LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 2 mai 2014), que le contrat de travail de M. X..., engagé le 21 juin 1991 par la société Caille Distribution, a été transféré le 1er avril 2007 à la société Sorequip pour occuper la fonction de directeur de site ; que licencié pour faute grave par lettre du 22 décembre 2008, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que par jugement du 30 mars 2010, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Sorequip convertie en redressement judiciaire par jugement du 8 juin 2011 désignant M. Y... en qualité de mandataire judiciaire et M. Z... et la Selarl AJP en qualité d'administrateurs judiciaires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de fixer sa créance au passif de la société à différentes sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnités de rupture, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties exprimées dans leurs conclusions ; que le délai de prescription des fautes disciplinaires ne court qu'à compter du jour où l'employeur a une connaissance complète et exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié ; qu'au cas d'espèce, la société reprochait à M. X... des fautes graves et répétées dans la gestion des stocks et l'approche du marché ; qu'elle soutenait à cet égard que « la réalité de la situation n'a véritablement été mise à jour que grâce à l'arrivée de M. A... dont la fonction était justement de superviser le travail de M. X... mais également du rapport établi par le cabinet EXA au mois d'octobre 2008 » ; qu'en affirmant pourtant, pour estimer ce grief prescrit, qu'il n'était ni soutenu ni établi que les faits litigieux étaient ignorés de l'ancienne équipe qui aurait alors été empêchée d'agir en temps ou en connaissance de cause, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que le principe d'égalité des armes commande que chaque partie puisse présenter sa thèse, et ses preuves, dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à la partie adverse ; qu'en n'accordant par principe aucun crédit au rapport d'audit établi par le cabinet d'experts comptables EXA produit aux débats par l'employeur pour établir la matérialité des défaillances professionnelles du salarié, la cour d'appel a méconnu le principe d'égalité des armes, composante du droit au procès équitable, et partant violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que les juges du fond doivent répondre aux conclusions dont ils sont saisis et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu'en l'espèce, l'exposante invoquait les raisons pour lesquelles, bien que M. X... ait régulièrement avisé sa hiérarchie de l'état des stocks à partir du mois de mai 2008, elle n'avait découvert que tardivement les faits incriminés au salarié ; qu'elle expliquait ainsi qu'« il existe une différence entre les flux d'engagement qui correspondent aux commandes passées mais qui ne sont pas enregistrées comptablement et les flux comptables qui sont passés uniquement à la réception des factures qui elles ne sont pas émises concomitamment à la commande. Ainsi il peut s'écouler plusieurs mois entre un flux d'engagement (non visible) et un flux réel comptable (visible) » ; qu'elle ajoutait que la société n'avait dans ces conditions « pas été en mesure de réaliser immédiatement que M. X... continuait à augmenter les stocks en passant des commandes alors que les besoins n'existaient pas et que l'état des stocks était déjà important » de sorte que « la réalité de la situation n'a véritablement été mise à jour que grâce à l'arrivée de M. A... dont la fonction était justement de superviser le travail de M. X... mais également du rapport établi par le cabinet EXA au mois d'octobre 2008 » ;
Mais attendu qu'ayant estimé par motifs propres et adoptés, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits par les parties, y compris le rapport d'audit, que l'employeur ne démontrait pas que la mauvaise gestion des stocks imputée au salarié n'avait pu être mesurée qu'à partir du mois d'octobre 2008, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit, sans méconnaître les termes du litige ni le principe de l'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le grief tenant à l'état des stocks était prescrit à la date de l'engagement des poursuites disciplinaires le 12 novembre 2008 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de fixer sa créance au passif de la société Sorequip à la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct, alors, selon le moyen, que l'octroi de dommages et intérêts au titre des circonstances brutales de la rupture du contrat de travail suppose que soit établi un comportement fautif de l'employeur distinct de celui tenant au prononcé même du licenciement jugé infondé ; qu'en retenant, pour décider d'allouer au salarié la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre des circonstances prétendument vexatoires et humiliantes de son licenciement, que la rupture du contrat de travail était intervenue « sur la base de faits fautifs prescrits, alors que huit mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire il était gratifié d'une prime de bilan pour son action », quand ces motifs, qui avaient motivé l'octroi d'une somme de 140 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, étaient impropres à caractériser une faute de la part de la société, distincte du prononcé du licenciement jugé injustifié, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1235-3, L. 1235-5 du code du travail et 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la rupture du contrat de travail était intervenue alors que le salarié, cadre dirigeant, avait auparavant été gratifié d'une prime exceptionnelle pour son action, révélant une situation vexatoire et humiliante, la cour d'appel a fait ressortir l'existence d'un préjudice distinct de la perte de son emploi ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le rejet à intervenir sur le premier moyen rend sans objet la seconde branche du second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Sorequip, Z...-E... SCP et AJ Partenaires Selarl aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Sorequip, Z...-E... SCP et AJ Partenaires Selarl et les condamne à payer à M. X... la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour les sociétés Sorequip, Z...-E... et AJ Partenaires.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. François X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR fixé sa créance au passif de la SAS Sorequip aux sommes de 140. 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 21. 400, 86 ¿ bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 2. 140, 08 ¿ bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et 24. 979, 54 ¿ à titre d'indemnité légale de licenciement ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le licenciement, le licenciement disciplinaire concerne un cadre dirigeant occupant alors et ce depuis le 01/ 04/ 07 le poste de directeur d'exploitation de la société Sorequip dépendant du Groupe Caille, principal actionnaire de l'entreprise ; qu'il est essentiellement reproché au salarié des fautes graves et répétées dans la gestion des stocks et l'approche du marché, puis dans le paiement tardif d'un mini tracteur agricole ; que la date de convocation à l'entretien préalable, soit le 12/ 11/ 08, constituant l'engagement des poursuites disciplinaires au sens de l'art. L. 1332-4 C. trav., aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à une telle éventualité au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ait donné lieu dans le même laps de temps à l'exercice de poursuites pénales ; que l''employeur situe sa connaissance des faits à la prise de fonction du nouveau directeur de firme intervenue à la fin du mois d'octobre 2008 ; que cependant, la découverte de faits par un nouveau dirigeant lors de sa prise de fonctions, y compris à l'occasion d'un changement de direction, est sans effet sur le délai de prescription attachés à ceux-ci, qu'elle n'interrompt ni ne suspend, et dont il n'est ni soutenu ni établi qu'ils étaient ignorés de l'ancienne équipe qui aurait alors été empêchée d'agir en temps ou en connaissance de cause sur le plan disciplinaire ; que de plus, l'employeur ne démontre pas que la mauvaise gestion des stocks imputée au cadre n'avait pu être mesurée qu'à partir du mois d'octobre/ novembre 2008 date du changement de direction. La confection d'un rapport d'audit arrêtant la situation du site Sorequip au 30/ 09/ 08 est sans effet probatoire à cet égard ; que cette méconnaissance de l'ancienne direction sera d'autant plus écartée que le président du Groupe Caillé a décidé de gratifier le cadre en fonction au sein de la société Sorequip depuis près d'une année, le 21/ 03/ 08, d'une « prime de bilan brute », « exceptionnelle et aléatoire » qui « résulte de la décision de la Direction du Groupe en regard de la performance du site auquel vous êtes attaché », étant ajouté « Nous tenons par cet octroi à vous exprimer notre satisfaction pour vos actions qui ont ainsi contribué à l'atteinte de ce résultat » ; que l'allocation d'une telle gratification au titre du bilan met en évidence la parfaite connaissance qu'avait alors tant la hiérarchie directe du cadre dirigeant, au sein de la société RPL, que la présidence du groupe Caille de la situation des commandes et des stocks puis de l'approche du marché qu'elle sous-tend, de sorte qu'à cette période la stratégie commerciale (commande et stocks) litigieuse était validée ; que l'augmentation de salaire accordée au cadre le 22/ 07/ 08 à hauteur de 7, 14 % de sa rémunération par décision du supérieur hiérarchique directeur des pôles TP PL » (travaux publics et poids lourds) motivant cet avantage par le souhait d'exprimer à François X... « notre satisfaction au regard de votre implication dans les fonctions qui vous sont confiées », confirme que l'ancienne direction surveillait de près l'évolution de la situation de la structure Sorequip ; que l'employeur n'établit d'ailleurs pas, en dépit de l'existence connue d'un stock important de véhicules poids lourds et de travaux publics, que la hiérarchie du cadre dirigeant n'aurait pas été « en mesure de réaliser immédiatement que Messieurs B... continuaient à augmenter les stocks en passant des commandes alors que les besoins n'existaient pas.... » ; que le courriel établi le 27/ 08/ 08, avec l'objectif de « descendre vos stocks VN à un niveau raisonnable », par J. M. C... le nouveau directeur général du Groupe Caillé à l'adresse du cadre B... et de son homologue F. X... « informés des impacts considérables sur la trésorerie du Groupe » des commandes de stock « VN » (véhicules neufs) révèle que cette donnée (état des stocks) était parfaitement connue alors par ce nouveau supérieur hiérarchique, de sorte que l'engagement de la présente procédure le 12/ 11/ 08 était tardif à cet égard, et donc non compatible avec le délai de prescription de deux mois, étant observé que l'exigence immédiate'et corrélative au sein du même courriel d'Une contresignature de leurs commandes par un autre salarié, et associée à une procédure d'engagement de commandes, mettait fin à l'autonomie du cadre intimé dans ce domaine pour la période subséquente. courriel du 27/ 08/ 08 : « En conséquence, et à effet immédiat vous voudrez bien contresigner vos commandes par JM Poirier pour qu'il puisse vérifier avec vous les engagements en cours et de la capacité de vos entreprises et de la trésorerie du Groupe à les assumer. Vous trouverez en fichier joint l'engagement des commandes en cours à adapter de Sorequip vers RPL. Ces commandes devront nous parvenir au siège avec vos engagements en cours et vos prévisions de ventes à 6 mois chaque fois pour pouvoir suivre et valider vos prévisions d'évolution de BFRE et de trésorerie » ; que les premiers juges ont donc exactement estimés par des motifs adoptés non contraires que la prescription des fautes graves et répétées dans la gestion des stocks et l'approche du marché imputée à François X... est acquise ; que par ailleurs, reproche est fait à François X... d'avoir manqué de payer en totalité le mini tracteur agricole de marque « JCP » qu'il détenait à son domicile depuis le mois de janvier 2008 pour une valeur à neuf de 16. 20. 0 ¿ ; que s'il est regrettable de la part d'un responsable de structure de tarder à acquitter le montant de la facture d'achat d'un bien dont il use depuis plusieurs mois, il ressort d'un courrier du Crédit Agricole du 19/ 02/ 08 que le cadre intimé avait formalisé une demande de financement partielle à hauteur de 11. 000 ¿ courant février 2008 soit dans les semaines ayant suivi cette acquisition. En revanche, s'il est justifié qu'une difficulté est apparue lors du déblocage des fonds du fait d'un refus d'adhésion opposé par l'assureur groupe de la banque, cette difficulté ne pouvait empêcher le cadre de procéder spontanément à des paiements partiels jusqu'au règlement de cet obstacle. Le paiement du solde du prix est intervenu le 17/ 10/ 08, certes avant le licenciement, mais le jour même de la demande de « J. Marc D... ». Cette désinvolture de la part du cadre est fautive même en dépit de l'absence de relance en interne, une telle procédure étant alors d'un usage délicat pour les collaborateurs de l'intimé. Cependant, dans le contexte précité cette négligence non délibérée ne constitue pas une faute suffisamment grave ni même sérieuse propre à fonder une rupture du contrat de travail ; que le licenciement est ainsi privé de cause réelle et sérieuse. La décision entreprise est infirmée en ce sens ; que sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié qui a plus de deux ans d'ancienneté (21 juin 1991 au 24 décembre 2008) au sein d'une entreprise d'au moins onze salariés est fondé en application de l'article L. 1235-3 du code du travail à percevoir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure à la rémunération brute dont il bénéficiait pendant les six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail, primes et avantages inclus ; que ce salaire est retenu à hauteur de la somme totale de 7. 133, 62 ¿ l'avantage de véhicule de fonction étant repris à hauteur de sa valeur déclarée, les autres avantages et primes étant retenus dans les termes de la demande ; qu'en considération de son âge (né en 1962) et de son ancienneté à la date de la rupture, de sa qualification et, du préjudice subi par la perte de son emploi dans le cadre du licenciement disciplinaire, il y a lieu de condamner l'employeur à lui verser une indemnité de 140. 000 ¿, justement retenue en première instance ; que jugement est infirmé en ce sens ; que sur les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, l'indemnité de préavis devant représenter, en l'absence de faute grave, trois mois de salaire pour le cadre licencié, il convient de fixer son montant à la somme totale de 21. 400, 86 ¿ brute augmentée de la somme de 2. 140, 08 ¿ brute au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents ; que le jugement est infirmé en ce sens ; que sur l'indemnité de licenciement, le salarié ayant au moins un an de présence ininterrompue dans l'entreprise aura droit à une indemnité de licenciement égale à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, majorée comme c'est le cas de l'espèce, au-delà de dix ans d'ancienneté à hauteur des 2/ 15èmes de mois par année d'ancienneté ; que le salarié disposant à la date de présentation de la lettre de licenciement d'une ancienneté de près de 17 ans 6 mois et 3 jours, la période de préavis étant exclue, le montant de l'indemnité due ne peut être inférieure pour l'ancienneté précitée à la somme de 24. 979, 54 ¿ soit (7. 133, 62 ¿ x 1/ 5 x 17) + (7. 133, 62 ¿ x 1/ 5 x 6/ 12) + (7. 133, 62 ¿ x 1/ 5 x 1/ 12/ 30 x 3) ; que la décision déférée est réformée en ce sens ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 21 Juin 1991, M. X... a été embauché par la SARL Caille distribution en qualité de Responsable des produits d'entretien " Primmas " ; que le 13 Février 2004, il était promu Cadre expert et était muté auprès de la SNTM à compter du 1er Avril 2005 en tant que Directeur d'établissement ; qu'il était muté à la société Sorequip à compter du 1er Avril 2007 en qualité de Directeur de Site avec le statut de Cadre Dirigeant ; qu'il apparaît non moins constant qu'entre 2004 et Juillet 2008, M. X... était régulièrement félicité pour la qualité de ses prestations et en était récompensé par l'octroi de primes (la dernière datant de Mars 2008 pour un montant de 7. 000 euros) et par des augmentations de salaire ; qu'or, après un entretien préalable qui s'est déroulé le 24 Novembre 2008, M. X... a été licencié pour faute grave par lettre du 22 Décembre 2008 ; qu'aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, il est reproché à M. X... :- d'avoir commis des fautes graves et répétées dans la gestion des stocks,- d'avoir à son domicile depuis Janvier 2008 un mini tracteur agricole d'une valeur de 16. 200 euros et ne l'avoir payé qu'en Octobre 2008 après plusieurs relances ; que les griefs articulés contre M. X... concernent sa gestion de la société Sorequip où il a été muté en Avril 2007 et dont il ressort de la lettre de licenciement qu'elle connaissait " une situation fortement dégradée au niveau des stocks, l'ancienne gestion ayant généré un stock d'une valeur de 5. 271. 785 euros " ; que, d'ores et déjà, il convient d'observer une certaine confusion dans la définition des tâches attribuées à M. X... et sa position dans le Groupe ; qu'en effet, s'il a pu obtenir une prime de bilan brute de 7. 000 euros en Mars 2008, soit un an après sa prise de fonction au sein de la société RPL et 8 mois avant la procédure de licenciement, de la part du Président du Groupe qui écrivait " nous tenons par cet octroi à vous exprimer notre satisfaction par vos actions qui ont ainsi contribué à l'atteinte de ce résultat ", l'on peut légitimement en déduire que le bilan de 2007 était positif ; que dans le cas contraire, cela reviendrait à considérer que le travail de M. X... n'était ni contrôlé ni supervisé ; qu'il l'a pourtant été dès l'arrivée de M. A..., nouveau supérieur hiérarchique des Directeurs de Site-dont M. X...- lequel leur a donné l'ordre suivant en Novembre 2008 : " toutes les demandes de règlement supérieur à 2. 000 euros fournisseurs devront impérativement être visées par moi avant d'être transmises au siège ou aux fournisseurs ", ce qui contredit l'assertion selon laquelle M. X... avait " plein pouvoir dans l'organisation, la politique commerciale et la gestion de (sa) structure " ; qu'à cet égard, le fait pour un salarié d'être Cadre Dirigeant signifie qu'il assure le management d'un ou de plusieurs services importants dans le cadre de missions et suivant des objectifs définis avec les dirigeants de l'entreprise ; qu'or, M. X... n'a signé aucune fiche de " définition de fonction " ; qu'en outre, il apparaît que les faits reprochés à M. X... sont manifestement prescrits ; qu'en effet, il est précisé dans la lettre de licenciement : " Alors que votre niveau de stock s'était élevé sous votre direction à 8. 948. 737 euros au 31 Décembre 2007, vous avez ainsi commandé pour 5. 722. 568 euros entre le 1 er Janvier et le 30 Septembre 2008, et sans aucun plan de vente, sans vous préoccuper de la capacité d'absorption et d'écoulement de ces unités supplémentaires " ; qu'or, l'employeur ne peut sérieusement affirmer que ces faits n'ont été découverts qu'en Octobre 2008, à la prise de fonction du nouveau Directeur de Firme alors qu'il est établi que M. X... avisait régulièrement sa hiérarchie de l'état des stocks au moins dès Mai 2008, laquelle hiérarchie lui recommandait en Août 2008 de descendre ses stocks à un niveau raisonnable ; qu'ainsi, plus de deux mois s'étant écoulés entre la connaissance de l'état des stocks et l'engagement de la procédure de licenciement, la faute tenant à leur gestion est frappée de prescription ; que concernant le second grief, l'employeur n'établit aucunement ne pas avoir été avisé de la vente du tracteur à M. X..., ni d'en avoir réclamé vainement le paiement, lequel a été effectué avant la procédure de licenciement ; qu'il en résulte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le salaire de base mensuel de M. X... était de 4. 500 euros brut auquel il convient d'ajouter l'ensemble des primes ainsi que les gratifications fixes et constantes ; qu'ainsi, son salaire mensuel valorisé s'élevait à la somme justement évaluée par M. X... de 8. 053, 58 euros ; que M. X... avait une ancienneté de 17 ans et 6 mois au moment de son licenciement, étant précisé que le calcul de l'indemnité de licenciement se fait sur les douze ou les trois derniers mois précédant la notification du licenciement, sans prendre en compte la période de préavis ; que le licenciement pour faute grave suppose une rupture brutale du contrat de travail, dans des conditions vexatoires s'il n'est pas justifié ; qu'il en est nécessairement résulté un préjudice pour M. X... qu'il convient d'indemniser par l'allocation de dommages et intérêts ; que le Conseil dispose des éléments suffisants pour arrêter la créance de M. X... aux sommes suivantes : 110. 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5. 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct, 24. 160, 74 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 2. 416, 07 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis, 23. 623, 83 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ; que l'équité commande en la cause d'allouer à M. X... la somme de 2. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; enfin qu'il convient d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision à hauteur de la moitié des sommes allouées ;
1) ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties exprimées dans leurs conclusions ; que le délai de prescription des fautes disciplinaires ne court qu'à compter du jour où l'employeur a une connaissance complète et exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié ; qu'au cas d'espèce, la Société reprochait à M. X... des fautes graves et répétées dans la gestion des stocks et l'approche du marché (conclusions d'appel oralement soutenues, p. 5 à 10) ; qu'elle soutenait à cet égard que « la réalité de la situation n'a véritablement été mise à jour que grâce à l'arrivée de M. A... dont la fonction était justement de superviser le travail de M. X... mais également du rapport établi par le Cabinet EXA au mois d'octobre 2008 » (conclusions d'appel, p. 10) ; qu'en affirmant pourtant, pour estimer ce grief prescrit, qu'il n'était ni soutenu ni établi que les faits litigieux étaient ignorés de l'ancienne équipe qui aurait alors été empêchée d'agir en temps ou en connaissance de cause, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE le principe d'égalité des armes commande que chaque partie puisse présenter sa thèse, et ses preuves, dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à la partie adverse ; qu'en n'accordant par principe aucun crédit au rapport d'audit établi par le cabinet d'experts comptables EXA produit aux débats par l'employeur pour établir la matérialité des défaillances professionnelles du salarié, la cour d'appel a méconnu le principe d'égalité des armes, composante du droit au procès équitable, et partant violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3) ALORS QUE les juges du fond doivent répondre aux conclusions dont ils sont saisis et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu'en l'espèce, l'exposante invoquait les raisons pour lesquelles, bien que M. X... ait régulièrement avisé sa hiérarchie de l'état des stocks à partir du mois de mai 2008, elle n'avait découvert que tardivement les faits incriminés au salarié ; qu'elle expliquait ainsi (conclusions d'appel de l'exposante, p. 9 et 10) qu'« il existe une différence entre les flux d'engagement qui correspondent aux commandes passées mais qui ne sont pas enregistrées comptablement et les flux comptables qui sont passés uniquement à la réception des factures qui elles ne sont pas émises concomitamment à la commande. Ainsi il peut s'écouler plusieurs mois entre un flux d'engagement (non visible) et un flux réel comptable (visible) » ; qu'elle ajoutait que la société n'avait dans ces conditions « pas été en mesure de réaliser immédiatement que M. X... continuait à augmenter les stocks en passant des commandes alors que les besoins n'existaient pas et que l'état des stocks était déjà important » de sorte que « la réalité de la situation n'a véritablement été mise à jour que grâce à l'arrivée de M. A... dont la fonction était justement de superviser le travail de M. X... mais également du rapport établi par le Cabinet EXA au mois d'octobre 2008 » ; qu'en omettant de répondre sur ce point déterminant, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé, ce faisant, l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, après avoir dit que le licenciement de M. François X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, fixé sa créance au passif de la SAS Sorequip à la somme de 5. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le préjudice distinct, le licenciement peut causer au salarié en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation ; que la rupture du contrat de travail du cadre dirigeant, sans indemnité ni préavis sur la base de faits fautifs prescrits, alors que huit mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire il était gratifié d'une prime de bilan pour son action, révèle une situation vexatoire et humiliante de nature à lui causer un préjudice distinct de celui résultant de la simple perte de son emploi ; que ce préjudice a été exactement réparé en première instance par l'allocation d'une somme de 5. 000 ¿ ; que le jugement est confirmé en ce sens ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMNT ADOPTES QUE le licenciement pour faute grave suppose une rupture brutale du contrat de travail, dans des conditions vexatoires s'il n'est pas justifié ; qu'il en est nécessairement résulté un préjudice pour M. X... qu'il convient d'indemniser par l'allocation de dommages et intérêts ; que le Conseil dispose des éléments suffisants pour arrêter la créance de M. X... aux sommes suivantes : 110. 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5. 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct ;
1°) ALORS QUE l'octroi de dommages et intérêts au titre des circonstances brutales de la rupture du contrat de travail suppose que soit établi un comportement fautif de l'employeur distinct de celui tenant au prononcé même du licenciement jugé infondé ; qu'en retenant, pour décider d'allouer au salarié la somme de 5. 000 euros de dommages et intérêts au titre des circonstances prétendument vexatoires et humiliantes de son licenciement, que la rupture du contrat de travail était intervenue « sur la base de faits fautifs prescrits, alors que huit mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire il était gratifié d'une prime de bilan pour son action » (arrêt, p. 11), quand ces motifs, qui avaient motivé l'octroi d'une somme de 140. 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, étaient impropres à caractériser une faute de la part de la société, distincte du prononcé du licenciement jugé injustifié, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1235-3, L. 1235-5 du code du travail et 1382 du code civil ;
2) ALORS QUE, en tout état de cause, la cassation de l'arrêt sur le fondement du premier moyen, en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. X..., basé sur des faits fautifs prescrits, était dépourvu de cause réelle et sérieuse entraînera automatiquement, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a jugé que le licenciement du salarié révélait une situation vexatoire et humiliante de nature à lui causer un préjudice distinct de celui résultant de la simple perte de son emploi.