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11/03/2016 | FRANCE | N°15-10615

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 mars 2016, 15-10615


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... est entré au service de la SNCF le 1er décembre 1972 en qualité d'apprenti avant de devenir ouvrier qualifié puis agent de maîtrise ; qu'il a été mis à la réforme par la SNCF, aux droits de laquelle vient la société SNCF Mobilités, pour incapacité physique le 2 mai 2010 ; que soutenant qu'il aurait dû bénéficier d'un supplément de rémunération compte tenu de la position

qu'il avait atteinte et de son ancienneté, M. X... a saisi la juridiction prud'ho...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... est entré au service de la SNCF le 1er décembre 1972 en qualité d'apprenti avant de devenir ouvrier qualifié puis agent de maîtrise ; qu'il a été mis à la réforme par la SNCF, aux droits de laquelle vient la société SNCF Mobilités, pour incapacité physique le 2 mai 2010 ; que soutenant qu'il aurait dû bénéficier d'un supplément de rémunération compte tenu de la position qu'il avait atteinte et de son ancienneté, M. X... a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir un rappel de salaire consécutif à l'attribution de ce supplément ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice moral et financier ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article 2 du référentiel ressources humaines de la SNCF, sauf avis motivé du service, le supplément de rémunération est attribué aux agents d'au moins 50 ans et présentant une ancienneté D.2.18 supérieure à 5 ans ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que si M. X... réunissait les conditions d'attribution du supplément de rémunération au regard de son âge et de son ancienneté, il a fait l'objet d'un avis défavorable le 4 janvier 2009 pour les motifs suivants : "Monsieur X... n'étant pas placé sur un poste de cadre d'organisation et ayant de grosses difficultés à apprécier la qualité de sa prestation lors de son temps de présence les dernières années" ; qu'il s'est vu notifier par courrier en date du 10 mars 2010 un nouvel avis défavorable pour le même motif tiré de l'impossibilité d'évaluer la qualité de ses services ; qu'en l'espèce, M. X... prétend que le fait pour la SNCF de retenir ses périodes d'absence pour maladie pour justifier qu'une appréciation des compétences n'était pas possible et lui refuser l'octroi du supplément de rémunération est discriminatoire ; que pour étayer ses affirmations, il ne produit que ses arrêts de travail, pour la plupart illisibles ; que s'il n'est pas contesté que M. X... a été en arrêt de travail du 20 novembre 2007 au 3 mars 2009 puis à compter du 18 mars 2009, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens du code du travail n'est pas démontrée au regard des explications et des pièces fournies ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que le salarié avait été privé d'un supplément de rémunération en raison de son état de santé, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société SNCF Mobilités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société SNCF Mobilités à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande tendant à voir dire et juger qu'il aurait dû bénéficier du supplément de rémunération des agents positionnés D.2.18 et de l'AVOIR en conséquence débouté de sa demande tendant à voir ordonner une régularisation de sa situation auprès de la caisse de retraite et de prévoyance ainsi qu'à se voir octroyer un rappel de salaire et de congés payés afférents, outre des dommages et intérêts pour préjudice moral et financier.
AUX MOTIFS QUE sur l'attribution du supplément de rémunération, M. X... fait valoir qu'il a rempli la double condition prévue à l'article 2 du référentiel Ressources Humaines (RH0872) de la SNCF le 1er avril 2009, à l'âge de 52 ans, ayant atteint à cette date une ancienneté de cinq ans à la position 18 ; qu'il soutient qu'aucune condition relative à la qualité des services effectués dans le poste n'est exigée par le référentiel susvisé ; que la SNCF expose que le supplément de rémunération litigieux ne constitue pas un élément de rémunération obligatoire, l'entreprise étant libre de l'octroyer ou non ; qu'elle soutient que le référentiel Ressources Humaines (RH0872) pose une troisième condition en sus de celles visées par M. X..., à savoir le fait de ne pas avoir fait l'objet d'un avis défavorable ; que la SNCF fait valoir que M. X... a fait l'objet d'un avis défavorable du service dès le mois de janvier 2009, motivé par les difficultés à apprécier la qualité de sa prestation en raison du très faible temps de présence de l'intéressé au cours des dernières années ; qu'aux termes de l'article 2 du Référentiel Ressources Humaines de la SNCF, sauf avis motivé du service, le supplément de rémunération est attribué aux agents d'au moins 50 ans et présentant une ancienneté D.2.18 supérieure à 5 ans ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que si M. X... réunissait les conditions d'attribution du supplément de rémunération au regard de son âge et de son ancienneté, il a fait l'objet d'un avis défavorable le 4 janvier 2009 pour les motifs suivants : "M. X... n'étant pas placé sur un poste de cadre d'organisation et ayant de grosses difficultés à apprécier la qualité de sa prestation lors de son temps de présence les dernières années" ; qu'il s'est vu notifier par courrier en date du 10 mars 2010 un nouvel avis défavorable pour le même motif tiré de l'impossibilité d'évaluer la qualité de ses services ; que l'employeur justifie ainsi avoir 'émis, un avis défavorable qu'il a motivé ; qu'aux termes de l'article L.1132-1 du Code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat notamment en raison de son état de santé ; que l'article L.1134-1 du Code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en l'espèce, M. X... prétend que le fait pour la SNCF de retenir ses périodes d'absence pour maladie pour justifier qu'une appréciation des compétences n'était pas possible et lui refuser l'octroi du supplément de rémunération, est discriminatoire ; que pour étayer ses affirmations, il ne produit que ses arrêts de travail, pour la plupart illisibles ; que s'il n'est pas contesté que M. X... a été en arrêt de travail du 20 novembre 2007 au 3 mars 2009 puis à compter du 18 mars 2009, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens des textes ci-dessus n'est pas démontrée au regard des explications et des pièces fournies ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de considérer que l'avis défavorable émis par l'employeur quant à l'attribution à M. X... du supplément de rémunération est discriminatoire ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes de rappel de salaire au titre de l'attribution du supplément de rémunération, et de régularisation de sa situation auprès de la caisse de prévoyance et de retraite ; que, sur les dommages et intérêts pour préjudice moral et financier compte tenu des développements précédents, et faute pour M. X... de verser quelque pièce que ce soit à l'appui de cette demande, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a rejetée ;
Et AUX MOTIFS, adoptés des premiers juges, QUE les relations entre la SNCF et ses salariés sont régies par un statut et des règlements pris en application de ce statut ; que la compétence du Conseil de prud'hommes est limitée à la vérification de la bonne application du statut ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que M. X... relève de la position statutaire D.2.18, et que sa demande de revalorisation salariale repose sur l'application du référentiel RH-0872 ; que ce texte pose trois conditions : avoir plus de 50 ans, avoir une ancienneté de 5 ans dans la qualification D.2.18, et ne pas avoir fait l'objet d'un avis défavorable ("sauf avis motivé du service, le supplément de rémunération est attribué aux agents d'au moins 50 ans et présentant une ancienneté D.2.18 supérieure à 5 ans") ; que si M. X... remplit bien les conditions d'âge et d'ancienneté, il a fait l'objet d'avis défavorables dès le 4 janvier 2009 puis le 10 mars 2010, motivés par "l'impossibilité d'évaluer la qualité de sa prestation lors de son temps de présence les dernières années " ; que dans ces conditions, le Conseil dit qu'au regard du statut applicable, c'est à bon droit que la SNCF n'a pas attribué à M. X... le supplément de rémunération sollicité ;
ALORS, d'une part, QUE selon le référentiel ressources humaines RH0872 de la SNCF, relatif au « supplément de rémunération des agents positionnés sur D.2.18 », un complément de rémunération est attribué aux salariés âgés d'au moins 50 ans et présentant une ancienneté D.2.18 supérieure à 5 ans, à compter du 1er du mois celui au cours duquel cette double condition d'éligibilité est vérifiée ; que, selon le même référentiel, ce supplément de rémunération ¿ également dénommé SR01 ¿ est également attribué aux agents placés D.2.18 dans le cadre d'une mise à la réforme, « sous réserve que la condition d'ancienneté de 5 ans sur la position de rémunération 18 serait également vérifiée au moment d'un départ à la retraite normale » ; qu'il en résulte que le supplément de rémunération SR01 est attribué aux agents SNCF qui satisfont aux critères d'âge et d'ancienneté dans la position précisées par le référentiel RH0872, sans qu'aucune condition tenant aux qualités professionnelles des intéressés n'ait par ailleurs à être vérifiée ; qu'en l'espèce, il ressort des énonciations du jugement du conseil de prud'hommes, dont les motifs ont été repris par la cour d'appel, que M. X... remplissait bien les conditions d'âge et d'ancienneté posés par le référentiel RH0872, à compter du 1er avril 2009, date à laquelle il était par ailleurs âgé de 52 ans ; qu'en déboutant dès lors M. X... de l'ensemble de ses demandes, au motif que les arrêts de travail dont il avait fait l'objet à compter du 20 novembre 2007 avaient placé la SNCF dans l'impossibilité d'évaluer la qualité de ses services, la cour d'appel a ajouté au référentiel ressources humaines RH0872 une condition que celui-ci ne pose aucunement pour l'attribution du supplément de rémunération SR01 et, partant, a violé ce texte ;
ALORS, d'autre part, QU'aucune personne ne peut être sanctionnée, licenciée ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, en raison de son état de santé ou de son handicap ; que s'il appartient au salarié qui invoque avoir été lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement, il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement, d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, il ressortait des constatations opérées par les juges du fond que la SNCF avait refusé d'octroyer à M. X... le supplément de rémunération prévu par le référentiel RH0872 par « l'impossibilité d'évaluer la qualité de sa prestation lors de son temps de présence les dernières années » ; qu'il était tout aussi constant que ce faible temps de présence était imputable aux multiples arrêts de travail dont le salarié avait fait l'objet à compter du 20 novembre 2007 ; qu'en estimant dès lors que la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant présumer l'existence d'une discrimination n'était pas démontrée, quand il résultait de ses propres constatations que la décision de la SNCF trouvait sa justification dans l'absence prolongée de M. X... pour raison de santé, dont il n'était pas contestée qu'elle était médicalement justifiée, la cour d'appel, à laquelle il appartenait de faire application de la règle légale de preuve, a violé les articles L.1132-1 et L.1134-1 du Code du travail ;
Et ALORS, enfin, QUE les juges du fond sont tenus de motiver leurs décisions ; qu'en se bornant à affirmer que la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte n'était pas démontrée au regard des explications et des pièces fournies, sans préciser, même de façon sommaire, la nature desdites explications et la teneur desdites pièces, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile, ainsi violé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-10615
Date de la décision : 11/03/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 mar. 2016, pourvoi n°15-10615


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.10615
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