La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2016 | FRANCE | N°15-87554

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 mars 2016, 15-87554


Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Jean-Pierre X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RIOM, en date du 3 novembre 2015, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises du Puy de Dôme sous l'accusation de viols aggravés et délits connexes ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 mars 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Stephan, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guicha

rd ;
Sur le rapport de M. le conseiller STEPHAN, les observations de la soc...

Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Jean-Pierre X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RIOM, en date du 3 novembre 2015, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises du Puy de Dôme sous l'accusation de viols aggravés et délits connexes ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 mars 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Stephan, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller STEPHAN, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;
I-Sur la recevabilité du pourvoi formé le 19 novembre 2015 :
Attendu que le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait le 4 novembre 2015, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision ; que seul est recevable le pourvoi formé le 4 novembre 2015 ;
II-Sur le pourvoi formé le 4 novembre 2015 :
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 214, 215, 591 et 593 du code de procédure pénale et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt partiellement infirmatif attaqué a renvoyé le requérant devant la cour d'assises pour avoir, à Romagnat (63), entre décembre 2002 et mai 2003, commis des actes de pénétration sexuelle sur la personne de Raphaël Y...et pour avoir commis, courant 2008-2009, à Romagnat (63) et Hossegor (40), une atteinte sexuelle sur la personne de Quentin Z..., avec la circonstance que les faits ont été commis sur un mineur de moins de quinze ans et par une personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;
" aux motifs propres que, sur l'appel concernant les faits commis au préjudice de Raphaël Y... (¿) ; que M. Jean-Pierre X... ne conteste pas avoir eu un rapport sexuel avec Raphaël Y..., niant simplement avoir accompli des actes de pénétration sur ce dernier ; que les déclarations du plaignant quant à la réalité de ces pénétrations sont cependant précises et circonstanciées et Raphaël Y... les a maintenues lors d'une confrontation avec M. X...; qu'elles sont d'autant plus crédibles que les déclarations du plaignant sont empreintes de modération ; qu'il ne prétend pas qu'il y a eu violence ou contrainte et reconnaît même que M. X... lui a proposé de le sodomiser et que, face à son refus, il ne l'y avait pas contraint ; qu'il existe en conséquence d'importantes charges permettant de penser que M. X... s'est livré sur Raphaël Y... à des actes de nature sexuelle, caresses, masturbation, fellation pratiquée sur le jeune garçon mais également deux actes de pénétration, une pénétration digitale et une fellation réciproque ; que se pose, dès lors, la question du consentement de Raphaël Y... à ces actes, l'intéressé indiquant ainsi qu'il a déjà été précisé que M. X... n'avait usé ni de contraintes physiques ni de violence, ni de menaces ; que pour apprécier la réalité et l'étendue du consentement de Raphaël Y... il convient en premier lieu de rappeler que les relations sexuelles se produisent entre un homme de plus de cinquante ans et un jeune garçon de tout juste quinze ans révolus qui redoublait sa classe de troisième et qui se trouvait en stage dans le garage dont M. X... était l'un des associés ; que même si Raphaël Y... indique avoir déjà eu précédemment des expériences sexuelles hétérosexuelles, la différence d'âge et d'expérience, l'ascendant que pouvait avoir l'un des associés du garage sur un jeune garçon en stage dans l'entreprise ne peuvent être négligés et doivent être pris en compte dans l'analyse et l'interprétation des faits ; qu'il ne peut non plus être occulté le fait que M. X..., sans préjuger de sa culpabilité, est également renvoyé pour avoir abusé d'autres mineurs et qu'il apparaît qu'il n'a pour conduire ceux-ci à se soumettre à ses abus jamais usé de violence mais qu'il est parvenu à ses fins par des stratagèmes, des prétextes fallacieux, et une stratégie d'une redoutable efficacité ; qu'en l'occurrence le scénario mis en place pour obtenir de Raphaël Y... qu'il ne résiste pas à ses avances est de cette nature ; que M. X... a dans un premier temps flatté ce jeune garçon sur son physique et lui a fait miroiter les perspectives d'une rémunération pour des photos de charme, le conduisant ainsi à accepter de venir chez lui et instillant déjà une dose de sensualité dans leur relation ; qu'il a ensuite pris soin de s'arrêter en chemin dans un bar alors qu'il n'ignorait pas que Raphaël Y... consommait de l'alcool et s'il ne l'a pas incité à consommer il ne s'est pas opposé à sa consommation, au demeurant prohibée par le code des débits de boissons, alors qu'il s'agissait d'un mineur sous sa responsabilité ; que parvenu chez lui, il a proposé à Raphaël Y... de boire à nouveau puis d'inhaler un popper, dans le but manifeste de le désinhiber et de réduire sa capacité de résistance en provoquant une euphorie passagère ; que c'est ainsi qu'il a obtenu de la part de ce jeune garçon qui n'avait apparemment aucune appétence pour une relation homosexuelle qu'il se soumette à ses exigences ; que la différence d'âge entre les deux participants à ces actes sexuels, la nature de leur relation, le stratagème mis en place par l'adulte pour parvenir à ses fins sur un mineur conduisent à considérer que, même s'il ne s'est pas opposé aux actes accomplis sur lui, le consentement de Raphaël Y... n'était pas libre et que l'auteur est parvenu à ses fins par surprise ; que le fait, reconnu par Raphaël Y... lui-même, qu'il ait refusé d'être sodomisé par M. X... ne démontre pas qu'il disposait de son libre arbitre et qu'il était donc parfaitement consentant pour les actes antérieurs mais simplement que pour un acte particulier, beaucoup plus violent par sa nature que ceux qui l'avaient précédé et qui présente en outre une charge symbolique particulière, son rejet a été plus fort que la surprise qui l'avait jusque-là conduit à ne pas résister aux agissements de M. X... ; qu'enfin le fait que postérieurement aux abus subis, Raphaël Y... n'ait pas déposé plainte mais ait tenté d'obtenir de l'argent de M. X... ne vicie pas pour autant ses déclarations mais démontre qu'il s'agissait d'un jeune homme perturbé qui n'avait pas forcément envie de révéler ce qu'il avait subi mais essayait d'en tirer avantage ; qu'il est étonnant par ailleurs que M. X..., sollicité un an après les faits par Raphaël Y... ait accepté, comme il le reconnaît, de lui donner 200 euros s'il n'avait rien à se reprocher ; que ces faits constituent le crime de viol et justifient la mise en accusation de M. X... devant la cour d'assises ; que, s'agissant de la circonstance aggravante de vulnérabilité de la victime qu'elle n'apparaît pas avérée dès lors que, même s'il était établi que Raphaël Y... souffrait effectivement au moment des faits de troubles bipolaires non encore diagnostiqués, il ne résulte d'aucun élément du dossier que cette maladie a engendré une vulnérabilité particulière de l'intéressé et ce d'autant plus que celui-ci indique qu'il se trouvait à ce moment-là dans une période d'euphorie ; que, s'agissant des faits qui se seraient produits dans les vestiaires du garage force est de constater que le magistrat instructeur n'a été saisi par le réquisitoire supplétif (¿) que des faits de viol ce qui paraît exclure l'épisode du garage qui ne peut constituer qu'une agression sexuelle aggravée, aucune pénétration sexuelle n'étant alléguée ; qu'aucune mise en examen de M. X... pour des faits délictuels commis au préjudice de Raphaël Y... n'est d'ailleurs intervenue ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il existe des charges suffisantes à l'encontre de M. X... d'avoir à Romagnat entre décembre 2002 et mai 2003 en tout cas sur le territoire national et depuis un temps non couvert par la prescription de l'action publique, par violence, contrainte, menace ou surprise, commis des actes de pénétrations sexuelles sur la personne de Raphael Y... (¿), en l'espèce en lui imposant une fellation et en pénétrant l'anus du mineur avec un doigt ;
" et aux autres motifs propres que, sur l'appel concernant les faits commis au préjudice de Quentin Z... (¿) ; qu'aux termes de l'article 186-3 du code de procédure pénale, la personne mise en examen et la partie civile peuvent interjeter appel des ordonnances prévues par le premier alinéa de l'article 179 dans le cas où elles estiment que les faits renvoyés devant le tribunal correctionnel constituent un crime qui aurait dû faire l'objet d'une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises ; qu'en l'espèce le jeune Quentin lors de ses auditions et lors de la confrontation avec M. X... a indiqué avoir été victime d'attouchements et a bien indiqué avec ses mots d'enfants que ce dernier lui avait pratiqué une fellation ce que le magistrat instructeur ne précise effectivement pas dans son ordonnance ; que cependant une fellation pratiquée sur la victime, si grave et traumatisante qu'elle puisse être ne peut justifier une mise en accusation, dès lors que de tels faits ne présentent pas un caractère criminel ; qu'en effet l'élément matériel du crime de viol n'est caractérisé que si l'auteur réalise un acte de pénétration sexuelle sur la personne de la victime ce qui n'est pas le cas lorsque comme en l'espèce c'est l'auteur qui prend le sexe de la victime dans sa bouche ; qu'il convient donc de déclarer recevable en la forme mais injustifié au fond étant observé qu'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction, dès lors qu'elle rejette l'appel fondé sur les dispositions de l'article 186-3 du code de procédure pénale, de revenir sur le constat de l'existence de charges, sauf à permettre par le biais de l'article précité aux parties de contester toute ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ;
" alors que, la caractérisation de la surprise nécessaire pour incriminer un viol est antinomique avec le temps de la réflexion à la prétendue victime et la faculté qui lui est offerte de s'opposer à l'acte sexuel poursuivi par la personne mise en cause ; que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans contradiction, tout à la fois retenir, d'une part, que c'est au moyen d'un stratagème que M. X... aurait surpris le consentement de Raphaël Y... qui n'a pu opposer de résistance, et d'autre part, que ce dernier a été mis en mesure de refuser un acte de pénétration " ;
Attendu que, pour renvoyer M. X... devant la cour d'assises sous l'accusation de viol, l'arrêt attaqué énonce que, d'une part, il existe d'importantes charges concernant l'existence des actes de pénétration dénoncés par le plaignant et, d'autre part, la différence d'âge entre les deux participants à ces actes sexuels, la nature de leurs relations et le stratagème mis en place par l'adulte pour parvenir à ses fins sur un mineur conduisent à considérer que, même s'il ne s'est pas opposé aux actes accomplis sur lui, le consentement de Raphaël Y... n'était pas libre et que l'auteur est parvenu à ses fins par surprise ;
Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction, qui a répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a caractérisé, au regard de l'article 222-23 du code pénal, les circonstances dans lesquelles M. X... se serait rendu coupable du crime de viol ;
Qu'en effet, la Cour de cassation n'a d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
Par ces motifs :
I-Sur le pourvoi formé le 19 novembre 2015 :
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
II-Sur le pourvoi formé le 4 novembre 2015 :
Le REJETTE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize mars deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-87554
Date de la décision : 16/03/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom, 03 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 mar. 2016, pourvoi n°15-87554


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.87554
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award