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02/03/2016 | FRANCE | N°14-21837

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 mars 2016, 14-21837


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, qui est préalable :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux X... ont conclu le 2 mai 1991avec la société Textiles manufactures Picardie (TMP) un contrat de cogérance en application duquel ils s'engageaient à assurer la gestion et l'exploitation d'un magasin de vente de vêtements ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale afin de faire requalifier le contrat en contrat de gérants salariés ou à titre subsidiaire en contrat de t

ravail de droit commun ;
Attendu que pour débouter les gérants de leur d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, qui est préalable :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux X... ont conclu le 2 mai 1991avec la société Textiles manufactures Picardie (TMP) un contrat de cogérance en application duquel ils s'engageaient à assurer la gestion et l'exploitation d'un magasin de vente de vêtements ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale afin de faire requalifier le contrat en contrat de gérants salariés ou à titre subsidiaire en contrat de travail de droit commun ;
Attendu que pour débouter les gérants de leur demande tendant à voir requalifier le contrat de cogérance en contrats de travail, l'arrêt retient que ceux-ci invoquent l'interdiction de vendre des marchandises autres que celles fournies par TMP, qui se réserve la maîtrise des quantités livrées et peut les reprendre à sa guise, la fixation par celle-ci des marges, l'obligation qui leur est faite de justifier des recettes par la bande de contrôle de la caisse enregistreuse et celle de ne vendre qu'au comptant, l'absence de comptabilité du magasin, leurs obligations en la matière se limitant à la tenue d'un livre de caisse qui ne leur permet pas de connaître les charges, l'absence de compte bancaire spécifique au magasin, le fait que les embauches, auxquelles le contrat indique qu'ils peuvent librement procéder d'employés commerciaux est soumise à l'autorisation et donc au contrôle de TMP par le biais du remboursement partiel des salaires et charges, l'obligation qui leur est faite de consacrer la totalité de leur temps à l'exercice de cette activité et que ces éléments, exclusivement tirés de l'analyse du contrat de cogérance, ne caractérisent pas la subordination juridique inhérente au contrat de travail, peu important que la convention des parties ait prévu que certaines « infractions graves » seraient de nature à justifier sa résiliation aux torts des mandataires ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des gérants qui faisaient valoir qu'ils étaient, dans les faits, soumis aux instructions de la société TMP et dans l'incapacité d'embaucher leur propre personnel, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Textiles manufactures Picardie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Textiles manufactures Picardie et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur et Madame X... de leurs demandes en paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaires, d'heures supplémentaires, de repos compensateurs, d'indemnités compensatrices de repos compensateurs, de congés payés, de remboursement de frais, d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages intérêts en réparation du préjudice subi ;
AUX MOTIFS QU'on ne saurait déduire de la clause selon laquelle « l'ouverture du magasin sera toujours assurée conformément aux usages locaux des commerçants détaillants » une obligation de présence des deux époux, point sur lequel le contrat ne leur fait aucune obligation, du mardi au samedi de 10h à 12h30 et de 14h à 19h, et de 10h à 13h le dimanche, allégation qui n'est étayée par aucun autre élément que l'insécurité alléguée dans la rue commerçante du centre de Lille dans laquelle le magasin est situé ; que s'agissant de la durée hebdomadaire de travail de chacun d'eux, le contrat stipule que les « cogérants organisent librement entre eux les modalités d'ouverture et de gestion du magasin, le mandant se contentant de respecter les conditions de répartition » convenues et rien ne permet d'affirmer que la répartition de la commission convenue entre eux, dont le contrat indiquait qu'elle « sera ventilée entre eux d'un commun accord » et indiquée au mandant lors de la signature leur ait été imposée par TMP, ce qui a été précisé par un avenant du 2 mai 1991 ; au demeurant, la répartition de la rémunération n'est pas nécessairement identique à celle de la durée de présence ; que le fait que la société se soit engagée à rembourser aux co-gérants, sur justificatifs, 60% du coût des salaires et des charges du personnel de vente embauché par leurs soins (avenant du 1er septembre 1992), ne traduit pas l'existence d'un contrôle de TMP à cet égard ; que l'obligation d'entretien des locaux comme celle d'en jouir en bon père de famille est légitime, et ne comporte d'autres clauses spécifiques que celles (veiller à l'hygiène et à la sécurité des agencements) imposées par la finalité du contrat ; que les interdictions invoquées ne ressortent ni des documents contractuels (il est simplement indiqué que la fermeture du magasin sans information préalable de la société , sauf les dimanches et jours fériés, constitue une infraction grave) ni des autres pièces produites ; que l'obligation faite aux cogérants de « consacrer tout le temps nécessaire à l'exercice de leur mandat » (I A, avant dernier alinéa) ne caractérise pas davantage la fixation autoritaire des conditions de travail qu'ils invoquent ; qu'il en va de même des stipulations relatives à la réduction du fixe (avenant du 17 février 2005) ou de la prime d'ancienneté (avenant du 30 décembre 2006) en cas d'absence ou de fermeture du magasin ; qu'aucune conséquence ne saurait enfin être tirée de l'exclusivité d'approvisionnement auprès de TMP et de l'interdiction de vendre des produits d'autre provenance, ni de celle de changer les prix de vente fixés par celle-ci, de modifier la nature ou la présentation des articles, ces obligations étant inhérentes à la nature du contrat ; que l'analyse de la relation entre les parties faite par un contrôleur du travail de Lille, dans sa lettre au président directeur général de TMP du 10 mars 2008 est sans intérêt pour la solution du litige comme le constat d'une « charge de travail disproportionnée » fait par le médecin du travail dans son courrier du 12 octobre 2007 ; que le mal fondé de la thèse des époux X... résulte de ce qui précède ; qu'il s'ensuit que les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail, au repos compensateur, à la contrepartie obligatoire en repos et au travail dissimulé ne leur sont pas applicables ;
1. ALORS QUE le chef d'entreprise qui fournit les marchandises au sens de l'article L.7321-3 du code du travail est responsable de l'application aux gérants de succursales des dispositions relatives à durée du travail, aux repos, et aux congés et de celles relatives à la santé et à la sécurité au travail dès lors qu'il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou que ces conditions ont été soumises à son accord ; que Monsieur et Madame X... ont fait valoir qu'en raison de la faiblesse de leur rémunération et de la prise en charge seulement partielle par la société TMP des salaires du personnel embauché par leurs soins, ils n'avaient pas les moyens de procéder effectivement à des embauches et partant de se faire remplacer pendant la durée d'ouverture du magasin, laquelle était fixée par la société TMP, de même qu'ils ne disposaient pas des moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité ; qu'en s'en tenant à l'analyse des stipulations contractuelles liant les parties, sans vérifier, comme elle y était invitée, si Monsieur et Madame X... bénéficiaient, dans les faits, d'une autonomie réelle en matière de sécurité, d'horaires, de repos et de congés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.7321-3 du code du travail ;
2. ALORS QUE la cour d'appel a relevé que le contrat imposait une ouverture du magasin conformément aux usages locaux des détaillants et qu'il prévoyait une réduction du fixe et de la prime d'ancienneté non seulement en cas de fermeture du magasin mais également en cas d'absence des gérants, ce dont il résulte que la liberté de Monsieur et Madame X... de déterminer leurs conditions de travail n'était pas effective ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le même texte.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur et Madame X... de leurs demandes de requalification du contrat de cogérance en contrats de travail et d'allocation de diverses sommes à titre de rappels de salaires, d'heures supplémentaires, de repos compensateurs, d'indemnités compensatrices de repos compensateurs, de congés payés, de remboursement de frais, d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages intérêts en réparation du préjudice subi ;
AUX MOTIFS QUE les appelants soutiennent, à titre subsidiaire, la requalification de leur contrat de cogérance en deux contrats de travail à durée indéterminée ; qu'ils rappellent que le droit du travail ne connaît que marginalement le contrat de couple et soutiennent que la société TMP avait le pouvoir de leur donner des injonctions et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner leur éventuels manquements ; qu'ils invoquent ¿l'interdiction de vendre des marchandises autres que celles fournies par TMP qui se réserve la maîtrise des quantités livrées et peut les reprendre à sa guise ¿la fixation par celle-ci des marges ¿l'obligation qui leur est faite de justifier des recettes par la bande de contrôle de la caisse enregistreuse et celle de ne vendre qu'au comptant ¿l'absence de comptabilité du magasin, leurs obligations en la matière se limitant à la tenue d'un livre de caisse qui ne leur permet pas de connaître les charges ¿l'absence de compte bancaire spécifique au magasin ¿le fait que les embauches, à laquelle le contrat indique qu'ils peuvent librement procéder, d'employés commerciaux est soumise à l'autorisation et donc au contrôle de TMP par le biais du remboursement partiel des salaires et charges ¿l'obligation qui leur est faite de consacrer la totalité de leur temps à l'exercice de cette activité ; que ces éléments, exclusivement tirés de l'analyse du contrat de cogérance, ne caractérisent pas la subordination juridique inhérente au contrat de travail, peu important que la convention des parties ait prévu que certaines « infractions graves » seraient de nature à justifier sa résiliation aux torts des mandataires ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Monsieur et Madame X... bénéficient d'un contrat de gérance de succursale et non pas d'un statut de salarié de droit commun ; que le contrat de gérance, signé par Monsieur et Madame X... est bien régi par l'article L.7321-1 du code du travail qui dispose que les gérants de succursales ne bénéficient pas de l'ensemble des règles de droit commun ; que les relations contractuelles entre les demandeurs et l'employeur n'entrent pas dans le cadre d'un contrat de travail ; que les trois critères déterminant la relation économique particulière aux gérants de succursale, à savoir l'exclusivité d'approvisionnement, la fourniture ou l'agrément du local, la fixation par l'entreprise des prix et autres conditions de vente, sont bien réunis et que les demandeurs détaillent des vêtements déposés par la société TMP dans un local déterminé par cette société et selon des tarifs fixés par elle ; que la partie demanderesse ne démontre pas l'existence d'un lien de subordination juridique, condition nécessaire à la reconnaissance d'un contrat de travail ; que les demandeurs, du fait de leur statut, ne bénéficient que d'une partie des règles du droit du travail (règles encadrant le licenciement, la sécurité sociale, et l'assurance chômage) ; qu'en raison des conditions du travail de gérance de succursale, la réglementation de la durée du travail ne s'applique pas dans le cas de Monsieur et Madame X... ; qu'en conséquence, le bureau de jugement dit qu'il n'y a pas lieu de requalifier le contrat de gérance de succursale des demandeurs et déboute ces derniers de l'intégralité de leurs demandes ;
1. ALORS QUE le contrat de gérance de succursale doit être requalifié en contrat de travail lorsque le gérant accomplit son travail sous l'autorité du fournisseur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner ses manquements ; que Monsieur et Madame X... ont fait valoir que la société TMP, auprès de laquelle ils doivent se fournir exclusivement, détermine les quantités livrées et reprend la marchandise à sa guise, qu'ils ne peuvent contrôler les recettes et les charges en l'absence de comptabilité du magasin, que les produits des ventes sont remis à la société TMP qui les encaisse sur un compte bancaire ouvert en son nom et sur lequel ils n'ont aucun pouvoir, qu'il n'existe pas de compte bancaire spécifique au magasin, que les embauches sont soumises au contrôle de la société TMP par le biais du remboursement partiel des salaires et charges, qu'ils doivent consacrer la totalité de leur temps à l'exercice de cette activité ; qu'en décidant que ces éléments ne caractérisent pas la subordination juridique inhérente au contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L.1221-1 du code du travail ;
2. ALORS QUE le gérant qui n'a pas toute latitude d'embaucher des salariés ou de se substituer un remplaçant à ses frais, doit se voir reconnaître le statut de salarié ; que Monsieur et Madame X... ont fait valoir qu'ils étaient dans l'incapacité financière de procéder à des embauches, compte tenu de la faiblesse de leur rémunération, qui était inférieure au smic, et du fait que la société TMP ne s'était engagée qu'à un remboursement partiel et sur justificatifs des salaires (conclusions d'appel, p. 8 et 9) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans vérifier si Monsieur et Madame X... bénéficiaient de la possibilité effective d'embaucher leur propre personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1221-1 du code du travail ;
3. ALORS QUE le gérant qui n'a pas toute latitude pour déterminer ses conditions de travail, doit se voir reconnaître le statut de salarié ; que la cour d'appel a relevé que le contrat imposait une ouverture du magasin conformément aux usages locaux des détaillants et qu'il prévoyait une réduction du fixe et de la prime d'ancienneté non seulement en cas de fermeture du magasin mais également en cas d'absence des gérants, ce dont il résulte que la liberté de Monsieur et Madame X... de déterminer leurs conditions de travail n'était pas effective ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le même texte.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-21837
Date de la décision : 02/03/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 28 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 mar. 2016, pourvoi n°14-21837


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.21837
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