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30/03/2016 | FRANCE | N°14-30018

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 mars 2016, 14-30018


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu que, pour l'exécution d'un marché passé avec la société EDF portant sur le détartrage des tours aéroréfrigérantes des centrales nucléaires de Cruas et du Bugey, la société Sanifa, aux droits de laquelle vient la société Sita France (la société Sita), a acquis des flexibles en acier oxydable auprès de la société Sudac air service, qui en a passé commande aupr

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu que, pour l'exécution d'un marché passé avec la société EDF portant sur le détartrage des tours aéroréfrigérantes des centrales nucléaires de Cruas et du Bugey, la société Sanifa, aux droits de laquelle vient la société Sita France (la société Sita), a acquis des flexibles en acier oxydable auprès de la société Sudac air service, qui en a passé commande auprès de la société Dardonville, laquelle s'est fournie auprès du fabricant, la société Etablissements Bloch (la société Bloch) ; que la société EDF a décidé l'arrêt des opérations de détartrage de la centrale de Cruas, à la suite de pannes des machines équipées de ces flexibles ; qu'au vu d'un rapport d'expertise judiciaire, la société Sita et son assureur, la société Covea Risks, ont assigné la société Bloch en paiement de dommages-intérêts, laquelle a appelé en garantie la société Dardonville ;
Attendu que pour limiter le montant de la condamnation mise à la charge des sociétés Bloch et Dardonville au profit de la société Covea Risks, en réparation du préjudice de la société Sita, l'arrêt relève que les sociétés Sita et Covea Risks ne précisent pas le détail du préjudice qu'elles invoquent et qu'elles ne versent aux débats ni leur « état des pertes », ni des factures en justifiant ; qu'il retient que la cour d'appel n'est pas en mesure de vérifier si les postes figurant à « l'état de pertes » présenté à l'expert, contestés par les sociétés Bloch et Dardonville, sont ou non justifiés ; qu'il ajoute, s'agissant des dépenses de « location de machines » alléguées, chiffrées par la société Sita à 232 000 euros, que les contestations des sociétés Bloch et Dardonville doivent être prises en compte, les sociétés Sita et Covea Risks ne versant aux débats ni le contrat de location conclu avec la société Dyanergie, ni la preuve d'un décaissement, ni encore une facture ni même la moindre pièce comptable ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'étaient annexés au rapport d'expertise judiciaire, versé aux débats par les sociétés Sita et Covea Risks, un état des pertes subies, détaillant, poste par poste, le préjudice d'exploitation allégué ainsi qu'un dire auquel étaient jointes différentes pièces comptables correspondant à ces chefs de préjudice, la cour d'appel, qui a dénaturé ces pièces par omission, a méconnu le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il condamne les sociétés Etablissements Bloch et Dardonville à payer à la société Covea Risks la somme de 144 371 euros, outre intérêts, l'arrêt rendu le 30 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Met hors de cause, sur sa demande, la société Sudac air service, dont la présence devant la cour d'appel de renvoi n'est plus nécessaire à la solution du litige ;
Condamne les sociétés Etablissements Bloch et Dardonville aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Sita France, venue aux droits de la société Sanifa, et à la société Covea Risks la somme globale de 3 000 euros, et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Sita France, venant aux droits de la société Sanifa et la société Covea Risks.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné les sociétés Etablissements Bloch et Dardonville à payer à la société Covea Risks la somme de 408. 962 euros outre intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2009 date de décaissement du solde de l'indemnité versée à la société Sanifa, à hauteur respective de 60 % pour la société Etablissements Bloch et de 40 % pour la société Dardonville et d'avoir condamné les sociétés Etablissements Bloch et Dardonville à payer à la société Covea Risks la somme de 144. 371 euros outre intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2009 date de décaissement du solde de l'indemnité versée à la société Sanifa à hauteur respective de 60 % pour la société Etablissements Bloch et de 40 % pour la société Dardonville ;
AUX MOTIFS QUE : « Le préjudice immatériel : (¿) les sociétés Sanifa et Covea Risks évaluent leur préjudice financier à la somme de 464 591 ¿ (364 591 ¿ au titre du préjudice d'exploitation et 100 000 ¿ au titre du bonus supplémentaire) ; (¿) concernant le premier poste, c'est vainement que la cour a recherché, dans les conclusions récapitulatives des sociétés Sanifa et Covea Risks, le détail de ce préjudice d'exploitation consécutif à l'abandon du chantier de Cruas ; (¿) il faut se reporter aux écritures de la Sas Etablissements Bloch (page 21) ou à celles de la société Dardonville (pages 26 et 27) pour trouver le détail précis de ces postes de dépense ; (¿) la lecture du rapport d'expertise versé aux débats (page 14) démontre qu'Alain X... a lui-même été confronté à des difficultés pour évaluer ce poste de préjudice puisqu'il écrit : « Bien que les intitulés de ces divers postes mentionnés ne soient pas apparus parfaitement clairs quant à leur contenu (location de machines ou amortissements d'investissements, dépenses de développement ou d'essais...), les dépenses évitées par rapport à ce qui se serait produit si le chantier avait été mené à bien apparaissent justifiées » ; (¿) il n'a d'ailleurs procédé à aucune analyse des postes de dépense qui lui ont été présentés ; (¿) les sociétés Etablissements Bloch et Dardonville ne manquent pas de souligner, avec raison, que l'expert a retenu un montant de dépenses évaluées et non basées sur des postes de dépense identifiées ; (¿) l'expert parle d'ailleurs de « dépenses annoncées par Sanifa pour le chantier abandonné de Cruas » (page 14 de son rapport) ; (¿) elles exposent que plusieurs des postes figurant à « l'état de pertes » de Sanifa présenté à l'expert ne sont pas justifiés ; (¿) la Cour est dans l'incapacité de le vérifier, les sociétés Sanifa et Covea Risks ne versant aux débats ni leur état des pertes, ni des factures justifiant de sa pertinence ; (¿) ainsi ces intimées contestent les postes suivants :- « essai de machines » (pour un montant de 13 671 ¿), considérant que ces dépenses relèvent du développement ou de la mise au point des machines,- « location de machines à Dyanergie » (pour un montant de 232 000 ¿), aux motifs que cette location n'est pas justifiée par des pièces comptables et que la société Sanifa n'a rien déboursé de ce chef ; (¿) s'agissant des « essais de machines », cette contestation ne peut qu'être prise en compte dans la mesure où les sociétés Sanifa et Covea Risks ne produisent ni devis, ni facture, ni preuve de paiement, permettant de savoir à quelle date et pour quelle raison auraient été engagées ces dépenses, à supposer qu'elles l'aient été ; (¿) concernant la « location de machines », on ne saurait déduire du fait que les sociétés Dyanergie et Suez sont toutes deux filiales du groupe Suez qu'aucune somme n'ait été versée pour cette location, à supposer qu'elle ait existé ; (¿) en revanche, c'est aux sociétés Sanifa et Covea Risks, qui demandent le paiement d'une somme, qu'il appartient d'apporter la preuve de leurs prétentions ; (¿) force est de constater qu'elles ne versent aux débats ni le contrat de location, ni la preuve d'un décaissement le concernant, ni une facture ni même la moindre pièce comptable ; (¿) la contestation des intimées ne peut donc qu'être prise en compte ; (¿) la société Etablissements Bloch écrit (page 21 de ses conclusions récapitulatives) que, sur les 341 436 ¿ correspondant à l'ensemble des postes de dépense résultant de l'« état des pertes » de la société Sanifa, il n'aurait été justifié que d'une facture d'un montant de 3 430, 09 ¿ ; (¿) en appel la cour constate que, sur les postes contestés, il n'est plus justifié de rien ; (¿) elle ne peut donc que prendre en compte l'offre des sociétés Etablissements Bloch et Dardonville d'évaluer le préjudice d'exploitation de la société Sanifa à la somme de 100 000 ¿ ; (¿) ainsi, du fait de la carence probatoire des appelants, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu un préjudice d'exploitation de 364 591 ¿ et, statuant à nouveau, de le fixer à la somme de 100 000 ¿ qui correspond à l'offre d'indemnisation ; (¿) concernant le second poste, l'expert X... écrit (page 21 de son rapport) « la société Sanifa réclamant une somme supplémentaire de 100 000 ¿ HT au titre d'un bonus prévu par le contrat si le rendement de l'opération à Cruas avait atteint une valeur minimale de 30 %. Or rien ne permet d'affirmer que ce bonus aurait été obtenu : Sanifa apportant comme démonstration les résultats du chantier du Bugey au cours duquel cette limite a été respectée pour une partie, l'autre partie faisant apparaître une valeur de rendement inférieure à 30 % » ; (¿) rien au dossier n'établit que les opérations de détartrage de la centrale de Cruas, si elles avaient été menées à leur terme, auraient permis d'en améliorer le rendement de 30 % ou plus ; (¿) si l'indemnisation d'un événement futur favorable est possible c'est à la condition que la survenance de cet événement ne soit pas simplement virtuelle, c'est à dire hypothétique, or l'expert qualifie ce bonus de 100 000 ¿ d'hypothétique (page 15 de son rapport) ; (¿) au surplus n'est indemnisable que la perte d'une chance réelle et sérieuse que l'événement se réalise ; (¿) en l'espèce aucune pièce n'est produite à l'appui de ce qui demeure une simple allégation ; (¿) la carence probatoire des sociétés Sanifa et Covea Risks fait que leurs demandes au titre de la perte d'une chance ne peuvent prospérer ; (¿) le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande de 100 000 ¿ de bonus au titre de la perte de chance » ;

1°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; qu'ainsi en considérant qu'il n'aurait pas été justifié du préjudice d'exploitation subi par la société Sanifa quand étaient annexés au rapport d'expertise judiciaire figurant au débat un état des pertes de la société Sanifa décomposant poste par poste le préjudice d'exploitation de cette dernière ainsi qu'un dire n° 3 des sociétés Sanifa et Covea Risk par lequel ces dernières ont communiqué les pièces comptables correspondant à ces chefs de préjudice, la cour d'appel a dénaturé par omission l'état des pertes de la société Sanifa et le dire n° 3 des sociétés Sanifa et Covea Risk annexés au rapport d'expertise judiciaire figurant au débat, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; qu'ainsi en considérant qu'aucune pièce n'aurait établi la réalité de la perte de chance, par la société Sanifa, d'obtenir un bonus de résultat de 100. 000 euros, quand ce bonus était clairement et sans équivoque prévu par le contrat conclu par les sociétés Sanifa et EDF pour la centrale de Cruas, la cour d'appel a dénaturé ce contrat par omission, en violation de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-30018
Date de la décision : 30/03/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 30 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 mar. 2016, pourvoi n°14-30018


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Marc Lévis, SCP Odent et Poulet, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.30018
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