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08/03/2016 | FRANCE | N°15-87485

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 mars 2016, 15-87485


Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Somena X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 8 décembre 2015, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 7 janvier 2015, n° 15-80. 302) dans la procédure d'extradition suivie contre elle à la demande du gouvernement de la République de Corée, a émis un avis favorable ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er mars 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin

, président, M. Larmanjat, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambr...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Somena X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 8 décembre 2015, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 7 janvier 2015, n° 15-80. 302) dans la procédure d'extradition suivie contre elle à la demande du gouvernement de la République de Corée, a émis un avis favorable ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er mars 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Larmanjat, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller LARMANJAT, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ; Sur le premier moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 7 de la Convention d'extradition entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république de Corée du 6 juin 2006, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 696, 696-4, 696-8, 696-15, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la chambre de l'instruction a rendu un avis favorable à l'extradition de Mme X..., épouse Y..., vers la Corée du Sud ;
" aux motifs que « suite aux diverses indications fournies par les autorités sud coréennes à l'appui de leur demande d'extradition à l'encontre de Mme X..., épouse Y..., et formulées dans le mandat d'arrêt du 8 mai 2014, la demande d'extradition du 19 mai 2014, la notice interpol du 27 mai 2014 et complétées le 28 mai 2014 par des " précisons ", le 11 juin 2014 par des documents complémentaires, le 22 juillet 2014 par des documents complémentaires à la demande du parquet, le 26 novembre 2014 par des documents complémentaires suite au complément d'information sollicité par la chambre de l'instruction de Paris, par l'envoi d'une note en juillet 2015 suite à l'arrêt de la Cour de cassation et le 22 juillet 2015 par des documents complémentaires suite au complément d'information sollicité par la cour, il ressort que Mme X..., épouse Y..., a dirigé l'entreprise Moreal design en tant que PDG et a géré à titre personnel, une société de consultation en design dénommée The Eight concept ; que son frère M. Hyuk-Kee X...a géré la société Key solutions ; que des détournements, par des paiements de prestations non fournies, auraient été commis par Mme X... en tant que dirigeante de Moréal design au préjudice de cette société et en tant que complice des dirigeants des entreprises Dapanda et Semo au préjudice de ces dernières entreprises et au profit de The Eight concept, de Key solutions et de Moreal design ; que, suite à ces envois multiples et, notamment, aux précisions données sur les dates des faits et les bénéficiaires des détournements, la peine encourue et ses modalités d'exécution, l'extradition de Mme X..., épouse Y..., est demandée aux fins de poursuite pour avoir détourné pour son propre compte :-1°- entre avril 2010 et décembre 2013, la somme de 990 000 000 KRW au préjudice de Moreal design via des versements au profit de l'entreprise Key solutions, société dirigée par son frère M. Hyuk-Kee X..., à titre d'honoraires de consultations d'affaires, services non fournis ;-2°- entre 2008 et décembre 2013, la somme de 2 975 000 000 KRW au préjudice de Moreal design via des versements au profit de son entreprise privée The Eight concept, à titre de frais de consultation d'affaires et d'achat de produits imprimés, alors que cette entreprise n'a jamais fourni un tel service ;-3°- entre janvier 2004 et décembre 2013, la somme de 4 170 666 000 KRW au préjudice de Dapanda avec la complicité de M. Song C..., PDG de cette entreprise, via des versements au profit de Moreal design Inc, à titre de frais de conseils en design non fournis ;-4°- entre 2005 et 2009, la somme de 258 666 000 KRW au préjudice de Dapanda avec la complicité de M. Song C..., PDG de cette entreprise, via des versements effectués au profit de The Eight concept à titre de frais de conseils en design non fournis ;-5°- entre 2005 et 2008, la somme de 362 000 000 KRW au préjudice de Serno, avec la complicité de Go Chang-HIwan, PDG de cette entreprise, via des versements effectués au profit de The Eight concept à titre de frais de conseils en design non fournis ; que, selon les indications des autorités sud coréennes, ces faits ont été découverts suite au naufrage du ferry Sewol survenu le 16 avril 2014 par une équipe spéciale d'enquête mise en place pour déterminer les responsabilités du capitaine du ferry et de la compagnie maritime Chonghaejin marine company, faisant partie du groupe SEMO dirigé par son président M. Byung D...
X... ; que les détournements commis par M. Byung D...
X... et ses enfants, notamment, Mme X... et ses frères et les dirigeants des entreprises du groupe, ont alors été mis à jour par les auditions de témoins et les analyses des comptes des compagnies concernées ; qu'il a été précisé fois lors du dernier envoi des autorités coréennes que ces détournements avaient pu être si longtemps cachés en raison de l'appartenance de la famille X..., des dirigeants des entreprises et du personnel à l'église évangéliste Baptiste E..., les adeptes ayant facilité la fuite de M. Byung D...
X... ; qu'il est indiqué que ces infractions relèvent de la loi sur la peine aggravée pour crime économique spécifique, article 3, § 1, 1, décrite dans l'alinéa 1er, détournement de fonds de l'article 325 du code pénal coréen ; que les autorités sud coréennes ont précisé que Mme X..., épouse Y..., encourt au regard du montant des fonds détournés, une peine maximale de quarante-cinq ans d'emprisonnement avec travaux forcés, la prescription étant ou non acquise à compter de mai 2011 ; que, s'agissant de la qualification des faits, que les " crimes " dénoncés ci-dessus exposés sont qualifiés en droit de la République de Corée de détournement de fonds entraînant " l'obtention illégale pour soi de fonds " par les dispositions combinées de l'article 355 du code pénal coréen et de l'article 3, § 1, 1, de la loi sur la peine aggravée pour crime économique spécifique du 31 décembre 1983, entrée en vigueur le 1er janvier 1984 ; que ces faits sont réprimés également en France sous les qualifications d'abus de biens sociaux, de complicité et de recel d'abus de biens sociaux, délits prévus et punis par les articles L. 241-3 et L. 242-6 du code de commerce et 121-7 et 321-1 à 321-5 du code pénal ; qu'en république de Corée et en France ces infractions sont punies d'une peine privative de liberté d'au moins deux ans, conformément aux dispositions de l'article 2, § 1, de la convention d'extradition ; que, s'agissant de la prescription de l'action publique, que selon les autorités sud coréennes, aux termes de l'article 249, § 1, du code pénal de Corée, la durée de la prescription, qui est suspendue en cas de départ à l'étranger de l'auteur présumé aux termes de l'article 253, § 3, du même code, est d'une durée de dix ans, lorsque la peine encourue est supérieure à dix ans, comme en l'espèce, où, selon les dispositions combinées des articles 3, § 1, 2, de la loi sur la peine aggravée pour crime économique spécifique et 38, alinéa 1, sous alinéa 2, du code pénal, en raison de la multiplicité des infractions et du montant de 4 170 666 000 wons du plus important des cinq détournements imputés, Mme X..., épouse Y..., encourt une peine maximale de quarante-cinq ans d'emprisonnement avec travaux forcés ; que, par l'effet de ces dispositions, le départ de Mme X..., épouse Y..., de Corée le 13 août 2013 a suspendu la prescription selon le droit coréen de tous les faits dénoncés ; qu'en droit français le délit d'abus de biens sociaux commence à se prescrire lorsqu'il apparaît et peut être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique et que le recel d'abus de biens sociaux commence à se prescrire lorsque l'infraction dont il procède est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que, selon la jurisprudence ce délit est une infraction instantanée consommée lors de l'usage abusif des biens de la société, la prescription courant sauf dissimulation à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indûment à la charge de la société ; que les faits imputés à Mme X..., épouse Y..., selon les autorités requérantes ont été mis à jour en mai 2014 par les auditions de nombreux témoins et l'analyse des comptes des compagnies effectuées par l'équipe spéciale d'enquête chargée de mener des investigations sur les causes du naufrage du ferry Sewol survenu le 16 avril 2014 ; qu'il ressort des précisions données par les requérants lors du complément d'information que les fonds litigieux auraient été remis, par des versements réguliers, mensuels ou trimestriels, durant plusieurs années, parfois pendant plus de 10 ans, qu'ils ont été effectués en exécution de contrats non dénoncés, qu'ils apparaissaient dans les comptes sociaux des entreprises concernées et ont fait l'objet de déclarations aux services fiscaux de Corée ; que tant les sociétés victimes que les sociétés bénéficiaires ont effectué des déclarations comptables et fiscales concernant ces sommes dont les versements n'étaient nullement cachés au sein des entreprises concernées, aux autorités de contrôle de celles-ci et aux services fiscaux et administratifs de la République de Corée ; qu'il apparaît dès lors que ces versements, n'ont ainsi pas fait l'objet de dissimulation au regard de la jurisprudence française, que chaque détournement commis étant une infraction instantanée, l'engagement des poursuites permettant l'exercice de l'action publique pouvait être effectué dès la commission des faits et en tous cas dans un délai de trois ans, délai de prescription des délits en France ; que les poursuites ayant été engagées par les autorités coréennes en mai 2014, seuls les faits commis à partir de juin 2011 ne sont pas prescrits ; que, vu l'échelle des peines liée au montant des détournements pour ce type d'infraction, que les autorités sud coréennes ont précisé à la demande de la cour les montants détournés en cas de prescription des faits commis avant juin 2011 et ont indiqué que la peine maximale d'emprisonnement encourue le détournement le plus élevé étant alors de 2 480 000 000 KRW, restait toujours de quarante-cinq ans avec travaux forcés, tâches que Mme X... ne serait pas obligée d'accomplir si elle ne le souhaitait pas ; que, dès lors, la cour constatera la prescription des détournements qui auraient été commis :

- de 2005 à 2008 au préjudice de Semo pour la somme de 362 000 000 KRW au profit de The Eight concept ;- de 2005 à 2009 au préjudice de Dapanda pour la somme de 258 666 000 KRW au profit de The Eight concept ; que, s'agissant des autres détournements dénoncés que la cour constatera la prescription des faits qui auraient été commis avant à juin 2011 et qu'ainsi les faits reprochés à Mme X..., épouse Y..., non couverts par la prescription étant alors selon les autorités sud coréennes :-1°- un crime de détournement de 620 000 000 KRW au préjudice de Moreal design Inc. de juin 2011 à décembre 2013 au profit de la société Key solutions ;-2°- un crime de détournement de 1 490 000 000 KRW au préjudice de Moréal design Inc, de juin 2011 à décembre 2013 au profit de la société The Eight concept ;-3°- un crime de détournement de 2 480 000 000 KRW au préjudice de la société Dapanda de juin 2011 à décembre 2013 au profit de la société Moreal design ; que, s'agissant de l'imprécision des faits soulevée par les avocats de Mme X..., épouse Y..., au regard de la convention d'extradition signée le 6 juin 2006 entre la France et la République de Corée et entrée en vigueur le 1er juin 2008, qu'il appartient à la cour de vérifier conformément aux dispositions combinées de l'article 7, 2b et 3, de la Convention si la demande d'extradition est " accompagnée d'un exposé des faits concernant l'affaire incluant le temps et le lieu de la commission de l'infraction et s'agissant d'une demande aux fins de poursuite d'un exposé des actes ou omissions retenus comme constituant l'infraction " ; que les autorités sud coréennes, sollicitées à six reprises par le parquet de Paris, par la chambre d'instruction de Paris initialement saisie et par la cour ont fourni des précisions concernant, notamment, les dates et bénéficiaires des détournements, la peine encourue et ses modalités d'exécution ; que, notamment, s'agissant de l'imprécision sur les dates des faits concernant les détournements commis au préjudice de la société Moréal design au profit de la société The Eight concept, que le gouvernement de la république de Corée a indiqué dans la réponse officielle au complément d'information que la date des faits était " de 2008 à 2013 " rectifiant ainsi les documents précédents mentionnant de " 2004 à 2009 " ; que la cour soulignant d'ailleurs que l'arrêt la chambre d'instruction de Paris cassé en toutes ses dispositions reprenait la date de " 2004 à 2009 " concernant ce détournement ; que la cour constate que les autorités requérantes ont qualifié " d'erreurs typographiques " ces différences de dates, mentionnant " la soumission rapide et dans un bref délai " des documents ; que ces imprécisions regrettables, ayant un impact sur l'acquisition éventuelle de la prescription de ces faits, ont été ainsi levées et que la réponse au complément d'information ordonné par la cour ne laisse plus subsister d'incertitudes sur ce point ; que, s'agissant des autres imprécisions relevées par les avocats de Mme X..., épouse Y..., qu'il n'appartient pas à la cour d'apprécier si les poursuites engagées par l'état requérant sont fondées ou si les charges réunies sont suffisamment sérieuses pour penser qu'elle est l'auteur des faits qui lui sont reprochés ; que l'exposé des faits mentionnant le temps et le lieu de la commission de l'infraction et l'exposé des actes ou omissions retenus comme constituant l'infraction est suffisant et répond ainsi aux exigences des dispositions combinées de l'article 7, 2b et 3, de la Convention d'extradition entre la France et la république de Corée, la cour constatant ainsi que la demande de complément d'information sollicitée subsidiairement par les avocats n'est pas justifiée et qu'elle sera, dès lors, rejetée ; que, dès lors, ces moyens soulevés de ces chefs par les avocats seront écartés ;

" 1°) alors qu'il appartient à la chambre de l'instruction, appelée à délivrer un avis sur une procédure d'extradition, de vérifier que la prescription de l'action publique ne s'est pas trouvée acquise ; qu'en l'espèce, ayant retenu que seuls les faits commis à partir de juin 2011 n'étaient pas prescrits, la chambre de l'instruction se devait d'analyser avec précision quels étaient les détournements, mensuels ou trimestriels, commis postérieurement à cette date ; qu'en se bornant à retenir les montants des détournements péremptoirement indiqués par la république de Corée pour la période non prescrite, lorsque, s'agissant, notamment, du détournement de la somme de 2 975 000 000 KRW, seul un montant annuel avait été communiqué pour l'année 2011, ce qui faisait obstacle à la compréhension du résultat obtenu, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale ;
" 2°) alors que les faits pour lesquels l'extradition est demandée doivent être clairement exposés, et contenir des indications précises quant à leur temps et lieu de commission ; qu'en l'espèce, le mémoire qui saisissait la chambre de l'instruction mettait en lumière de nombreuses incohérences et contradictions résultant des différentes informations fournies par la république de Corée, relativement aux faits objet de la demande d'extradition, que ce soit concernant les sociétés en cause, les dates ou les montants prétendument détournés ; qu'en considérant que l'examen de ces critiques reviendrait à « apprécier si les poursuites engagées par l'Etat requérant sont fondées ou si les charges réunies sont suffisamment sérieuses pour penser que la demanderesse est l'auteur des faits qui lui sont reprochés » pour éviter d'y répondre, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale ;
" 3°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait considérer que, s'agissant du détournement de la somme de 2 975 000 000 KRW au préjudice de « la société Moreal design », les faits auraient été commis entre 2008 et décembre 2013 en se fondant uniquement sur la réponse officielle au complément d'information, lorsque le mémoire dont elle était saisie faisait valoir qu'il ressort au contraire des observations fournies spontanément par la république de Corée à la chancellerie le 10 juillet 2015 qu'ils seraient survenus « à partir de 2004 jusqu'en 2009 » ;
" 4°) alors que, s'agissant du prétendu détournement de la somme de 258 666 000 KRW, la chambre de l'instruction ne pouvait retenir sans s'en expliquer qu'il aurait été commis au préjudice de la société The Eight concept, lorsque le mémoire faisait valoir que la notice interpol et le document complémentaire du 11 juin 2014 indiquaient au contraire que la société victime aurait été Moreal design ;
" 5°) alors que la demande d'extradition doit comprendre un exposé des actes ou omissions retenus comme constituant l'infraction ; qu'en l'espèce, il ne ressort des éléments communiqués par la république de Corée du Sud aucune précision quant aux actes matériels ou omission reprochés à la demanderesse ; qu'en se bornant à indiquer que l'extradition de Mme X..., épouse Y..., est demandée aux fins de poursuite pour avoir détourné certaines sommes sans s'expliquer aucunement sur la matérialité des faits susceptibles de lui être reprochés, la chambre de l'instruction a de nouveau privé sa décision de base légale " ;
Attendu que, pour estimer réunies les conditions de fond de la demande d'extradition présentée par le gouvernement de la République de Corée aux fins de poursuivre Mme X..., épouse Y..., pour des faits de détournements de fonds, d'un montant total de 4 590 000 000 KRW, s'échelonnant de juin 2011 à décembre 2013, commis au préjudice de sociétés dont elle était la dirigeante, au sein du groupe dont son propre père était le président, l'arrêt retient que ces faits, qualifiés de crime économique spécifique et pouvant s'analyser, en droit pénal français, en délits d'abus de biens sociaux, de complicité et recel de ce même délit, ont été révélés au cours de l'enquête effectuée sur les activités du groupe précité, en prolongement du naufrage du navire Sewol, propriété d'une des filiales de celui-ci, survenu le 16 avril 2014, au large de la Corée et ayant provoqué la mort d'environ quatre cents personnes ;
Attendu que, se fondant sur les éléments contenus dans l'attestation de M. Byeon, procureur du parquet du district d'Incheon, en charge du dossier, en exécution du second complément d'information ordonné le 25 juin 2015, l'arrêt retient qu'au regard de la loi française, seuls les faits postérieurs à juin 2011 ne sont pas prescrits et peuvent justifier la remise de la personne réclamée ; qu'à partir de l'analyse de l'attestation précitée et des autres pièces transmises par les autorités requérantes, les juges ont, ainsi, évalué avec précision les montants des détournements, non prescrits, et indiqué leurs dates de commission, les sociétés victimes et les circonstances dans lesquelles ils ont été opérés ;
Attendu que la chambre de l'instruction a, dès lors, régulièrement prononcé au vu des pièces exigées par la Convention d'extradition visée au moyen sans méconnaître les dispositions conventionnelles et légales invoquées ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 5, de la Convention d'extradition entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république de Corée du 6 juin 2006, 3, 4 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 7, 8, 696, 696-4, 696-15, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rendu un avis favorable à l'extradition de Mme X..., épouse Y..., vers la Corée du Sud ;
" aux motifs que, s'agissant du non-respect des garanties fondamentales quant à la peine, soulevé par les avocats, et notamment de l'absence de clarté de la peine, que la cour constate que le minimum et le maximum légal de la peine pour les infractions dénoncées sont définis par la loi sud-coréenne ; que le calcul de la peine maximale encourue par l'intéressée a été exposé par les autorités requérantes, très clairement à plusieurs reprises, suite notamment au complément d'information sollicité ; que l'analyse faite par le gouvernement de la République de Corée sur la peine qui serait effectivement encourue par Mme X..., épouse Y..., en cas de condamnation, au regard des peines prononcées pour ce type d'infractions et aussi de celles prononcées dans la même affaire à l'encontre d'autres personnes, soit de deux ans et demi à trois ans, ne constitue pas, contrairement aux allégations des avocats, une absence de clarté de la peine, mais des informations sur les peines effectivement prononcées ; que, s'agissant de l'inconventionnalité de la peine soulevée, la cour relève que la peine maximale encourue de quarante-cinq ans d'emprisonnement avec travaux forcés a été définie et explicitée par les autorités requérantes ; qu'il en ressort que les travaux forcés assortissant une peine de prison concernent l'obligation faite aux personnes condamnées de " nettoyer l'intérieur des installations, faire du lavage ou fabriquer des produits, savons " ; qu'il s'agit ainsi de " tâches simples comme nettoyage de chambre, cuisine, lavage ou bricolage des produits " ; que ces travaux correspondent à un travail pénitentiaire tel que définit par l'article 2c de la convention sur le travail forcé de 1930 excluant cette activité de la prohibition du travail forcé faite aux états signataires ; que le gouvernement de la République de Corée s'est d'ailleurs clairement engagé : " sur la base du principe de la réciprocité le gouvernement de la république de Corée garantit que Mme X..., épouse Y..., ne participera pas aux travaux, si elle ne le souhaite pas même si le tribunal en Corée la condamne à l'emprisonnement avec travaux " ; que Mme X..., épouse Y..., si elle devait être détenue en Corée, contrairement aux allégations des avocats ne subirait pas une peine inhumaine et dégradante contraire aux dispositions de l'article 3 de la Convention européenne des droit de l'homme ; que, dès lors, les moyens soulevés par les avocats de ces chefs seront écartés ; que, s'agissant de la violation du droit à un procès équitable et du but politique de la demande d'extradition que la cour relève que, si les infractions reprochés à Mme X..., épouse Y..., et à sa famille ont été dénoncés à la suite de l'enquête diligentée après le naufrage du Sewol, le but politique de la demande d'extradition ne peut s'induire de ce seul fait malgré la sensibilité compréhensible de cette affaire ; que les allégations des avocats sur ce point ne sauraient être retenues, les délits reprochés de détournement de fonds n'ayant pas de caractère politique et l'extradition de Mme X..., épouse Y..., qui n'est pas une opposante au régime politique, n'étant pas demandée dans un but politique sous couvert de poursuite d'une infraction de droit commun ; que la cour relève au surplus que l'indépendance des magistrats coréens est garantie par la constitution de la république de Corée, qu'ils sont recrutés sur concours, inamovibles, et formés pendant deux ans dans un institut ; que les condamnations déjà prononcées concernant les personnes mises en cause confirment l'indépendance et l'impartialité des magistrats ; que, s'agissant du droit à un procès équitable et de la présomption d'innocence soulevés par les avocats, que ce droit consacré par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, a une valeur constitutionnelle et que l'article 696-47 du code de procédure pénale mentionne que l'extradition n'est pas accordée lorsque la personne réclamée serait jugée dans l'état requérant par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de droit de la défense ; que les allégations des avocat se fondent essentiellement sur les déclarations des autorités publiques coréennes ayant mis en cause " la famille X... " comme étant à l'origine de la tragédie, le naufrage, et sur les expressions employées dans la demande d'extradition concernant Mme X..., épouse Y..., mentionnant, notamment, " la criminelle " ; que la cour constate d'abord que l'intéressée n'est pas poursuivie pour des faits mettant en cause sa responsabilité dans le naufrage du ferry, tragédie à laquelle faisaient référence les déclarations critiquées ; que ce ferry appartenait à la société Compagnie maritime Chonghaejin marine company du groupe Semo, propriété de M. Byung D...
X..., père de Mme X..., épouse Y..., et que les détournement reprochés, découverts lors de l'enquête diligentée sur les compagnies du groupe n'ont pas de lien direct avec ce naufrage ; que, s'agissant des termes employés dans la demande d'extradition que la cour relève que l'expression " la criminelle ", pour maladroite qu'elle soit, doit être interprétée au regard des faits qualifiés " crimes " qui sont reprochés à Mme X..., épouse Y..., en droit coréen ; que ces déclarations et termes employés ne sont pas la preuve que l'intéressée risquerait de subir dans le pays demandeur un déni de justice flagrant ni qu'elle ne bénéficierait pas des garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense alors que la remise demandée pour l'engagement des poursuites est fondée sur des témoignages et analyses de comptes qui seront débattus contradictoirement devant des magistrats indépendants, comme ci-dessus rappelé, avec l'assistance d'un avocat et droit d'appel ; qu'il n'y a pas eu ainsi violation de la présomption d'innocence, le caractère équitable de la procédure pénale au cours de laquelle Mme X..., épouse Y..., pourra être jugée n'étant nullement remis en cause par ces faits ; que, dès lors, les moyens soulevés par les avocats de ces chefs seront écartés ; que, s'agissant de la demande subsidiaire de complément d'information sollicitée par les avocats, que cette demande non fondée pour les motifs déjà exposés sera rejetée ; qu'aucun des motifs obligatoires ou facultatifs de refus d'extradition énumérés aux articles 3 et 5 de la Convention d'extradition entre la Corée et la France n'est constitué ; que la demande répond également aux exigences de forme énumérées à l'article 7 de cette convention ;
" 1°) alors que, selon les stipulations de l'article 7 de la Convention d'extradition liant la France et la Corée du Sud, la demande d'extradition doit être accompagnée du texte des dispositions légales prévoyant les peines relatives à l'infraction ; qu'en l'espèce, la position de la république de Corée quant à la peine encourue par la demanderesse n'a cessé de varier au fil de la procédure ; qu'il ressort en outre de l'envoi de l'Etat requérant du 22 juillet 2015 des informations totalement contradictoires, puisqu'y étant à la fois précisé que la loi prévoit une peine « supérieure ou égale à trois ans » et que la moitié des personnes inculpées pour une même infraction a été condamné « en moyenne à deux ans et sept mois » ; que, dans ces conditions, la chambre de l'instruction n'était pas fondée à estimer, sans se prononcer sur ce point des écritures, que « le minimum et le maximum légal de la peine pour les infractions dénoncées sont définis par la loi sud-coréenne » et que « le calcul de la peine maximale encourue par l'intéressée a été exposée par les autorités requérantes, très clairement à plusieurs reprises ¿ » ;
" 2°) alors que les écritures dont la chambre de l'instruction était saisie faisaient valoir qu'en application du code pénal coréen, la demanderesse serait soumise à des sanctions sévères en cas de refus de se soumettre au travail forcé qui assortit la peine d'emprisonnement qu'elle encourt ; qu'en écartant une possible violation de l'article 4 de la Convention européenne des droit de l'homme sans tenir compte de cet élément, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale ;
" 3°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait se borner à affirmer péremptoirement, s'agissant de la violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, que « Mme X..., si elle devait être détenue en Corée, contrairement aux allégations des avocats ne subirait pas une peine inhumaine et dégradante contraire aux dispositions de l'article 3 de la Convention européenne des droit de l'homme » ; qu'en s'abstenant à répondre à un argument essentiel des écritures de la demanderesse, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
" 4°) alors qu'en vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, l'existence d'une garantie verbale fournie par l'Etat requérant mais contredisant l'état de son droit positif n'est pas de nature à balayer tout risque de traitement contraire aux articles 3 et 4 de la Convention européenne des droit de l'homme ; que la chambre de l'instruction ne pouvait se limiter, pour écarter l'existence d'un risque de traitement contraire à la Convention européenne des droit de l'homme, à opposer le fait que le gouvernement de l'Etat requérant a affirmé, dans une simple note verbale, que si la demanderesse est condamnée à une peine d'emprisonnement avec travaux, « elle n'y participera pas si elle ne le souhaite pas » ;
" 5°) alors que l'extradition n'est pas accordée lorsque la personne réclamée serait jugée dans l'Etat requérant par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure ; qu'en l'espèce, dans ses écritures Mme X... faisait, notamment, valoir qu'au lendemain du naufrage du Ferry Sewol, la présidente de la Corée du Sud a publiquement indiqué que « la famille X...
A... est à l'origine de la tragédie, elle se moque de la loi et suscite la fureur de la loi alors qu'elle devrait se repentir devant l'opinion et dévoiler la vérité », avant que soit ouverte l'enquête spéciale ayant abouti à sa demande d'extradition ; que, dans ces conditions, la chambre de l'instruction n'était pas fondée à soutenir que « les détournements reprochés, découverts lors de l'enquête diligentée sur les compagnies du groupe n'ont pas de lien direct avec ce naufrage » pour écarter le risque que la demanderesse soit jugée au mépris du droit à un procès équitable et de la présomption d'innocence " ;
Attendu qu'en prolongement d'un complément d'information sollicité auprès des autorités judiciaires coréennes, l'arrêt relève que le maximum de la peine d'emprisonnement prévue par la loi coréenne, applicable à Mme X..., épouse Y..., après que les faits, pour lesquels l'extradition de celle-ci pourrait être accordée, ont été limités à ceux commis à compter de juin 2011, demeure égal à quarante-cinq années d'emprisonnement ; que, sur les indications fournies par l'autorité judiciaire coréenne, les juges précisent que la moyenne des peines prononcées depuis 2009 pour des faits comparables a été de deux ans et sept mois d'emprisonnement, voire d'emprisonnement avec sursis ; que ces dernières précisions sur les sanctions réellement appliquées ne sont pas de nature à créer d'ambiguïté, comme il est allégué au moyen, sur la peine légalement encourue par Mme X..., épouse Y...;
Attendu que les juges ajoutent qu'en exécution des compléments d'information adressés aux autorités requérantes, celles-ci ont assuré que la peine de travaux forcés consiste en des tâches diverses, accomplies au sein des établissements pénitentiaires, a pour but de permettre la réinsertion sociale du condamné et se trouve suspendue au consentement de celui-ci ; qu'ainsi, le gouvernement coréen a pris l'engagement qu'en toute hypothèse, Mme X..., épouse Y..., ne serait pas obligée de s'y soumettre ;
Attendu qu'ils relèvent que, selon les assurances données par ces mêmes autorités, si l'enquête ayant permis la découverte de détournements reprochés à Mme X..., épouse Y..., avait été le prolongement de celle diligentée après le naufrage du navire Sewol, événement ayant provoqué les réactions des plus hautes autorités publiques locales, les poursuites engagées contre Mme X..., épouse Y..., n'étaient nullement liées à cette tragédie ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction ayant, ainsi, elle-même, par deux compléments d'information adressés aux autorités requérantes, recherché si la personne réclamée bénéficiera, en république de Corée, des garanties fondamentales relatives à la protection des droits de la défense, au principe de la présomption d'innocence, à la nécessité d'un procès équitable et à l'impartialité des juges, l'arrêt satisfait, en la forme aux conditions essentielles de son existence légale, sans méconnaître les dispositions conventionnelles et légales invoquées ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi et que la procédure est régulière ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit mars deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-87485
Date de la décision : 08/03/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 08 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 mar. 2016, pourvoi n°15-87485


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.87485
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