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17/03/2016 | FRANCE | N°14-20114

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 mars 2016, 14-20114


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 15 mai 2014), que M. X... a été engagé par la société SARL Serdis (société Serdis) selon contrat à durée indéterminée en date du 11 mars 2002 en qualité de vendeur représentant de produits de distribution en gros alimentaires ou non alimentaires sur le secteur de la Côte Ouest, ses attributions consistant essentiellement à développer les ventes d'une gamme prédéfinie de produits auprès d'une clientèle prédéterminée et ne comport

ant pas à son profit la concession d'un secteur géographique ni d'un secteur de cli...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 15 mai 2014), que M. X... a été engagé par la société SARL Serdis (société Serdis) selon contrat à durée indéterminée en date du 11 mars 2002 en qualité de vendeur représentant de produits de distribution en gros alimentaires ou non alimentaires sur le secteur de la Côte Ouest, ses attributions consistant essentiellement à développer les ventes d'une gamme prédéfinie de produits auprès d'une clientèle prédéterminée et ne comportant pas à son profit la concession d'un secteur géographique ni d'un secteur de clientèle ; que le 23 juillet 2010, suite à une décision de réorganisation des secteurs, il a été indiqué au salarié que le secteur de Nouméa lui serait affecté en lieu et place de celui de la Côte Ouest à compter du 30 août 2010 ; que le 3 septembre 2010, le salarié a été placé en arrêt maladie, cet arrêt étant prolongé jusqu'au 18 juin 2011 puis ultérieurement renouvelé ; qu'ayant fait valoir en vain auprès de l'employeur que la modification de son secteur géographique qu'il avait acceptée entraînait incontestablement une baisse significative de sa rémunération, il a pris acte le 8 avril 2011 de la rupture de son contrat de travail et saisi la juridiction du travail afin de faire juger que sa prise d'acte de la rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de la société Serdis à lui payer diverses sommes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de décider que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité de préavis, des congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse et à titre d'indemnité de frais irrépétibles alors, selon le moyen :
1°/ que, premièrement, la réorganisation des secteurs de prospection non contractuels des salariés exerçant des fonctions commerciales relève des pouvoirs du chef d'entreprise lorsqu'elle n'a pas pour conséquence nécessaire une baisse de la rémunération ; qu'en décidant, en l'espèce, que l'amputation d'une catégorie de clientèle, envisagée par l'employeur au moment de la proposition de changement de secteur de prospection, justifiait une prise d'acte de la rupture dès lors qu'elle était susceptible d'entraîner une baisse de rémunération et par conséquent emportait modification du contrat de travail, sans rechercher si, à la date de la prise d'acte, la modification de la clientèle confiée à M. X... ne devait pas être compensée, en terme de volume d'affaires, par les effets de la réorganisation ainsi que par les effets de la spécialisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que, deuxièmement, et en toute hypothèse, les manquements de l'employeur doivent être appréciés au moment de la prise d'acte de la rupture ; que la prise d'acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail qu'en cas de manquements graves, réels et actuels de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; qu'en décidant, en l'espèce, que la prise d'acte, le 8 avril 2011, de la rupture du contrat de travail était justifiée par la modification d'éléments du contrat de travail susceptibles de conduire à une baisse de rémunération, bien qu'une telle baisse de rémunération n'était qu'éventuelle et ne pouvait intervenir qu'à l'issue d'une période de garantie de rémunération pendant laquelle les effets des stipulations litigieuses étaient suspendus, de sorte que les manquements reprochés à l'employeur n'étaient, à la date de la prise d'acte, ni réels ni actuels, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a, par une appréciation souveraine des éléments de faits et de preuve qui lui étaient soumis, constaté, au vu des données chiffrées produites, qu'au jour de la prise d'acte, la perspective d'une diminution importante de la part de rémunération variable n'était pas hypothétique ; que sans avoir à effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, elle a pu en déduire qu'en imposant au salarié un nouveau secteur de clientèle qui avait pour conséquence prévisible d'entraîner une baisse substantielle de sa rémunération et en maintenant sa position malgré le refus argumenté du salarié, l'employeur avait unilatéralement modifié le contrat de travail, faisant ainsi ressortir qu'un tel manquement était de nature à en empêcher la poursuite ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Serdis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Serdis à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Serdis.
L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a décidé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant la société SERDIS à payer à M. X... diverses sommes à titre d'indemnité de préavis, des congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement, de l'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse et à titre d'indemnité de frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE la cour relève tout d'abord : - qu'il n'est pas contesté par l'employeur que le document intitulé "Secteur François X... Changement le 30 août 2010" émane de ses services ; qu'il est d'ailleurs logique qu'en impartissant à son salarié un nouveau secteur de clientèle, l'employeur lui ait transmis la liste des clients, - que M. X... admet avoir porté sur cette liste les croix en face de certains clients ainsi que les mentions manuscrites "en jaune secteur attribué à un autre représentant (croix) spécialisé dans la restauration 5.436.266 F CFP", cette réduction du secteur lui ayant été annoncée par la directrice commerciale ; qu'ensuite si l'employeur conteste expressément désormais avoir envisagé une réduction du secteur par amputation de la restauration, il convient de constater que la société SERDIS, dans sa réponse du 18 février 2011 à la lettre du 26 janvier 2011 dans laquelle M. X... rappelait clairement les nouvelles données d'activité qui lui avaient été annoncées "j'allai être affecté à la prospection du secteur de Nouméa qui allait lui-même être amputé d'une partie de la clientèle qui en était antérieurement partie intégrante".. "secteur nouveau qui dans sa configuration nouvelle représente un chiffre d'affaires mensuel de l'ordre de quinze millions de francs", n'a pas remis en cause la configuration du secteur exprimée par le salarié "vous indiquez dans votre courrier que le secteur en cause aurait engendré un chiffre d'affaires de 15.000.000 F CFF" mais a opposé à M. X... le fait de ne pas avoir commencé à prospecter son nouveau secteur; qu'il s'en déduit suffisamment, qu'ainsi que le soutient le salarié, il lui avait bien été proposé un secteur partiellement amputé de la clientèle restauration ; que, dans le même sens, l'employeur, dans ses conclusions de première instance des 26 décembre 2011 et 9 mai 2012, ne remettait pas en cause la réalité de la reconfiguration du secteur telle qu'affirmée par son salarié, mais argumentait essentiellement sur l'absence de modification de la rémunération variable dès lors que l'assiette de calcul et le taux étaient inchangés ; que le fait qu'un tableau comparatif ait été établi en 2012 intégrant l'ensemble du secteur non amputé des clients listés par M. X... ne saurait faire la preuve qu'initialement cette restriction de secteur ne lui avait pas été proposée ; que la cour juge donc établi qu'au 30 août 20101 il a été proposé à M. X... un secteur amputé de la clientèle restauration ; qu'elle observe que dans le cas où aucune modification du secteur n'avait été prévue, on peut s'interroger sur le manque de loyauté contractuelle de la part de l'employeur à maintenir le salarié dans la conviction de données capitales inexactes qui guidaient de manière exclusive son comportement de refus ; qu'ensuite qu'il résulte des données chiffrées, non discutées, qu'au 30 août 2010, le chiffre d'affaires sur la base duquel devait être calculée la part de rémunération variable de M. X... allait, au vu des chiffres produits par l'employeur, être inférieur d'environ 55 % au chiffre d'affaires de l'ordre de 30 millions F CFP du secteur antérieur et que même si l'on retient la version de l'employeur d'un secteur inchangé, cette diminution était de l'ordre de 37% ce qui constitue une diminution également très importante ; qu'au jour de la prise d'acte de la rupture - moment auquel il convient de se placer pour apprécier les perspectives définitives de perte de rémunération et la faute de l'employeur - la perspective d'une diminution importante de la part de rémunération variable n'était pas hypothétique ; que la proposition par l'employeur de garantir pendant une durée de 6 mois le montant de son salaire moyen brut des 12 derniers mois en est une parfaite démonstration ; que c'est la possibilité pour le salarié de réussir en 6 mois à rétablir un chiffre d'affaires de l'ordre de 30 millions F CFP en partant d'un chiffre de 13,3 millions ou même de 18,7 millions qui était hypothétique ; que le fait que les comptes de l'exercice 2011 aient établi, a posteriori, qu'il n'y aurait pas eu diminution du chiffre d'affaires ne saurait constituer une preuve a contrario du caractère non hypothétique de la réduction de rémunération, les conditions de réalisation de ce chiffre d'affaires avec une prospection répartie entre plusieurs représentants n'étant pas comparables ; que la mise en oeuvre d'une clause de mobilité ne peut être imposée au salarié lorsqu'elle entraîne une réduction substantielle de sa rémunération ; que si la clause de mobilité insérée au contrat autorisait l'employeur à modifier le secteur géographique attribué à M. X... - ce que celui-ci ne conteste pas - c'est sous réserve de maintenir un secteur de prospection d'importance équivalente ce qui doit s'entendre comme de nature à garantir une rémunération variable à un niveau financièrement proche ; qu'en l'espèce, en imposant à M. X... un nouveau secteur de clientèle qui avait pour conséquences prévisible d'entraîner une baisse substantielle de sa rémunération et en maintenant sa position malgré le refus argumenté du salarié, l'employeur a unilatéralement modifié le contrat de travail ce qui rendait M. X... fondé à prendre acte de la rupture aux torts de celui-ci ; qu'en conséquence, sur infirmation, la cour juge que la rupture dont M. X... a pris acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse aux torts de la société SERDIS ;
ALORS QUE, premièrement, la réorganisation des secteurs de prospection non contractuels des salariés exerçant des fonctions commerciales relève des pouvoirs du chef d'entreprise lorsqu'elle n'a pas pour conséquence nécessaire une baisse de la rémunération ; qu'en décidant, en l'espèce, que l'amputation d'une catégorie de clientèle, envisagée par l'employeur au moment de la proposition de changement de secteur de prospection, justifiait une prise d'acte de la rupture dès lors qu'elle était susceptible d'entraîner une baisse de rémunération et par conséquent emportait modification du contrat de travail, sans rechercher si, à la date de la prise d'acte, la modification de la clientèle confiée à M. X... ne devait pas être compensée, en terme de volume d'affaires, par les effets de la réorganisation ainsi que par les effets de la spécialisation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en toute hypothèse, les manquements de l'employeur doivent être appréciés au moment de la prise d'acte de la rupture ; que la prise d'acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail qu'en cas de manquements graves, réels et actuels de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; qu'en décidant, en l'espèce, que la prise d'acte, le 8 avril 2011, de la rupture du contrat de travail était justifiée par la modification d'éléments du contrat de travail susceptibles de conduire à une baisse de rémunération, bien qu'une telle baisse de rémunération n'était qu'éventuelle et ne pouvait intervenir qu'à l'issue d'une période de garantie de rémunération pendant laquelle les effets des stipulations litigieuses étaient suspendus, de sorte que les manquements reprochés à l'employeur n'étaient, à la date de la prise d'acte, ni réels ni actuels, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-20114
Date de la décision : 17/03/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 15 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 mar. 2016, pourvoi n°14-20114


Composition du Tribunal
Président : M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.20114
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