LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu qu'en vertu de ce texte, les prétentions des parties formulées dans les conclusions d'appel sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant contrat conclu le 3 avril 2008, l'EARL Rose des vents (l'EARL) s'est engagée auprès de la société Teldis élevage, aux droits de laquelle vient la société Terrena (la société), à engraisser des lots de jeunes bovins contre l'assurance d'un prix minimum garanti ; que, l'année suivante, son cheptel a connu un épisode de pathologie respiratoire entraînant une mortalité importante ; qu'imputant ce sinistre à la livraison par la société d'un veau porteur d'une maladie virale, l'EARL a assigné son cocontractant en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que l'arrêt déclare cette action irrecevable, après avoir relevé que la société avait soulevé, dans ses dernières conclusions, une fin de non-recevoir tirée de l'inobservation des règles propres à la garantie des vices rédhibitoires en matière de vente d'animaux domestiques ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que cette fin de non-recevoir n'était pas énoncée au dispositif des dernières conclusions de la société, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Terrena aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Terrena, et la condamne à payer à l'EARL Rose des vents la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Rose des vents
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré l'Earl Rose des Vents irrecevable en son action ;
AUX MOTIFS QUE sauf convention contraire, l'action en garantie, dans les ventes ou échanges d'animaux est régie par les dispositions des articles L.213-1 à L.213-9 du code rural ; que ces dispositions constituent un régime spécifique de garantie, soumis à une procédure restrictive, dérogeant au droit commun, et qui doit être appliqué d'office ; qu'en l'espèce, l'Earl Rose des vents soutient que la société Teldis a manqué à ses obligations contractuelles en omettant, pour reprendre les termes de ses dernières conclusions (p. 11) « de (lui) livrer des animaux vaccinés et (...) (de l'informer) de la livraison de bovins porteurs de l'IBR, contrevenant à ce titre aux dispositions de l'arrêté du 27 novembre 2006 » ; que la société appelante cherche à démontrer que la société Teldis lui a livré des bovins atteints de rhino-trachéite infectieuse (IBR), qu'au demeurant il a pu être établi, selon elle, que l'un des veaux livrés par la société Teldis était porteur de l'IBR et a pu être identifié et qu'il est donc ainsi établi que ce bovin a contaminé le reste de l'élevage, provoquant des pertes d'animaux et des frais induits dont l'Earl Rose des vents demande réparation ; qu'ainsi, sous couvert d'une action en responsabilité contractuelle de droit commun, l'Earl Rose des vents invoque l'existence d'un vice rédhibitoire dont, selon elle, au moins l'un des animaux qui lui ont été vendus était atteint et qui, toujours selon elle, est à l'origine des dommages dont elle demande réparation ; que conformément aux dispositions de l'article R.213-1 du code rural, la rhino-trachéite infectieuse est en effet l'une des maladies de l'espèce bovine, réputée être un vice rédhibitoire donnant ouverture à l'action en garantie susvisée, laquelle doit s'appliquer, à défaut de convention contraire ; qu'il n'est pas soutenu que les parties aient convenu d'écarter l'application des dispositions précitées, de sorte que l'Earl Rose des vents avait l'obligation d'engager son action dans le cadre des dispositions légales spécifiques et dérogatoires, en provoquant la nomination d'experts chargés de dresser procès-verbal selon la procédure fixée par l'article R.213-3 du code rural et dans le respect des délais fixés à l'article R.213-5 ; qu'à défaut d'avoir agi dans le cadre de ces dispositions, l'Earl Rose des vents est irrecevable dans toutes ses demandes, y compris en sa demande subsidiaire de mise en oeuvre d'une mesure d'expertise ; que le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'action de l'Earl Rose des vents pour n'avoir pas respecté les dispositions précitées est dans la cause, dès lors que le premier juge, l'a écarté dans ses motifs et que, même si elle ne le reprend pas dans le dispositif de ses conclusions, la société Terrena soulève cette fin de non-recevoir dans ses dernières conclusions, l'Earl Rose des vents y répondant pour sa part dans les siennes ; que le jugement entrepris sera donc infirmé et l'Earl Rose des vents sera déclarée irrecevable en son action ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif ; que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties ; qu'en déclarant irrecevable l'action de l'Earl Rose des Vents, tout en constant que le moyen tiré de l'irrecevabilité de cette action ne figurait pas dans le dispositif des conclusions d'appel de la société Terrena (arrêt attaqué, p. 4, alinéa 3), la cour d'appel a violé l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile.
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les dispositions qui régissent la garantie légale de conformité, telles que définies par les articles L.213-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, ne sont applicables qu'aux ventes d'animaux domestiques conclues entre un vendeur agissant au titre de son activité professionnelle ou commerciale et un acheteur agissant en qualité de consommateur ; qu'en considérant que seules devaient être mises en oeuvre en l'espèce les règles légales de la garantie des vices rédhibitoires dans la vente d'animaux domestiques, de sorte que l'action de l'Earl Rose des Vents était irrecevable par application des dispositions de l'article R.213-5 du code rural et de la pêche maritime, cependant que la vente litigieuse n'est pas intervenue entre un professionnel et un consommateur mais entre deux professionnels, la cour d'appel a violé les textes précités par fausse application ;
ET ALORS, ENFIN, QUE toute action ayant un fondement autre que celui du vice rédhibitoire échappe à la garantie légale telle que définie par les articles L.213-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime ; que dans ses écritures d'appel (conclusions du 2 mai 2014, p. 7, alinéas 3 à 7 et p. 14), l'Earl Rose des Vents faisait valoir qu'elle n'invoquait pas un vice rédhibitoire mais qu'elle sollicitait l'annulation des contrats de financement Teldis en date des 30 octobre 2008, 5 avril et 7 mai 2009, en raison notamment d'un manquement de la société Teldis Elevage à son obligation de conseil ; qu'en considérant toutefois que les demandes de l'Earl Rose des Vents étaient fondée sur la garantie légale relatives aux vices rédhibitoire affectant les animaux, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L.213-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, outre l'article 1147 du code civil par refus d'application.