LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Vu les articles 287 et 288 du code de procédure civile ;
Attendu que la vérification d'écriture doit être faite au vu de l'original de l'écrit contesté ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 3 janvier 2006 en qualité de directrice par la société Sotil aux droits de laquelle est venue la société Kilina ; qu'ayant signé le 17 février 2010 une convention de rupture de son contrat de travail, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de sommes correspondant à des primes d'intéressement pour les années 2006 à 2009 ;
Attendu que pour dire le contrat présenté par la salariée valable et liant les parties et faire droit à la demande de prime d'intéressement prévue par ce contrat, la cour d'appel a effectué une vérification d'écriture entre la signature en original du passeport de l'employeur et celle apposée sur la copie du contrat de travail produite par la salariée, confrontées à la signature de l'employeur sur la convention de rupture du contrat de travail ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal et sur le pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Kilina hôtel, demanderesse au pourvoi principal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer, que les demandes de madame X... étaient recevables et condamné la société Kilina à payer à madame X... la somme de 88.317 euros à titre de rappel de primes d'intéressement ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'alinéa 3 de l'article 4 du code de procédure pénale, "La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil."; que les juges du fond apprécient discrétionnairement l'opportunité d'un tel sursis à statuer ; qu'en l'espèce, il sera relevé que l'employeur n'a pas cru devoir déposer plainte pour escroquerie au jugement avant le 10 décembre 2013 soit très peu de temps avant l'audience de la cour alors que le jugement prétendument obtenu par fraude a été rendu le 5 février 2013 ; qu'auparavant, il n'a absolument pas contesté la validité du contrat qui était produit devant les premiers juges bornant ses observations à la prescription des demandes et à leur caractère infondé au fond ; que dans ces conditions, l'aspect dilatoire de cette plainte, dont aucun élément complémentaire ne permet de constater qu'elle a donné lieu à la mise en mouvement de l'action publique par une décision d'orientation du ministère public, n'est pas à écarter ; que la cour estime par ailleurs être en mesure au travers des éléments qui lui ont été fournis de statuer sur l'authenticité de la signature apposée au contrat sans avoir à différer de manière excessive la solution de ce litige ; qu'en effet, sur l'injonction faite, au cours de l'audience, aux parties qui en ont accepté le principe, la Sarl Kilina a fait parvenir, pendant le temps du délibéré, le passeport de Monsieur Z... comportant sa signature en original ; que Madame X... pour sa part n'est en mesure de fournir que la copie du contrat litigieux ; que pour autant, la vérification d'écritures entre ces deux documents, confrontés à la signature de Monsieur Z... apposée sur la convention de rupture du contrat de travail, permet sans aucun doute, de constater, nonobstant les conclusions contraires d'un expert graphologue sollicité à titre privé par l'appelante qui ne lie nullement la cour, une parfaite identité entre les deux signatures ; qu'il en résulte que le contrat présenté par Madame X... est parfaitement valable et lie les parties ;
ET, AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES, QUE la prescription attachée à l'article L 1237-14 du code du travail ne concernent que les seules dispositions encadrées par les parties dans le cadre de la convention signée ; que la demande de madame Y... épouse X... ne porte pas sur une remise en cause des dispositions de la convention mais sur le paiement de primes non versées au cours de l'exécution du contrat de travail ; qu'il a lieu en l'espèce de déclarer recevable la demande de madame Y... épouse X... ;
1°) ALORS QUE lorsque l'écriture ou la signature d'un acte sous seing privé sont déniées ou méconnues, il appartient au juge de vérifier l'acte contesté et de procéder à une vérification d'écriture ; que la société Kilina contestait l'authenticité de la signature apposée sur le contrat de travail produit par madame X... ; qu'en relevant que madame X... n'était en mesure de fournir aux débats que la copie du contrat litigieux et en jugeant néanmoins que la cour pouvait statuer sur l'authenticité de la signature, sans procéder à une vérification d'écriture et nommer un expert, la cour d¿appel a violé les articles 1324 du code civil, ensemble les articles 287 et 288 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE dans ses conclusions (cf. p. 4, 5 et 6), la société Kilina faisait valoir qu'elle ne détenait aucun original ni même une copie du contrat de travail prétendument signé par madame X... et monsieur Z..., que monsieur A..., directeur du club de vacances exploité par la société Kilina rappelait que monsieur Z..., depuis lors décédé, lui avait indiqué qu'il avait refusé de signer le contrat de travail de madame X..., en raison de la présence d'une clause d'intéressement exorbitante portant sur le résultat d'exploitation plutôt que sur la marge bénéficiaire et que la salariée n'avait jamais prétendu, entre 2006 et 2010, que son employeur ne remplissait pas ses obligations en matière de paiement des salaires ; qu'en jugeant que le contrat présenté par madame X... était valable et liait les parties, sans avoir répondu à ces chefs pertinents de conclusions, la cour d¿appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'une copie ne fait foi de ce qui est contenu au titre que lorsque la conformité de la copie à l'original n'est pas déniée par la partie à laquelle elle est opposée ; qu'en l'espèce, la société Kilina contestait toute validité au contrat de travail produit aux débats par madame X... en ce que la signature attribuée à monsieur Z... était un faux et la cour d¿appel a relevé que la salariée n'était en mesure que de produire une copie du contrat de travail litigieux ; qu'en condamnant l'exposante au paiement des primes d'intéressement sur le fondement d'une simple copie du contrat de travail, sans ordonner la représentation de l'original de l'écrit litigieux ou constater que cette production n'était matériellement pas possible, la cour d¿appel a violé l'article 1334 du code civil ;
4°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en jugeant que la prescription annuelle de l'article L. 1237-14 du code du travail ne pouvait être opposée à madame X... puisque les parties ne soumettaient aucun élément permettant de s'assurer que la convention de rupture du contrat de travail avait été homologuée, la cour d¿appel a soulevé d'office ce moyen tiré de l'absence d'homologation de la convention, sans avoir invité les parties à se prononcer sur celui-ci et a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE le reçu pour solde de tout compte non dénoncé dans les six mois suivant sa signature devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées ; que madame X... avait signé un reçu mentionnant que la somme de 12.534,20 euros lui était versée « en paiement des salaires, accessoires de salaires, remboursement de frais et de toutes indemnités, quels qu'en soient la nature ou le montant, qui m'étaient dus au titre de l'exécution et de la cessation de mon contrat de travail » ; qu'en jugeant que le reçu pour solde de tout compte ne pouvait pas avoir une valeur libératoire au regard des primes d'intéressement, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-20 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIREIl est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Kilina Hôtel à payer à madame X... la somme de 88.317 euros à titre de rappel de primes d'intéressement ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il sera rappelé que par application de l'article L.1234-20 du code du travail, l'effet libératoire du solde de tout compte ne joue à l'expiration du délai de 6 mois qui suit sa signature, dès lors qu'il n'a pas été dénoncé, que pour les sommes qui y sont mentionnées ; que le premier alinéa de cet article prend soin de préciser que :" Le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail." ; que la notion d'inventaire s'oppose à ce que le solde de tout compte auquel le législateur a conféré à nouveau un effet libératoire porte mention d'une somme globale, comme en l'espèce, qui ne permettrait pas de détailler les différents éléments de rémunération ou d'indemnisation alloués au salarié ; que faute de mentions explicites relatives aux primes d'intéressement dont s'agit le dit reçu pour solde de tout compte ne saurait avoir aucune valeur libératoire à cet égard ; que le paragraphe 6.2 relatif aux primes litigieuses est rédigé comme suit :"Les parties conviennent de l'attribution d'une prime annuelle correspondant à 20% de l'augmentation du résultat d'exploitation par rapport à l'année 2005. La base de l'évolution du résultat d'exploitation sera tirée des soldes intermédiaires de gestion (SIG). Le montant et le fonctionnement de cette prime seront renégociés tous les ans par accord des parties en fonction du bilan comptable. Il sera alors établi un document écrit qui formalisera tout nouveau fonctionnement de cette prime." ; qu'il ressort de cette rédaction que le principe même de la prime d'intéressement est acquis et que seuls son montant et son fonctionnement avaient vocation à être revus chaque année en fonction du bilan comptable ; que les premiers juges ont considéré à juste titre que l'employeur ne pouvait dans ces conditions invoquer l'absence de renégociation annuelle comme obstacle au paiement de cette prime, alors que l'initiative d'une telle renégociation lui incombait au premier chef ; que de la même façon, la SARL Kilina est mal fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L 3313-4 du code du travail pour considérer que la clause d'intéressement avait cessé de produire ses effets lors de la modification de la situation de l'employeur comme étant devenue inapplicable, tout en ne produisant aucun élément sur les raisons de cette inapplicabilité et alors qu'en tout état de cause, conformément à l'alinéa 2 de cet article, il appartenait au nouvel employeur d'engager, dans les six mois de cette modification, une négociation en vue de la conclusion d'un nouvel accord ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont fait application du contrat en prenant en compte, pour le calcul des primes, le résultat d'exploitation de l'année 2005 ; que la prescription quinquennale ne court que du jour où le salaire devient exigible ; qu'il a été vu au travers de la rédaction de la clause d'intéressement que les primes litigieuses ne peuvent être déterminées et réglées qu'après publication des comptes de l'exercice de référence ; qu'ainsi la prime afférente à l'année 2006 ne pouvait être déterminée et donc devenir exigible qu'à compter de l'année suivante ; que la prescription ayant été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes le 20 janvier 2012, cette juridiction ne pouvait considérer comme forclose la demande au titre de l'année 2006, donnant lieu à paiement l'année suivante ; que le mode de calcul de la salariée n'est pas remis en question par l'appelante qui considère uniquement qu'en ce qui concerne l'année 2006 il n'y a eu aucune augmentation du résultat de la société Sotil, de sorte qu'il n'y a pas lieu au versement d'une prime ; mais attendu que, ce faisant, la Sarl Kilina omet de prendre en compte, alors qu'il s'agit précisément de l'année où elle a repris l'exploitation de l'hôtel son propre résultat d'exploitation qui s'est établi à la somme de 154 000 euros ; qu'ainsi il est avéré que les soldes positifs des résultats d'exploitation ont été les suivants : pour l'année 2006 : 72 000 euros, pour l'année 2007 : 248 000 euros, pour l'année 2008 : 188 000 euros, pour l'année 2009 : 41 000 euros ; qu'il convient cependant de calculer les primes des années 2008 et 2009 au prorata du temps de présence de madame X... au sein de l'entreprise ; qu'il est constant que celle-ci a été absente du 19 mars au 30 juin 2008 puis du 1er juillet au 11 septembre 2008; qu'elle a également été placée en arrêt maladie du mois de septembre au mois de décembre 2009 ; qu'ainsi il lui est dû au titre de l'année 2008 la somme de 18 850 euros et au titre de l'année 2009 la somme de 5 467 euros ; qu'il sera fait droit, pour le reste, aux demandes de madame X... pour les années 2006 et 2007 ; qu'ainsi l'employeur devra payer à madame X..., la somme totale de 88 317 euros ; que le jugement entrepris sera infirmé dans cette seule mesure ;
ET, AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES, QUE selon la force obligatoire du contrat de travail librement conclu, le contrat de travail de madame Y... épouse X... a été transmis lors de la cession du fonds de commerce par la Sarl Sotil à la Sarl Kilina ; que ce dernier comprend dans son article 6 l'attribution d'une prime annuelle, et que celle-ci n'a donné lieu à aucune modification par avenant ; qu' il y a lieu en l'espèce de faire droit à la demande de paiement des primes annuelles contractuelles au demandeur ; que l'employeur auquel il incombe de procéder à la négociation annuelle de la prime, ne peut invoquer l'absence de renégociation annuelle comme obstacle au paiement de celle-ci, qu'en l'espèce le résultat d'exploitation pris en compte pour le calcul des primes sera celui défini par le contrat de travail, soit celui de l'année 2005 ;
1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (cf. p 9), la société Kilina contestait la base de calcul du salaire variable de la clause insérée à l'article 6.2 du contrat de travail de madame X... au motif que cette clause « à défaut d'être adaptée » était inapplicable et n'avait jamais été appliquée de 2006 à 2010 entre la société Kilina et madame X... ; qu'en affirmant que le mode de calcul de la salariée n'était pas remis en cause par la société Kilina « qui considère uniquement qu'en ce qui concerne l'année 2006, il n'y a eu aucune augmentation du résultat de la société Sotil, de sorte qu'il n'y a pas lieu au versement d'une prime », la cour d¿appel a dénaturé les conclusions d'appel de l'exposante, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'article 6.2 du contrat de travail précisait que : « Les parties conviennent de l'attribution d'une prime annuelle correspondant à 20% de l'augmentation du résultat d'exploitation par rapport à l'année 2005. La base de l'évolution du résultat d'exploitation sera tirée des soldes intermédiaires de gestion (SIG). Le montant et le fonctionnement de cette prime seront renégociés tous les ans par accord des parties en fonction du bilan comptable. Il sera alors établi un document écrit qui formalisera tout nouveau fonctionnement de cette prime » ; que la partie variable du salaire était donc déterminée par rapport aux résultats de la société Sotil et non par rapport à celui de la société Kalina ; qu'en se bornant à prendre en compte, pour le calcul des primes d'intéressement de 2006, 2007, 2008 et 2009, le résultat d'exploitation de la société Kilina, sans avoir comparé les résultats comptables des deux sociétés et s'être assurée que la clause litigieuse pouvait être adaptée à la société Kilina, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil.
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., demanderesse au pourvoi incident.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à 88.317 € la somme que la société KILINA HOTEL a été condamnée à verser à Madame X... à titre de rappel de primes d'intéressement ;
AUX MOTIFS QU'« il convient cependant de calculer les primes des années 2008 et 2009 au prorata du temps de présence de Madame X... au sein de l'entreprise » ;
ALORS QUE les juges du fond sont tenus par les contrats qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, l'article 6.2 du contrat de travail liant Madame X... à la société KILINA HOTEL sous la rubrique « salaire variable » stipulait que « les parties conviennent de l'attribution d'une prime annuelle correspondant à 20 % de l'augmentation du résultat d'exploitation par rapport à l'année 2005. La base de l'évolution du résultat d'exploitation sera tirée des soldes intermédiaires de gestion (SIG). Le montant et le fonctionnement de cette prime seront renégociés tous les ans par accord des parties en fonction du bilan comptable. Il sera établi un document écrit qui formalisera tout nouveau fonctionnement de cette prime » ; qu'en considérant que le montant de la prime devait être fixé au prorata temporis de la présence de la salariée dans l'entreprise, sans relever que le contrat comporterait des stipulations en ce sens, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.