LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 avril 2014), que Mme X... a été engagée le 22 février 2010 par la fondation Armée du salut en qualité d'agent de service ; qu'ayant été licenciée pour faute grave le 18 avril 2011, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée est abusif et de le condamner à verser des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement, de salaire durant la mise à pied et d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 4, alinéa 4, du règlement intérieur de la Fondation stipule que « la délégation du président au directeur général concerne en particulier l'ensemble des activités opérationnelles, administratives et financières nécessaires à la bonne marche quotidienne de la Fondation » ; qu'à défaut d'exclusion, ces dispositions conféraient au directeur général le pouvoir de procéder à tous les actes nécessaires à la bonne marche quotidienne de l'association, sans distinction ; que le licenciement d'un salarié, dans un organisme qui en emploie plusieurs milliers, peut être regardé comme un acte administratif ordinaire et que le remplacement d'un salarié employé dans un EHPAD peut être une mesure nécessaire à la bonne marche quotidienne de l'établissement ; qu'en affirmant que le directeur général de la fondation de l'Armée du salut ne pouvait se voir déléguer par le président le pouvoir de prononcer des licenciements, et qu'il ne pouvait, par suite, pas subdéléguer à la directrice de la résidence Boris Antonoff le pouvoir de licencier Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-5 du code du travail ;
2°/ que la faute grave peut être retenue même en l'absence de mauvaise volonté délibérée ou de malveillance ; que lorsqu'un salarié ne peut légitimement ignorer qu'une erreur de sa part dans l'exercice de l'une de ses fonctions aurait des conséquences très graves pour son employeur et/ ou pour les clients ou les patients de ce dernier, le fait de commettre une telle erreur peut caractériser une inattention fautive ; qu'en retenant que la méprise commise par Mme X... lors de la distribution des médicaments ne pouvait être qualifiée de faute en l'absence de caractérisation d'une volonté de nuire ou de malveillance, sans prendre en considération la circonstance que la personne âgée concernée était tombée dans le coma et avait été hospitalisée d'urgence, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-5 du code du travail ;
Mais attendu que l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ;
Et attendu que la cour d'appel, ayant relevé que si le règlement intérieur de la fondation permet au président de déléguer certains de ses pouvoirs au directeur général, les articles 3 et 4 de ce règlement limitent cette possibilité aux actes de gestion courante administrative ou financière, en particulier aux activités opérationnelles, administratives et financières nécessaires à la bonne marche quotidienne de la fondation, ainsi qu'aux mesures nécessaires à la préparation des décisions du conseil d'administration, du bureau et du président, a retenu que la délégation ne pouvait porter sur le pouvoir de licencier ; qu'elle en a exactement déduit, par ce seul motif, que le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y lieu d'examiner le second grief du moyen :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la fondation Armée du salut aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la fondation Armée du salut à payer à la SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade la somme de 2 000 euros, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour la fondation Armée du salut
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Fondation de l'Armée du Salut à verser à Mme X... une somme de 1. 604 ¿ à titre de dommages-intérêts pour absence d'institutions représentatives du personnel ;
AUX MOTIFS QUE l'absence de délégué du personnel a causé un préjudice à Mme X... dès lors que l'article 03. 01. 6 de la convention collective FEHAP du 3 octobre 1951 prévoit que les délégués du personnel sont informés des licenciements pour motif disciplinaire avant exécution de la décision ; que si cet article n'est pas étendu et que la Fondation de l'Armée du Salut n'est pas affiliée à une organisation signataire ou adhérente, la mention de cette convention collective dans le règlement intérieur et dans le contrat de travail de la salariée vaut reconnaissance de l'application volontaire de ladite convention par l'employeur, y compris pour les articles non étendus ;
ALORS QUE l'application volontaire par un employeur d'une convention collective n'implique pas, à elle seule, l'engagement d'appliquer les dispositions de ses avenants non étendus ; que l'article 03. 01. 6 résulte de l'avenant, non étendu, n° 97-09 du 25 novembre 1997 à la convention collective FEHAP ; qu'en décidant cependant que la mention de cette convention collective dans le règlement intérieur et dans le contrat de travail de la salariée obligeait la Fondation de l'Armée du salut, qui n'appartient pas à une organisation patronale signataire de la convention collective FEHAP et n'y a pas adhéré, à faire application des stipulations d'un avenant non étendu, la cour d'appel a violé les articles L. 2261-2, L. 2261-15 et L. 2262-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme X... par la Fondation de l'Armée du Salut était abusif et d'avoir condamné la Fondation à lui verser les sommes de 1. 604 ¿ et 160, 40 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de 320, 80 ¿ à titre d'indemnité de licenciement, de 590 ¿ et 59 ¿ à titre de salaire durant la mise à pied et les congés payés afférents et de 8. 020 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE si le règlement intérieur de la Fondation permet au président, qui représente normalement l'association dans tous les actes de la vie civile, de déléguer certains de ses pouvoirs au directeur général, ce règlement intérieur limite cette possibilité à des actes de gestion courante administrative ou financière, et en particulier à l'ensemble des activités opérationnelles, administratives et financières nécessaires à la bonne marche quotidienne de la Fondation ; que la délégation de pouvoirs donnée par le président au directeur général ne pouvait donc porter sur le pouvoir de licencier, et la subdélégation donnée par le directeur général, M. Z..., à Mme A..., directrice de l'établissement, ne permettait pas à cette dernière de licencier régulièrement la salariée ; que le licenciement notifié par une personne privée de ce pouvoir est nécessairement irrégulier et, sans qu'il soit nécessaire d'en examiner les motifs, privé de cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE l'article 4 alinéa 4 du règlement intérieur de la Fondation stipule que « la délégation du président au directeur général concerne en particulier l'ensemble des activités opérationnelles, administratives et financières nécessaires à la bonne marche quotidienne de la Fondation » ; qu'à défaut d'exclusion, ces dispositions conféraient au directeur général le pouvoir de procéder à tous les actes nécessaires à la bonne marche quotidienne de l'association, sans distinction ; que le licenciement d'un salarié, dans un organisme qui en emploie plusieurs milliers, peut être regardé comme un acte administratif ordinaire et que le remplacement d'un salarié employé dans un EHPAD peut être une mesure nécessaire à la bonne marche quotidienne de l'établissement ; qu'en affirmant que le directeur général de la Fondation de l'Armée du Salut ne pouvait se voir déléguer par le président le pouvoir de prononcer des licenciements, et qu'il ne pouvait, par suite, pas subdéléguer à la directrice de la Résidence Boris Antonoff le pouvoir de licencier Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-5 du code du travail ;
ET AUX MOTIFS QU'une erreur, dans la distribution d'un médicament ne peut être qualifiée de faute, en l'absence de caractérisation d'une volonté délibérée, d'une intention de nuire ou de malveillance ; que la salariée a reconnu cette confusion qu'elle n'explique pas autrement que par la situation de harcèlement qu'elle invoque ; qu'elle était bien « agent de service » et non « agent de soins » et était donc habilitée à distribuer des médicaments ; que l'employeur s'étant placé sur le terrain disciplinaire, il n'y a pas lieu de rechercher si le grief relève de l'insuffisance professionnelle ;
ALORS QUE la faute grave peut être retenue même en l'absence de mauvaise volonté délibérée ou de malveillance ; que lorsqu'un salarié ne peut légitimement ignorer qu'une erreur de sa part dans l'exercice de l'une de ses fonctions aurait des conséquences très graves pour son employeur et/ ou pour les clients ou les patients de ce dernier, le fait de commettre une telle erreur peut caractériser une inattention fautive ; qu'en retenant que la méprise commise par Mme X... lors de la distribution des médicaments ne pouvait être qualifiée de faute en l'absence de caractérisation d'une volonté de nuire ou de malveillance, sans prendre en considération la circonstance que la personne âgée concernée était tombée dans le coma et avait été hospitalisée d'urgence, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-5 du code du travail.