La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/03/2016 | FRANCE | N°14-29327

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 mars 2016, 14-29327


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1235-10, L. 1235-11, L. 1233-26 et L. 1233-61 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 28 septembre 2009 par la société Altran CIS, aux droits de laquelle se trouve la société Altran technologies, filiale du groupe Altran, a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 7 janvier 2012 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que, pour dire que le licenciement du salarié s'analyse en un licenciemen

t pour motif économique et qu'il est nul, l'arrêt retient que l'employeur ne justifie...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1235-10, L. 1235-11, L. 1233-26 et L. 1233-61 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 28 septembre 2009 par la société Altran CIS, aux droits de laquelle se trouve la société Altran technologies, filiale du groupe Altran, a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 7 janvier 2012 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que, pour dire que le licenciement du salarié s'analyse en un licenciement pour motif économique et qu'il est nul, l'arrêt retient que l'employeur ne justifie d'aucun élément tangible justifiant le licenciement pour insuffisance de résultats, que le changement de gouvernance de la société en juin 2011 a sanctionné le manque de croissance et d'amélioration de la rentabilité et a conduit à un plan recentrant le groupe sur des activités dont étaient exclues celles dans lesquelles intervenait le salarié, que dans ce cadre et sur la période de septembre 2011 à mars 2012, l'employeur a procédé à quatorze licenciements pour cause réelle et sérieuse, un licenciement individuel, neuf licenciements pour faute grave, quatre ruptures conventionnelles, alors que cent soixante-cinq personnes ont démissionné, que le véritable motif du licenciement est économique à l'effet d'accroître la rentabilité du groupe et qu'il s'inscrit dans un licenciement concernant au moins quatorze salariés pour lesquels aucune pièce ne permet de retenir qu'ils ne sont pas intervenus dans une même période de trente jours, ce que conforte le refus de l'employeur de déférer à la sommation faite par le salarié de produire son registre du personnel et qu'ainsi l'employeur s'est affranchi des dispositions des articles L. 1235-10 et L. 1235-12 du code du travail ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si une procédure pour licenciement économique avait concerné dix salariés ou plus dans une période de trente jours ou si l'employeur avait procédé pendant trois mois consécutifs à des licenciements pour motif économique de plus de dix salariés au total, sans atteindre dix salariés dans une même période de trente jours, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Altran technologies

Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société ALTRAN TECHNOLOGIES à payer à Monsieur X... les sommes de 132.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de consultation des représentants du personnel et 3.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le licenciement

licencié pour insuffisance de résultats et insuffisances professionnelles, M. X... soutient pour l'essentiel que le motif réel de son licenciement, comme celui de 14 autres personnes, voire de 240 salariés, est économique du fait des changements importants dans la structure et l'équipe de direction et qu'en manoeuvrant pour éviter la procédure attachée aux licenciements pour motif économique, la société Altran CIS lui a notifié un licenciement nul et, au surplus, irrégulier en l'absence de consultation préalable des délégués du personnel ; la société Altran Technologies fait valoir en substance que l'affirmation d'un licenciement économique n'est étayée par aucune pièce, que le poste de M X... n'a pas été supprimé, que les 240 départs de l'entreprise ne cachent en rien des licenciements économiques et que le licenciement est bien fondé sur une insuffisance professionnelle liée à un manque d'implication de l'intéressé ; aux termes des dispositions de l'article L.1235-1 du Code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ; Que la cause du licenciement invoquée doit être réelle, ce qui implique que le motif existe, qu'il soit exact et constitue bien le motif du licenciement, le juge étant tenu d'en rechercher le véritable motif ; qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; Qu'une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; Que la sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l'amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement ; Que le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement ne lui enlève pas sa nature juridique de licenciement économique ; Que l'insuffisance de résultat ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement; que cette insuffisance, pour fonder le licenciement sur une cause réelle et sérieuse doit résulter d'une faute du salarié ou de son incapacité à atteindre les objectifs fixés qui ne sont ni excessifs, ni irréalisables, mais au contraire réalistes ; Que l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié qui perturbent la bonne marche de l'entreprise et qui permettent au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; qu'en l'espèce, M X... se voit imputer une attitude « non conforme à ses obligations professionnelles » se traduisant par une activité insuffisante et des difficultés importantes, comme la « mission MAGHREBIA(qui) se serait bien finalisée alors qu'il est incontestable que le client a refusé de régler votre intervention », une insuffisance d'activité comme consultant, ainsi qu'un manque d'implication par la production insuffisante de lancements de projets et de publications ou de participations à des conférences ; que le nombre de publications, de participations à des conférences ou de contributions au démarrage de projets n'est pas fixé par le contrat d'embauche de ce cadre, mais par les deux avenants successifs des 22 février 2011 et 1er avril 2011, à effet rétroactif du 1er janvier 2011, qui déterminent, non pas des objectifs atteindre, mais seulement les conditions de détermination de la partie variable de sa rémunération constituée de trois primes. Qu'en retenant qu'il ressort des pièces produites que l'employeur s'appuie sur des chiffres erronés en ne comptabilisant pas l'ensemble des réalisations effectives de M. X..., que l'employeur ne fournit pas d'éléments sur la nature des missions confiées auprès du client AXA, ni d'éléments d'évaluation du travail fourni au soutien d'une insuffisance d'activité de consultant, qu'en ce qui concerne le dossier Maghrebia, M X... fournit le bordereau de livraison signé du client le 30 septembre 2011, prouvant ainsi avoir finalisé la partie du travail lui incombant, alors que la société Altran n'apporte pas la preuve que le refus de paiement par le client serait lié à la prestation ou à un quelconque manquement du salarié (le seul mail du 30/12/2010 du client étant à cet égard insuffisant), et que la société Altran reproche au salarié un taux d'occupation inférieur aux « 80 % d'usage », mais ne justifie en rien que ce pourcentage résulte d'un engagement contractuel ou d'un usage constant et généralisé dans l'entreprise, l'employeur ne faisait état d'aucun élément tangible justifiant le licenciement de M. X... pour insuffisance de M. X..., le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation des faits ; Que selon les pièces produites par le salarié, l'assemblée générale d'Altran a voté un changement de gouvernance le 10 juin 2011, sanctionnant le manque de croissance et d'amélioration de la rentabilité, puis le nouveau conseil d'administration a nommé le même jour un nouveau PDG "dont l'objectif est le retour à une croissance rentable" et qui a présenté à cet effet un plan pour la période 2012-2015 prévoyant, notamment, un recentrage du groupe sur les activités automobile, infrastructure et transports, aéronautique, spatial et défense et donc excluant les secteurs de l'assurance et de la banque dans lesquels il n'est pas contesté que M X... intervenait ; que dans ce cadre et sur la période de septembre 2001 à mars 2012, l'employeur a procédé à 14 licenciements pour cause réelle et sérieuse, 1 licenciement individuel, 9 licenciements pour faute grave, 4 ruptures conventionnelles, alors que 165 salariés ont démissionné (pièce 16 salarié et tableau 13 de l'employeur) ; Que le véritable motif du licenciement des M. X... est donc économique à l'effet d'accroître la rentabilité du groupe Altran, sans qu'il soit nécessaire pour parvenir à ce constat d'enjoindre à la société intimée et avant dire droit de communiquer des pièces ; que ce licenciement s'inscrit dans un licenciement concernant au moins quatorze salariés nommés dans les écritures de M. X..., pour lesquels le tableau de l'employeur qui n'est étayé par aucune pièce ne permet pas de retenir que seuls six salariés ont été licenciés pour faute grave et trois ont démissionné et que ces licenciements de quatorze salariés ne sont pas intervenus dans une même période de trente jours, ce que conforte le refus de l'employeur de déférer à la sommation faite par le conseil du salarié de produire son registre unique du, personnel pour les années 2011 et 2012, son bilan social 2011 et son bilan social 2012 ; Que s'agissant d'un licenciement économique concernant au moins dix salariés par une société employant plus de cinquante salariés, l'employeur s'est affranchi des dispositions de l'article L 1235-10 du Code du Travail et L 1235-12 du Code du Travail, ce qui rend nul le licenciement de M. X..., et à tout le moins sans cause réelle, et fonde ainsi M. X... à obtenir une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des 12 derniers mois, ainsi qu'une indemnité pour défaut de consultation des représentants du personnel; Que M. X... a perdu à l'âge de 54 ans le bénéfice d'une ancienneté de 2,5 années dans cette entreprise d'au moins deux cents salariés et d'un salaire brut moyen de 10.918,83 ; qu'il a retrouvé un emploi de directeur de projet du 2 mai 2012 au 31 mars 2013 et a perçu l'allocation de retour à l'emploi à compter du 2 avril 2013 d'un montant journalier brut de 218,02 ¿ ; Que la société Altran Technologies doit donc être condamnée à payer à M. X... une indemnité de 132.000E pour licenciement nul, en application de l'article L 1235-11 du Code du Travail et, à tout le moins pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au visa de l'article L 1235-3 du Code du Travail ; Que le défaut de consultation des représentants du personnel qui cause nécessairement un préjudice au salarié, en ce que ces représentants n'ont pu donner leur avis sur la procédure à suivre et le licenciement de M. X..., doit être indemnisé par l'octroi de la somme de 1.500 ; Qu'en application de l'article 1153-1 du code civil ces sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts aux taux légal a compter de l'arrêt qui les alloue, avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil

1. ALORS QU'en présence d'un licenciement prononcé pour un motif personnel, le juge ne peut retenir que ce licenciement repose sur un motif économique nul sans caractériser les éléments constitutifs de la nullité ; qu'en l'espèce, pour prononcer la nullité du licenciement de M. X... au prétexte qu'il s'agissait d'un licenciement économique qui s'inscrivait dans un licenciement concernant au moins quatorze salariés dans une même période de trente jours sans respect de la procédure adéquate, la cour d'appel s'est bornée à relever que « sur la période de septembre 20(1)1 à mars 2012, l'employeur a procédé à 14 licenciements pour cause réelle et sérieuse, 1 licenciement individuel, 9 licenciements pour faute grave, 4 ruptures conventionnelles, alors que 165 salariés ont démissionnés » ; qu'en statuant ainsi, sans relever ni caractériser l'existence d'au moins dix licenciements économiques intervenus sur même période de trente jours, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1235-10 à L.1235-12 du Code du travail, dans leurs rédactions applicables au litige ;

2. ALORS QUE le juge ne peut tirer toute conséquence de droit qu'en cas d'abstention ou de refus d'une partie de déférer à une décision ordonnant la production de pièce ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a requalifié le motif du licenciement de M. X... en motif économique déguisé était conforté par le refus de l'employeur de déférer à la sommation faite par le conseil du salarié de produire son registre du personnel pour les années 2011 et 2012, son bilan social 2011 et son bilan social 2012, quand l'employeur, en l'absence de décision ordonnant la communication de ces pièces, n'avait pas à suppléer à l'insuffisance de preuve présentée par le salarié ni à répondre à une sommation de communiquer ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé ensemble les articles 11 et 16 du Code de procédure civile.

3. ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties et, en matière de licenciement, les termes du litige sont fixés par la lettre de congédiement; qu'en l'espèce, M. X... sollicitait, avant dire droit, que la cour d'appel enjoigne l'employeur de communiquer son registre du personnel, son bilan social 2011 et son bilan social 2012 afin de démontrer que le véritable motif de son licenciement n'était pas l'insuffisance professionnelle mais était d'ordre économique et collectif; qu'en passant outre les termes de la lettre de licenciement et cette demande avant dire droit du salarié, la cour d'appel qui a retenu « sans qu'il soit nécessaire pour parvenir à ce constat d'enjoindre à la société intimée et avant dire droit de communiquer des pièces » a méconnu les exigences de l'article 4 du Code de procédure civile et celles du procès équitable prévues par l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et l'article L 1232-6 du code du travail;

4. ALORS ENFIN QUE pour juger que le licenciement de M. X... reposait en réalité sur un motif économique nul, la cour d'appel ne pouvait se borner à relever que le conseil d'administration avait nommé un nouveau PDG qui avait présenté un plan pour la période 2012-2015 qui prévoyait notamment un recentrage du groupe sur certaines activités et qu'entre septembre 20(1)1 et mars 2012 le contrat de travail de plusieurs salariés avait été rompu pour des motifs qui n'étaient pas économiques, quand de telles constatations ne suffisaient pas à caractériser l'existence d'un licenciement économique nul et que le salarié, qui sollicitait lui-même la production de pièces comptables, avant dire droit, ne justifiait pas d'éléments suffisants à démontrer l'existence d'un licenciement économique collectif de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles L.1235-10 et L.1235-11 du Code du travail, dans leurs rédactions applicables au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-29327
Date de la décision : 11/03/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 mar. 2016, pourvoi n°14-29327


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.29327
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award