L. 4613-3 du code du travail ;
3°/ que la candidature d'un salarié revêt un caractère frauduleux dès lors qu'elle a pour objet d'assurer une protection individuelle de l'intéressé ; que le fait pour un salarié de développer de façon systématique des critiques à l'encontre de la politique du repreneur de l'entreprise Pomme de pain, ce que constate le juge d'instance, était de nature à justifier l'engagement de poursuites disciplinaires et qu'en s'abstenant de rechercher, comme il y était invité, si la candidature inopinée de ce cadre dirigeant n'avait pas pour objet de le protéger contre une sanction consécutive à de tels agissements, le tribunal d'instance a privé sa décision de toutes bases légales au regard des articles L. 1152-2 et L. 4613-2 du code du travail ;
Mais attendu que, sous le couvert d'une violation des textes susvisés et d'un manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par le tribunal de l'absence de fraude ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Pomme de pain à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Pomme de pain
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté la société POMME DE PAIN de sa demande tendant à voir annuler la candidature de Monsieur X... aux élections du CHSCT en date du 17 mars 2015 ;
AUX MOTIFS QUE « En l'espèce, M. X..., salarié de la société POMME DE PAIN depuis le 13 avril 2011 en qualité de directeur du marketing – statut cadre dirigeant – a présenté sa candidature au Directeur des ressources humaines M. Y... le 2 mars 2015 par voie électronique et a confirmé cet acte de candidature par lettre du 3 mars 2015 respectant ainsi l'accord préélectoral ; que la société demanderesse reproche à M. X... d'avoir présenté une candidature dans l'unique but de s'assurer une protection spéciale et servir son intérêt personnel ; que la bonne foi étant toujours présumée, il appartient à la société qui allègue du caractère frauduleux de la prouver ; que cette dernière fait valoir d'une part que M. X... n'a jamais manifesté le moindre intérêt pour les instances représentatives du personnel, pour lesquelles il n'avait jamais postulé, ni ne s'était investi dans la défense des intérêts de la collectivité ; d'autre part que le défendeur ayant engagé une instance devant le Conseil de prud'hommes de Paris, il démontrait sa volonté de quitter la société au plus vite, son souhait n'étant manifestement pas d'oeuvrer pour le bien des salariés, ni de s'inscrire dans la durée, ni même d'honorer son mandat jusqu'à son terme s'il était élu. Enfin elle estime qu'eu égard à l'attitude de critique systématique de M. X..., celui-ci a voulu se protéger face à une probable procédure disciplinaire qu'il pouvait redouter ; que si M. X... ne conteste pas n'être adhérent d'aucune organisation syndicale, il ne peut lui en être fait le reproche ; que de même, l'absence d'exercice d'un quelconque mandat au sein des institutions représentatives du personnel ne peut suffire à démontrer l'existence d'une fraude, M. X..., eu égard aux bonnes conditions dans lesquelles évoluaient les salariés de la société POMME DE PAIN avant son rachat par le groupe SOUFFLET, n'avait jamais éprouvé le besoin de s'investir au service de la collectivité des salariés, à leur protection ou défense ; que cependant, compte tenu de la dégradation du climat en suite de la révocation de l'ancien Directeur général M. Z... et du licenciement de M. Y..., mais également de la nouvelle stratégie commerciale et du nouveau mode de management du groupe SOUFFLET-POMME DE PAIN, des tensions sont apparues et la sérénité de tous en a été affectée ; que M. X..., cadre dirigeant depuis 2011, s'estimait capable de représenter ses collègues au sein du CHSCT dans le contexte de changement de gouvernance de l'entreprise ainsi qu'il ressort de sa lettre de candidature en date du 3 mars 2015 aux termes de laquelle il expliquait souhaiter mettre ses compétences au service de la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l'entreprise mais aussi être vigilant au respect de la règlementation et aux anomalies susceptibles de mettre en danger la santé des salariés ; qu'il précisait également vouloir favoriser le bien être des salariés, la mixité sociale, la parité et l'harmonie dans l'entreprise ; que par ailleurs, la lettre de M. A... en date du 27 février 2015 ne pouvait laisser penser qu'il était susceptible de faire l'objet d'une procédure disciplinaire, le président expliquant « en sa qualité de membre du Comité de direction, M. X... a été informé de la volonté et de l'ambition de développer une nouvelle unité opérationnelle dédiée à la restauration rapide … Dans ce cadre, toutes les compétences et expériences sont nécessaires … M. X... est un des acteurs de la stratégie déployée, … En conséquence, il serait incohérent dans cette perspective de vouloir se priver des services de M. X... » ; qu'enfin, l'instance engagée par M. X... devant le Conseil de prud'hommes ne peut suffire à démontrer la fraude alléguée, étant observé que cette procédure est susceptible de ne pas aboutir avant l'échéance du mandat ; que dès lors il y a lieu de dire que la société POMME DE PAIN ne rapporte pas la preuve du caractère frauduleux de la candidature de M. X... à l'élection du 17 mars 2015 au CHSCT » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la saisine par le salarié du Conseil de prud'hommes aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son propre contrat de travail, qui démontre la volonté de l'intéressé de quitter l'entreprise, n'est pas compatible avec la mission de membre du CHSCT qui suppose un investissement de plusieurs années au sein de l'entreprise dans l'intérêt de la collectivité des salariés ; qu'en refusant de considérer que la candidature de Monsieur X..., déposée le jour même de la saisine du Conseil de prud'hommes aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail entachait cette candidature de fraude, le juge d'instance a violé les articles L. 4613-1 et L.4613-3 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la quête d'une protection personnelle qui confère à la candidature litigieuse son caractère frauduleux peut aussi se manifester à travers la recherche d'un avantage personnel par le salarié désireux de monnayer son départ de l'entreprise ; qu'en l'espèce, en n'envisageant la fraude que sous l'angle traditionnel de la recherche d'une protection personnelle contre une sanction, sans se prononcer comme il y était invité sur l'avantage personnel que le salarié pouvait retirer d'un mandat, même temporaire, pour négocier son départ de l'entreprise dans le cadre d'une situation reconnue « conflictuelle », le tribunal d'instance a méconnu son office en violation des articles L. 4613-1 et L. 4613-3 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET DE TOUTE FAÇON, QUE la candidature d'un salarié revêt un caractère frauduleux dès lors qu'elle a pour objet d'assurer une protection individuelle de l'intéressé ; que le fait pour un salarié de développer de façon systématique des critiques à l'encontre de la politique du repreneur de l'entreprise POMME DE PAIN, ce que constate le juge d'instance, était de nature à justifier l'engagement de poursuites disciplinaires et qu'en s'abstenant de rechercher, comme il y était invité, si la candidature inopinée de ce cadre dirigeant n'avait pas pour objet de le protéger contre une sanction consécutive à de tels agissements, le Tribunal d'instance a privé sa décision de toutes bases légales au regard des articles L. 1152-2 et L.4613-2 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-19744
Date de la décision : 12/04/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Paris 14ème, 28 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 avr. 2016, pourvoi n°15-19744


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.19744
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