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24/03/2016 | FRANCE | N°14-28397

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 24 mars 2016, 14-28397


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 8 septembre 2014), que le groupement agricole d'exploitation en commun La Romaine (le GAEC) a confié la construction de deux hangars à la société Perret, assurée auprès de la société GAN assurances (la société GAN) ; que, le 22 janvier 2008, la société Perret a assigné en paiement du solde des travaux le GAEC qui, invoquant les erreurs de conception mises en lumière par le rapport du bureau d'études techniques Eyraud, a sollicité une expertise par conclus

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 8 septembre 2014), que le groupement agricole d'exploitation en commun La Romaine (le GAEC) a confié la construction de deux hangars à la société Perret, assurée auprès de la société GAN assurances (la société GAN) ; que, le 22 janvier 2008, la société Perret a assigné en paiement du solde des travaux le GAEC qui, invoquant les erreurs de conception mises en lumière par le rapport du bureau d'études techniques Eyraud, a sollicité une expertise par conclusions du 14 avril 2008 ; que la société Perret a fait une déclaration de sinistre à la société GAN le 17 septembre 2010 avant de l'assigner en garantie le 21 décembre 2011 ; qu'une procédure de sauvegarde a été ouverte au bénéfice de la société Perret le 23 octobre 2013 ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que, dans son dispositif, le jugement, qui retenait l'existence d'une réception tacite, avait déclaré fondées les mises en cause de la garantie décennale et de la garantie responsabilité civile de la société GAN, la cour d'appel a pu en déduire que cette décision avait tranché une partie du principal et était susceptible d'appel ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant retenu que, dans ses conclusions du 14 avril 2008, le GAEC formait une demande d'expertise, invoquait des défauts de conception rendant les bâtiments dangereux et communiquait le rapport du BET Eyraud préconisant la démolition des ouvrages, la cour d'appel a pu en déduire que, dès cette date, la société Perret avait une connaissance suffisante du sinistre qu'elle pouvait déclarer à son assurance et retenir que la déclaration de sinistre ayant été faite le 17 septembre 2010, l'action contre l'assureur était prescrite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal :
Vu les articles L621-21 et L622-22 du code de commerce ;
Attendu que, pour condamner la société Perret à payer une certaine somme au GAEC, l'arrêt mentionne qu'il y a lieu de retenir le coût de reconstruction des hangars estimé par l'expert judiciaire et d'ordonner la compensation entre cette somme et le solde de travaux dû par le GAEC ;
Qu'en statuant ainsi, sans vérifier que le GAEC avait régulièrement déclaré sa créance à la procédure collective et alors que la reprise de l'instance après l'interruption due à l'ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut tendre qu'à la constatation de la créance et à la fixation de son montant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen du pourvoi principal et sur le pourvoi incident éventuel de la société GAN :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Perret à payer au GAEC La Romaine la somme de 326 923 euros, l'arrêt rendu le 8 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom, autrement composée ;
Met hors de cause la société GAN assurances ;
Condamne le GAEC La Romaine aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Perret et les sociétés AJ Partenaires et MJ synergie ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé l'appel de la société Gan Assurances recevable ;
AUX MOTIFS QUE dans le dispositif de son jugement du 31 mai 2013, le tribunal de commerce du Puy-en-Velay a statué en ces termes : « Déclare la mise en cause de la garantie décennale Gan Assurances fondée ainsi que celle relative au contrat de responsabilité civile de Gan Assurances » ; que ce faisant le tribunal de commerce s'est prononcé sans ambiguïté sur la mise en oeuvre des garanties contractuelles dues selon lui par la compagnie Gan Assurances et a donc tranché une partie du principal ; qu'en application par conséquent de l'article 544 alinéa 1er du code de procédure civile l'appel de cette décision est recevable (cf. arrêt, p. 6 § 12 et p. 7 § 1) ;
1°) ALORS QUE, dans son jugement du 31 mai 2013, le tribunal de commerce du Puy-en-Velay s'est borné à déclarer « la mise en cause de la garantie décennale Gan Assurances fondée ainsi que celle relative au contrat de responsabilité civile de Gan Assurances », après avoir retenu que l'appel en garantie de la société Perret à l'encontre de son assureur n'était pas prescrit, et sans se prononcer au fond sur cette garantie, énonçant expressément que le jugement était rendu avant dire droit ; qu'en décidant que, par ce chef de dispositif, le tribunal avait tranché une partie du principal, la cour d'appel a dénaturé ce jugement et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les jugements déclarant l'action recevable et ordonnant une mesure d'instruction ne peuvent être immédiatement frappés d'appel que s'ils tranchent, dans leur dispositif, une partie du principal ; qu'ainsi, le jugement statuant sur une fin de non-recevoir ou tout autre incident sans mettre fin à l'instance, ou qui se borne à maintenir dans la cause l'une des parties, ne peut être frappé immédiatement d'appel ; qu'en l'espèce, le jugement du 31 mai 2013 s'est borné à écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la société Gan Assurances sans mettre fin à l'instance, à maintenir dans la cause cet assureur et à ordonner une expertise ; qu'en décidant que le tribunal avait tranché une partie du principal, tandis qu'il avait seulement ordonné une expertise, après avoir écarté une fin de non-recevoir et maintenu dans la cause la société Gan Assurances, la cour d'appel a violé les articles 122, 544 et 545 du code de procédure civile.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE) :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Perret de son action en garantie contre la compagnie Gan Assurances, en retenant la prescription biennale de cette action ;
AUX MOTIFS QUE concernant la prescription soulevée par l'assureur sur le fondement de l'article L. 114-1 du code des assurances, qu'il s'agit de déterminer à partir de quel moment la SARL Perret était en mesure de connaître l'existence et l'importance des désordres, pouvant relever de la garantie décennale, affectant les bâtiments qu'elle avait construits pour le GAEC La Romaine ; qu'en effet, selon l'article L. 114 - 1 du code des assurances : « Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Toutefois, ce délai ne court : (...) 2º En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là» ; qu'il résulte du dossier que le 22 janvier 2008 la SARL Perret a assigné le GAEC La Romaine devant le tribunal de commerce du Puy-en-Velay afin d'obtenir à titre principal le paiement de la somme de 13 728,72 EUR pour solde des travaux réalisés ; qu'il n'est pas indifférent de noter ici que le refus de règlement opposé par le GAEC était en partie motivé par les craintes du maître de l'ouvrage concernant la solidité des bâtiments, dont il avait informé le gérant de la SARL Perret par lettre du 13 décembre 2007 en ces termes : «Les armatures de support sont insuffisantes pour résister aux vents violents fréquents à 1000 m d'altitude (...) Leur rupture entraînerait de façon certaine des dégâts irrémédiables sur les bâtiments nous privant de leur exploitation pendant de longs mois (...) Vous comprendrez ainsi pourquoi nous attachons autant d'importance à la solidité de la structure » ; que cette lettre a été reçue par la SARL Perret qui en fait état dans son assignation page 6 ; que pour sa défense lors de cette procédure, suivant conclusions prises le 14 avril 2008 afin de s'opposer au règlement des sommes réclamées et de solliciter une expertise, le GAEC La Romaine faisait valoir que le chantier avait pris beaucoup de retard ; que la couleur des bardages n'était pas conforme à la commande ; qu'il existait des défauts de finitions, et qu'un rapport du bureau d'études Eyraud en date du 10 février 2008 mettait en évidence des défauts de conception rendant les bâtiments dangereux ; que plus précisément le BET Eyraud concluait dans ce rapport, à l'issue d'analyses techniques dont la qualité et la rigueur ne sont pas contestables : « Les sections des poteaux de charpente et des traverses sont sous-dimensionnées. Les contraintes admissibles sont largement dépassées. Les assemblages, à moins d'une justification particulaire sic , sont sous-dimensionnés. À la seule vérification des portiques, on en conclut que ces bâtiments ne sont pas correctement conçus. Ils ne répondent pas aux normes de résistance. Plus grave encore, en cas de précipitation de neige importante, il y a risque d'effondrement des bâtiments. Il est nécessaire de mettre en oeuvre des mesures conservatoires de ces ouvrages » ; que ces conclusions alarmantes étaient reproduites intégralement dans les écritures prises par le GAEC La Romaine le 14 avril 2008 auxquelles le rapport était joint (pièce nº 23) ; que le GAEC y ajoutait ces commentaires : « En outre il existe un important problème au niveau du respect des normes de résistance pour les portiques des deux bâtiments (...) ; Attendu qu'à la lecture dudit Rapport, il ressort que les bâtiments tels que livrés par la société demanderesse sont outre non conformes, mais également dangereux » (pages 8 et 9) ; que l'expert mandaté par le tribunal a ensuite approuvé le rapport Eyraud et confirmé en termes quasi identiques la nature et l'importance des désordres rendant les immeubles dangereux et impropres à leur destination (cf. rapport de M. X... pages 12 à 14) ; par conséquent que dès la notification des écritures du GAEC La Romaine datées du 14 avril 2008 et accompagnées du rapport Eyraud dont les conclusions à ce sujet étaient dépourvues de toute ambiguïté, la SARL Perret a eu connaissance des graves désordres affectant les immeubles qu'elle avait construits ; que ces écritures, apportant une information suffisante à la SARL Perret, faisaient donc courir le délai de deux ans prévu par le texte ci-dessus, de telle sorte que le sinistre pouvait valablement être déclaré auprès de la compagnie Gan Assurances jusqu'au 14 avril 2010 ; que cette déclaration a été effectuée par la SARL Perret seulement le 17 septembre 2010, cette date n'étant pas contestée, et que dès lors son action contre l'assureur est prescrite ; qu'aucune demande contre la compagnie Gan Assurances ne peut donc prospérer (cf. arrêt, p. 7 et 8) ;
ALORS QUE, lorsque l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier ; qu'en décidant que le point de départ de la prescription biennale de l'action en garantie de la société Perret à l'encontre de la société Gan Assurances devait être fixé au jour où la société Perret a eu « une information suffisante » sur le sinistre par les conclusions du GAEC La Romaine signifiées le 14 avril 2008 (arrêt, p. 8 § 4), sans constater que ces écritures constituaient une action en justice à l'encontre de la société Perret par laquelle il lui aurait réclamé une indemnisation, laquelle réclamation ne sera formalisée qu'à l'occasion d'écritures signifiées le 22 novembre 2012, soit après la déclaration de sinistre puis l'appel en garantie formé contre la société Gan Assurances, ce qui excluait toute prescription de cet appel en garantie, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du code des assurances.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
:
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Perret à payer au GAEC La Romaine la somme principale de 326.923 ¿ hors taxes, qui sera appréciée à la date du paiement en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction depuis le 14 juin 2011, le taux de TVA en vigueur étant appliqué lors du règlement ;
AUX MOTIFS QUE le coût de reconstruction des hangars s'élève d'après l'expert judiciaire à 391.000 EUR TTC (TVA à 19,6 %) soit 326.923 EUR hors-taxes ; que la SARL Perret n'apporte aucun élément probant de nature à contester efficacement cette évaluation qui sera donc retenue par la cour ; que la somme de 326.923 EUR hors-taxes sera appréciée à la date du paiement en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction depuis l'expertise soit le 14 juin 2011 ; que le taux de TVA en vigueur sera appliqué ensuite au moment du règlement (cf. arrêt, p. 9) ;
1°) ALORS QUE le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt toute action en justice exercée par un créancier antérieur à l'encontre du débiteur et tendant à sa condamnation au paiement d'une somme d'argent ; que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait déclaré sa créance, après l'appel en la cause du mandataire judiciaire, le cas échéant de l'administrateur ou du commissaire à l'exécution du plan, mais ne peuvent, une fois reprises, que tendre à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ; qu'en condamnant la société Perret, alors placée en procédure de sauvegarde, à payer au GAEC La Romaine la somme principale de 326.923 ¿, sans rechercher, au besoin d'office, si le GAEC avait régulièrement déclaré sa créance à la procédure collective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-21 et L. 622-22 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt toute action en justice exercée par un créancier antérieur à l'encontre du débiteur et tendant à sa condamnation au paiement d'une somme d'argent ; que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait déclaré sa créance, après l'appel en la cause du mandataire judiciaire, le cas échéant de l'administrateur ou du commissaire à l'exécution du plan, mais ne peuvent, une fois reprises, que tendre à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir constaté qu'une procédure de sauvegarde avait été ouverte à l'encontre de la société Perret par le tribunal de commerce de Saint-Etienne le 23 octobre 2013 (arrêt, p. 6 § 8), a néanmoins condamné cette société à payer au GAEC La Romaine la somme principale de 326.923 ¿ ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
:
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Perret à payer au GAEC La Romaine la somme principale de 326.923 € hors taxes, qui sera appréciée à la date du paiement en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction depuis le 14 juin 2011, le taux de TVA en vigueur étant appliqué lors du règlement ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article 1792 du code civil : « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère» ; qu'unanimement le GAEC La Romaine et la SARL Perret plaident devant la cour que la réception des travaux a eu lieu de manière tacite (cf. conclusions du GAEC La Romaine page 13, et conclusions de la SARL Perret page 14) ; qu'il ressort tant du rapport réalisé par le BET Eyraud le 10 février 2008 (ci-dessus) que de l'expertise judiciaire et contradictoire effectuée par M. X... le 14 juin 2011, que les ouvrages construits par la SARL Perret sont atteints de graves malfaçons les rendant impropres à leur destination ; que M. X... expose la situation en ces termes non équivoques : « Nous partageons totalement les conclusions du BET Eyraud (...) Il ne s'agit pas de simples malfaçons, mais d'un défaut de conception déterminant qui fait de ces hangars des constructions inacceptables, car dangereuse en cas de survenance de phénomènes météorologiques conformes au climat de la zone. Il faut donc démolir les constructions réalisées et les refaire conformes à la réglementation neige et vent applicable à la zone. Le coût de cette opération peut être estimé à 391.000 EUR TTC » (rapport pages 12 et 14) ; qu'avant de proposer la solution ultime consistant dans la démolition et la reconstruction des ouvrages, l'expert judiciaire a envisagé d'autres possibilités, mais a dû les écarter en raison de difficultés liées à l'exploitation des bâtiments, qu'il résume ainsi page 13 : « Nous avons dans un premier temps imaginé qu'il serait possible de renforcer la structure des hangars, par exemple en installant des poteaux intermédiaires pour reprendre les surcharges et en renforçant les portiques. Bien qu'étudiée et chiffrée, cette solution s'est avérée très rapidement incompatible avec l'exploitation des hangars. En effet, dans la bergerie, le tapis distributeur d'alimentation des bêtes et la chaîne de curage de la bergerie sont précisément placés aux emplacements des poteaux à poser en renfort. Cette solution est donc très gênante et incompatible avec une exploitation normale. Dans le hangar de stockage, il faut que les engins puissent circuler librement pour gerber le fourrage sous la toiture, ce qui interdit pratiquement de rajouter des poteaux. Il ne reste donc comme solution que celle de démonter les deux hangars en essayant autant que possible de récupérer les matériaux réutilisables, et de reconstruire deux hangars dont les caractéristiques correspondraient aux normes en vigueur, ce qui permettrait au GAEC La Romaine de disposer d'installations conformes à ce qu'elles auraient dû être initialement » ; que le coût de reconstruction des hangars s'élève d'après l'expert judiciaire à 391.000 EUR TTC (TVA à 19,6 %) soit 326.923 EUR hors-taxes ; que la SARL Perret n'apporte aucun élément probant de nature à contester efficacement cette évaluation qui sera donc retenue par la cour ; que la somme de 326.923 EUR hors-taxes sera appréciée à la date du paiement en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction depuis l'expertise soit le 14 juin 2011 ; que le taux de TVA en vigueur sera appliqué ensuite au moment du règlement (cf. arrêt, p. 8 et 9) ;
ALORS QUE ne relèvent pas de la garantie décennale les désordres qui ne compromettent pas actuellement la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination, ou pour lesquels le juge n'a pas constaté que l'atteinte à la destination de l'ouvrage interviendrait avec certitude dans le délai décennal ; qu'en l'espèce, la société Perret faisait valoir que l'expert judiciaire, dont elle soulignait qu'il avait déposé son rapport en l'état, sans le compléter, ne faisait état que de risques qui ne s'étaient pas réalisés ; qu'en considérant que « les ouvrages construits par la SARL Perret sont atteints de graves malfaçons les rendant impropres à leur destination » (arrêt, p. 8 § 10), en se fondant sur les observations du BET Eyraud et de l'expert judiciaire M. X..., lesquels faisaient seulement état de risques liés à un prétendu défaut de conception de l'ouvrage, le rendant dangereux, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 10), si l'ouvrage était d'ores et déjà affecté de désordres de nature décennale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil.

Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société GAN assurances
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR condamné la SARL Perret à payer au GAEC La Romaine la somme de 326.923 euros hors taxes ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article 1792 du code civil : « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère» ; qu'unanimement le GAEC La Romaine et la SARL Perret plaident devant la cour que la réception des travaux a eu lieu de manière tacite (cf. conclusions du GAEC La Romaine page 13, et conclusions de la SARL Perret page 14) ; qu'il ressort tant du rapport réalisé par le BET Eyraud le 10 février 2008 (ci-dessus) que de l'expertise judiciaire et contradictoire effectuée par M. X... le 14 juin 2011, que les ouvrages construits par la SARL Perret sont atteints de graves malfaçons les rendant impropres à leur destination que M. X... expose la situation en ces termes non équivoques : « Nous partageons totalement les conclusions du BET Eyraud (..) Il ne s'agit pas de simples malfaçons, mais d'un défaut de conception déterminant qui fait de ces hangars des constructions inacceptables, car dangereuse en cas de survenance de phénomènes météorologiques conformes au climat de la zone. Il faut donc démolir les constructions réalisées et les refaire conformes à la réglementation neige et vent applicable à la zone. Le coût de cette opération peut être estimé à 391.000 EUR TTC » (rapport pages 12 et 14) ; qu'avant de proposer la solution ultime consistant dans la démolition et la reconstruction des ouvrages, l'expert judiciaire a envisagé d'autres possibilités, mais a dû les écarter en raison de difficultés liées à l'exploitation des bâtiments, qu'il résume ainsi page 13 : « Nous avons dans un premier temps imaginé qu'il serait possible de renforcer la structure des hangars, par exemple en installant des poteaux intermédiaires pour reprendre les surcharges et en renforçant les portiques. Bien qu'étudiée et chiffrée, cette solution s'est avérée très rapidement incompatible avec l'exploitation des hangars. En effet, dans la bergerie, le tapis distributeur d'alimentation des bêtes et la chaîne de curage de la bergerie sont précisément placés aux emplacements des poteaux à poser en renfort. Cette solution est donc très gênante et incompatible avec une exploitation normale. Dans le hangar de stockage, il faut que les engins puissent circuler librement pour gerber le fourrage sous la toiture, ce qui interdit pratiquement de rajouter des poteaux. Il ne reste donc comme solution que celle de démonter les deux hangars en essayant autant que possible de récupérer les matériaux réutilisables, et de reconstruire deux hangars dont les caractéristiques correspondraient aux normes en vigueur, ce qui permettrait au GAEC La Romaine de disposer d'installations conformes à ce qu'elles auraient dû être initialement ; que le coût de reconstruction des hangars s'élève d'après l'expert judiciaire à 391.000 EUR TTC (TVA à 19,6 %) soit 326.923 EUR hors-taxes ; que la SARL Perret n'apporte aucun élément probant de nature à contester efficacement cette évaluation qui sera donc retenue par la cour ; que la somme de 326.923 EUR hors-taxes sera appréciée à la date du paiement en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction depuis l'expertise soit le 14 juin 2011 ; que le taux de TVA en vigueur sera appliqué ensuite au moment du règlement (cf. arrêt, p. 8 et 9) ;
ALORS QUE la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; qu'elle peut intervenir tacitement lorsque le maître de l'ouvrage a manifesté de manière non équivoque sa volonté de réceptionner les travaux ; qu'il était en l'espèce constant et non contesté que constatant de nombreuses malfaçons, le maître de l'ouvrage avait refusé de payer le solde des travaux à la société Perret ; qu'en se bornant à retenir, pour juger la responsabilité de la société Perret engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil, que le GAEC La Romaine et la société Perret avaient unanimement plaidé devant elle que la réception avait eu lieu de manière tacite, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1792-6 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-28397
Date de la décision : 24/03/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 08 septembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 24 mar. 2016, pourvoi n°14-28397


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Marc Lévis, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.28397
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